ESPÉRER LE MEILLEUR. SE PRÉPARER AU PIRE.

   Il n’est plus très bon d’être immigré en Belgique. Depuis quelques années, l’immigré est devenu le repoussoir des populistes mais aussi le réceptacle des frustrations de certains citoyens dont beaucoup n’ont jamais croisé un immigré dans leur vie. 

  Mais être immigré et Syrien, c’est encore pire ! 

La première réaction de notre gouvernement en affaires courantes (courant vers le vide) à l’annonce de la chute de la dictature des Assad a été de charger Nicole De Moor, la secrétaire d’état à l’asile et à la migration, de suspendre immédiatement l’examen des demandes d’asile des Syriens qui ont fui ce régime maudit. Et Nicole de rêver déjà de se débarrasser de quelques milliers de demandeurs d’asile. 

Il est pourtant facile de vérifier que Tui n’a pas encore repris ses vols touristiques vers Damas. Alors que Tripadvisor, il est vrai, propose sans état d’âme et sans rire dix merveilleux sites à visiter en Syrie. Dont la citadelle d’Alep avec son temple hittite (lieu de terribles bagarres entre les troupes d’Assad et ses opposants, on ne sait ce qu’il en reste), les ruines de Palmyre (lesquels ne sont pas les victimes de l’aviation russe) ou le Crac des Chevaliers, gigantesque château-fort construit par les Croisés (dont sans doute quelques aventuriers belges) mais bombardé par les troupes du régime.

C’est dans ces lieux paradisiaques que Madame De Moor veut renvoyer les Syriens qui ont cru trouver un abri provisoire chez nous ? 

Bien malin qui peut deviner où va désormais la Syrie. Détruite économiquement, grondant des querelles entre plusieurs inquiétants groupes rebelles antagonistes, le pays ne risque pas d’attirer les millions de Syriens qui ont dû fuir pour survivre dans des conditions difficiles au Liban, en Turquie, en Allemagne, certains chez nous.    

 La Syrie, plaque tournante du Proche Orient en raison de sa situation géographique, de ses frontières avec cinq états, n’est pas prête de retrouver la paix. L’histoire incite d’ailleurs au pessimisme. C’est le pays d’Orient qui a connu la plus grande instabilité politique depuis son indépendance au lendemain de la seconde guerre mondiale jusqu’au coup d’état de Hafez el- Assad. 

Avec les Syriens restés au pays, on danse de joie, on partage le bonheur de voir sortir quelques morts-vivants des geôles moyenâgeuses où ce régime fou les a enfermés mais on ne peut oublier qu’après tant de scènes de liesse, la fin de dictatures cruelles s’est transformée en chaos, de la Lybie à Haïti, ou en nouvelles dictatures comme en Iran. 

Mais, qui sait, ce peuple hautement civilisé parviendra peut-être à faire mentir les oracles inquiétants…

Ps : les amateurs de l’excellent Lee Child aura reconnu dans le titre la devise de son héros, Jack Reacher. 

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L’ ÂGE DE GLACE

On nous parlait tant du réchauffement climatique qu’on avait failli par y croire. Mais Trump et Poutine viennent de nous prouver qu’on avait tort d’écouter les Cassandre. On ne vogue pas vers les douces chaleurs tropicales; on replonge dans l’âge glaciaire. Alep, c’est l’âge des cavernes, avant que les hommes ne se mettent à couvrir les grottes de dessins, premières marques de la civilisation. La Syrie, c’est le mammifère avant Lascaux. Avant le développement du cerveau.

Seule consolation : si les glaces reviennent, on va échapper à la guerre froide. Russes et Américains sont d’accord pour se faire des tongkus à la mode soviétique de jadis. A cette époque, les chefs des deux grandes puissances avaient installé un téléphone rouge entre leurs capitales pour éviter tout malentendu.

« Allo ? Excusez-moi, tovaritch, je préfère vous avertir. Un pilote militaire américain devenu fou va jeter une bombe nucléaire sur Moscou et je ne suis pas capable de l’arrêter.

– Merci de m’avoir appelé, camarade Président. Mais j’ai vu le film « Docteur Folamour » et je sais que vous aimez plaisan… Oh ! Mon Dieu ! »

Cette fois, Trump a fait mieux. Il a nommé à ses côtés, à la tête des Affaires étrangères, Rex Tillerson, un représentant personnel du président russe qui pourra lui dire, chaque fois qu’il aura une décision à prendre, si elle convient ou non au président Vlad. Mieux vaut prendre les devants que d’essuyer les dégâts après coup dans une désagréable conversation téléphonique qui vous donne mal à l’estomac et vous gâche votre soirée au coin du feu.

« Dites-moi, mon cher Rex, que pensez-vous de ça : les Estoniens me supplient d’envoyer une des petites brigades de l’OTAN vagabonder sur les plages de la Baltique, du côté de Tallinn ?

– Vlad ne sera pas content, président. Pas content du tout. Si nos soldats ont des fourmis dans les jambes et rêvent du bord de mer, pourquoi ne pas leur proposer un séjour dans une île du Pacifique ? Il y fait beaucoup plus chaud.

– Justement, Rex. Avec la montée des océans, ne risquent-ils pas d’avoir bientôt de l’eau jusqu’aux épaules ?

–  Mais, avec votre arrivée à la Maison blanche, monsieur le Président, la planète a arrêté de se réchauffer.

– Bon sang ! C’est vrai ! Où avais-je la tête ? »

Le bon Rex n’aura d’ailleurs pas d’autre activité que d’assurer la liaison entre Moscou et Washington. Dans un souci de simplification qui rend la politique beaucoup plus compréhensible aux Américains moyens, le président élu a décidé de se partager les tâches avec son homologue russe. A lui la politique intérieure. A Poutine, la politique extérieure. S’il n’y a plus qu’un seul maître du monde, comment pourrait-il encore y avoir des conflits ? Alléluia !

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