LE ROI DE LA BANQUISE

  En guise de cadeau pour fêter l’an neuf et son retour à la Maison Blanche, Donald Trump a vu grand. Faute de pouvoir annexer Mars, malgré les fanfaronnades d’Elon Musk, il réclame le Groenland. C’est tout aussi froid que la planète rouge mais c’est plus près de l’Amérique. Et assez grand pour satisfaire son insatiable appétit – trois fois le Texas.

C’est vrai qu’il n’y a que de la glace, quelques igloos et une prison (dont vient de sortir Paul Watson, le défenseur des baleines). Il y a aussi quelques dizaines de milliers d’Inuit. Que faire de ces indigènes ? Pourquoi ne pas les envoyer dans une réserve rejoindre ce qui reste des tribus indiennes ? Vieille tradition américaine. De quoi se plaindront-ils ? Ils bénéficieront d’un bon soleil bien chaud toute l’année. Et ils pourront ouvrir des casinos. C’est plus amusant de jouer à la roulette que de faire des trous dans la banquise pour tenter d’attraper des flétans ou des loups de mer. 

Parlons sous. Trump n’est pas encore Poutine. Il est prêt à signer un chèque pour acquérir ce gigantesque bâton glacé plutôt que d’envoyer l’armée annexer le territoire. Pour estimer son prix de vente, il suggère de se baser sur le prix d’achat par les Hollandais de l’île de Manhattan, payée à l’époque soixante florins (environ mille dollars d’aujourd’hui). Ou sur l’acquisition de l’Alaska pour laquelle les Russes ont reçu, peu après la fin de la guerre de Sécession, 7.200.000 dollars. 

Mais, qu’il se méfie, ce n’est pas sans risque qu’on acquiert ce genre de territoire. Depuis un décret menaçant mais imprécis de janvier 2024, le président Poutine laisse entendre qu’après avoir remis l’Ukraine dans son escarcelle, il pense à reprendre l’Alaska pour poursuivre son rêve de reconstituer l’empire impérial. Trump devrait se méfier d’une offensive viking ou inuite s’il hisse la bannière étoilée sur Thulé ou sur Nuuk, la capitale. L’armée américaine a montré ces derniers temps bien du mal face aux ressortissants des pays qu’elle a voulu mater. 

Imaginons que la transaction se fasse. Que va faire le nouveau président de ces deux millions de km² de glace ? Construire quelque Trump Towers avec vue sur mer ? Mais il faudra bien du talent aux agents immobiliers pour convaincre les futurs propriétaires de passer leur vie à regarder des icebergs. Sauf à leur garantir qu’avec Trump, le réchauffement climatique va si rapidement s’accélérer que le pays ressemblera bientôt à la Riviera…  

Il pourrait aussi en faire une terre d’asile pour ces millions d’immigrants qu’il veut expulser. Mais qu’il se méfie : ce sont les meilleurs des immigrants qui ont fait des Etats-Unis la première puissance du monde. Si ça se trouve, dans quelques décennies, le Groenland leur tiendra la dragée haute…  

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