Pendant longtemps, les francophones ont observé avec un peu d’ahurissement les tourbillons du paysage politique flamand, tel Tintin guettant l’Etoile mystérieuse dans la lunette du professeur Kalys. La création d’astéroïdes issus du Big Bang de la Volksunie puis leur attraction par les grandes planètes qui passaient à leur proximité, le morcellement de la droite populiste et autonomiste en autant de nouvelles comètes, l’apparition à chaque élection de nouvelles étoiles suivie de leur disparition tout aussi rapide dans le grand noir interstellaire, le changement d’identité des partis traditionnels ainsi que le yo-yo de leurs programmes et de leurs scores électoraux, tout cela avait de quoi donner le vertige. Le scénario de ce feuilleton semblait aussi incompréhensible que le premier épisode de « Star Wars » en version moldave. Mais les francophones se consolaient de l’absence de sous-titre en pensant, avec une certaine condescendance, être à l’abri de ce maelstrom, grâce à quatre partis stables, des électeurs fidèles et obéissants à leurs maîtres et une extrême droite bloquée dans le vide sidéral.
Or, voilà que le paysage politique wallon connaît à son tour de violentes bourrasques.
Cela a commencé par la volonté de l’astéroïde FDF, qui tournait paisiblement autour de Bruxelles depuis plus de quarante ans, de sortir de son axe pour affronter la galaxie wallonne au nez et à la barbe de la nébuleuse libérale. Puis l’apparition à sa droite, venant de la face la plus sombre de l’univers, du Parti Populaire. Dont l’électorat semble aussi « populaire » que celui de l’extrême droite est « socialiste ». Et dont la force d’attraction risque d’être aussi faible.
Ce qui a surtout bousculé la valse des planètes en Wallonie, c’est le « scoop » de la Libre Belgique, annonçant le projet de trois jeunes astronautes, Charles Michel, Melchior Wathelet junior et Jean-Michel Javaux d’unir leurs vaisseaux pour en faire une grande station spatiale humanisto-liberalo-écologique. Sur grand écran et en 3 D.
Un nouvel « Avatar » ?
Une déclaration de guerre de Mars à la planète Terre ?
En tout cas, l’affaire a fait l’effet d’un météorite s’écrasant sur Charleroi.
Au point que les trois « amis » se sont empressés de démentir l’information. Ou plutôt, ils se sont contorsionnés pour expliquer que s’ils avaient évoqué ce scénario de politique-fiction, c’était dans le cadre d’une rencontre détendue autour d’un Baby Foot. Rassurez-vous. Il n’y a rien à voir. Juste une blague d’étudiant autour d’un verre un soir de Saint Verhaegen.
Hélas pour eux, nier l’affaire était impossible. Tout ce qui se passe à l’intérieur d’un vaisseau spatial est filmé et les micros sont ouverts. Des photographes avaient immortalisé la grande scène où les trois maladroits se donnaient la main. Et plusieurs témoins affirment avoir entendu la discussion. Difficile dans ces conditions de prétendre que les journalistes ont menti ou imaginé un poisson d’avril avec un mois de retard.
« Allo, Houston ? We have a problem… »
Pour leur malheur, un E.T. assistait à la rencontre historique. L’ineffable Michel Daerden, ce jour-là quatrième partenaire de Kicker des trois Martiens. Un type qui n’est pas du genre à se taire. Au contraire, on le voit bien raconter à ses compagnons de bistrot l’incroyable dialogue entre les trois audacieux.
Car le ministre démissionnaire des Pensions ne s’était pas joint à l’utopie. Même si l’alcool coule à flots, Michel Daerden a toujours affirmé qu’il n’est jamais ivre.
En est-il de même de ses trois partenaires de jeu ? S’ils ont essayé de le battre sur ce terrain, on comprend mieux la mouche qui les a piqués.
Reste que ce projet redessine complètement la voie lactée : un morceau du parti libéral (l’aile centre gauche), un morceau des démocrates humanistes ex-chrétiens et la tendance centre droit chrétienne des écolos. Le vieux rêve wallon d’un bloc de droite traversant l’inamovible barrière socialiste.
Le seul problème est que si l’univers est en perpétuel expansion, le nombre des électeurs wallons ne l’est pas. Et qu’ils ne sont pas du genre aventureux. Déjà aller travailler en Flandre, c’est pour beaucoup d’entre eux passer dans une autre dimension. Alors, les convaincre d’embarquer pour la Lune, c’est mission impossible….
Alain Berenboom