La fin des examens confrontera dans quelques jours des milliers d’étudiants à cette étape difficile de leur vie : quitter le doux cocon de l’école pour se mettre au travail. On comprend l’ardeur mise par certains à prolonger indéfiniment cette vie facile en multipliant les licences complémentaires, les voyages d’études à l’étranger ou en se lançant dans de longs voyages tropicaux.
La lecture des offres d’emploi du week-end est assez décourageante, il faut l’avouer. Seule consolation : elle offre une intéressante photographie de l’état du pays, plus révélatrice que bien des enquêtes sociologiques (et nettement plus économique).
Quel est le job le plus demandé actuellement ? Directeur d’intercommunales ? Gestionnaire d’habitations sociales ? Echevin ? Vous n’y êtes pas : même dans les régions où une étrange épidémie a décimé les responsables en place, ces postes-là, aussitôt libres, sont automatiquement occupés sans appel aux petites annonces. Non, la tête du hit parade des emplois vacants, c’est infirmière dans une maison de retraite.
Les diplômés universitaires arrivent loin derrière. Très loin. Et, inutile de proposer ses services si l’on a qu’un simple master dans son petit panier. Pour espérer être écouté, il faut au moins une collection de licences complémentaires, une brochette de langues plus ou moins exotiques (la connaissance du néerlandais et de l’anglais semble un atout aussi peu exceptionnel que jadis savoir lire et écrire). Et une expérience de plusieurs années.
Vers où se tourner alors ? Autrefois, on recrutait des cadres haut de gamme à la R.T.B.F. C’est fini : les excellents gestionnaires qui ont repris les manettes de la Casa Kafka ont décidé qu’il faut être Français pour programmer la télévision belge ou diriger la radio classique. D’abord, ils coûtent tellement plus chers et surtout ils offrent à nos gestionnaires l’impression flatteuse de pouvoir apprendre quelque chose à ces gens. Justement : instit’. Quel beau métier ! Le plus beau (et le plus vieux du monde, quoi que disent certaines). Mais tellement mal payé. Méprisé par les parents et les élèves. Et oublié par trop de brillants candidats étudiants qui visent seulement un diplôme estampillé par une université. Pourquoi ne pas intégrer ce cursus essentiel et magnifique dans les campus universitaires ?
Le fils d’une de mes amies est diplômé en sciences politiques de l’U.L.B; il a une licence complémentaire en environnement, acquise en Espagne et une autre en gestion de la V.U.B. Il a trouvé un job : il enseigne l’anglais des affaires dans une école privée à Shanghai à d’anciens cadres du parti communiste. C’est peut-être plus dépaysant que travailler comme infirmière dans une seniorie – quoique…
Alain Berenboom
Paru dans LE SOIR