LE CAROLO UGLY BROTHER

chronique
Les thèmes des reality shows et autres star ac’ commençant à s’épuiser, les producteurs ont compris que, pour relancer l’intérêt des téléspectateurs, il fallait surenchérir dans le guignol en jouant la carte du sordide. Aux Pays-Bas, grâce au très raffiné Endemol (propriété notamment de Silvio Berlusconi), une cancéreuse en stade terminal trônant sur un plateau télé va choisir le bénéficiaire de son rein entre plusieurs candidats (applause !)
En Belgique, c’est la ville de Charleroi qui relève le gant. Lassés des quolibets et des lazzis, les dirigeants socialistes locaux ont longtemps cherché le moyen de redorer leur image auprès du public. Les inculpations n’ont en effet servi à rien, ni les contritions et autres excuses. Les élections communales pas davantage. Dans l’isoloir, les citoyens perdus devant ces listes décourageantes de noms et de sigles inconnus, poussent un grand soupir, haussent les épaules et cochent comme toujours le nom de leur seigneur (leur saigneur serait plus exact). Après ça, ledit roi, réélu pour la centième fois, fait semblant dans un grand geste de générosité de s’entourer de nouveaux bouffons. Mais, personne ne s’y trompe, le spectacle reste le même. Comment alors provoquer un électrochoc qui redonnerait à la population le goût de la politique ?
Une idée géniale vient de jaillir dans le cerveau fertile de certains de ces messieurs : un jeu, un show, le Carolo Ugly Brother. La démocratie ayant démontré son inutilité, place à la télé ! Un outil que le citoyen d’aujourd’hui comprend et manie bien mieux que le crayon électronique.
A l’occasion des élections, il s’agit (en principe) de choisir les meilleurs dirigeants. On a vu le résultat… Avec le jeu télé, plus d’hypocrisie : le gagnant est vraiment le dirigeant le plus affreux. C’est celui qui a commis le plus d’infractions qui accumule les points. Spéculation immobilière grâce à des renseignements d’initiés ou faux procès-verbaux du conseil communal, c’est pas mal mais insuffisant pour accéder aux demi-finales. L’achat de vins avec la caisse des habitations sociales, c’est mieux. Une caisse noire dans le dos du service troisième âge, c’est assez dégoûtant pour valoir une prime. L’argent des contribuables dépensé pour équiper des maisons de campagne, payer les frais de bouche et les voyages lointains des grands chefs, c’est classique mais vu le montant, cela mérite un coup de chapeau. Le financement d’une équipe sportive à Carcassonne, ça c’est beaucoup plus original. Pour ma part, je vote la qualification en finale de l’auteur de cette trouvaille. Mais on attend la suite avant de désigner le vainqueur. A Charleroi, on n’est jamais déçu. L’imagination est au pouvoir (de l’argent).

Alain Berenboom
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VERTU FRAICHE

chronique
Je ne cache pas le plaisir un peu pervers que je prends certains soirs de déprime à lire les discours des ministres de la Communauté française. Saturé de reportages sur l’explosion du libéralisme nécessairement sauvage ou sur le plongeon des cadres de sociétés en parachutes dorés, il est rafraîchissant d’entendre une ministre parler de « l’universalité de l’humain » à travers « une autre mondialisation » tout ça juste pour ouvrir un festival à Liège et une autre excellence soutenir, paraît-il, l’engagement d’un clown pour aider les chômeurs à retrouver de l’emploi. Après le plan Marshall, le cirque de Moscou.
Nul n’a écrit des mots aussi ardents que les leaders politiques de la culture pour défendre le service public à la radio et à la télévision et protéger l’âme des enfants mais il vaut mieux regarder leurs discours que la RTBF ou les locaux des écoles. Jamais les programmes n’ont été autant pollués par la pub. Et les distributeurs de boissons affichant les marques les plus connues décorent les locaux des écoles (cachant ainsi par de jolies couleurs fissures et autres dégradations). Les parents, amis et voisins n’ont jamais été autant sollicités. Faute de manuels scolaires, les écoles achètent des photocopieuses. En faisant les comptes, on découvrirait peut-être que le coût des machines et surtout la « participation » des parents au remboursement des photocopies permettraient d’acquérir une bibliothèque de livres reliés pleine toile …
N’oublions pas les voyages scolaires. Jadis, les fancy-fairs contribuaient à boucler les budgets. Maintenant, la technique branchée s’appelle le porte-à-porte. Les enfants des environs viennent sonner, une attestation à la main indiquant que leur mendicité est très morale puisque soutenue par leurs profs : ils font la manche pour payer le voyage scolaire et non pour survivre, comme les malheureux qui se jettent sous les voitures à certains carrefours de la capitale. Certains proposent des cakes maison, des bougies, des savons, joyeux modèle de l’économie parallèle des pays sous-développés. Et, sur les marchés le dimanche, des bambins de moins de six ans interpellent le chaland en vendant des fleurs pour financer leurs camps d’été. Est-ce une manière de leur apprendre la survie en communauté française ? Ou une pub pour la re-fedéralisation de la protection de la jeunesse ?

PS : Si la lecture des discours ministériels et des tracts électoraux vous laissent un peu de temps, évadez-vous ce long week-end dans la Suède noire. Après les polars d’H. Mankel qui égratignent le beau vernis de la social-démocratie (modèle de Sarkozy et de Royal), voici un autre Suédois qui nous emballe, Stieg Larsson et sa trilogie « Millenium » (chez Actes sud).

Alain Berenboom
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REFONDATION

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La mode est à la refondation. Le parti socialiste français s’est emparé de cette belle expression pour cacher les dégâts causés par son implosion et donner « du grain à moudre » au « peuple de gauche » qui a toujours vécu de promesses et de belles phrases. Sentant le potentiel de cette formule très médiatique, la droite sarkozienne n’a pas voulu en laisser le monopole au pauvre Hollande et à ses SDF (entendez : sociaux-démocrates fichus). Elle s’en est donc servie pour expliquer que le parti créé par Chirac a disparu pour être remplacé par un autre tout à fait différent, qui porte le même nom, adoube les mêmes députés, est dirigé par les mêmes hommes et a le même but, cirer les pompes du président.
Il faut se méfier des belles formules. La fracture sociale a failli conduire à la cassure définitive. La force tranquille a mené à la stagnation, à l’élimination de la gauche du pouvoir pour longtemps et au plus beau score électoral du Front national. Où va conduire la refondation ?
Les amoureux de littérature se souviennent que « Fondation » est le titre d’un des plus beaux cycles de science-fiction. Isaac Asimov imagine qu’un personnage nommé Harry Seldon développe une science nouvelle, la protohistoire, qui permet de calculer les errements de l’histoire future. A sa mort, Seldon prédit la chute de l’empire et l’arrivée de trente mille ans de barbarie, dominés par les marchands. Trente mille ans… Fichu présage pour les malheureux socialistes français qui ont lancé l’idée de refondation, ignorant manifestement le livre d’Asimov. La faute à Jack Lang ? Leur grrrand spécialiste culturel n’a pas eu le temps d’analyser le célèbre roman car il devait d’abord terminer la lecture du programme de S. Royal.
Seldon prévoit deux moyens pour limiter les conséquences des âges de barbarie. Une fondation destinée à préserver les acquis de la civilisation, qui s’appelle Terminus (un nom à déconseiller si le PS veut changer son sigle) Et sa propre réapparition aux grands moments de crises afin d’indiquer à ses successeurs la voie à suivre.
La réapparition de l’homme providentiel en plein milieu de la crise, voilà peut-être une idée pour sortir la gauche de la mouise. Certes, Arlette Laguillier, réapparue régulièrement tous les sept ans, n’a pas fait beaucoup d’effet. Mais observons Bernard Kouchner qui réapparaît à droite quelques jours seulement après avoir sombré à gauche.
Peut-être faut-il se montrer plus audacieux et se servir de personnalités mythiques. C’est ce que Sarkozy a parfaitement compris en faisant réapparaître miraculeusement à ses côtés Jaurès et Léon Blum. Allez, Hollande, tente enfin de nous surprendre ! Songe à Louis XIV, un royal qui a réussi.

Alain Berenboom
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VACANCES DU POUVOIR

TEXTE INEDIT – sur le site www.berenboom.com

Le président Sarkozy s’en va flotter trois jours à Malte et la France est dans la tempête. C’est son hôte, V. Bolloré qui dérange et qui donne l’occasion aux amis de Ségolène Royal de canonner. Eux qui ont manqué si cruellement ces dernières semaines de thèmes de campagne en ont enfin trouvé un !
Pourtant, les dirigeants socialistes ne sont pas les derniers à lorgner côté caviar. Blair fréquentait les îles de rêve de quelques amis fortunés et G. Schröder continue d’émarger au budget de Gazprom, le géant russe de l’énergie. Sans rappeler quelques mauvaises fréquentations de l’empereur de gauche, François Mitterrand. Le pouvoir politique et le pouvoir de l’argent, ça ne s’affiche pas bras dessus bras dessous.
Quelle hypocrisie tout de même ! Les dîners en ville ou les week-end champêtres offrent autant de possibilités d’échanges pas très catholiques que les voyages de luxe. Le grand patron de la F1, avant tout grand cigarettier, qui était devenu le meilleur ami de Blair s’en frotte encore les mains. Remords ou contrition, l’ex premier ministre anglais a ensuite beaucoup investi dans les services de santé…
Les réactions et les critiques à ces flirts de vacances ne viennent-ils pas de politiciens déçus ? Madame Royal a autant mérité de se reposer que monsieur Nicolas mais avec les amis qui lui restent, elle peut difficilement espérer une autre destination que La Panne ou Palavas-les-Flots.
Les Français ne devraient pas se plaindre. Si leur nouveau président est accueilli dans le luxe et la volupté, c’est parce que le pays compte encore quelques industriels fortunés qui aiment célébrer le suffrage universel. En Belgique, vers qui pourrait se tourner le vainqueur des élections ? Nos banques, nos compagnies d’assurances, nos entreprises sidérurgiques et d’énergie, nos grands magasins, notre industrie alimentaire, même nos éditions de bandes dessinées, tous les joyaux de l’économie belge ont été vendus à des groupes multinationaux. Et on voit mal monsieur Mittal offrir au bourgmestre de Liège un week-end à Goa. Ce qui explique pourquoi les pauvres députés socialistes wallons devaient aller chercher dans la poche des habitants sociaux de quoi s’offrir quelques jours de chasse en Ukraine et que le séjour à Cuba de fonctionnaires et de politiciens de la communauté française se paye sur le budget du CGRI. Avec un peu d’imagination pourtant, nos hommes politiques devraient s’en sortir. Didier Reynders par exemple qui s’est dévoué pour les PME peut espérer un paquet de frites place Jourdan. Ce n’est pas Malte mais de Liège à Bruxelles, le voyage est parfois encore plus dépaysant.

Alain Berenboom

EN MAI

actualite

Alain Berenboom est l’invité du « Coup de Midi » à la Bibliothèque des Riche-Claires 24 rue des Riches-Claires à Bruxelles (Bourse) le vendredi 11 mai à 12 h 30 où il est interrogé par Jacques De Decker, à propos de son roman « Le Goût amer de l’Amérique » (entrée gratuite).

MENSONGES, ETC

chronique
Mark Twain observait qu’il y a les mensonges, les foutus mensonges et les statistiques. Une remarque qui n’a rien perdu de son actualité avec la multiplication des sondages. J’adore les sondeurs commenter leurs enquêtes. Leurs résultats sont parfaitement fiables pourvu qu’on oublie les réserves. D’abord « la marge d’erreur » : 5% en plus et en moins. Avec cette précaution, faut-il perdre son temps à interroger 850 personnes ? Il suffit d’ingurgiter trois gueuzes « Mort subite » et d’inscrire les scores sur les ronds de bière.
L’encre de leur chèque à peine sèche, les sondeurs précisent aussi que leur enquête est déjà périmée : elle n’est qu’une « photographie de l’opinion » à un moment donné (le moment qui précède la remise du chèque). Pourtant, de ces sondages aussi frais qu’un yaourt abandonné dans un frigo par un navigateur solitaire avant son départ, tout le monde va faire ses choux gras. En oubliant la fameuse marge d’erreur, la photo à un moment donné, etc.
Dernière victime connue, ce pauvre monsieur Bayrou. Drogué par les sondages, il s’y voyait déjà : deuxième tour en douceur et hop, L’Elysée ! Patatras ! Que lui reste-t-il maintenant ? Ségolène, plus gentille qu’on ne le dit, lui a offert un faux débat de deuxième tour pour prolonger ses illusions. Il paraissait si heureux ! On aurait dit Charles-Quint assistant à la répétition de ses funérailles.
Alors que la majorité de ses électeurs vont voter Ségolène qu’il avait tant critiquée et que ses députés sont allés cirer les pompes de Sarkozy, qu’il avait tant vilipendé, Bayrou reste là, tout seul, avec son ni-ni à la main, à attendre dans cinq ans le retour des sondages.
Imaginez que dimanche, Sarko soit battu, que répondra le patron de l’institut machin, en essayant de ne pas prendre la main du président de l’UMP dans la figure ? « Ah ! mon pauvre monsieur, à deux jours près, vous étiez président. » « Deux jours ? » « Je vous avais averti (regardez là en petits caractères sur nos conditions de vente) : notre enquête n’est qu’une photo , etc.. » Vous auriez dû avancer les élections ou remplacer le vote par le sondage – tout le monde vous aurait été reconnaissant.
Le sondage du Soir publié au début de la semaine a provoqué beaucoup d’émotion. Seul Guy Verhofstadt ne s’en fait pas. 17% aujourd’hui, avec une marge d’erreur de 10 %, pas de problème pour lui : il est déjà en tête ou presque. On comprend les hésitations de M. Leterme à revendiquer le poste de premier ministre. Quant aux socialistes, c’est l’heureuse surprise. Les voilà toujours le plus grand parti francophone. Même que Van Cauwenberghe a promis à di Rupo de sortir encore quelques petites choses de son placard puisque les sondés wallons ont l’air d’aimer ça.

Alain Berenboom
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VENT FRAIS

Di Rupo face à Leterme, Royal face à Sarkozy et peut-être Bayrou. Les débats comme les portraits et les émissions politiques ont la cote en ce printemps brûlant et électoral. Même le choc entre Hillary Clinton et Barack Obama, qui n’aura pourtant lieu qu’en 2008, est déjà au menu des conversations de bistrots à Bruxelles. Les citoyens reviendraient-ils à la politique ou est-ce seulement le reflet d’une mode éphémère, stars d’un jour comme hier un mannequin, une princesse, une starlette ou un sportif plus ou moins chargé (de bien des péchés) ?
A entendre leurs discours, les hommes et femmes politiques reviennent aux arguments de fond. Ils ne demandent plus seulement à leur gourou de choisir la couleur de leur chemise, la forme de leur cravate ou le look de leur paire de lunettes, longtemps considérés comme gage de leur succès – pratique qui a entraîné un dangereux rejet du politique, des abstentions record et le succès des partis d’extrême droite. Les choses changent.
Paradoxalement, le fait qu’aucun des trois candidats à l’Elysée ne convainc tout à fait est un signe de démocratie. L’électeur veut décider sur base du contenu de leurs propositions et pas seulement être entraîné par l’émotion, le « charisme », la force d’une personnalité. Le système français –détestable- avait été taillé sur mesure à la gloire du général de Gaulle, pour statufier un mythe. Seul F. Mitterand avait pu se glisser dans cet habit en cachant soigneusement ce qu’il avait fourré au fond des placards. Une nouvelle génération de politiciens arrive. Et le citoyen exige d’être entendu (Internet a accéléré le phénomène), vérifie si les promesses ont été tenues, réclame des comptes en cours de mandat. Je ne sais pas si la « démocratie participative » de S. Royal va fonctionner au cas où elle est élue ou si elle n’est qu’un gadget de marketing mais cette idée est le reflet de cette évolution.
Les scandales à répétition dans la gestion des services publics de Charleroi est aussi le miroir d’une nouvelle façon de voir la politique. « Que me reproche-t-on ? On a toujours fait comme ça ! » criait pathétique l’échevin Despiegeleer quand il a été arrêté. Il n’avait pas tort. Mais il n’a pas compris que cette méthode de gestion de la chose publique, c’est fini.
L’arrivée de Carine Russo en politique après le départ de Marc Wilmots, est un autre symbole. Après une image médiatique choisie par des dirigeants cyniques dans la collection Panini, véloce devant le goal mais incapable de s’intéresser aux débats, voilà une femme qui se présente pour exprimer une expérience de vie et la transformer en termes politiques.
Près de vingt ans après la chute du Mur, on commence peut-être à construire enfin la démocratie…

Alain Berenboom

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AVRIL AU PORTUGAL

On apprenait mercredi dernier, coup sur coup, le transfert de Jean-Pierre Bemba de la RDC au Portugal et celui d’Anne Delvaux de la RTBF au Sénat. Comme il n’existe pas de coïncidence selon mon cousin psychiatre, j’ai tenté d’analyser objectivement le lien entre ces deux événements. Quoi de commun entre Anne Delvaux et Jean-Pierre Bemba ?
D’abord la couleur des cheveux. Attendez avant de crier à la futilité ! Convenez que ce n’est pas par caprice qu’Anne Delvaux, cette belle blonde qui faisait les délices des téléspectateurs mâles, a décidé il y a quelque temps d’assombrir sa chevelure. Comment ne pas penser que cela cachait de noirs desseins ? Imaginez en effet Bemba se teignant en blond. Kabila aurait-il eu besoin de l’exiler ? De là, à penser que Anne Delvaux a choisi de changer de couleur pour quitter son confortable fauteuil de présentatrice vedette, il n’y a qu’un pas. Cela ne prouve rien répliqueront tous ceux qui ont un faible pour les blondes.
Bon, alors, l’humanisme ? Est-ce ça leur commun dénominateur ? On n’a pas toujours célébré les qualités humanistes du principal opposant congolais. Mais, foi de Louis Michel, ses vilaines manies, c’est du passé, juré-craché. Depuis quelques mois, cet homme est devenu un démocrate respectable – grâce aux financements de la commission européenne; ajoutez deux zéros, merci.
Anne Delvaux aussi n’a pris que très récemment le chemin de la démocratie humaniste. Ce n’est que le jour de sa démission, à en croire le reportage diffusé au journal télévisé, qu’elle a découvert les locaux de l’ex-P.S.C.
Reste enfin l’exil. Anne Delvaux a été appelée en politique par un de ses anciens collègues, Jean-Pol Procureur, qui s’est fait l’avocat de Joëlle Milquet. On se rappelle qu’en d’autres temps, il fut le faux mari de la présidente du Sénat Anne-Marie Lizin. Munis de passeports trafiqués, les deux faux époux s’étaient aventurés en Algérie récupérer des enfants victimes d’un rapt parental. Jean-Pierre Bemba non plus n’a pas froid aux yeux mais il dispose d’un vrai passeport – et d’un Boeing. Mais n’est-ce pas par une sorte de rapt qu’il se retrouve aujourd’hui à Lisbonne alors que les électeurs ont voulu qu’il soit la voix de l’opposition à Kinshasa ?
Quoi qu’il en soit, la question qui les taraude tous deux doit être la même : leur avenir est-il devant ou derrière eux ?

PS : Les amoureux de l’Afrique et ceux qui ne le sont pas encore doivent voir d’urgence Si le vent soulève le sable de Marion Hänsel, âpre et magnifique odyssée d’une famille lancée sur les pistes à la recherche de l’eau entre les milices et les soldats soi-disant réguliers. Un film à recommander chaudement à Bemba, Kabila (et à Anne Delvaux !)

Alain Berenboom
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RETOURNER CASAQUE

chronique
Imaginez que, lassé du chômage et des promesses jamais tenues sur le redressement de votre région, le plan Laurel, le plan Hardy, vous quittiez votre maison, vos amis, tout ce que vous aimez pour donner un avenir à vos enfants. Direction : le Kazakhstan, ce far East qui se donne des allures de conquête de l’Ouest de jadis. C’est pas rigolo mais il y a du boulot. Vous n’avez pas grand-chose en poche : les passeurs, la nourriture ont mangé votre maigre pécule. Bien sûr vous n’avez pas de papiers, pas de visa. L’entrée au Kazakhstan par la voie légale est pratiquement impossible. Comme le dit son éternel président : « Notre pays ne peut accueillir toute la misère du monde ». Cela vous rappelle quelque chose mais en kazakh, la phrase sonne plus poétique qu’en français et en flamand. Justement le kazakh. Vous qui connaissez le français, un peu de wallon et quelques mots d’anglais grâce aux jeux vidéos de votre fils, vous vous grattez la tête. Mais vous êtes intelligent, énergique, vous voulez vous intégrer. Donc, vous parvenez à décrocher un petit boulot puis un autre. Votre femme fait les ménages des nouveaux riches. Au bout d’un an, vous vous débrouillez en kazakh. Vous avez appris à déchiffrer les caractères cyrilliques et vous comprenez même le russe, l’autre langue principale du pays. Vos enfants qui brillent à l’école se sont faits des copains avec lesquels ils fêtent Nauryz, le premier jour du mois lunaire, la grande fête chamaniste du printemps. Ils ne peuvent les accompagner lors des voyages scolaires en Russie ou en Ouzbékistan mais ils parlent mieux la langue locale que bien des Russes installés dans la région depuis l’époque stalinienne. Et voilà qu’un jour, vous recevez un ordre de quitter le territoire. Quand vous avez essayé de légaliser votre situation, vous avez découvert que le mot kafkaïen est universel. Les critères de régularisation sont obscurs. Ceux qui obtiennent un permis de séjour doivent jurer de garder le secret. Voilà sept ans que vous êtes là sur les bords de la mer Caspienne, vos à l’école, vous travaillez, décidé à terminer vos jours dans ce pays devenu le vôtre même si de temps en temps la nostalgie de votre petite ville de Wallonie vous taraude, les amis, le foot et les promenades du dimanche sur la rivière. L’office des étrangers, le ministre de l’intérieur n’en ont cure. Back to Brussels south ! Quand vous débarquez, vous avez envie de pleurer. Charleroi est devenue plus étrangère qu’Alma Ata.

Ce billet est dédié à une famille kazakh de Blankenberge installé depuis plus de sept ans en Belgique que le ministre de l’intérieur a décidé de renvoyer malgré une décision du tribunal de Bruges.

Alain Berenboom
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L’HOROSCOPE EUROPEEN CONTINUE…

chronique
Lion :Allemagne. C’est pour mater vos envies d’être le roi des bêtes (et méchants) que l’Europe a été créée. Maintenant, on ne sait plus très bien si vous êtes lion ou si devenu vierge. Depuis que vous avez épousé votre sœur, votre enclos est à nouveau au centre de la ferme. Votre dresseur est une femme à poigne qui mène l’exploitation au doigt et à l’œil. Si elle est venue de l’autre côté du rideau de fer, elle n’a pas l’air de se laisser contaminer par le spectre de la dame de fer.

Balance : Tchéquie. A l’heure où les frères allemands décidaient de se marier, vous avez choisi de vous séparer de votre conjoint slovaque. Cela nous a fait de la peine. On vous appréciait marchant bras dessus, bras dessous. Havel est tchèque, Dubcek slovaque ; le contraire aurait paru aussi magnifique. Votre divorce nous a tous attristés. C’est pourquoi on vous a invités à entrer ensemble dans la famille. On compte maintenant sur votre sens de la folie et de la dérision pour donner un sens à notre avenir. Puisse Mercure et Venus vous inspirer !

Scorpion : Roumanie. Décidément, vous n’avez pas de chance. A l’heure où la plupart de vos voisins rejoignaient la famille, vous traîniez encore loin derrière avec vos camarades bulgares. Finalement, quand vous avez passé la porte, vous avez été accueilli avec des grognements. Trop de clichés vous collaient comme des casseroles : le long règne ubuesque de Ceausescu, une succession de dirigeants plus habiles dans la manipulation et le mensonge que dans la gouvernance, les enfants vendus, la corruption et le château de Dracula. On oublie trop souvent que vos enfants s’appellent aussi Ionesco, Enescu ou la sublime gymnaste Nadia Comanesci. Et que c’est cela le supplément d’âme que vous apportez à la famille.

Sagittaire :Finlande. Grâce à vous (et à vos copains lituaniens et hongrois), l’Europe découvre qu’une partie de la famille parle une langue mystérieuse. Vos écrivains sont excentriques (Arto Paasilinna), votre cinéma étrange et peu compréhensible. C’est peut-être parce que l’Europe a perdu le goût du mystère qu’elle est devenue si ennuyeuse. Et si demain, le finnois devenait la langue unique de l’empire ? Ca nous obligerait à nous poser des questions ; c’est très sain, ça !

Capricorne : Danemark. On dit des capricornes qu’ils ont une vision pessimiste de l’univers et particulièrement de la nature humaine, qu’ils devraient avoir un sentiment plus léger de la vie et réserver une part plus grande à la fantaisie et à la joie de vivre. On ajoute qu’ils ont la critique facile et acerbe et une grande difficulté à faire confiance aux autres. Vous retrouvez-vous dans ce portrait, amis danois ? La question n’est pas provocation de ma part : ne le dites à personne mais, comme vous, je suis capricorne !

Alain Berenboom
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