CASSEZ LA VOIE

On ne remerciera jamais assez les agents des TEC. Voilà des Belges respectueux de la régionalisation du pays et qui prennent bien soin, à chacune de leurs grèves, de n’emmerder que les Wallons. Tous les Wallons. Mais rien que les Wallons.

Ce sont bien les seuls de toute l’Europe, de toute la planète, qui ne descendent jamais à Bruxelles pour crier, casser et pire si affinités. Même leurs bus ne viennent pas polluer nos rues vu qu’ils restent la plus grande partie de l’année sagement rangés au garage.

Alors que les indépendantistes catalans, les ex-sidérurgistes lorrains, les agriculteurs allemands et français, les fans de foot marocain, les enragés du R.S.C. d’Anderlecht, les Kurdes, les opposants russes, les groupies de Vargass 92, la star de Snapchat (vous suivez ?) sont attirés par la capitale belgo-européano-flamande comme les rats par le fromage. Même les Anonymous s’en viennent protester bras dessus, bras dessous dans les rues de la capitale, ce qui est un peu paradoxal. Mais est-ce plus logique de casser les vitrines de la place de la Monnaie pour faire la fête à une vedette des réseaux sociaux ? A Bruxelles, la différence entre réel et virtuel tend à s’estomper. Façon de prouver qu’elle est une ville high tech, une cité du futur. Même si les embouteillages, les tunnels en ruines et les chantiers de travaux interminables nous font heureusement bien vite retomber sur terre.

Il faut vraiment être coincé pour ne pas venir casser sa voix à Bruxelles. Les habitants de Bali ont renoncé à défiler dans le quartier européen pour dénoncer le réveil du volcan Agung à cause de la fermeture de l’aéroport. Les astronautes de la Station Spatiale Internationale n’ont pas réussi à décrocher l’autorisation d’atterrir pour avertir Jan Jambon de l’invasion imminente des Martiens tant que les négociations entre le fédéral et les trois régions sur le survol de Bruxelles ne sont pas clôturées, que le Conseil d’Etat n’a pas donné son avis, ceci sous réserve des recours des habitants devant les tribunaux.

Quant aux fans de Johnny Halliday, assommés par la disparition de leur idole, ils sabotent le voyage à Bruxelles parce que le père du chanteur qui l’avait abandonné à sa naissance y est enterré.

Tout le monde défile à Bruxelles sauf les Bruxellois. Quelle que soit leur origine, ils sont les seuls à ne pas arpenter la ville au pas de Loi. Eux, ils préfèrent flâner et admirer les facettes extravagantes de cette cité folle, mal foutue et délirante qu’ils aiment tant.

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Ps : Allez plutôt défiler devant la magnifique et hilarante collection de cartoons de nos meilleurs artistes réunie sous le titre « Belgium Art Cetera » qui revisite l’histoire de l’art belge. Jusque fin janvier au Musée Belvue.

JE SUIS SAINT NICOLAS

A l’heure où j’écris, le suspense est total : Saint Nicolas sera-t-il en mesure cette année de descendre dans les cheminées des bambins de Belgique ? Rien n’est moins sûr. Dès son retour d’Afrique, le premier ministre va réunir le kern. D’ores et déjà, Jan Jambon, les jumelles à la main, scrute l’horizon. Celui-là, il n’arrête jamais de courir d’une calamité à l’autre. Quelle idée pour un nationaliste flamingant de s’égarer dans un gouvernement fédéral ! C’est l’enfer. Bart le lui avait dit. Mais il a voulu n’en faire qu’à sa tête.

Récit d’une catastrophe annoncée.

Comme on le sait, notre grand saint vient de Turquie, plus précisément de Patar d’où il voulait s’embarquer. Qu’il oublie le bateau. Le port, célèbre dans l’Antiquité, est devenu un marais. Les rennes ? Dans la Turquie d’Erdogan, les militaires tirent d’abord et réfléchissent ensuite. Dès que l’attelage se pointera dans le ciel immaculé de Lycie, les rennes se feront mitrailler comme de vulgaires partisans de Fethullah Gülen. Hop ! à la casserole !

Reste l’avion ? Oui, mais. Pour quitter l’Anatolie, il faut désormais montrer patte blanche. Pour le dire brièvement, on vous cirez les pompes d’Erdogan ou les ennuis vous dégringolent sur la tête.

Saint Nicolas ne semble pas terriblement hallal. Pour le dire autrement, il n’a pas le profil d’un électeur moyen de l’AKP. Il a plutôt l’air d’un ténor d’opéra enroulé dans le rideau de scène. Or, les artistes, le régime s’en méfie. Comme des intellectuels, des journalistes, des chômeurs, des femmes, etc.

Seul moyen alors pour Saint Nicolas d’arriver à temps, embarquer clandestinement sur une de ces coquilles de noix qui font la traversée vers l’Europe. Avec le risque que les autres passagers, Syriens, Somaliens, opposants turcs, jettent à l’eau ce vieux barbu, qui prend tellement de place avec ses gros sacs pleins de cadeaux et de douceurs alors qu’eux ont tout abandonné sur la grève.

On voit le risque pour le gouvernement. Si le patron des écoliers est jeté dans les geôles turques, qu’il coule en Méditerranée ou que les douaniers grecs ou italiens l’enferment comme un vulgaire réfugié dans un de leurs camps immondes, qui gâtera les petits dans la nuit du 5 décembre ? Père Fouettard ?

Charles Michel, qui avait réussi à fermer la porte aux questions communautaires, va voir celles-ci rentrer par la fenêtre ou plutôt par la cheminée.

En effet, le maître de la Flandre, Bart De Wever, soutient mordicus le maintien de la tradition du Zwarte Piet. Alors que tout ce qui compte de politiquement correct au sud demande son interdiction.

Ne reste qu’une solution avant que le gouvernement ne saute : embarquer Saint Nicolas dans la valise diplomatique. Et ne pas oublier de percer des trous pour qu’il arrive plus ou moins en bon état !

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L’ETRANGE VOYAGE DE C.P.

L’étrange voyage de M. Puidgemont alimentera encore bien des spéculations.

Que diable le président de l’éphémère république catalane est-il venu faire à Bruxelles pendant que la paëlla commençait à carboniser à Barcelone ?

Selon les uns, intoxiqué par son ami Théo Francken, il croyait débarquer en star dans la capitale de la république flamande et il se retrouvait à Zaventem au milieu de la foule des touristes revenus de la Costa Brava en charter Neckermann.

Selon les autres, il était venu refaçonner sa choucroute avant de passer chez les juges madrilènes, sur la foi d’un ami qui lui avait vanté l’art des coiffeurs belges. Après s’être rendu compte qu’il est difficile de passer dans les media pour un héros, type Che Guevara, ou un martyr sur le modèle de Jésus Christ, sans une barbe virile et surtout avec un nid d’oiseau sur la tête.

Quelle déception, il n’a trouvé dans la capitale belge ni Théo ni figaro.

D’une façon comme d’une autre, ce déplacement a paru absurde. Vu de Barcelone, le président auto-proclamé a donné l’impression de déserter sa république mort-née et d’abandonner ses compatriotes et ses militants à leur mélancolie. De l’autre, il a bousculé le pauvre Charles Michel qui se voyait déjà obligé par son plus puissant partenaire de délivrer un statut de réfugié politique à l’homme le plus honni des Castillans.

Carles Puidgemont a surtout montré une étourderie et une impréparation qui doivent faire grincer bien des dents à la N-VA car l’avortement de la république catalane sous les ricanements de toutes les chancelleries du monde et au grand soulagement des gouvernements européens augure mal de la déclaration d’indépendance de la Flandre.

Le visage du chevalier C.P. à la triste figure n’ornera pas les T-shirts des ados révoltés à Noël. Celui de son challenger Mariano Rajoy non plus qui aura eu la peau de son pathétique adversaire grâce à la violence de ses forces de l’ordre et son intransigeance hautaine, balayant d’un revers de la main toute tentative de négociation et niant les revendications de la moitié des Catalans. Prenant le risque d’une réaction violente plus tard. Bel exemple de cette gestion politique au jour le jour qui est décidément le propre de notre époque.

Toute cette affaire paraît vraiment insensée d’un côté comme de l’autre. George Orwell, l’auteur génial de 1984, qui a combattu dans les dernières années de la guerre civile en Catalogne, a raconté cette terrible expérience dans un récit au titre très actuel, « La Catalogne libre ».  Dans sa dédicace liminaire, il cite ces proverbes bibliques : « Ne réponds pas à l’insensé selon sa folie, de peur de lui ressembler toi-même. Réponds à l’insensé selon sa folie afin qu’il ne s’imagine pas être sage. »

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PASSEZ MUSCADE !

Au vu des résultats électoraux de ces derniers mois, on a envie de réagir comme Bertolt Brecht jadis : « Ne serait-il pas plus simple de dissoudre le peuple et d’en élire un autre? »

Quand en Allemagne et surtout en Autriche, l’extrême droite fait des scores qui font rêver nos hommes politiques (après son succès dans les pays scandinaves et les Pays-Bas), quand la Hongrie et la Pologne, débarrassés des communistes, se jettent dans les bras d’autres partis fanatiques et sectaires, on est un peu embêté de donner matin, midi et soir des leçons de démocratie aux dictateurs du monde entier. Ou plutôt, on a l’impression de leur vendre les outils qui leur permettent de consolider leur pouvoir absolu tout en affichant le résultat des urnes la tête haute.

Il ne faut même plus piper les dés du système électoral, comme en Iran ou en Russie, pour que les « gens » – comme dit Mélenchon – se précipitent comme un seul homme vers le pire.

Avec les scores qu’avait engrangés le Vlaams Belang, on ne peut même pas vanter le paradis belge et le donner en exemple. D’autant qu’il vaut mieux ne pas mettre en vitrine notre politique d’ « accueil » des réfugiés …

Le cordon sanitaire qu’on avait opportunément opposé à l’extrême droite flamande à la fin du siècle dernier paraît obsolète et impossible à appliquer en Europe. S’il fallait couper les liens avec les états-membres dans lesquels grouille la droite extrême, l’Union européenne risque de se réduire à peau de chagrin.

Ce chagrin, cet énorme chagrin, qu’on ressent à l’assassinat de la journaliste Daphné Caruana Galizia, piégée par une bombe posée dans sa voiture. C’est un autre méfait de la démocratie, ça : puisqu’on ne peut se servir de la loi pour faire taire les opposants, on les supprime…

La république de Malte, il est vrai a toujours eu un important courant d’échanges avec la Russie, où l’élimination des opposants est la maladie congénitale de leur démocratie formelle.

En apprenant la mort de la journaliste, le premier ministre de Malte, Joseph Muscat, a eu ces mots : « Aujourd’hui est une journée noire pour notre démocratie et notre liberté d’expression ». Cela n’a évidemment rien à voir mais autant signaler que M. Muscat et sa famille sont dans le hit-parade des Panama Papers comme le révélaient les articles d’investigations publiés par Madame Galizia. Voilà donc une disparition opportune pour « des gens » qui tiennent le haut du pavé dans l’ancienne capitale de l’Ordre de Saint-Jean. Passez muscade…

Parions que l’intrigue de ce terrible meurtre sera aussi difficile à démêler que celle du « Faucon de Malte » de Dashiell Hammett…

C’est l’autre face sombre de la démocratie, la diminution des budgets des services publics. Or, comment assurer la réalité des libertés constitutionnelles si les institutions judiciaires sont peu à peu mises en pièces ?

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QUI EST JOB?

Beaucoup d’observateurs ont été surpris d’entendre le premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale d’octobre, se mettre soudain à psalmodier une nouvelle fois cette mystérieuse incantation « Jobs, Jobs, Jobs ».

Depuis, le débat fait rage entre commentateurs : quelle est la signification de ce cri surgi des profondeurs de l’amer Michel ? Le principal intéressé se tait. Comme tout sage – du vieux chef sioux au Dalaï-lama -, il nous contemple du haut de son nuage et refuse de nous donner la clé de son message.

Pour les uns, notre Premier invoquait les mânes de Jobs. Steve Jobs, débarqué depuis peu parmi les dieux de l’Olympe. Et qui pourrait lui donner un petit coup de pouce en faisant descendre sur notre pays les principaux acteurs du Nasdaq (de préférence avant le dimanche 26 mai 2019).

Pour les autres, MR Michel a voulu faire référence au Livre de Job, l’un des plus importants de l’Ancien Testament (son personnage principal est célébré à la fois par Juifs, Chrétiens et Musulmans qui le rangent tous parmi les prophètes).

Dans la bible, Job est un type sur qui tombent tous les malheurs : ses enfants sont tués, ses biens saisis, d’épouvantables maladies le ravagent, etc. A chaque nouvelle catastrophe, ses trois amis et sa femme tentent de le convaincre de laisser tomber Dieu. Il ne t’a apporté que des désastres, n’a jamais entendu tes prières, se fout de ta gueule. Chaque fois que tu as invoqué Son nom, Il t’a encore un peu plus enfoncé ta tête dans la gadoue.

Ouf ! A la fin de l’histoire, tout s’arrange. Ayant survécu à ces épreuves, Job retrouve la fortune et même dix mouflets (ce qui est présenté comme un cadeau !)

Selon certains exégètes, c’est à ce Job, anti-héros biblique, que notre Premier faisait allusion. Face aux catastrophes qui s’accumulent, attentats, chômage, scandales politico-financiers, Théo de plus en plus Francken, Mon mot d’ordre, dit-il, est de résister, garder le sourire et vous faire croire en un avenir radieux. Au lieu de Me critiquer et de vouloir Ma peau (oui, il arrive que Charles se prenne pour le Tout Puissant; d’après les médecins, cela vaut mieux que de se prendre pour Napoléon), prenez exemple sur ce brave Job qui a toujours cru en Moi, tel le libraire Walter -son attrape-voix pendant la campagne électorale.

Il y a enfin ceux qui soulignent la répétition de ce mot « job » dans l’incantation michellienne. Si le job désigne le boulot, l’anaphore suggère que Michel est désormais favorable au partage du temps de travail. Pour un job, trois titulaires. Façon pour lui de piocher à gauche après avoir fait le plein à droite.

On s’attend à ce qu’il mette lui-même cette idée en pratique en partageant son poste de premier ministre avec deux autres camarades. Raoul Hedebouw et Zuhal Demir (un casting de rêve…)

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EN MÊME TEMPS

Pendant la campagne présidentielle, on s’est beaucoup moqué du tic d’Emmanuel Macron, truffant ses discours de « en même temps ». Qui trop embrasse mal étreint, prédisait-on. Il dit tout et son contraire ! Or, l’expression de Macron était peut-être tout simplement la traduction française de la formule qu’on enseigne dans les écoles de commerce et de gestion : privilégiez le « win-win ».

Le win-win est devenu le remède à tous nos maux, plus seulement dans la vente d’aspirateurs. En politique, Churchill avait galvanisé la population britannique face aux nazis en promettant « du sang et des larmes ». Depuis, cette méthode est passée de mode et détruit qui ose l’employer. On a vu le sort des politiciens grecs quand ils ont tenté de convaincre leurs citoyens de se serrer la ceinture et le reste avec un revolver (euro-allemand) sur la tempe. Balayés. Comme Gorbatchev avec sa « glasnost » lorsqu’il a voulu rendre le régime communiste transparent. En voyant à quoi ressemblait vraiment leur société et leur économie, les Russes l’ont immédiatement éliminé, lui et son parti.

De nos jours, il faut que l’électeur se sente gagnant pour que l’homme ou la femme politique le soit aussi. C’est ça le truc magique de Macron. Les riches vont être plus riches et vous, les pauvres, vous le deviendrez aussi grâce au ruissellement d’or d’en haut vers en bas.

Cette même théorie qu’il tente de fourguer maintenant aux Allemands. Plus de pouvoir aux autorités européennes, c’est « en même temps » plus de prospérité pour tous les pays de l’Union. Ce qu’on traduit à Berlin par : plus de taxes en Allemagne, plus d’argent allemand se perd dans les poches trouées des états du sud et de l’est de l’Union.

La formule du « en même temps » gagnant s’est mondialisée. En Birmanie, les dictateurs militaires ont réussi « en même temps » à glisser Aung San Suu Kyi au gouvernement et à poursuivre la répression cruelle des Rohyngias.

En Arabie saoudite, les femmes ont désormais le droit de conduire leur bagnole mais, en même temps, l’obligation de porter le niqab – la preuve va être assez vite apportée que les femmes tuent plus que les hommes au volant.

Chez nous, aussi le « en même temps » a été adopté par le gouvernement Michel. « Nous menons une politique migratoire ferme mais humaine » a déclaré le premier ministre devant un portrait de Théo Francken, entouré de bougies. « Humaine » parce que nous ouvrons nos parcs aux réfugiés. Et ferme puisque, avec l’arrivée de l’automne, nous les renvoyons dans les prisons du Soudan chauffées aux fers rouges.

Pourquoi Charles Michel n’appliquerait pas aussi cette règle à son secrétaire d’état ? Humain : il ne renvoie pas Théo en Flandre. Ferme : il intervertit ses fonctions avec celles de Pieter De Crem. Pieter qui ?

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L’AMI THEO TOURNE A L’ORAGE

Vous avez aimé Théo version N-VA ? Vous adorerez Théo version Soudan.

Depuis que notre Brabançon cartonne dans les sondages, qu’il est devenu une star même chez les Wallons et les Bruxellois, il se sent pousser des ailes. Être le premier à Lubbeek ne lui suffit plus. Avec son bon sourire carnassier, Super-Théo a décidé de partir à la conquête du monde. Et comme les musulmans, c’est sa spécialité, il commence par les Soudanais.

Ce n’est évidemment pas difficile de faire copain-copain avec les dirigeants de Khartoum. Personne d’autre ne veut les fréquenter. Le président Omar Hassan el-Bechir, qui tient le pays entre ses crocs depuis vingt et un ans, fait l’objet d’un mandat d’arrêt international lancé par la Cour Pénale internationale pour crimes contre l’humanité et génocide. Le Darfour, le Sud-Soudan, il dégouline plus de sang au Soudan que d’eau et même de pétrole. Mais, qu’importe. Un ministre belge qui a eu le courage de faire la fiesta avec Bob Maes (en compagnie de son homologue flamand Ben Weyts) trois jours après avoir été nommé dans le gouvernement Michel, n’a pas peur de serrer la pince de l’Omar. Bob Maes, membre de la VNV pendant la guerre, condamné pour collaboration ensuite, puis co-fondateur de la VMO, a sans doute habitué l’ami Théo à affronter les tempêtes. C’est simple. D’abord on dérape, ça c’est pour les électeurs. Puis on présente ses excuses à la Chambre, ça c’est pour les collègues.

Des excuses en veux-tu, en voilà. Pour avoir parlé des « petits cons de Marocains » sur les réseaux sociaux. Ou avoir évoqué « le nettoyage » du parc Maximilien. Parfois, il nuance. Avec Médecins Sans Frontières, il reconnaît « avoir été trop loin » quand il a accusé l’ONG  de contribuer à la traite des êtres humains et pratiquement de pousser les réfugiés à la mort.

Voilà donc un ministre belge se mettant en cheville officiellement, donc au nom du gouvernement, avec le ministère soudanais de l’Intérieur. Et qui invite des agents soudanais à Bruxelles, pour examiner un à un les réfugiés qui ont fui leur pays, regarder leurs dents comme sur un marché aux esclaves, relever leurs identités. Ainsi, rentrés à Khartoum, ils pourront rassurer le reste de la famille qui n’a pas suivi le chemin de l’exil.

De là à représenter Francken en soldat nazi ? C’est une erreur. En effet, aucun ministre belge n’avait pas imaginé à la fin des années trente inviter des flics allemands à visiter les centres d’accueil des réfugiés qui avaient fui le régime nazi…

Y a-t-il quelqu’un dans la salle pour apaiser la fièvre de l’ami Théo ? Le docteur Charles Michel est occupé ailleurs. A donner des leçons d’éthique internationale au conseil de sécurité. Dommage que le CDH ne soit pas au gouvernement. Peut-être, aurait-il soudan débranché la prise ?

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AÏE PHONE

Quelle est la différence entre une bonne vieille cabine téléphonique et le nouveau-né de la téléphonie mobile, le aïe-phone 10 XXL ?

Dans une cabine, on parlait à l’aise, loin des oreilles indiscrètes et à l’abri de la pluie. Avec un portable, on a l’air comme tout le monde d’un plouc gueulant sa vie privée sur le trottoir.

Avec le machin d’Apple, bonne chance pour atteindre votre correspondant si le nouveau-né de la technologie ne vous reconnaît pas. Et, attention, il est capricieux. Un lendemain de la veille, un sparadrap sur le nez, un œil au beurre noir, un look Gainsbarre-Magnette, même si vous engueulez votre bijou à mille €, vous aurez autant de chances de téléphoner qu’un résident de saint-Bart avant la visite de Macron. Ne restera plus qu’à chercher une cabine téléphonique et là, courage ! Faut aller pratiquement jusqu’à Kinshasa pour en trouver une en ordre de marche…

En revanche, dans un dîner en ville, d’accord, c’est plus chic de laisser son Apple dernier cri traîner négligemment sur la table que de demander à l’hôtesse si vous pouvez utiliser son téléphone. « Désolé, une urgence, je dois contacter la baby-sitter ».

« C’est simple, mon cher. Moi, je n’ai plus de ligne fixe, c’est trop ringard. Mais il y a un bistrot au coin d’où vous pourrez peut-être appeler. »

Pour éviter de se faire piquer son smartphone XXL, des précautions sont indispensables. Impossible de sortir seul avec son appareil, sauf si êtes Rambo. Si vous voulez à tout prix emporter votre nouvel écran, mieux vaut être accompagné d’un garde du corps (les Ukrainiens sont pour l’instant à bon prix). Et éviter certains quartiers où l’on ne va pas seulement vous dérober votre appareil; on va aussi vous arranger le portrait. Et alors, inutile de récupérer votre précieux bien car il ne vous reconnaîtra plus. De toute façon, il y a des tas d’endroits où il est déconseillé de l’emmener, stades, cinémas, salle de fitness, avions, colloques, réunions de Nethys, du Samu social, meeting du P.S., du M.R. ou de la N-VA (à ceux du C.D.H, ça va, il n’y aura que vous). Enfin, bref, je ne vois guère d’endroit où il est prudent de l’exhiber, même de l’avoir dans la poche. Alors que si vous l’avez acheté, c’est justement pour l’agiter sous le nez de la populace.

D’après mon courtier, l’assurance ne couvre le vol que si vous l’utilisez chez vous. A condition que vous soyez seul. Et surtout sans vos enfants.

Edison, l’un des inventeurs du téléphone, le disait déjà : « le génie, c’est 1 % d’inspiration et 99 % de transpiration ». Une citation qui définit parfaitement le propriétaire d’un Aïe-Phone 10 XXL : 1 % d’inspiration pour l’idée d’en acheter un et 99 % de transpiration pour espérer le conserver intact pendant plus de douze heures.

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UBU BOIRA…

Le constat fait froid dans le dos : ni l’ONU ni les Etats-Unis n’ont trouvé le moyen d’empêcher le leader bien aimé respecté Kim Jong-un de lancer ses jouets à la tête de tous ceux qui passent à sa portée après l’heure où les enfants normaux font dodo.

Quant aux Russes et aux Chinois, ils se font tout petits, un exercice difficile mais les spécialistes de la contorsion ne manquent pas aux cirques de Moscou comme de Pékin.

C’est donc aux Européens une fois encore de trouver la parade. En puisant dans leur intarissable sac à malices. Comment amadouer le Grand Successeur (le titre qui avait été donné au p’tit Kim 3 à la mort de son père) ?

Le mieux serait de jouer sur ses passions. Jusqu’ici, on lui en connaît deux. Les parcs d’attraction et les meurtres en famille. Deux loisirs qui peuvent très bien se combiner.

Ainsi, on pourrait proposer à notre Ubu décoré un week-end gratuit à Walibi rien que pour lui et les trois vieux clowns qui l’entourent sur les photos. Accès à toutes les attractions : pour la partie internationale, montagnes russes et Challenge of Tutankhamon. On lui offrira aussi Palais du Génie (repeint à son effigie) et Tapis volant. S’il sort vivant de toutes ces  horreurs, reste le grand final : un lâcher dans la jungle de ses frères, cousins et oncles, où Kim 3 junior pourra déployer ses talents de tireur. Une belle chasse à l’homme pendant laquelle notre Grand Nemrod pourra abattre avec son superbe fusil belge tous les Jong qui passeront à sa portée.

Après cette hécatombe, on voit déjà l’immense sourire, petites dents au vent, qui se peindra sur sa bonne grosse bouille d’enfant gâté, le pied sur les cadavres, l’arme encore fumante, tel le président Théodore Roosevelt à l’issue d’un safari fameux en Afrique de l’est où il avait abattu plus de cinq cents bêtes. Ce qui reste de la famille du leader bien aimé respecté n’est malheureusement plus aussi nombreuse pour qu’il égale un tel score. Mais l’apaisement qui suivra nous donnera du répit pendant un moment. Comme on l’a vu lorsqu’il a eu la peau de son oncle puis de son frère.

Cette contribution de la Wallonie à l’apaisement des tensions dans le sud est asiatique pourrait  aussi permettre à la nouvelle équipe qui a pris le pouvoir à la région de prétendre au  Prix Nobel de la Paix. On dit merci, qui ? Merci, M. Lutgen !

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Ps : Lisez « Dissidences »  de Hannah Michell (éditions les Escales). Sous couvert d’espionnage, ce beau roman donne une image surprenante des rapports entre les habitants des deux Corée. De la méfiance des sudistes à l’égard des dissidents du Nord qui au péril de leur vie ont réussi à passer la frontière. Une tension cruelle et autrement plus aigüe qu’entre Belges du nord et du sud…

E PERICOLOSO SPORGERSI

Dans son magnifique roman « Le Guépard », Lampedusa saisit la Sicile en 1860, au moment où elle va basculer. Dominée pendant des siècles par les propriétaires terriens, l’île accueille avec enthousiasme Garibaldi, ses chemises rouges. Et les idées de la révolution française. Le héros du livre, Tancredi, jeune aristo cynique, comprend que pour que sa caste ne soit pas balayée, il n’y a qu’une solution qu’il résume dans cette belle formule: « il faut que tout change pour que tout reste comme avant. »

La Wallonie et la Sicile, unies depuis longtemps par des liens profonds, ont beaucoup de traits en commun : longtemps occupées par les mêmes puissances étrangères, elles ressentent le même besoin d’immobilité, déguisé derrière une fièvre de réformes. Elles tolèrent quelques pratiques mafieuses. Et elles partagent l’amour des félins. Les événements des derniers mois devraient donc inspirer un de ces jours un « Guépard » version wallonne.

Premier épisode : Garibaldi-Lutgen débarque sur les rives du Grognon et chasse par surprise le propriétaire assoupi, Elio-Tancredi, qui occupait les lieux depuis des siècles. L’ancien garde-chasse d’Elio, Lutgen, ne sachant que faire de sa victoire offre le château à un nouveau maître, qui porte bien son nom, Chastel.

Deuxième épisode : Elio-Tancredi, redevenu soldat errant, change son fusil d’épaule. Il se débarrasse de ses signes de noblesse trop apparents, de ses nœuds pap’-paillette, et de quelques courtisans trop voyants pour se déguiser en prolétaire, couteau entre les dents. Prêt à reprendre le château d’assaut à la tête de la populace, y compris s’il le faut avec l’aide de Raoul et de sa bande de sans-culottes. A nous la Bastille, ou plutôt l’Elysette ! Mort au traître !

Une fois le château repris, promet-il, le pouvoir sera exercé par les citoyens – tous, sauf le garde-chasse, enfermé dans un obscur cachot, et Raoul exilé en Flandre.

Entre temps, pour prendre ses ennemis à revers, Tancredi-Elio a poussé son copain Olivier Maingain à empêcher le feu de gagner Bruxelles et de dévorer ses deux autres domaines.

Inspiré du Guépard, ce feuilleton est aussi une histoire de félin. Lutgen en félin faussement patelin, Di Rupo en félin frétillant, Zakia Khattabi en chatte échaudée, Olivier en charivari, Chastel en félin repu.

Mais, avant de sortir leurs griffes, toutes ces bêbêtes feraient bien de méditer sur quelques proverbes célèbres. On ne vend pas un chat dans un sac, cher Benoit. Malgré le bruit et la fureur, il n’y a pas de quoi fouetter un chat, cher Elio. A chat malin, chat malin et demi, cher Olivier.

Et surtout s’inspirer de ce proverbe chinois : « Il est difficile d’attraper un chat noir dans une pièce sombre, surtout quand il n’y est pas. »

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