Olym-piqués

chronique
Quelle idée ont eu les Chinois de se battre pour organiser à tout prix ces foutus jeux olympiques ? A quoi bon se payer ce joujou formaté pour consommateurs occidentaux à coups de millions par la pub et la télé ? Pékin voulait prouver qu’elle valait bien Londres, Berlin ou Los Angeles ? Z’ont l’air malins maintenant.
Tant qu’ils jouaient leurs partitions, personne ne trouvait rien à reprocher aux Chinois. Mieux, ils étaient cités en exemple. Prenez la révolution culturelle. Une civilisation, des trésors historiques, des livres, des hommes et des femmes de talent, écrivains, professeurs, savants, détruits par milliers, par millions. Plus de livres, plus de musique, plus de films (sauf les « pensées » de Mao qui sont à la philosophie ce que TF1 est au septième art). Et les meilleurs intellectuels européens, nos « consciences », Sartre, Barthes, Sollers, d’applaudir, de déclarer sans rire jaune qu’il faut faire pareil, que Mao est un guide pour l’humanité – un peu isolé, un Belge, Simon Leys, dénonça vite la supercherie, le crime.
Ils peuvent faire travailleurs des enfants, payer des salaires de misère, n’accorder aucun droit syndical, ne pas prendre les précautions élémentaires sur les chantiers, exploiter des mines à côté desquelles celles de Marcinelle ou de Grâce-Berleur ressemblaient à un parc. Personne n’a songé à les boycotter, à ne pas importer leurs produits, à ne plus y envoyer nos entrepreneurs. Google, Microsoft, Yahoo caviardent tous les jours la toile, le doigt sur la couture du pantalon, et on continue de leur faire confiance et d’acheter leurs services. Et qui a pensé à critiquer les entreprises de luxe françaises et italiennes qui s’étalent derrière les marbres olympiques de leurs vitrines sur les grands boulevards de Shanghai ?
Mais les jeux olympiques, ça, c’est sacré. Peuvent pas nous les saloper.
Vraiment, ces Chinois ont fait le mauvais choix. Ils auraient pu, comme je ne sais quel émirat arabe, acheter les meilleurs footballeurs ou faire bâtir une réplique du Louvre avec ses collections les plus précieuses, on les leur aurait donnés. Ils auraient pu faire partir le tour de France de Pékin, on aurait salué l’initiative, invité le Dakar à écraser au passage leurs populations, personne n’aurait hésité. Racheter à coups de millions le festival de Cannes et transférer la croisette sur les bords du Yang-tseu-kiang, vedettes et journalistes auraient trouvé l’idée formidable et seraient venus en masse. Mais les olympiades, non. Les sportifs, c’est pur, dur, noble, c’est hors-commerce. Décidément, on ne nous fait pas marcher, on nous fait courir.

Alain Berenboom
www.berenboom.com