Ne pas confondre Mazâr-e Charif avec Laurel et Hardy. Mazâr-e Charif est afghan, tandis que Laurel et Hardy sont universels. Un point commun tout de même : dans les deux cas, il est question de liberté. Laurel et Hardy ont donné aux spectateurs du monde entier le droit à un rire destructeur, parfois jusqu’à l’anarchie. A Mazâr-e Charif, un jeune journaliste de vingt-trois ans, dénommé Sayed Perwiz Kambakhsh, avait cru aussi que la liberté de s’exprimer aère le cerveau. Mal lui en a pris. Le tribunal l’a condamné à mort. A mort ! Pour avoir reproduit les commentaires d’un site iranien (où apparemment la liberté de penser est plus grande qu’en Afghanistan) à propos de la place de la femme dans le Coran. La femme doit être l’égal de l’homme, écrivait-il. Et puisque l’homme a droit à plusieurs femmes, pourquoi la femme ne pourrait-elle revendiquer un droit équivalent ? Blasphème ! ont tranché les juges du cru en envoyant le jeune homme en enfer. Où il rejoindra Giordano Bruno, Salman Rushdie et quelques autres imprudents à la langue trop pendue. Rôtir en bonne compagnie, est-ce vraiment une consolation ?
D’après la météo, il fait à peine zéro degré à Mazâr-e Charif. Le froid ambiant explique sans doute que les juges aient préféré siéger à huit clos (le public qui entre dans la salle d’audience, ce sont des courants d’air garantis) et sans avocat (plus vite terminé, plus vite au chaud devant un bon verre de thé). Selon le président de l’Association des journalistes indépendants d’Afghanistan (rapporté par Reporters sans frontières) Sayed Perwiz Kambakhsh a un autre défaut, un frère, lui aussi plumitif (tous piqués dans cette famille ?) qui a publié des articles critiques dénonçant les abus des seigneurs de la guerre qui mettent la région en coupe réglée.
C’est dans ce sympathique et accueillant pays que débarque un contingent supplémentaire de militaires belges. Certes, notre ministre des affaires étrangères s’est fendu d’une convocation de l’ambassadeur afghan et d’un appel à son gouvernement sur l’air de démocratie et droits de l’homme doivent être respectés (ou au moins veiller à ne pas étaler leurs violations dans la presse). A quoi, les autorités afghanes ont opposé, aussi sec, le respect de la séparation des pouvoirs. Ah ! « L’état de droit », encore un beau cadeau de l’Occident, avec les armes et les 4×4. Pavot, pas pris.
A propos, ne ratez pas le splendide documentaire belge de Dan Alexe « Cabale à Kaboul », images décalées sur les deux derniers Juifs de la capitale afghane qui vivent, en se haïssant, dans une synagogue en ruines. Un film tranchant sur ce pays de nulle part, où la « justice » se rend sous le regard indifférent des soldats de l’OTAN.
Alain Berenboom
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