Le krach boum hue qui secoue l’économie américaine, ébranle les bourses de la planète et menace le prêt à tempérament de la nouvelle machine à laver du couple Leterme-De Wever donne lieu à un matraquage de commentaires assourdissants dans les media. Depuis l’éclatement de la bulle financière, tous les spécialistes et autres gourou défilent devant micros et caméras pour expliquer d’un air constipé la raison d’une catastrophe qu’ils n’ont ni prévue ni annoncée ni comprise mais, à leur air posé et grave, on devine que, si on les avait entendus, on n’en serait pas là. Exemple, les discours lénifiants du nouveau patron du F.M.I., Dominique Strauss-Kahn qui claironnait il y a quelques semaines que le pire était passé. La situation allait bientôt se redresser. Ah ! Entre parenthèses, aucune de ces madames Soleil n’évoque les salaires déments des dirigeants des entreprises qui précipitent aujourd’hui le monde dans la crise ni leur maintien aux commandes alors que c’est leur mode de gouvernance qui a ouvert le gouffre. Comme on le dit à la Fédération française de football, on ne change pas une équipe qui perd.
Cette semaine, on épinglera le commentaire du vicomte Davignon, venu expliquer avec son talent habituel d’emballeur pourquoi la vente vite faite à Lufthansa de la compagnie Brussels airlines, créée pour sauver l’aéronautique belge et la présence de notre pays dans le ciel après la faillite de la Sabena, était une magnifique opportunité pour préserver l’image belge de la compagnie ! Et de rassurer « l’homme-de-la-rue » sur l’avenir du monde en général, de la Belgique en particulier et du sien de toute façon. Et, dans la foulée, d’apaiser l’homme-de-la-rue : son portefeuille d’actions n’est pas en danger. Pour le vicomte, l’homme-de-la-rue a nécessairement un portefeuille d’actions…
L’Homme-de-la-rue, quelle expression délicieusement désuète ! Un film de Frank Capra l’avait rendue célèbre (en version originale, Meet John Doe ). Gary Cooper incarnait un pauvre qui annonçait son suicide le soir de Noël à cause de la situation sociale et économique (le film se passait pendant l’autre crise, celle des années trente). Mais le film était aussi et surtout une dénonciation de la manipulation du citoyen par la presse et le pouvoir. John Doe n’existait pas. Son désespoir était bidon. C’était un faux pauvre, mis en scène par une journaliste qui avait trouvé là matière à un beau scoop.
Alors que gronde à nouveau la crise, on a un peu l’impression de se retrouver dans la situation de John Doe, victime de la situation économique mais aussi totalement déboussolé par les explications qui en sont données. Espérant qu’un Capra déchirera le rideau de fumée…
Alain Berenboom
www.berenboom.com