LES ETRANGERS

chronique
Se plaignent toujours, les étrangers. Eh bien, cette fois, ils vont être servis. Sous l’impulsion de Patrick « z’avez-vous vu ma coiffure » Dewael, une nouvelle loi rend leur expulsion encore plus facile. Y a que les Suisses qui font mieux. Mais eux, faut leur pardonner. Quatre cents ans sans guerre. Comment voulez-vous qu’ils comprennent quelque chose aux étrangers ?
Tandis que nous, nous avons multiplié les attentions. Les centres fermés, par exemple. De vrais hôtels où les visiteurs et leurs familles profitent du soleil en se tournant les pouces derrière des barbelés sans risquer de se faire agresser par des supporters de football ou d’autres enragés. Et le rapatriement au pays ? Gratuit et en avion, s’il vous plaît, sans réservation préalable, avec coussin en prime pour étouffer les grosses fatigues.
La loi du 15 septembre 2006 que le Moniteur publie ces jours-ci offre un nouveau cadeau à ceux qui ne sont pas contents d’être expulsés du territoire: une procédure de recours devant une nouvelle juridiction, le Conseil du Contentieux des Etrangers. La plainte suspend l’ordre de quitter le territoire si elle est introduite dans les vingt-quatre heures. Et si le Conseil se prononce dans les septante-deux heures.
Voilà comment ça se passe : un étranger est arrêté un samedi par des policiers qui trouvent que sa tête ne leur revient pas. Pour éviter l’expulsion immédiate, la requête doit être envoyée avant la fin du week-end. Du papier ? Un bic ? Un dictionnaire français ? N’a qu’à demander aux flics ! Et aussi un timbre, siouplaît, un prior, hein ! Et, si ce n’est pas abuser de vot’ gentillesse, vous pourriez aussi la poster, parce que moi, au fond de ma cellule et avec mes menottes, c’est un peu difficile ?
Le Conseil a trois jours pour rendre sa décision sinon la requête tombe à l’eau. Et notre ami peut être immédiatement reconduit à Zaventem. Vous lisez bien : il suffit que la décision du Conseil ne tombe pas dans les septante-deux heures pour l’étranger soit expulsé franco de port! Dites-moi pourquoi les magistrats se hâteraient alors qu’en regardant ailleurs, ils seront débarrassés du dossier?
La Belgique a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme en 2002 parce l’expulsion d’un étranger n’était pas suspendue le temps de statuer sur son recours. Le Conseil d’Etat a mis en garde le gouvernement : la Cour de Strasbourg ne sera pas satisfaite par la nouvelle loi, le délai est beaucoup trop court. Mais le coiffeur de monsieur Dewael lui a dit que des étrangers, il en a assez vu comme ça. Alors, le temps que l’affaire retourne à Strasbourg, il sera ailleurs, monsieur Dewael.

Alain Berenboom