Cinq minutes sans électricité. C’était une bonne idée de changer le thème des manifestations contre le réchauffement de la planète : trente ans de dimanches sans auto, ça n’intéressait plus personne. On n’a jamais trouvé mieux que le changement d’images dans la continuité. Regardez les militants de droite en France : pendant quarante ans, ils ont collé la bouille de Chirac; on leur offre celle de Sarkozy et ils ont l’impression que l’Histoire a basculé. L’homme a besoin de symboles autant que d’électricité, d’amour et de gaufres. Les trams de Bruxelles sont devenus gris : c’est le signe qu’il existe une politique de la mobilité, ce qui permet de faire passer l’augmentation du ticket de 25 % pour un progrès. On peint sur le sol des petits vélos de couleur blanche dans les rues à sens unique; c’est le signe que les politiciens ont choisi de se préoccuper des amoureux de la petite reine. Peu importe alors qu’en les jetant dans des artères étroites sur des parcours non protégés face à des automobilistes qui ignorent qu’un vélo peut surgir sous leur capot, on les envoie à la casse. Le symbole compte plus que l’acte. L’image davantage que le contenu. « An Inconvenient Truth », le film présenté par Al Gore, a fait, dit-on plus pour le combat écologique que des dizaines d’années de militantismes, de publications, de rapports. J’aime beaucoup le cinéma. Mais je trouve l’idée inquiétante. Guy Verhofstadt et Elio di Rupo sont devenus verts après avoir assisté à la projection : cela veut-il dire qu’ils n’ont jamais rien lu des milliers de pages alarmistes, détaillées, documentées qui sont passés sur leurs bureaux ? Faut-il désormais une star et un passage par Kinépolis pour élaborer un projet politique ? Intéressante perspective. Laurette Onkelinck s’était déjà jetée jadis sur le « Rosetta » des frères Dardenne, palme d’or à Cannes, pour lancer son plan pour l’emploi. Puisque le cinéma belge peine tant à trouver des sources de financement, pourquoi ne pas conseiller à nos cinéastes de se reconvertir dans le « cri d’alarme » pour faire recette ? Présenté par George Clooney, l’explosion de la Belgique sauce NVA aurait une autre allure que les prêches miteux de Geert Bourgeois ou de Yves Leterme. « Séparatisme, what else ? » Même les Wallons voteraient pour. Dans ce contexte, la réapparition de la mini-jupe en vedette ne relève pas du hasard. Dans les sixties, elle saluait l’arrivée du féminisme et l’explosion de la révolution sexuelle. Recyclée dans les années zéro du nouveau siècle, elle évoque plutôt l’économie d’énergie (pour lorgner les jolies jambes des dames) et la diminution de la consommation (de textile). Mais, peu importe la raison, puisque l’image est là. Qui s’en plaindra ?
Alain Berenboom
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