Pendant longtemps, les Belges ont été à la pointe du cyclisme, de Sylvère Maes à Rik Van Looy et à Eddy Merckx. Sans oublier leurs seconds rôles princiers. Petite pensée pour Noël Foré, Joseph Bruyère ou Michel Pollentier, le coureur qui roulait en zig-zag deux fois plus vite que les autres jusqu’à ce jour maudit où il s’est égaré, un sac d’urine fraîche au fond de son maillot, lors d’un contrôle anti-dopage alors qu’il venait de décrocher le maillot jaune du tour de France.
Avec la disparition des campionissimi, le cyclisme belge a abandonné le petit artisanat type Pollentier pour se reconvertir dans la pharmacie industrielle. Faute d’aligner les meilleurs champions, la Belgique a fabriqué les meilleurs docteurs – disons les meilleurs vétérinaires. Pas un coureur ambitieux, pas un soigneur de renom qui ne fît appel au p’tit remontant bien de chez nous. Le pot belge est au vélo ce que Mac Donald est à la restauration rapide, Pizza Hut à la cuisine italienne, Charleroi au parti socialiste et Michel Daerden à la politique : difficiles à digérer mais impossibles à éviter.
Mais les supporters ne sont jamais contents. Ils veulent que les champions qui les arrachent à leur vie terne en leur offrant des exploits invraisemblables soient aussi des hommes exemplaires. Impossible ! prétendent quelques spécialistes et juristes (dont c’est le fonds de commerce). Erreur : l’imagination est sans limites quand il y a tant d’argent à la clé. Un plan Marshall du cyclisme belge est en gestation avec un nouveau projet sensationnel: le clonage. Les avancées de la science et la libéralisation des législations éthiques ont permis à des spécialistes de fabriquer le vrai champion de demain pur et sans tache, le clone.
Prenez Tom Boonen. Au départ du Tour de France, alors qu’on espérait un nouveau Merckx, on n’a même pas eu droit à un second Freddy Maertens. Face à des coureurs disons trop en forme, notre Tommeke a montré les limites de la musculation humaine et il a vite disparu, à bout de force, le moral dans les chaussettes pendant que ses collègues gambadaient comme des chattes en chaleur. Son palmarès sur le Tour aurait été autrement plus spectaculaire si au bout de quelques dizaines de kilomètres, un autre Boonen avait pris le relais, un autre encore au pied des cols et un troisième juste avant le sprint. Pas question ici de dopage qui transforme les grands sportifs en pharmacies détraquées. Dans le projet qui se prépare, c’est un champion sain qui va être reproduit sainement en plusieurs exemplaires, tous identiques. Les clones s’épuiseront jusqu’aux derniers kilomètres de la course laissant l’original monter sur scène pour les caméras de télévision.
Voilà une idée qui redonnera enfin au cyclisme belge son aura et ses lettres de noblesse.
Alain Berenboom
www.berenboom.com