Malgré les ricanements de certains observateurs, le prochain président de l’Ukraine devrait s’appeler Volodymyr Zelenski (n’oubliez pas les deux « y » si vous lui adressez un mail de félicitation). Est-ce si choquant de voir un comique devenir chef d’état ?
Coluche, qui a été un moment tenté de se présenter à la présidence française, répondait à ceux qui s’offusquaient qu’un clown puisse passer du Café de la Gare à l’Elysée : « Je ferai aimablement remarquer aux hommes politiques qui me prennent pour un rigolo que ce n’est pas moi qui ai commencé ».
Le calcul des électeurs ukrainiens est facile à comprendre. Depuis la fin de l’URSS, ils avaient tout essayé : un président maffieux, un copain-copain des Russes et un ennemi juré de l’armée rouge. Sans obtenir autre chose que la perte de la Crimée et une guéguerre sans fin dans le Donbass.
Alors, pourquoi ne pas tenter le rire ?
Imaginez la première rencontre du nouveau président avec l’hôte du Kremlin. Si, face à Volodymyr, Poutine ne peut se retenir, qu’il laisse tomber son masque de Buster Keaton, s’esclaffe en se tenant les côtes et réclame une autre blague, encore et encore, la guerre froide est terminée entre les deux voisins. On s’embrasse et c’est reparti comme en 40 (si on ose dire).
Le rire pour retisser les fils de la politique ? L’exemple italien n’est pas encourageant, il est vrai. Depuis qu’il est arrivé aux affaires, le Mouvement Cinq Etoiles semble jouer un remake de « Affreux, sales et méchants » mais en oubliant que le film de Scola était une comédie. Peut-être que Beppe Grillo, le fondateur du Mouvement, qui a été acteur pour Comencini et Dino Risi, a eu tort de quitter la scène pour laisser le spectacle aux mains de figurants sans talent et sans gags.
Pourquoi s’offusquer de l’arrivée d’un clown en politique ?
Si Charlot avait vraiment remplacé le Dictateur, le vingtième siècle n’aurait pas été le plus sanglant de l’histoire depuis la disparition des dinosaures.
Et les lois de la république de Freedonia, lorsque Groucho Marx en prend les commandes dans « Soupe aux canards », sont à peine moins folles que celles que discutent les parlementaires britanniques à propos de la sortie de l’Union européenne.
Être sérieux ne paye plus en politique. Les gens n’ont plus confiance dans les projets, les promesses, les discours.
Ils préfèrent les agitateurs qui leur balancent des vannes et rivalisent dans la démesure. Des Docteur Folamour, qui font peur et rire en même temps. Trump et Kim Jong-un, en duo avec nez rouge, claquettes et répliques ridicules. Voilà les héros de notre temps. La La Land version planétaire…
Tout ça pour dire que Charles Michel sait maintenant quel est le seul moyen de sauver sa peau.
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