L’été s’est mal terminé pour monsieur et madame Tombaugh. Pour bien d’autres aussi, remarquez : Ulrich, Floyd Landis, Olmert, Jospin, Leterme, bref tous les dopés à leur propre ego se sont ramassés cet été une solide gueule de bois. Mais, ces gens qui les plaindra ? Tombaugh, c’est différent.
Attention, ne confondez pas Tombaugh et Tom Boonen. Tom Boonen, c’est le coureur qui a fait naître un rayon de soleil sur notre triste cyclisme. Tombaugh, c’est l’homme qui a observé le dernier rayon de soleil de notre galaxie. Lui qui a découvert il y a 76 ans la planète ultime de notre système, le papa de Pluton.
Neuf planètes qu’on était, au moins. Or, voilà que le comité central des astronomes ou je ne sais comment se nomme le saint des saints qui gère l’univers vient de décider que Pluton, c’est fini : rayée du rang des planètes. Et son satellite ? Libéré de son maître, il peut réclamer l’indépendance et choisir désormais son propre destin.
En ces tristes moments, mes pensées vont d’abord à Patricia Tombaugh, sa veuve, qui se dit « secouée » par l’événement. Et nous, alors ? Dans ce monde changeant, toutes nos certitudes s’effondrent une à une : l’URSS disparaît, l’Angleterre n’est plus une île, le cinéma de Woody Allen ne fait plus rire, la cigarette est interdite dans les bistrots. Seule restait une vérité immuable : le soleil et ses neuf planètes tournant éternellement, dernière ronde rassurante dans ce monde en déséquilibre.
Le comité central des astronomes a-t-il réfléchi aux conséquences de sa décision ? Pluton, c’est Hadès, le dieu des enfers. L’un des trois maîtres de l’Univers, avec Zeus qui règne au ciel et Poséidon sur les mers. Supprimer l’enfer, c’est supprimer le paradis. S’il ne faut plus craindre Pluton, on ne peut plus rêver au ciel. Que reste-t-il alors pour justifier nos combats, nos espoirs, notre vie ?
Mais tout n’est pas dit. Il faut se battre. Rétablir Pluton sur son axe. Lui rendre son satellite. Remettre Tombaugh au milieu du village. J’en appelle à l’ONU, à l’OTAN, à l’Amérique, à Israël, à l’Iran. Enfin, à tous nos sauveurs. Nous ne laisserons pas ces apprentis-sorciers briser nos dernières certitudes. Pluton, aujourd’hui. Pourquoi pas la planète du Petit Prince demain ? De quel droit nous imposent-ils leurs ukases ? Cette assemblée n’est pas élue plus démocratiquement que le patron des talibans, le président du comité de la tour de l’Yser ou l’ancien dictateur iraquien. Pourquoi ne pas utiliser les mêmes méthodes à son égard ? Une coalition alliée pour les déloger. Des casques bleus. Le chapitre 7 de la Charte des Nations-Unies. Sauver nos rêves, n’est-ce pas un combat au moins aussi important que bouter dehors les fous de Dieu ?
Alain Berenboom
Paru dans LE SOIR