Ils ont bien du mérite ces étudiants qui se présentent sagement devant moi. Jusqu’ici, pas un ne m’a agressé quand je lui ai annoncé que, hélas, comme il s’en rend compte lui-même…, aucun ne m’a giflé au moment où je lui ai posé la question que justement il n’avait pas révisé parce que… J’ajoute que je n’ai pas reçu (à ce jour) une seule enveloppe ni dû repousser une seule proposition tentante mais malhonnête. Rien, désespérément rien ! Mais, bon Dieu ! Dans quel monde, ils vivent ces jeunes gens ? Ils ne lisent donc pas les journaux ? Ils n’écoutent pas la radio ? Les matchs de football les plus prestigieux sont truqués même en Italie, terre bénie du ballon rond. Pour gagner des courses, les rois du vélo vont jusqu’à droguer leurs chiens. Quelques maîtres des services publics wallons, habitations sociales, hôpitaux, services d’élimination des déchets ou autres sociétés de développement régional ou intercommunales en tout genre s’en mettent plein les poches (d’accord, parmi eux, certains sont encore présumés innocents, autant que des dirigeants d’entreprises de certaines cités balnéaires).
A Anvers, un type tue ceux qui n’ont pas la même couleur que lui, à Bruxelles, ceux qui ont des plus beaux MP3 que lui. Des ministres italiens et français sont dans le collimateur de la justice, des prestigieux chefs d’entreprises, des dirigeants sportifs de haut niveau. Des ministres hollandais et français tiennent des propos répugnants sur les étrangers sans susciter beaucoup d’émotion. Quant à nous, préparons-nous à faire fortune grâce aux élections communales. En pariant en Chine (il y a maintenant une ligne directe avec Shanghai) sur la victoire de tel parti à Jehay-Bodegnée et de tel autre à Chaumont-Gistoux, nous pourrons devenir millionnaires !
Dire qu’on repousse la candidature à l’Union européenne des Roumains et des Bulgares parce qu’ils n’en feraient pas assez pour éradiquer la corruption. Mais il faudrait au contraire les accueillir au plus vite. Entrez, messieurs-dames, bienvenue dans le club !
Et ne parlons même pas de cet entêtant parfum de pétrole ni de l’odeur euphorisante des autres matières premières qui embrument les relations internationales, guident l’amitié-entre- les-peuples et jettent un voile pudique sur les régimes les plus pourris.
A l’époque de l’affaire Dutroux, ceux qui pensent pour nous utilisaient un vocabulaire nouveau, un peu sibyllin : l’estompement de la norme. Et certains de ricaner. Aujourd’hui, l’estompement est devenu la norme. Tout cela sonne un peu désespérant ? Rassurez-vous, il nous reste le mondial de football. Le retour des vraies valeurs…
Alain Berenboom
Paru dans LE SOIR