Lors de la formation du gouvernement de la Communauté française, j’avais été surpris comme tout le monde par l’arrivée de deux ministres pour diriger le département de l’éducation. Certes, il fallait bien une équipe de nettoyeurs pour balayer le champ de ruines laissé par Maria Arena. Mais, de là à designer deux titulaires pour le même portefeuille, l’idée m’avait surpris et désarçonné.
Certes, j’avais trouvé amusant que tous deux portent le même nom, Dupont et Dupond. J’y avais vu un clin d’oeil à l’un de notre plus fameux créateurs. Hommage si rare en Belgique de l’éducation à la culture.
Mais, je n’avais pas vraiment compris la raison de ce choix byzantin et paradoxal. Avec les dernières déclaration de monsieur Dupond, pardon ! de monsieur Dupont, je comprends mieux. Et je tire mon chapeau pour le génie politique qui l’a inspiré.
Il fallait tirer l’expérience des erreurs de leur prédecesseur.
Les écoles transformées en fortins, leurs abords en villages de toiles pour réfugiés, des parents obligés de passer des nuits dehors pour inscrire leurs enfants. Tout ça au nom d’une intention « louable » mais totalement théorique, instaurer une plus grande mixité dans les établissements scolaires. L’enfer est pavé de bonnes intentions.
L’éducation étant un département ingérable, dont les acteurs réclament chaque fois la réforme puis, descendent dans la rue quand elle est votée, la désignation de deux ministres permettait de sauver la face. Il y a toujours un ministre qui a raison. Un qui est du côté de la réforme et un autre avec ses opposants. Un qui fait face à la foule et un autre sur les barricades. Une doublure en quelque sorte, prêt à prendre la place de celui qui s’est fait carboniser.
L’expérience récente montre la justesse de cette analyse. Ainsi, un Dupond a aboli le décret Arena et décidé que le choix de l’école se ferait désormais par tirage au sort. Pendant qu’un autre Dupont dénonçait l’initiative de son collègue et énumérait ses défauts. Le décret Dupond est à brûler ! s’est écrié Dupont, en promettant de nous concocter sous peu un nouveau décret Dupont que Dupond s’empressera de vouer aux gémonies.
« Qui a eu l’idée stupide de donner aux enfants l’image que leur sort, leur vie, se décide comme à la loterie ?
– Je dirais même plus, mon cher Dupond, les gamins adorent gratter, jouer et parient sur la loterie pour assurer leur avenir. »
Cette affaire est un exemple à suivre dans d’autres départements. En ces temps où le chômage guette, l’idée de nommer un ministre et son double permettra peut-être à la Belgique d’amortir un peu la crise de l’emploi, vu le nombre de ministres que compte le pays, ses régions, communautés, etc.
Alain Berenboom
www.berenboom.com