Il y a quelques jours, la chancelière allemande, Angela Merkel, a signé l’acte de décès du « Multikulti », le projet de « société multiculturelle ». Une société où chaque groupe vit (ou se replie sur) sa culture mais où personne ne s’intègre vraiment. Peut-on y voir l’influence d’un sondage selon lequel plus de la moitié des Allemands ont une « mauvaise opinion » des Musulmans ?
Nous n’avons pas de leçons d’amour ni d’accueil à donner à nos voisins. Et l’intégration est chez nous aussi difficile et le restera tant qu’on ne donnera pas aux écoles primaires les moyens et les outils nécessaires. Entre temps, le Vlaams Belang surfe depuis vingt ans sur ses promesses funestes et racoleuses d’une expulsion musclée des « étrangers ». Sur le même thème, Geert Wilders a séduit les Bataves dont il tient désormais le sort du gouvernement entre ses pinces.
Les Hollandais, jadis cités en exemple de tolérance, apparaissent aujourd’hui comme une citadelle de riches bourgeois assiégés, prêts à défendre leurs privilèges au prix de leur âme.
Les jeunes d’origine marocaine n’ont pas la tête ni les habits des paysans limbourgeois de la vingt-cinquième génération ? Ils crient fort dans le tram en s’acharnant à utiliser un slang mêlant néerlandais et arabe ? Ils s’accrochent à leur double nationalité alors que la Hollande leur a généreusement fait don du passeport orange ? Ils écoutent musique et radio marocaines ? D’accord mais, cela fait-il d’eux des Hollandais pas tout à fait halal ?
Ces questions et d’autres, tout aussi candides, sont celles que pose Fouad Laroui dans son formidable livre « Des Bédouins dans le polder » (éditions Zellige). Avec un humour qui n’est pas sans rappeler celui de Nabil Ben Yadir dans son joyeux film « Les Barons ». A Molenbeek et à Rotterdam, les interrogations et les méfiances sont les mêmes.
D’une plume d’observateur (faussement) tranquille, Laroui (qui vit depuis près d’un quart de siècle à A’dam) se demande comment s’intégrer tout en n’enfouissant pas les richesses de sa culture d’origine au fond d’un placard à travers une série de portraits et de scènes vécus ou imaginaires. Ce superbe écrivain (qui a signé plusieurs romans parus chez Julliard) n’hésite pas à brocarder les travers de ceux qui, comme lui, sont venus du Maroc s’installer dans les polders mais aussi à soutenir la présidente du parti socialiste qui, avant la chancelière démo-chrétienne, proposait de rompre avec l’idéologie multiculturaliste. Laroui, qui aime profondément ses Bédouins en a assez d’être le bon Arabe dans les débats télévisés. Il est tout simplement un citoyen hollandais, écrivant en français, nourri de sa culture mais aussi de celle de l’occident, un grand écrivain aux goûts variés et cosmopolites. Donnant un livre aussi délicieux que des cornes de gazelle !
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