CHER SAINT NICOLAS

Je sais qu’on est un peu tôt dans l’année mais, avec le réchauffement climatique et Sarah Palin prix Nobel de la Paix, qui sait où vous serez en décembre ?

Je profite donc de la chute des feuilles, de la température et de la finance pour vous envoyer ma petite bafouille.

L’an dernier, vous n’avez pas été très généreux avec moi comme qui dirait. D’accord, je n’avais pas timbré ma lettre mais était-ce une raison pour me claquer la hotte sur les doigts ? Les cinglés de Jéhovah nous ont certes distribué quelques boissons chaudes et un paquet de bibles – que même à la brocante, on ne parvient plus à fourguer- mais, de retour dans ma boîte en carton à l’entrée de la gare, c’était pas Noël si vous voyez ce que je veux dire. Je vous avais demandé un petit internement au 127 bis mais paraît que je faisais pas assez étranger. A la prison, c’était complet. Et chez les fous, ils m’ont ri au nez. Bref, j’ai pas envie de claquer des dents un autre hiver dans le couloir de la gare centrale. Or voilà que l’autre jour, un supporter d’Anderlecht, de retour dégoûté de Sclessin, m’a jeté son T-shirt mauve, à la gloire de son équipe. Ou plutôt de son sponsor, la Fortis.

Quand je l’ai enfilé, mon voisin, « La Science », l’intellectuel de la gare qui lit « Métro » tous les matins, il s’est écrié : « Eh bien, Marcel ! C’est drôle comme tu ressembles à ce type là ! » Il me montrait la photo de première page d’un monsieur Lippens. Le patron de la Fortis, qui venait de rendre son tablier comme qui dirait. Même qu’il tirait une drôle de tête, ce monsieur Lippens, celle d’un gros gourmand à qui le docteur vient d’interdire la mousse au chocolat jusqu’à la fin de ses jours. Bref, c’est vrai que ce gars, je lui ressemble comme un frère. Or, qu’est-ce que me dit « La Science » ? Comme quoi le gouvernement belge, il cherche très vite un bonhomme pour se glisser dans le fauteuil à monsieur Lippens, sinon les Hollandais vont nous refiler un chômeur à eux. Et c’est là que j’ai eu l’idée qui peut arranger tout le monde et moi-même, grand Saint Nicolas. Il suffit que tu me nommes patron à la place du patron. Moi, je suis au chaud jusqu’au printemps. MM. Leterme et Reynders, ils ont leur Belge dans la place. Les autres patrons ne me feront pas la gueule vu que je risque pas de menacer leur job. Et les gens à Fortis, les clients, les actionnaires, le personnel, ils seront ravis de se retrouver exactement comme avant la crise avec le clone de leur patron qui répétera comme lui : « Tout va bien. Rien à craindre. Nous sommes tellement plus intelligents et plus forts que les autres ! »

Comme on dit chez ces gens-là : c’est une opération win-win. Tu vois, grand saint, le métier commence à entrer !

Alain Berenboom

www.berenboom.com