Ces derniers temps, notre pays de cocagne a donné l’impression de se désagréger. Tout a commencé lorsque la bière belge a été transformée en flotjesbier brésilienne. Dès ce moment, nos certitudes, nos repères, les piliers de notre civilisation, ont volé en éclat. La vraie « blanche » flamande de Hoegaarden était froidement délocalisée en Wallonie – pourquoi pas en Corée ? L’électricité belge devenait gaz français (à travers l’absorption de Suez). Les trams bruxellois étaient repeints en gris. Comme les poteaux de signalisation, travestis en symboles communautaires. Freya Vandenbossche se faisait houspiller autant que le prince héritier. Louis Tobbak et Willy De Clercq, chantres de la Belgique de toujours, paradaient devant les caméras de télévision pour parrainer la création d’un royaume indépendant au centre de la Flandre, Robland (sur VTM le dimanche soir). Traverser la gare centrale de Bruxelles devenait aussi périlleux que se faufiler la nuit dans les rues de Charleroi. Certains demandaient même le rétablissement du service militaire obligatoire. Pourquoi pas recréer la gendarmerie ? La nouvelle culture politique a été effacée des tablettes. Mr Verwilghen n’était plus qu’un politicien comme les autres et les membres de sa commission parlementaire, héros d’un jour, tombés dans l’oubli. La justice n’avait toujours pas débusqué les tueurs du Brabant ni le commanditaire de l’assassinat d’André Cools mais cela n’intéressait plus personne. La seule chose qui vraiment choquait les gens, c’était l’hiver. Un hiver interminable, glacé, un vent polaire sans fin sur le plat pays qui rendait tout le monde frileux, méfiant, cloîtré en lui-même.
Alors, vint le printemps. Un printemps tardif mais vivifiant, vite brûlant. Avec le soleil, tout a changé. Le pays a repris des couleurs. Une nouvelle jeunesse. Et la Belgique de jadis a ré- émergé d’une trop longue obscurité. Dix ans et plus effacés d’un rayon de soleil. Monsieur Martens (Wilfried, le terne et interminable premier ministre de jadis, pas Freddy, le flamboyant champion cycliste) faisait sa rentrée, salué comme l’homme d’un temps béni (et pourtant…). Dehaene, son collaborateur puis son successeur, célébré dans les sondages (lui qui avait étouffé toute vie politique). Nihoul, co-inculpé dans l’affaire Dutroux, à peine libéré, venait faire le paon devant la presse comme au bon vieux temps pour dénoncer ceux qui s’étaient « acharnés » sur lui. Même le parquet de Bruxelles classait vite fait des centaines de dossiers comme à la bonne époque de l’affaire Pandy. Ah oui ! Vraiment, qu’il est réconfortant de retrouver la Belgique de toujours. Même que, si l’on continue comme ça, on aura à nouveau cinquante ans de CVP. Tindemans à la tête de l’état ? Quel oxygène !
Alain Bereneboom
Paru dans LE SOIR