HOU, HOU ! FAIS-MOI PEUR !

  Il paraît qu’on enregistre dans plusieurs régions du monde un retour remarqué des fantômes. On les croyait oubliés, tremblant de froid, le suaire humide, leurs vieilles chaînes rouillées, dans quelque château d’Ecosse depuis plus d’un siècle. Et les samouraïs vengeurs du Japon, on les disait disparus dans l’explosion de la première bombe atomique à Hiroshima le 6 août 1945.

   Est-ce la grande peur liée à la pandémie de covid, la succession d’attentats terroristes depuis le début de ce siècle ou de guerres violentes, inexplicables et insensées au Yemen, en Ukraine ou au Soudan qui les a réveillés ? Peut-être l’internet, les robots, la réalité augmentée, le métavers ? L’origine de ce regain des spectres reste discutée mais les psy de tous poils nous l’assurent, les fantômes sont de retour. Dans leurs cabinets, les patients angoissés sont de plus en plus nombreux à en porter témoignage. Cependant, les spectres new wave ne ressemblent plus aux clichés immortalisés par Willy Vandersteen (dans son merveilleux « Fantôme espagnol ») ou à The Phantom de Lee Falk ou au petit et adorable Casper. Ni aux innombrables fantômes des mangas japonaises. 

  Aux Etats-Unis, les morts-vivants se sont emparés de la présidence des Etats-Unis, entre un ex-président transformé en zombie vengeur et un gentil fantôme à l’ancienne. En Grande-Bretagne, le roi Charles III monte tout sémillant sur le trône à 74 ans. On attend que sa maman participe à la cérémonie comme toujours mais plus transparente que jamais. Lorsque Charles III prendra sa pré-pension après 40 ans de règne, il devrait ressembler au père d’Hamlet, l’ex-roi du Danemark transformé en spectre.  

En Russie, Vladimir Vladimirovitch, le vrai, a été effacé depuis longtemps pour être remplacé par une espèce de clone fabriqué par un savant fou, qui a l’apparence de Poutine mais qui a été mélangé avec le cerveau de Staline et les cendres de Brejnev. 

   En Chine, il y a eu tant de décès dans les camps et les prisons qu’on s’attend à un retour brutal de tous ces morts-vivants venus réclamer des comptes. Que fera Xi-Jinping et sa puissante armée face à cette invasion venue du néant ? 

   Tous ces spectres déconcertants devraient prendre garde. Car les populations, un peu partout sur la planète, lassées de vivre dans un climat de peur permanente, entre les promesses de fin du monde, les catastrophes dues au réchauffement climatique et la multiplication de conflits incompréhensibles, pourraient être tentés de faire appel à des robots intelligents mais méchants et sans état d’âme pour les départager. 

  Qu’est-ce qu’on s’amuse au XXIème siècle ! 

PS : qui aime les fantômes doit lire ou relire toutes affaires cessantes « La Symphonie des Spectres » de John Gardner (Denoël ou Points Seuil).

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LE PERCEPTEUR SONNE TOUJOURS DEUX FOIS

  Lors de leur prestation de serment, les présidents américains ont pris l’habitude d’inviter un poète. Biden a convié Amanda Gorman à la cérémonie, qui a écrit des vers spécialement pour la circonstance, comme l’avait fait Richard Blanco pour Barack Obama. 

   En France, les présidents nouvellement élus s’empressent d’expliquer dans leurs premières interviews l’importance pour eux de la littérature et de vanter leurs auteurs de chevet, Maupassant pour Giscard d’Estaing, Lamartine et Saint John Perse pour Mitterrand (qui a soigneusement oublié le funeste et sulfureux Maurras, écrivain culte de sa jeunesse). François Hollande lisait… Mitterrand. Et Macron, qui est un lecteur boulimique, cite régulièrement Ricoeur, son maître, mais aussi Levinas et Saint-Simon, autant que les classiques du théâtre français ou Proust et Céline.  

   En Belgique, on n’a pas jamais entendu les ministres rendre hommage aux auteurs qui les ont inspirés en sortant du Palais royal. Nos politiciens préfèrent parler de sport ou de cuisine. Rarement de leurs bouquins préférés. A quelques rares exceptions, comme Olivier Maingain soulignant l’importance du grand écrivain flamand Tom Lanoye ou Paul Magnette qui célèbre Pasolini.    

   Ceci explique sans doute pourquoi la culture est si malmenée dans notre pauvre pays et ses budgets riquiqui.

 En Flandre, elle est instrumentalisée par la N-VA. Si Jan Jambon, le ministre-président, s’est réservé la compétence, c’est moins par appétit du cinéma ou des bouquins que pour reprendre en mains ces agités du bonnet dont beaucoup ont contesté le parti de Bart De Wever et refusé de se laisser asphyxier dans une région transformée en citadelle. L’essentiel de l’action du ministre-président a consisté à établir des « canons », une bible des éléments de l’identité flamande, dont on attend que les auteurs subsidiés veuillent bien les décliner, autant que la VRT, appelée à se « concentrer sur le renforcement de l’identité flamande ». 

   Le ministre des finances, Vincent Van Peteghem (CD&V), lui, préfère combattre créateurs et artistes par les armes de la fiscalité. Depuis quinze ans, les auteurs et artistes qui gagnent moins de 37.500 € par an (indexé) bénéficient d’un régime fiscal avantageux, comme dans plusieurs autres pays voisins. Façon de soutenir ces créateurs fragiles (elle exclut les stars qui encaissent d’importants royalties) et d’éviter que auteurs et artistes abandonnent leur passion pour un métier plus lucratif. Or, voilà que la loi-programme du 26 décembre 2022 vient bousculer cet édifice en limitant les droits des auteurs et des artistes à bénéficier de cette réglementation.

   D’un côté, on tente d’enrégimenter les artistes, de l’autre on leur envoie le fisc… Créer des œuvres en Belgique est décidément un sport de combat… 

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L’IMAGINATION AU POUVOIR

Puisque ChatGPT fait fureur, que les journaux, radios et télés en débattent tous les jours, j’ai à mon tour voulu me frotter à la bête. Espérant avoir trouvé le moyen de faire écrire ma chronique par un ghost writer 2.0 tout en dévorant mon dessert couché dans un hamac devant ma série favorite. Combien d’étudiants ont déjà confié au robot le soin de leur souffler la solution de leurs problèmes ou de rédiger d’une plume allègre la dissertation sur laquelle ils séchaient depuis des jours ? En prime, l’AI leur a fourni une documentation précise et complète sur le personnage ou le fait historique que leurs bourreaux de profs leur ont mis dans les pattes. 

Un ami avocat à Liège m’a prévenu. « Quand j’ai entré mon nom, ChatGPT m’a appris que j’étais mort… » Bof, un détail. Un jour, l’info sera exacte. Inexorablement. 

Le cœur tranquille, j’ai à mon tour interrogé la bête. Qui suis-je ? Après quelques généralités sur le style de mes livres et leurs thèmes, parfois exactes, parfois moins, ChatGPT conclut en citant, précise-t-elle, mes deux romans les plus connus. 

Et là, surprise, au lieu de citer le titre de l’un ou l’autre de la quinzaine de bouquins que j’ai publiés, il précise que mes romans plus fameux sont « La robe de la mariée » et « Le club des bernard l’ermite ». Voulant l’information tout à fait complète, il détaille même l’intrigue de chacun de ces ouvrages.

« La robe de la mariée » raconte l’histoire d’une jeune femme qui doit faire face à l’antisémitisme de son futur beau-père. « Le club des bernard l’ermite » relate les aventures de quatre amis bruxellois à la recherche d’un appartement. 

L’étudiant qui aura reçu cette réponse précise, parfaite, de son robot favori remettra le texte à son prof, les yeux fermés, certain d’avoir passé l’épreuve haut la main. Seul petit problème, je n’ai écrit aucun de ces ouvrages ! Ni rien qui ressemble de près ou de loin aux passionnantes intrigues que la machine me prête.

Faisant preuve d’une imagination bien plus impressionnante que celle d’un certain nombre d’écrivains que je me garderai de citer, ChatGPT a donc inventé deux histoires, dont elle me prête la paternité, leur a donné un titre et raconté le scénario.

Or, si je n’ai jamais écrit les deux romans que la bête m’attribue, personne ne les a rédigés. ChatGPT ne m’a pas confondu avec un collègue. Il n’a pas mélangé la bibliographie de deux écrivains. Ces romans sont introuvables sur internet. Inconnus au bataillon.  

L’AI n’est donc pas une machine froide, rigoureuse, sérieuse mais une bêbête folle, délirante, fantaisiste et farfelue. Capable de bien plus de pieds de nez et de chefs d’œuvre que pas mal d’êtres humains ! 

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PARIS EST UNE FÊTE

    En voyant tous les jours les images de Paris ravagée par les grèves à répétition, noyée sous l’amoncèlement des ordures, en contemplant les vagues de manifs dans les rues, la violence des voyous qui se sont glissés dans les cortèges et celle aussi choquante des policiers, on hésite à mettre les pieds en France. On se dit que s’il faut vraiment y aller, qu’on a un rendez-vous obligé dans la Ville-Lumière, mieux vaut descendre en voiture, la laisser dans un parking protégé, se munir de solides chaussures de marche, d’un masque à oxygène et d’un gilet pare-balles.

Or, en débarquant dans la capitale française il y a quelques jours d’un train parfaitement à l’heure, je n’ai pas vu d’autres ruines que Notre-Dame. 

Celles de la politique d’Emmanuel Macron étaient parfaitement invisibles. Même les auteurs de tags ignoraient la « colère du peuple » dont se gargarisent les Mélenchonistes. J’ai eu beau chercher. Personne n’a songé à rebaptiser une station de métro 49.3. 

Aux abords du Jardin du Luxembourg, entre Sorbonne et Panthéon-Assas, pas le moindre coup de gueule. Des groupes d’étudiants se promenaient joyeusement, aussi insouciants que les personnages d’un film de René Clair.  

Peut-on imaginer que les révolutionnaires de 1789 aient fait la pause pendant les fêtes de Pâques ? Gardez la Bastille au chaud, on va continuer à la démolir dès que nous rentrerons de vacances !

Tout a été soigneusement balayé, ordures, banderoles, pétards, grenades lacrymo. Les oiseaux en pagaille fêtaient l’arrivée du printemps en saluant les touristes qui seuls se pressaient sur les boulevards. Ils ne protestaient que contre la longueur des files devant les expos et les restaus. Charles III peut débarquer sans crainte avec madame en chapeau et Xi Jinping, le nouvel ami du président français, s’offrir une première visite surprise en Europe. 

Il est vrai que le président Macron, après avoir fait passer sa réforme des retraites à la hache, a choisi un nouveau terrain pour se faire les muscles, la scène mondiale. Profitant de son voyage à Pékin, il a proclamé « l’autonomie stratégique » de l’Europe. Tente-t-il de se glisser dans le costume du général de Gaulle ? Ira-t-il jusqu’à quitter l’organisation militaire intégrée de l’Alliance atlantique ? En pleine guerre d’Ukraine ? Et à fermer les yeux sur les menaces contre Taiwan ? En tout cas, Macron a une nouvelle fois réussi à se mettre tout le monde à dos, Américains et la plupart des Européens. Au nom desquels il prétendait, sans mandat, parler au président chinois tandis que la pauvre présidente de la commission européenne était une nouvelle fois reléguée au rôle de potiche.  

 Xi sourit, impassible. Ecouter Macron, comme avant lui les chefs de gouvernement espagnol et allemand, lui semble aussi paisible et amusant que regarder « Entr’acte », le chef d’œuvre muet de René Clair.   

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 T’AS DE BEAUX YEUX, TU SAIS …

Dans une interview à l’occasion de la promotion du film « Normale » qui vient de sortir sur les écrans, Justine Lacroix (18 ans) avouait qu’avant de le rencontrer, elle n’avait jamais entendu parler de son partenaire Benoit Poelvoorde. Quelques mois auparavant, une étudiante qui faisait un stage à mon bureau me disait que le nom de Fernandel lui était totalement inconnu.  

Il serait ridicule de mesurer l’intelligence ou la culture de quelqu’un en fonction de sa connaissance plus ou moins encyclopédique du cinéma. On peut survivre dans ce monde de brutes sans avoir vu « C’est arrivé près de chez nous », le brulot décapant de Rémy Belvaux et remuer la douce nostalgie d’un paradis perdu sans se repasser le délirant « Schpountz » de Marcel Pagnol. Quoique ça aide. 

Je ne sais pourquoi mais quelques répliques cultes rendent la vie plus respirable comme si elles faisaient partie d’un grand tout étoilé. « T’as de beaux yeux, tu sais ? » (Jean Gabin à Michèle Morgan). « Moi, j’ai dit bizarre ? Comme c’est étrange » (Louis Jouvet à Michel Simon). « Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende ! » (« L’Homme qui tua Liberty Valence »). « Good morning, Vietnam ! » (Robin Williams).

A vingt ans ou presque, une ado choisit évidemment d’autres idoles que ce pôvre Fernandel, Gabin et même Poelvoorde, pourtant plus vivant que jamais ! Que sais-je, moi, des stars des séries qui cartonnent sur le Net ou des influenceuses qui entraînent des millions de followers dans leurs passions – ou celles de leurs commanditaires ? Parmi les nouveaux auteurs de films, livres, BD, musique, qui naissent chaque semaine, il se trouve des talents aussi exceptionnels que ceux qui ont remué les lecteurs et spectateurs des autres générations. 

Cependant (vous vous doutiez bien que je n’allais pas lâcher cet os aussi facilement), je suis persuadé que plonger dans les créations du passé booste les plaisirs du présent. C’est ce cocktail qui rend plus fort l’esprit critique, qui illumine le meilleur de ce qui se fait. Les plaisirs de toutes les époques se cognent, s’éclairent, renforcent le taux d’alcoolémie de ce cocktail qui nous permet de survivre.  

Prenez Felix (6 ans). Il est fou du manga Naruto (et de quelques autres). Mais il se jette avec la même passion sur Tintin, Buck Danny et Blondin & Cirage (hé oui). Dans son esprit, il n’y a pas de ligne du temps. Kishimoto Masahi, Hergé, Jijé sont pour lui contemporains. Comme nous prenons le même plaisir aux « Hauts de Hurlevent » ou au « Comte de Monte-Cristo », écrits il y a près de deux cents ans que, au hasard, à « Americanah » de C. N. Adichie ou à la « Cité des Nuages et des oiseaux » d’Anthony Doerr.

Se priver d’une émotion du passé c’est se priver du plaisir de l’instant présent.      

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ZAPORIJJIA MON AMOUR

    Prise sous le feu russe et ses bombardements absurdes et suicidaires, la situation de la centrale nucléaire de Zaporijjia semble désespérée. Les dirigeants ukrainiens ne savent plus à quel saint se vouer pour éviter une catastrophe qui risque de contaminer toute l’Europe, un nouveau Tchernobyl. Les dernières déclarations du patron de l’AIEA, qui s’est une nouvelle fois rendu sur place, sont glaçantes. 

Tout semblait bloqué. Jusqu’à ce qu’un homme se manifeste pour sauver l’Ukraine, l’Europe, le monde, Georges-Louis Bouchez. Qui mieux que le président du MR peut expliquer aux Ukrainiens et aux Russes l’intérêt de conserver cette centrale et, pourquoi pas, dans la foulée, d’en créer quelques autres dans les environs, l’avenir étant au nucléaire. Un dada qu’il partage avec le président Poutine. 

Justement ces deux-là ont quelque chose à se dire. Les Russes occupent Zaporijjia mais ils ne savent comment se débarrasser de cette patate brûlante. Pas question de la restituer aux Ukrainiens. D’un autre côté, ils préfèrent être loin de là le jour où la centrale fera boum ! 

La solution de notre Mr Atomik ? Céder la centrale à la Belgique. 

Les Russes en seraient soulagés. Bon débarras ! Les Ukrainiens fêteraient le départ des Russes comme une victoire. Et les Belges y gagneraient à tous les coups. 

Mr Bouchez se vantera d’avoir réussi à mettre en œuvre sa politique en acquérant une nouvelle centrale et ses partenaires du gouvernement se réjouiront que la nouvelle centrale belge est loin du territoire national. C’est la magie de la Vivaldi, permettre à tous les membres de la coalition de remplir leurs objectifs en même temps surtout quand ces objectifs sont totalement contradictoires. Grâce à ce tour de passe-passe, on réussira une fois de plus à faire tout et son contraire : plus de nucléaire sous pavillon belge et moins de nucléaire sur le territoire belge. Nos politiciens ne sont-ils pas les plus castars du monde ? 

Reste un problème, les déchets. Quand on lui posait la question, Mr Atomik avait toujours la même réaction : il les glissait sous le tapis. 

Cette fois, il rayonne. Il a la solution. L’Ukraine est déjà tellement couverte de déchets de toute sorte depuis que l’armée russe arrose leur territoire d’obus qu’ils ne s’apercevront même pas que les Belges leur en fourguent quelques tonnes de plus, qui sommeilleront pour l’éternité dans cette terre devenue belge. 

Reste à acheminer l’électricité vers la mère-patrie. Les Russes transportaient leur gaz et leur pétrole par pipe-line. De Zaporijjia-lez-Bruxelles, ce sera plus simple encore, quelques lignes haute tension et le tour est joué. Fini les économies d’énergie et autres privations. Pour le prochain hiver, on n’aura pas de scrupules à tout allumer, à tout faire flamber, grâce à notre nouvelle centrale. 

On dit merci qui ?    

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DU PASSE FAISONS TABLE RASE

 Quel événement ! En a-t-on vraiment mesuré l’importance, pris que nous étions par les balbutiements de la réforme des retraites en France qui jette les futurs vieillards en colère dans les rues et les débats chez nous sur la création de facultés de médecine dans chaque ville et village de Wallonie ? 

C’est pourtant un véritable événement dont on ne mesure pas encore les conséquences. Il a fallu la photo officielle de la rencontre entre Xi Jinping et Vladimir Poutine pour que l’on comprenne que quelque chose a vraiment changé à Moscou. La table, la célèbre table kilométrique au bout de laquelle Vladimir Vladimirovitch plaçait tous ses invités et même ses chefs militaires s’était brutalement réduite. Et pas un peu ! Il y a un an, le plateau s’étendait sur plusieurs mètres. Pour recevoir son prestigieux hôte chinois, la table a fondu comme neige au soleil. Elle ne mesure plus que quelques centimètres. 

Assis de part et d’autre du minuscule meuble, s’il avait tendu le bras, Xi aurait pu mettre son poing dans la figure de Vlad sans effort. 

Que s’est-il donc passé pour transformer ce long mur de bois qui isolait Vladimir du monde et de ses habitants en une simple table de nuit ? 

Plusieurs hypothèses sont échafaudées dans les chancelleries. Pour certains experts, c’est la preuve que la Russie commence à manquer de carburant de chauffage. Il a fallu découper la table historique et en faire du petit bois pour alimenter le feu ouvert dans le bureau du président russe. D’autres pensent que Poutine a voulu en faire un symbole de rapprochement avec la Chine. Une façon pour lui d’inviter son puissant voisin à faire chambre commune avec lui. Viens, mon loup. Entre nous, il n’y a qu’une mince planchette sur laquelle tu peux déposer tes lunettes, un verre de vodka et tes bouchons d’oreille. (N’ai pas d’inquiétude. Je ne ronfle pas.)

Certains suggèrent même que la disparition de la table-armure qui protégeait Vladimir Vladimirovitch du reste de l’humanité est le résultat d’un sabotage de facétieux opposants à la guerre. Des membres de son entourage qui savaient qu’en subtilisant sa célèbre table, le président russe se trouverait mis à nu, aussi désarmé que Samson sans sa chevelure, Attila sans son cheval, Manneken Pis sans son zizi.

Le plus vraisemblable est que Poutine a offert son meuble le plus précieux à Xi Jinping en échange d’armes. Une table (mais quelle table ! le trésor le plus précieux du Kremlin) contre cent mille obus. Xi en rit encore (ce qui lui arrive rarement). Car Poutine a vendu son âme contre un plat de lentilles. La seule promesse qu’il a reçue est que Chinois et Russes procéderont à des exercices militaires en commun. Façon d’écarter quelques milliers de soldats russes du front ukrainien. Subtile mise en œuvre du plan de paix chinois…   

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DRÔLES DE DRAMES

    La France est suspendue depuis des semaines au vote de la réforme des retraites. La question mobilise toutes les énergies, la une de tous les medias, les discours de tous les politiques. Les trains ne roulent plus, les poubelles inondent les rues tandis que les gilets jaunes se préparent à revenir joyeusement par la cheminée. Tout ce charivari, bruits et fureur pour empêcher le report de l’âge de la retraite à 64 ans. Que se passera-t-il dans quelques années quand la Belgique aura annexé la France, importé ses lois et que, devenus belges, les Français découvriront que l’âge de la retraite est de 67 ans ? Ils se jetteront à nouveau dans les rues mais en criant cette fois : « Macron, reviens ! Les Belges sont devenus fous ! » 

   On s’étonne un peu de la violence de la réaction de la rue en France sans que personne ne semble se demander si dans 64 ans, il y aura encore quelqu’un sur terre pour demander de bénéficier d’une pension et à qui ? 

   Oui, que restera-t-il de la planète bleue noyée sous la mitraille, l’acier et le feu ? Ce qui frappe ces dernières semaines, c’est l’explosion de la fabrication des armes. Des armes, jusque là bien emballées, qui servaient à dissuader mais qu’on sort des cartons pour le feu d’artifices. 

La terrifiante et interminable guerre en Ukraine n’explique pas tout. Il y a aussi l’achat de sous-marins nucléaires par l’Australie, qui se méfie de la Chine, la hausse spectaculaire des budgets militaires des Chinois qui se méfient des Américains et des dépenses militaires des Etats-Unis qui se méfient de tout le monde. Sans compter les dictatures africaines qui en ont besoin pour mater leur population, affronter des rebelles de tous poils ou créer des troubles chez leurs voisins. Rayon développement massif des armements, on imagine que les Russes ne sont pas en reste. Sur tous les continents, les usines d’armement tournent à plein régime. 

Dire qu’on s’était étonné du « pognon de fou » distribué, « quoi qu’il en coûte » par les gouvernements un peu partout pendant la pandémie pour que personne ne sombre. Mais ce n’était que roupie de sansonnet face à la flambée des dépenses militaires. Avec cette interrogation au passage : d’où vient tout ce pognon ? Et où se cachait-il ? Alors que chez nous, par exemple, on ne trouve pas une petite enveloppe pour ouvrir immédiatement des centres de refuge décents pour demandeurs d’asile. On pourrait peut-être suggérer à la FN de les financer sur les bénéfices qu’elle doit être en train d’engranger ? 

    « A force d’écrire des choses horribles, s’écrie Michel Simon dans « Drôle de Drame » (où il joue le rôle d’un écrivain), les choses horribles finissent par arriver ». Un sérieux avertissement qui avait été lancé deux ans avant le début de la deuxième guerre mondiale. Vous trouvez la coïncidence bizarre ? Bizarre ? Vous avez dit bizarre ? 

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J’AIME LES FILLES

   Le 8 mars, je n’ai pu m’empêcher de saluer la journée des femmes en chantonnant sans même y penser « J’aime les filles » à la manière (plus ou moins) de Jacques Dutronc. 

  Mais je me suis tu avant la deuxième strophe. Diable ! Si quelqu’un m’entendait…

A l’époque (1967), le disque avait caracolé en tête des hit-parades pendant des semaines. Elle était diffusée en boucle sur les ondes. Aujourd’hui, une radio peut-elle encore programmer cette chanson sans s’attirer les foudres d’associations et de personnalités bien pensantes ? 

Au début des années soixante, « Le Gorille » de Brassens était interdit d’antenne. Et aujourd’hui « J’aime les filles » ? 

D’abord, ce mot « filles » ? Ne doit-on pas dire « femmes » ? Jamais un président de la république française, un député, même un conseiller municipal ne commencerait plus un discours comme Giscard qui lançait fièrement « Bonchoir Madame, bonchoir mademoiselle, bonchoir monsieur » … 

Mademoiselle ? Le mot a été supprimé des documents administratifs par une très officielle directive du premier ministre français en 2012, Jean-Marc Ayrault. Remarquez, on pouvait l’appeler Ayrault sans ajouter Héroïne. 

Entretemps, en effet, l’orthographe inclusif.ve commence à décomposer les textes. Comme on réécrit les livres de Roald Dahl ou de Ian Fleming, on risque d’exiger bientôt de revoir les classiques avant d’autoriser leur réédition. Marcel Proust : « Longtemps, je me suis couché.e de bonne heure ». Corneille : « Jamais un.e envieux.euse ne pardonne au mérite » ou « Un.e menteur.euse est toujours prodigue de serments »… 

   Comme si la reconnaissance de droits ô combien légitimes devait systématiquement s’accompagner d’interdits, de contraintes ridicules, de censure. La liberté des femmes passe par la liberté tout court. 

   Une phrase qui aurait pu être signée d’Isabelle Blume. Justement, c’est l’occasion de se souvenir de cette immense dame, morte un 12 mars (en 1975). Femme politique, féministe, militante. Journaliste à La Vie ouvrière, elle avait été priée d’interrompre la campagne qu’elle avait lancée, « La démocratie conjugale », contestant la suprématie masculine dans le ménage. Elue députée en 1936 (alors que les femmes n’avaient pas le droit de vote), elle avait pris pour thème de son premier discours « A travail égal, salaire égal ». Une tribune qui lui a permis d’être le fer de lance de tous les combats féministes, l’égalité des pensions, des indemnités de chômage, l’accès des femmes à la magistrature (on vient de loin). Elle a été une des premières aussi à lutter contre le fascisme, en faisant des tournées dans des usines allemandes mais aussi en Espagne pendant la guerre civile.

Si elle était française, Isabelle Blume serait entrée au Panthéon en même temps que Joséphien Baker…

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CHEF, UN P’TIT VERRE, ON A SOIF !

  A l’approche des élections, Bart De Wever oublie enfin les affaires angoissantes du moment pour se détendre un peu avec son joujou préféré, le Lego institutionnel. 

Avec d’abord un jeu de cartes. Chaque électeur flamand disposera de deux bulletins pour élire les parlementaires flamands. Une pour choisir un député de son patelin, l’autre pour élire un castar sur une liste de « grands noms » qui représentera toute la région flamande. 

Mais qui choisira la liste des « grands noms » ? Une main innocente (genre Miss Limburg) par tirage au sort ? Le résultat d’un jeu télévisé ? Ou est-ce Bart De Wever lui-même qui désignera ces bekende Vlamingen ? Dans ce cas, sachant que le maître d’Anvers considère qu’il y a peu de collègues aussi fûtés et intelligents que lui, la liste des « grands noms » soumise aux électeurs risque d’être assez courte :  ils pourront choisir entre Bart et De Wever…

On suppose que ces super-députés auront le pouvoir de voter enfin des lois intelligentes. 

Il serait temps. Quand on voit la politique de la secrétaire d’état à l’Asile qui n’a rien trouvé de mieux pour se débarrasser des migrants, souvent venus en bateau au risque de leur vie, que de les enfermer sur un ponton flottant… 

Autre proposition du maître de la N-VA, supprimer l’élection des membres de la Chambre, qui serait composée désormais de parlementaires régionaux. A quoi bon en effet un parlement fédéral ? Dans son projet, l’état central n’aurait plus de compétences, sauf celles dont la région flamande ne veut pas. Par exemple, empêcher les trafiquants de drogue de passer par le port d’Anvers et se mitrailler entre eux dans les rues de la métropole. 

Autre idée, Bart De Wever suggère d’ouvrir un droit d’appel contre les arrêts de la cour constitutionnelle devant le parlement. 

Il a raison de déplorer la jurisprudence erratique de notre cour constitutionnelle, de ses décisions parfois contestables, contradictoires voire incompréhensibles. Mais elle est le résultat de sa composition absurde, formée pour partie de politiciens généralement en fin de carrière recasés par leurs partis plutôt que de juristes éminents. C’est ce qui explique ces gribouillages plus politiques que juridiques.  

Ce sont donc les politiciens qu’il faut éliminer de la cour au lieu de proposer que les décisions de la cour soient revues et corrigées par d’autres politiciens. 

Dire qu’un projet identique jette depuis des semaines des dizaines de milliers d’Israéliens dans les rues contre le gouvernement de droite-droite-droite en l’accusant de bafouer l’une des règles de base de la démocratie, la séparation des pouvoirs. 

On savait le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou copain avec Poutine. Le voilà donc aussi inspirateur de Bart De Wever… 

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