Mieux vaut être pauvre …

chronique
Il fait bon être pauvre ces temps-ci. En voyant les somptueuses images du film de Pascale Ferran, quel mâle n’a eu une pensée envieuse pour le pauvre garde-chasse de madame Chatterley ? Un pauvre comblé par les émois de sa superbe patronne – une pauvre petite fille riche qui aime les bois, l’eau pure, et les hommes, les vrais.
A propos d’écologie et de nature, d’autres pauvres ont aussi été à l’honneur au congrès du P.S. ce week-end : les automobilistes pauvres. Annonce inattendue du président, le parti s’opposera désormais au projet de taxe frappant les véhicules polluants. Les voitures sales, a-t-il expliqué sans rire, sont le propre des pauvres. Pas question que les vilains capitalistes de l’industrie automobile se fassent des sous en vendant aux moins nantis des voitures moins polluantes avec la complicité sournoise du ministre des Finances ! Qu’on leur laisse leur tas de ferraille ! Pour un peu, M. Di Rupo aurait expliqué qu’agir ainsi est un acte culturel : les vieilles bagnoles devraient être inscrites au patrimoine de l’humanité avec toutes les grandes figures du patrimoine wallon, le carnaval de Binche, les habitations sociales de Charleroi et le sénateur Onkelinkx.
Comme Henri Simons, frais transfuge d’Ecolo, était dans la salle, le président du P.S.s’est empressé de souligner que son combat en faveur du CO2 des pauvres n’ébranlait en rien sa volonté de combattre la pollution par tous les moyens. Ainsi, le circuit de Francorchamps offrira des auto-collants gratuits vantant les mérites des énergies renouvelables aux bolides qui s’aligneront au prochain grand prix. Le texte des auto-collants risquant d’être difficile à déchiffrer vu la vitesse des véhicules, Henri Simons a annoncé qu’il offrira gratuitement aux spectateurs sa superbe collection de lunettes aux montures vertes. Ainsi, il ne sera plus dit que les pauvres n’ont que leurs yeux pour pleurer.
Vis-à-vis des Flamands, la stratégie de M. Di Rupo est hasardeuse. Avec le plan Marshall, il s’était donné l’image d’un homme politique encourageant les jeunes entrepreneurs dynamiques, les industries performantes, les winners enrichis de demain. Un programme qui avait tout pour plaire à l’élite du Nord. Mais espérer devenir premier ministre après avoir fait campagne sur le thème « laissez aux pauvres de Wallonie le droit de rester pauvres », ce sera difficile. Beaucoup plus difficile. Restera en cas d’échec à se consoler en revoyant « La Traversée de Paris » (le beau film que Claude Autant-Lara avait tiré d’une nouvelle de Marcel Aymé) pour cette scène célèbre où Jean Gabin clame : « Salauds de pauvres ! »

Alain Berenboom
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ODE A UNE CREATURE DE RÊVE QUI A 50 ANS

chronique
Que retient-on d’un homme après sa mort ? Une image, une phrase, guère plus. Newton, une pomme. Cambronne, un mot. Henri IV, une poule. Louis XVI, une tête. Arena, une douche. Attila, un steak. Les copains de Maurice Papon ont bien retenu la leçon. Pas bête le coup de la Légion d’honneur. Tant que la presse s’interroge, on l’enterre avec ou sans son hochet ? – comme un écho à la question qui empêche le capitaine Haddock de dormir : la barbe, au-dessus ou en-dessous des draps ? – elle ne revient plus sur son passé, les innocents envoyés à la mort pendant qu’il servait Vichy et les Nazis ou durant la guerre d’Algérie. Un jour, assez vite, on se dira : Papon ? C’est pas le type décoré pour avoir débarrassé la France de quelques étrangers ? Décoré de la légion d’horreur.
Mais, j’ai tort de regretter que les souvenirs s’estompent. Les peuples qui ne parviennent pas à faire le deuil sont aveuglés par la vendetta, paralysés par la douleur de plaies jamais refermées, ivres de vengeance sanglante : en Irak, au Sri-Lanka, en Palestine, entre l’Inde et le Pakistan. A vouloir punir les injustices du passé, on ne parvient qu’à détruire le présent.
La réconciliation des anciens pays ennemis de l’Europe, n’est-ce pas la plus belle réussite du traité de Rome dont on célèbre le cinquantième anniversaire ces jours-ci ? Imaginons à quoi ressembleraient nos régions si les Français, les Polonais ou les Hollandais décidaient de se venger des exactions allemandes ? Les Français des invasions britanniques ? Les Tchèques de nos lâchetés à Munich ? Les Allemands, les Espagnols et les Italiens des crimes de Napoléon ? Les hommes de Neandertal des fanfaronnades des homo sapiens ? Les supporters du Daring de la survie de l’Union saint-gilloise ?
Les errements économiques des responsables européens, leur pusillanimité sur le plan international, l’errance des pouvoirs flottant entre trop d’institutions, le ridicule d’un parlement sans pouvoirs, la gabegie, le quotidien de la –mauvaise-gestion de l’Europe a fait oublier l’audace et la réussite du projet des pères fondateurs, fonder un ensemble politique composé de peuples antagonistes sur des valeurs de paix, de démocratie, sur l’épanouissement économique. Un beau programme, une vraie respiration dans une Histoire faite de guerres et de tourments. Alors, pourquoi l’Europe a-t-elle l’air si triste et si désespéré ? Pourquoi cet anniversaire n’intéresse personne ? Pourquoi ne crie-t-on pas sur tous les toits que l’Europe a réussi cet invraisemblable pari : vivre avec les cicatrices du passé sans ruminer la vengeance. Les cicatrices, c’est drôlement sexy, non ?

Alain Berenboom
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LE NOUVEAU POT BELGE

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Pendant longtemps, les Belges ont été à la pointe du cyclisme, de Sylvère Maes à Rik Van Looy et à Eddy Merckx. Sans oublier leurs seconds rôles princiers. Petite pensée pour Noël Foré, Joseph Bruyère ou Michel Pollentier, le coureur qui roulait en zig-zag deux fois plus vite que les autres jusqu’à ce jour maudit où il s’est égaré, un sac d’urine fraîche au fond de son maillot, lors d’un contrôle anti-dopage alors qu’il venait de décrocher le maillot jaune du tour de France.
Avec la disparition des campionissimi, le cyclisme belge a abandonné le petit artisanat type Pollentier pour se reconvertir dans la pharmacie industrielle. Faute d’aligner les meilleurs champions, la Belgique a fabriqué les meilleurs docteurs – disons les meilleurs vétérinaires. Pas un coureur ambitieux, pas un soigneur de renom qui ne fît appel au p’tit remontant bien de chez nous. Le pot belge est au vélo ce que Mac Donald est à la restauration rapide, Pizza Hut à la cuisine italienne, Charleroi au parti socialiste et Michel Daerden à la politique : difficiles à digérer mais impossibles à éviter.
Mais les supporters ne sont jamais contents. Ils veulent que les champions qui les arrachent à leur vie terne en leur offrant des exploits invraisemblables soient aussi des hommes exemplaires. Impossible ! prétendent quelques spécialistes et juristes (dont c’est le fonds de commerce). Erreur : l’imagination est sans limites quand il y a tant d’argent à la clé. Un plan Marshall du cyclisme belge est en gestation avec un nouveau projet sensationnel: le clonage. Les avancées de la science et la libéralisation des législations éthiques ont permis à des spécialistes de fabriquer le vrai champion de demain pur et sans tache, le clone.
Prenez Tom Boonen. Au départ du Tour de France, alors qu’on espérait un nouveau Merckx, on n’a même pas eu droit à un second Freddy Maertens. Face à des coureurs disons trop en forme, notre Tommeke a montré les limites de la musculation humaine et il a vite disparu, à bout de force, le moral dans les chaussettes pendant que ses collègues gambadaient comme des chattes en chaleur. Son palmarès sur le Tour aurait été autrement plus spectaculaire si au bout de quelques dizaines de kilomètres, un autre Boonen avait pris le relais, un autre encore au pied des cols et un troisième juste avant le sprint. Pas question ici de dopage qui transforme les grands sportifs en pharmacies détraquées. Dans le projet qui se prépare, c’est un champion sain qui va être reproduit sainement en plusieurs exemplaires, tous identiques. Les clones s’épuiseront jusqu’aux derniers kilomètres de la course laissant l’original monter sur scène pour les caméras de télévision.
Voilà une idée qui redonnera enfin au cyclisme belge son aura et ses lettres de noblesse.

Alain Berenboom
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HISTOIRES DE BELGIQUE

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Le Sénat a présenté en grande pompe il y a quelques jours le rapport qu’il avait commandé à un centre d’études historiques sur la responsabilité des autorités belges dans la persécution des Juifs pendant la deuxième guerre mondiale.
A part quelques négationnistes nébuleux, tout le monde a salué le travail de ces éminents historiens sur la « docilité » (selon le vocabulaire utilisé) de trop de décideurs et d’administrations, de magistrats et fonctionnaires supérieurs ainsi que des dirigeants des ordres professionnels, notamment des avocats, à l’égard des autorités d’occupation. Il est à l’honneur de l’actuel Premier ministre, Guy Verhofstadt, d’avoir reconnu la responsabilité de la Belgique lors de sa visite au mémorial Yad Vashem à Jérusalem en mars 2005 – à l’instar de Jacques Chirac qui avait reconnu la responsabilité de la France dans la rafle du Vel’D’Hiv’, ce que son prédécesseur, le très ambigu François Mitterrand, avait toujours refusé.
Les media ont mis en avant les graves défaillances de nos principaux responsables, leur collaboration parfois passive, parfois active, dans la déportation. Mais ils ont à peine évoqué l’autre Belgique. Notre pays n’a pas seulement rassemblé des résistants de la dernière heure, des collaborateurs et des responsables dociles ou lâches.
Mes parents vivaient à Bruxelles pendant la guerre. Ils ont échappé à l’arrestation, à la déportation, à la mort, grâce à l’assistance de voisins et d’amis de leurs voisins. Juste des gens révoltés par l’injustice. Ils m’ont raconté le courage des policiers de Schaerbeek qui les ont aidés, cachés, qui leur ont fabriqué de faux papiers. Du rôle d’Isabelle Blum, députée socialiste, qui les a cachés chez elle au péril de sa vie et celle de sa famille.
Leur désespoir devant l’écrasement des Alliés et le resserrement de l’étau nazi a été tempéré par des actes spectaculaires qui ont ranimé la flamme de la population, fait renaître l’espoir : la proclamation du bourgmestre de Bruxelles, Joseph Van de Meulebroeck en 1941, le raid de Selys-Longchamp sur l’immeuble de la Gestapo avenue Louise, la publication du faux « Soir », par exemple.
Ces souvenirs personnels, partiels, déformés, ont nourri mon appartenance à la Belgique bien plus profondément qu’un rapport officiel publié avec soixante ans de retard. Les « petites histoires » construisent la « grande histoire » autant que les documents et les analyses scientifiques. Et ils éclairent mieux les jeunes générations que les condamnations (on a vu les limites du procès Papon.) La vérité historique se prête mal à être figé dans des textes officiels, des jugements. Souvent, le témoignage personnel tamise l’histoire, apporte les nuances, les ombres qui l’empêchent de se momifier.

Alain Berenboom
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ELOGE DU MARIAGE

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La série boys meet girls évolue : jadis les amoureux se rendaient en chantant à l’hôtel de ville. Puis sont apparues les premières fissures avec la disparition de temps en temps d’un des promis au moment de l’échange des consentements. Un pas de plus a été franchi dans la bonne ville de Saint-Nicolas : cette fois ce sont les deux fiancés qui se sont enfuis, refusant que leur mariage soit célébré par un échevin noir.
Pendant longtemps, le mariage a été un acte majeur et unique de la vie, aussi exceptionnel que la naissance et la mort. Un sacrement, béni par Dieu – le seul moment de notre existence où le Créateur daignait jeter un œil fatigué sur les simples mortels qu’il avait conçus un jour de distraction et de mélancolie. Avec la laïcisation du mariage – et la légalisation du divorce – le ver était dans la pomme. L’apparition de la pilule, pardon mesdames ! – a définitivement mis l’institution par terre. Le représentant de Dieu n’est plus ce brave curé de campagne qui a baptisé les enfants et les a fait sauter sur ses genoux, qui connaissait tous les secrets de famille, raccommodait les bobos et les plaies, empêchant les époux de s’étrangler –seule issue à cette époque pour échapper à la mort du couple. Et les échevins et bourgmestres ne sont plus ces notables moustachus dont on a connu les parents et qui dirigeaient d’une main paternelle la commune de père en fils. Alors, quel sens a encore le mariage ? A qui confier l’union de nos destinées ?
Voilà sans doute ce que pensaient ces fiancés de Saint-Nicolas lorsqu’ils ont cru voir surgir le père Fouettard. Ils sont du genre à gémir que les curés d’aujourd’hui sont parfois africains et les échevins noirs, beurs, juifs sinon homosexuels; pire : parfois même des femmes ! Eh oui, messieurs-dames, le mariage n’est plus une promesse à la vie et à la mort. C’est un contrat rarement aussi long qu’un bail commercial et beaucoup moins stable, sans garantie du bailleur et bourré de vices plus ou moins cachés contre lesquels aucune réclamation n’est admise. Un contrat qu’on peut impunément rompre sans préavis et trahir avant que l’encre des signatures ne soit sèche.
Et si, malgré tout, vous voulez vous marier, que l’amour vous monte à la tête, qu’il sauve tout et que l’union vous est nécessaire comme l’ivresse, comment osez-vous réagir avec une telle bêtise ? Ce n’est pas à vous de refuser le mariage, c’est le mariage qui devrait vous être refusé. Mais, bon, puisque c’est saint Valentin même à Saint Nicolas, un seul souhait : vivez heureux et faites plein de petits Belges aussi colorés, bigarrés et différents que les échevins d’aujourd’hui.

Alain berenboom
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LE RETOUR DE LA MINI-JUPE

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Cinq minutes sans électricité. C’était une bonne idée de changer le thème des manifestations contre le réchauffement de la planète : trente ans de dimanches sans auto, ça n’intéressait plus personne. On n’a jamais trouvé mieux que le changement d’images dans la continuité. Regardez les militants de droite en France : pendant quarante ans, ils ont collé la bouille de Chirac; on leur offre celle de Sarkozy et ils ont l’impression que l’Histoire a basculé. L’homme a besoin de symboles autant que d’électricité, d’amour et de gaufres. Les trams de Bruxelles sont devenus gris : c’est le signe qu’il existe une politique de la mobilité, ce qui permet de faire passer l’augmentation du ticket de 25 % pour un progrès. On peint sur le sol des petits vélos de couleur blanche dans les rues à sens unique; c’est le signe que les politiciens ont choisi de se préoccuper des amoureux de la petite reine. Peu importe alors qu’en les jetant dans des artères étroites sur des parcours non protégés face à des automobilistes qui ignorent qu’un vélo peut surgir sous leur capot, on les envoie à la casse. Le symbole compte plus que l’acte. L’image davantage que le contenu. « An Inconvenient Truth », le film présenté par Al Gore, a fait, dit-on plus pour le combat écologique que des dizaines d’années de militantismes, de publications, de rapports. J’aime beaucoup le cinéma. Mais je trouve l’idée inquiétante. Guy Verhofstadt et Elio di Rupo sont devenus verts après avoir assisté à la projection : cela veut-il dire qu’ils n’ont jamais rien lu des milliers de pages alarmistes, détaillées, documentées qui sont passés sur leurs bureaux ? Faut-il désormais une star et un passage par Kinépolis pour élaborer un projet politique ? Intéressante perspective. Laurette Onkelinck s’était déjà jetée jadis sur le « Rosetta » des frères Dardenne, palme d’or à Cannes, pour lancer son plan pour l’emploi. Puisque le cinéma belge peine tant à trouver des sources de financement, pourquoi ne pas conseiller à nos cinéastes de se reconvertir dans le « cri d’alarme » pour faire recette ? Présenté par George Clooney, l’explosion de la Belgique sauce NVA aurait une autre allure que les prêches miteux de Geert Bourgeois ou de Yves Leterme. « Séparatisme, what else ? » Même les Wallons voteraient pour. Dans ce contexte, la réapparition de la mini-jupe en vedette ne relève pas du hasard. Dans les sixties, elle saluait l’arrivée du féminisme et l’explosion de la révolution sexuelle. Recyclée dans les années zéro du nouveau siècle, elle évoque plutôt l’économie d’énergie (pour lorgner les jolies jambes des dames) et la diminution de la consommation (de textile). Mais, peu importe la raison, puisque l’image est là. Qui s’en plaindra ?

Alain Berenboom
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CONSORT ET CIE

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Dans la fascinante série « La vie des pipol », j’ai appris cette semaine la séparation de monsieur et madame Henin-Hardenne de Monte-Carlo. Allez savoir pourquoi, ce genre d’histoire m’arrache des larmes. Je reconnais qu’il y avait plus important dans l’actualité et tout aussi tragique, la mort de l’abbé Pierre par exemple ou l’attentat contre un directeur d’école à Dinant, agressé par un élève d’origine serbe rendu fou après son expulsion. Mais il y a tant de mystères sur ce qui va se passer à Monaco que je ne peux m’empêcher de m’égarer du côté du Rocher. Ainsi, l’histoire ne dit pas qui va garder le tas de super autos qui encombrent le garage du petit couple ? qui le four à micro-onde ? qui l’appartement avec vue sur le casino ? L’histoire ne précise pas non plus si les juristes, fiscalistes et autres spécialistes en piste pour séparer les patrimoines relèvent eux aussi du droit principautaire. Ou si quelques sous-sous de cette famille qui n’a cessé d’agiter le drapeau belge vont retomber dans les caisses du royaume. Ce qui illustre cette vérité que les contes de fées nous ont épargnés : chez les princesses (de la raquette) aussi, les belles histoires d’amour finissent souvent chez les comptables et les notaires.
Les contes ne nous révèlent jamais ce qui se passe quand ils ne sont pas heureux et qu’ils n’ont pas beaucoup d’enfants. Que va devenir Pierre-Yves, prince qu’on-sort-sur-les-tribunes ? A quoi va-t-il occuper ses longues plages de temps ? A coacher son voisin Tom Boonen ? A moins que ce fou des bagnoles n’a que mépris pour ceux qui suent sang et eau sur les routes de Monte-Carlo ? Puisqu’il a désormais du loisir, je suggère à Pierre-Yves d’adapter l’opération Don Quichotte et d’inviter quelques célébrités sous la tente en bord de Méditerranée pour attirer l’attention sur les S.D.F. du Rocher. Avec la disparition de l’abbé Pierre, il y a une place à prendre.
A moins que son contrat de mariage lui épargne la lecture des petites annonces et la file au FOREM. Comme une autre fûtée, qu’on sort elle aussi mais backstage : Heather Mac Cartney qui a décroché après seulement quatre années de galère – c’est elle qui le dit – un ticket de sortie doré sur tranche. En prime, elle n’est plus obligée d’entendre chaque matin son idole de mari chanter sous la douche « When I am sixty four… »
Chez les stars, comme chez les simples manants, il y a des consorts plus ou moins habiles à se recaser ou à vivre avec son temps. Voyez Hillary Clinton, bel exemple d’une épouse réduite à excuser publiquement jour après jour son joyeux coquin de mari avant de se transformer à son tour en princesse et de faire de Bill un improbable prince qu’on sort (où maintenant ?)

Alain Berenboom
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Blondes ou brunes, les tartes ne comptent pas pour des prunes

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Depuis que les femmes sont au pouvoir ou sur le point de le prendre, on croyait définitivement enterrées les plaisanteries sur les blondes, les femmes au volant, t’as vu ce boudin et autres excellentes saillies jadis indispensables pour meubler une bonne soirée entre amis, les hommes savent pourquoi. Avec une femme chef des armées française, une autre à la tête du Sénat de Belgique, des femmes boxeuses, camionneuses, magistrates, rédactrices en chef, flics, karateuses et autres activités castratrices, la source hélas semblait tarie. Il fallait s’y résoudre, ranger le stock des almanachs Vermot dans le placard avec la vieille boîte de Banania devenue elle aussi politiquement incorrecte et regarder ses collègues féminines comme des mecs. Heureusement, la RTBF, enfin revenue à son rôle de service public, remet la tarte à la mode.
On pourrait croire que cette réapparition se serait faite à l’occasion de l’une de ces très sérieuses émissions sur l’histoire de la société belge, la rediffusion d’un J.T. moisi ou une émission souvenir autour d’une vedette d’hier, enfin un ces machins de jadis que notre station favorite programme de temps à autre pour nous rappeler qu’il fut un temps où les gens regardait la télévision nationale. Hé bien non ! La RTBF a choisi le combat anti-féministe dans son programme le plus trendy comme dit le président di Rupo quand il parle de culture, les spots publicitaires.
Efforcez-vous d’écouter ces petites merveilles de concision qui ramassent les meilleurs talents de chez nous. Vous redécouvrirez quelques-unes de ces bonnes femmes qu’on croyait disparues, la voix criarde, l’air hagard, bêtes à manger du foin comme le chantait Marc Aryan, un des pères fondateurs de la chanson belge francophone (à qui justement la RTBF vient de rendre un hommage mérité). Elles ne comprennent rien aux histoires de taux d’intérêt qui font saliver leurs ingénieux chéris, rien aux conditions salon, aux nouvelles chaudières à voile et à vapeur. Inutile de leur demander de choisir la meilleure bière. Même pour la poudre à laver, j’hésite à leur faire confiance. Voyez le résultat des soi-disant tests comparatifs : entre une chemise qui sort toute blanche et une autre restée grise, c’est la plus terne qui a leur préférence. Dire qu’on leur a donné le droit de vote… Je comprends que Louis Michel préfère ne plus se présenter. Et que les électrices de Schaerbeek aient choisi la plus verte.
Puisqu’il est de bon ton ces temps-ci de soutenir la RTBF injustement attaquée par une poignée d’intellectuels grognons, je propose de lancer une campagne nationale en faveur de ses spots de pub. Ils démontrent que notre service public a une fois de plus choisi le camp de l’audace et du non conformisme. Vive la redevance !

Alain Berenboom
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UN JOUR, LE PRINCE VIENDRA

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La sortie de « Prestige », le nouveau film de C. Nolan, attire notre attention sur plusieurs choses : d’abord, sur le très beau livre de Christopher Priest dont il est adapté (paru chez Folio). Ensuite sur le pouvoir redoutable des magiciens. Enfin sur l’importance du mystère.
Aujourd’hui, la mode est à la transparence. Il faut toujours vivre en « projets », veiller à la « bonne gouvernance. » Répéter ces mots clichés dissimule la vraie vie. On peut déployer des trésors d’énergie, prendre la situation à bras le corps, la réalité n’est pas rationnelle. On aura beau annoncer qu’en 2007, la gestion des habitations sociales sera aussi transparente que l’eau de la piscine communale, que les impôts disparaîtront après les élections avec les rhumes et la grippe, que la marine belge coulera désormais des jours tranquilles sans prendre eau de toute part, que l’Irak ressemblera au paisible royaume de Belgique dès que les Etats-Unis y auront fait tuer quelques milliers de boys supplémentaires, que Michel Daerden ne boira plus une goutte d’alcool s’il accède à la présidence du parti socialiste et que Jacques Chirac ne se prendra pas une tamponne le jour où Sarkozy viendra sonner à la porte de l’Elysée pour chercher les clés, on aura beau réaliser ce magnifique programme et entreprendre quelques autres réformes spectaculaires, comparé à un tour de magie, tout cela paraît dérisoire. Un lapin qui jaillit d’un chapeau, des cartes qui se volatilisent des mains du prestidigitateur pour réapparaître dans l’oreille du spectateur, une femme coupée en deux qui peut désormais se donner à la fois à son mari et à son amant. Dérisoire aussi face au mystère du vol de la fauvette, 20 grammes de plumes capables de traverser chaque année le Sahara.
Je préfère les mystères aux certitudes, l’inexplicable aux explications embarrassées. La disparition brutale des dinosaures fait plus rêver que la disparition de la Belgique unitaire. Même lorsqu’il s’agit d’un méchant, sa disparition fantaisiste est autrement plus réjouissante que son élimination soigneusement programmée et son exécution publique. L’évasion de l’abominable chef des talibans d’Afghanistan, monsieur Omar, un jour sur une petite moto par une route de montagne a une autre gueule que la sinistre pendaison de l’atroce dictateur irakien. Gardons une part de mystère et d’ombre. Il ne sert à rien de jouer avec la vie privée d’un prince, d’étaler ses frasques d’homme moyen comme on sort une colombe de sa manche pour faire croire aux citoyens qu’il est mieux informé sur la gestion des affaires. publiques. Ca, c’est un truc de magicien : laisser le regard du spectateur s’attarder sur un détail sans importance pour dissimuler l’essentiel.

Alain Berenboom
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007 AVEC PICKLES OU MAYONNAISE ?

chronique
Avec quoi fait-on de la bonne littérature ? Avec la peur, le mensonge, la traîtrise et les coups tordus. Voyez avec quelle délectation quelques-uns des meilleurs romanciers anglo-saxons touillent dans la casserole du roman d’espionnage depuis John Buchan et Graham Greene jusqu’à John Le Carré et Len Deighton en passant par Eric ambler et parfois Robert Littell (à ne pas confondre avec son laborieux schtroumpf de fils). Avec la disparition de l’Union soviétique, on pouvait craindre la faillite de ces bonnes maisons établies depuis la révolution bolchevique. Or, les espions ne se sont jamais aussi bien portés. Pourtant, être collègue de 007 ne suffit pas. Certains régimes odieux, même communistes, ne nous font pas rêver, allez savoir pourquoi. Malgré leurs louables efforts, les Coréens du Nord ne font pas de bons personnages littéraires. Ni les Chinois, ce qui est plus étrange. Fu-Manchu est resté le dernier croquemitaine de l’empire du Milieu alors que ce vieil épouvantail était un brave père Noël comparé à Mao et à ses sbires. Le mélange repoussant de capitalisme sans entraves, de violence sociale et d’oppression politique des dirigeants chinois actuels n’inspire pas davantage. Peut-être que la violence y est devenue si débridée, le régime si inhumain et en même temps si impersonnel que les balises du roman sont balayées. Car le roman d’espionnage suppose un certain rituel, des normes chez les bons comme chez les méchants, une espèce de code d’honneur. Ce qui a fait le succès des James Bond et de ses collègues est un mélange paradoxal d’extrême civilisation, de respect de règles parfois jusqu’à la caricature et de conviction dans l’excellence du système qu’ils représentent. Si les espions sont attachants, c’est qu’ils sont des fonctionnaires qui aiment la fonction publique. En Irak, en Chine, dans la Russie d’aujourd’hui, plus aucun de ces fondements n’existe. Ces gens ne sont que des brutes. On ne peut en faire des personnages romanesques. Il faut donc se tourner vers des nouveaux territoires. C’est pourquoi, on saluera l’appel à candidatures que vient de publier le S.G.R. (le service de renseignement et de sécurité militaire belge). Certes, l’armée belge n’a guère de moyens. Elle ne pourra financer des opérations tordues nécessitant la haute technologie ni l’exfiltration de ses agents en danger ni même une longue hospitalisation en cas d’empoisonnement par des sushis ou des parapluies. Mais il y a en Belgique un tel amour des règles compliquées (ah ! notre constitution en perpétuel chantier ! BHV ! les communes à facilités ! ) et des coups tordus, de telles possibilités de fraudes et une si grande attirance pour le métier de fonctionnaire qu’un grand avenir littéraire s’ouvre pour les espions belges. J’en fais le pari.

Alain Berenboom
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