DUEL à OK VILVORDE

chronique
Vous vous demandez, monsieur Desmet pourquoi les Wallons tirent la gueule et se retranchent au fond de leurs ranchs ?
Prenez un exemple au hasard : Johnny Hallyday. C’était notre meilleur atout. Vous nous le faisiez belge, on l’installait comme attraction touristique dans le village schtroumpf de Charleroi pour chanter avec sa guitare tous les samedis soirs – on était même prêt à le prêter à Bobbejaanland une fois par mois. En échange, on vous laissait BHV et sa réserve d’Indiens. Parce que, soit dit entre parenthèse, BHV, on s’en tape. Si les citoyens de Hal et de Vilvorde ne peuvent plus voter pour des candidats bruxellois, les élus flamands de Bruxelles seront tous Vlaams Belang, tant pis, c’est votre problème. Mais il a fallu que vous chipotiez et notre Johnny, sentant l’odeur de la poudre, a pris celle d’escampette et nous a lâchés dans la plaine juste au moment où le convoi de l’orage bleu allait aborder les régions tourmentées de l’ouest, la passe du diable, la colline des pendus, avant de se retrouver pour le duel à OK Corral. Or, nos réserves sont vides, plus de munitions, plus de dynamite. Même plus de whisky. Nos hommes n’y croient plus et leurs chevaux sont épuisés. Il y a peu de temps, on était même prêt à toucher la plume avec un grand chef sage comme Hermann Cochise, qu’on sentait disposé à fumer le calumet de la paix avec du tabac de la Semois en échange d’un peu de verroterie. Mais vous l’avez écarté au profit des plus excités de vos petits guerriers, type Bart Geronimo qui nous défie de façon arrogante, danse avec ses sauvages, revêtus de leurs peintures de guerre, agitant leurs tomahawks au-dessus de nos têtes. Face à ces provocations, comprenez que, dans un sursaut d’orgueil, nous nous cabrions. Quoique, entre nous, on sait que ça ne durera pas. Et qu’on finira par laisser tomber. Car que pouvons-nous faire ? A part notre super squaw – mais ce n’est qu’une squaw et elle a peu de guerriers – nous ne comptons guère de héros dans nos rangs. Olivier Maingain fait un amusant sorcier et Didier Reynders un pisteur habile. Mais il nous faudrait un Gary Cooper, un John Wayne, un James Stewart, capable de retourner une situation, seul contre tous. Et ils sont tous à Hollywood. Votre grand chef Yves le Tourmenté a raison de se montrer patient. Le train aura beau siffler trois fois, nous, on restera en gare de Dinant…
La suite de l’histoire est écrite. Vous agrandirez votre ranch, vous augmenterez vos troupeaux, vous vous achèterez des éperons d’argent, des chaînes en or. Peut-être même que vous vous offrirez Johnny Hallyday pour vous tout seuls jusqu’à ce que la mer vous ramène jusqu’à nous. Mais, ce jour-là, prenez garde,cvous serez bien obligés de nous le rendre. D’où viens-tu, Johnny ?

Alain Berenboom
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BIG BROTHER, BIG SISTER

chronique
D’après tous les sondages, la phrase la plus débitée par les utilisateurs de téléphones mobiles est : « Où t’es ? » Non content de joindre à tout moment leur correspondant grâce à ces appareils maudits, ils exigent désormais de contrôler sa vie privée. La caméra cachée est aujourd’hui partout à nous traquer. George Orwell, réveillez-vous, Big Brother est devenu fou !
Le bracelet électronique va donner à tous ces inquisiteurs en puissance un nouveau moyen de se déchaîner. Le portable, malgré ses avantages, laisse largement insatisfait le macho moyen type « Ma femme s’appelle revient ! » Car il a beau être en mesure d’appeler sa chérie à tout moment, de l’interroger sur l’endroit où elle se trouve, en compagnie de qui et dans quelle position, rien ne prouve que la vérité sort de son Nokia. Avec le bracelet électronique, plus question de tricher ! Chérie a beau prétendre avec un accent de vérité qui ferait fondre le grand maître de l’Inquisition en personne qu’elle est en train d’acheter des poireaux chez Louis Delhaize, votre ordinateur qui reçoit, analyse et explique le signal envoyé par son bracelet ne s’y trompe pas, lui : chérie se promène quelque part entre le Zoute et le Zwin, zone dans laquelle Internet vous l’a confirmé, il n’y a ni poireaux ni Delhaize.
Testé sur une petite échelle sur quelques condamnés et réservé jusqu’ici aux délinquants, le bracelet va pouvoir prendre la place de feue la ceinture de chasteté, dont la disparition fut si regrettée par la majorité des seigneurs et maîtres. Sa mise sur le marché ne sera pas seulement un bienfait pour la paix des ménages, ce sera aussi une occasion de procurer des ressources insoupçonnées au budget de l’état. Fabriquée pour le ministère de la Justice, le pouvoir fédéral aux abois va, en commercialisant ce bijou, trouver de nouveaux moyens financiers. On peut même se demander si l’obstination mise par le côté lion noir de l’orange bleue à régionaliser la justice ne vient pas de son appétit inavoué pour cette nouvelle et juteuse perspective. On ne voit pas d’autres raisons à couper en deux ce département, idée qui est contraire au bon sens et à l’amélioration de l’efficacité, qui dictent comme on le sait toutes les propositions flamandes dans le poto-poto institutionnel.
Le bracelet sera aussi une source d’inspiration pour nos créateurs qui ont le vent en poupe. Car rien n’empêche d’en fabriquer d’audacieux, de coûteux, serti de diamant ou de rubis, pourquoi pas ? Du moment que ça ne mange pas la puce. Il sera sans doute plus facile de convaincre son épouse si le bijou vient du quartier Dansaert.
Nokia a projeté la Finlande dans l’opulence grâce au téléphone portable. Rêvons que la Belgique connaisse le même succès avec le bracelet électronique.

Alain Berenboom
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ETRANGE NAPOLITAINE

chronique
Pendant qu’à Paris s’ouvre une Cité de l’Immigration, l’orage bleu se rabiboche par un accord sur l’immigration. Tonnerre de Brest ! Courrait-il un souffle frais sous les cieux d’Hortefeux et ceux de de Winter ?
Pas si vite ! Dans la France du talk show paillettes permanent, il ne s’est pas trouvé un seul porteur de serviettes de Nicolas 1er pour inaugurer le nouveau musée, même pas les quatre ministres de tutelle. Quant à l’accord péniblement accouché à Bruxelles au bout de plusieurs jours, il est avant tout motivé par le besoin pressant de main d’œuvre dans une Flandre vieillissante et en sur-emploi. Tant mieux pour les plombiers polonais, la nouvelle « green card » profitera avant tout à « nos amis » européens. Beaucoup moins aux ombres qui peuplent les centres fermés, ces prisons peuplés d’innocents qui ne bénéficient d’aucun régime de facilités quelle que soit la terre sur laquelle sont érigées leurs cellules. Comment ? J’ai mal lu ? Les familles avec enfants et les femmes enceintes pourront sortir du Centre 127 bis ? Passer les flics, les miradors et les barbelés ? Oui. Pour être « logés » …dans un nouveau centre « adapté à leurs besoins »… On imagine le décor : des flics, des miradors, des barbelés. Mais avec, en prime, un peu d’herbe et des vaches. Pour que, derrières leurs barreaux, les enfants bénéficient de lait frais. Merci qui?
Ne nous leurrons pas. L’immigration s’est toujours vécue dans des conditions pénibles. Même la glorieuse arrivée des travailleurs italiens dans l’immédiate après-guerre, dont nous avions tant besoin pour nos mines et nos industries, s’est faite entre deux haies de gendarmes et dans les baraquements qui servaient à loger les prisonniers de guerre allemands (voyez les ouvrages de A. Morelli et les documents de l’IHOES). Et le regroupement familial n’a longtemps été qu’un rêve. Mais, beaucoup de ces immigrés ont construit la Belgique (et la France, sans parler évidemment des Etats-Unis). Et l’on a souvent trouvé chez eux et leurs enfants un amour du pays (notamment pendant les années de guerre) parfois plus profond que celui de pas mal de braves gens « de souche ». L’étrange Napolitaine (chère à Pierre Dac et Francis Blanche) est devenue un grand-mère comblée et fière de ses petits-enfants. Elle n’est pas la dernière à dérouler le drapeau tricolore même si elle a gardé l’amour de sa terre d’origine. On peut aimer la Belgique et l’Italie, le Maroc ou la Pologne. Mieux vaut trop d’amour pour plusieurs cultures que pas d’amour pour soi-même. Ou, comme le dit encore Pierre Dac (lui-même excellent fils d’immigré) : « Quand nous saurons une bonne fois d’où nous venons et où nous allons, nous pourrons alors savoir où nous en sommes ».

Alain Berenboom
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C’EST PAS CHINOIS

chronique

L’augmentation des prix du lait, de la farine, de la pâtisserie, du chocolat ? Paraît que c’est la faute aux Chinois. L’essence aussi, l’acier, les composants électroniques et que sais-je encore. Dites donc, il y a quelque chose qui m’échappe: nous avons liquidé nos usines textiles et notre sidérurgie et renoncé aux industries électroniques parce que tous ces produits, fabriqués bien moins chers en Chine, nous revenaient à trois francs six sous, d’après les explications des économistes –des pros toujours très futés. Grâce aux petites mains malingres des braves enfants chinois, nous pouvions offrir à nos gamins des baskets made in USA et à nos amies des pulls made in Italy à des prix défiant toute concurrence.
Les baskets, les ordinateurs, les DVD et les pulls sont toujours aussi bon marché mais, surprise, le prix du blé et du lait explosent. A cause des Chinois ? Hé oui ! On avait oublié que là-bas aussi les enfants grandissent. Les braves petits Chinois malingres qui se contentaient d’une poignée de riz avec un bol de soupe les jours où ils avaient dépassé leur quota, veulent maintenant manger comme nous. Trois repas par jour, du pain sept céréales, du chocolat et des gâteaux. Pourquoi pas des pralines pendant qu’on y est ? Non, mais où va-t-on ? Et comment les Chinois sont-ils passés d’Oncle Bens à Godiva ?
On avait tout fait pour éviter ça, poussé les autorités de Pékin à libéraliser l’économie, fermé les yeux sur Tian’anmen, le Tibet et le reste. D’accord avec un parti communiste régnant sans partage, des camps pour faire taire les opposants, une censure stalinienne, la police et l’armée pour réprimer les mouvements sociaux. Et, à la télé, de la pub autant que vous en voulez mais pas de débat.
C’est la pub qui nous a tués. Peut-être que si la télé avait offert des tribunes politiques, des empoignades entre un Sarkozy local et une Royale col Mao, les Chinois se seraient passionnés pour les joutes électorales au lieu de se jeter sur la bouffe et les produits de chez nous. Si vous aviez le choix entre la diffusion intégrale d’un discours de Leterme à la tribune du C.D.&V. et un spot publicitaire de Coca-Cola ou de Panzani, que regarderiez-vous ? Hélas, les Chinois sont comme nous. Cruelle découverte, un Chinois ressemble plus à un Belge qu’à un Martien.
Prenons-en notre parti. Puisqu’ils s’inspirent de nous, inspirons-nous d’eux. Il serait temps de rouvrir nos usines, de recommencer à fabriquer des pulls, des ordinateurs et des baskets et de les vendre aux Chinois. A condition évidemment de nourrir nos travailleurs avec un bol de riz. Mais ce bol de riz, on l’achète à qui ? Aux Chinois ?

Alain Berenboom
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POLITIQUEMENT INCORRECT

chronique

Pourquoi j’aime les Flamoutches ?
Ce sont des artistes : ils ont Dehaene et Le Coq, Leterme et Hugo Claus. Le beurre et l’argent du beurre. La mer du nord et la mère Siska. Ils ont le meilleur des peintres wallons, le Domaine enchanté de Magritte et le musée Delvaux. Des pistes cyclables protégées et non ces trompe-la-mort tracées à contre sens dans les rues de Bruxelles. Ils ont le seul prix Nobel de littérature du pays et il écrivait en français. Ils ont un décret portant reconnaissance du langage gestuel flamand. Sans eux, Jacques Brel n’aurait jamais existé. Ils ont Breughel, Ensor et la folie. Ils connaissent les fantômes et le diable.
Avec les Marocains, les Turcs et les Congolais, ils ont sauvé le Bruxelles massacré par les grandes figures du cru, Vanden Boeynants et Cudell, en peuplant et en faisant vivre des quartiers que leurs habitants ont préféré fuir pour la périphérie.
Comme les Araméens, ils ont une langue que personne ne comprend dans un monde où l’english et le mandarin font la loi. Le même drapeau que l’on soit d’extrême gauche ou d’extrême droite à cette nuance près que les ongles du lion sont rouges ou pas. Ils ont le super Tom Boonen qui paye ses impôts à Monaco, la superbe Freya Vandenbossche qui se marie à la Thaïlandaise et un premier ministre qui attend désespérément d’aller vivre en Toscane. Ils ont les créateurs de mode, les mannequins, les danseurs et les fleuristes les plus inventifs.
Ils ont tous du boulot. La preuve : quand la sœur de Bart De Wever devient chômeuse, elle va pointer à Arlon et pas à Blankenberghe.
J’aime les Flamoutches parce que leur extrême droite n’a pas réussi à déraciner leurs Groen.
Ils aiment parler les autres langues et ils les connaissent. Koen Peters écrit le grand roman européen, Geert van Istendael les grands poèmes bruxellois. Ils ont la Lys et l’Escaut, Raymond van het Groenewoud qui compose la chanson officielle de la Flandre avec tant d’humour et de dérision que la Marseillaise de Gainsbourg paraît un hymne solennel.
Le politicien le plus craquant de ce royaume craquelé est l’Anversois Patrick Janssens qui peut arrêter la marche des fascistes et des artistes en pagaille qui se mobilisent pour cette cause.
Ils aiment ce pays et le célèbrent quoi que prétendent certains politiciens francophones populistes qui tentent de ramener à eux leurs électeurs égarés et déçus sur le thème de la peur du séparatisme. La faute à l’autre, l’étranger, le Flamoutche, le bouc émissaire. On connaît la chanson.
Rops à Namur et Charleroi danse. Et Dardenne, van Dormael et Hansel. Et Gourmet. Et le théâtre, Sikivie, Delmotte ou Derudder. Les Wallons et les francophones aussi ont tout ça. On dirait qu’ils ne le savent pas. Ouvrez les yeux, nom de Dieu !

Alain Berenboom
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METTRE LE TERME A TOUT CA

chronique

Monsieur le procureur du Roi,

J’ai l’honneur de déposer plainte du chef de harcèlement, de calomnie et de toutes ces sortes de choses que je partage avec Paris Hilton et Caroline de Monaco. Ce qui prouve, soi-dit en passant, que je ne me montre pas systématiquement critique de la législation fédérale, quoiqu’on dise.

Fort de mes 800.000 voix de préférence (soit quarante fois la population de Poperinge) et d’une standing ovation au congrès de mon parti, malgré mon humilité naturelle, j’ai cédé à la pression amicale de mes amis politiques et accepté de devenir le premier citoyen de notre pays. Or, depuis le jour où monsieur le Roi m’a confié la mission de former le nouveau gouvernement, une campagne de harcèlement et de diffamation s’est développée contre moi. En voilà assez !

Tout a commencé par la déformation de mes propos, puis de mon veston. Pour la circonstance, j’avais acheté une belle veste brune qui allait bien avec ma cravate de même couleur et avec mon teint. Eh bien, à peine avais-je pénétré dans la salle de conférence de Val Duchesse que mes collègues se précipitaient vers moi, me touchaient le bras en me faisant un clin d’œil (on va y arriver, tu sais, BHV ne vaut pas une messe, etc, enfin tous ces propos encourageants qui rendent le départ quotidien au boulot moins pesant). Mais je me suis vite rendu compte que tout ça c’était juste pour chiffonner mon tissu. Puisque vous me demandez des noms, je dois avouer que Madame Joëlle M. s’est montrée particulièrement acharnée à me froisser.

A sa suite, la presse francophone s’est acharnée sur moi. Mes efforts ont été ridiculisés, mes propositions moquées. Et monsieur le Roi a fini par me donner mon C4 sans même un certificat de recommandation. J’ai serré les dents. Mais, voilà que mes coreligionnaires s’y mettent à leur tour. Et je découvre que je suis devenu la tête de Turc de ma communauté et même de mon parti ! On me présente comme psycho-rigide, alors qu’il suffit de passer un dimanche avec moi au stade de Sclessin avec les Rouches pour découvrir ma nature joviale. Comme un intellectuel prétentieux, moi qui ne suis qu’un agriculteur (ce n’est pas mon seul trait commun avec José Happart.) Comme manquant d’humour moi qui ait longuement appris à faire rire en regardant des soirées entières les vidéos des meetings de Philippe Moureaux que tout le monde trouve pourtant si amusant. Monsieur l’explorateur, un fourbe, dépèce mes propositions, monsieur le démineur, un jaloux, fait éclater mon projet institutionnel, monsieur le ministre des finances, un dikke nek, joue au vizir à la place du vizir et madame M se pavane dans tous les journaux du monde comme la sauveuse du pays. Jeanne d’arc face à ses juges. Paysan oui mais pas Cauchon.

Je vous présente, monsieur le procureur du roi, etc…

Pour le plaignant,

Alain Berenboom

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Babel Brussel

chronique
Même les Israéliens l’ont compris : le plan de paix avec les Palestiniens conduira à la partition de Jérusalem. L’est aux Palestiniens, la ville nouvelle aux Israéliens. Seul problème de la division de Bruxelles entre le nouvel état flamand et la Belgique française, le tracé de la frontière dans la capitale. A Jérusalem, c’est simple, il y a une ville arabe et une ville juive. Même New York pourrait rendre un quartier à l’Italie, un autre à la Russie. Mais à Bruxelles, comment procéder ? Les Flamands ne se contenteront pas de la rue Antoine Dansaert, qui n’aurait aucune liaison avec la Flandre si le reste de Bruxelles devenait la capitale des francophones. Obliger les navetteurs flamands à entrer chaque matin dans Brussel par le canal de Willebroeck sera difficile à imposer. Le parcours ne semble poétique qu’à ceux qui confondent les environs du Petit Château avec le Grand Canal à Venise.
De plus, avec le nombre de ministres du futur gouvernement flamand (un vieux vice belge), la rue Dansaert sera vite saturée, sauf à installer ces excellences dans les cuisines des restos branchés du coin.
Une autre solution serait de remonter dans l’Histoire et de séparer Bruxelles selon les communes qui parlaient brussel vloms et celles qui causaient sur le brussellois. Malheureusement, la ligne de partage entre les deux dialectes est aussi oubliée que l’histoire de la lutte homérique entre le Daring et l’Union saint gilloise.
Découper Bruxelles alors selon les cinémas ? L’UGC aux fransquillons et Kinépolis aux Flamands ? Nous perdrions l’Atomium, symbole de l’entrée de la Belgique dans la modernité, qui deviendrait l’emblème de la Flandre, nous laissant Manneken Pis, maigre consolation. De toute façon comme les spectateurs privilégient les films américains, allez distinguer entre Flamands et francophones selon les écrans !
La Flandre des winners proposera peut-être de découper Bruxelles en se souciant plutôt de l’activité économique : à la Flandre, les rues dans lesquelles se trouvent des agences de la Kredietbank. Prétexte pour grignoter la capitale en traçant des couloirs pour relier les quartiers KB entre eux. Cette solution, on en conviendra, est aussi ridicule que celle qui consiste à instaurer un cordon entre Boitsfort et Braine l’Alleud. Oublions aussi la solution de type université de Louvain : les numéros pairs aux Flamands et les impairs aux francophones.
Alors, inextricable ? Pas tout à fait. A une question épineuse, une réponse audacieuse. Voici ce que je propose : débarrassons-nous une fois pour toute de ces francophones et de ces flamands ! Expulsons-les de Bruxelles pour laisser la ville aux étrangers. A ceux qui aiment notre belle capitale et qui ne la soumettent pas à ces marchandages misérables.

Alain Berenboom
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NE ME QUITTE PAS…

chronique
Ou le Colloque singulier de Bart et Joëlle

– Bart De Wever :

Ne me quitte pas
Laat me niet alleen
Toe, vergeet de strijd
Toe, vergeet de nijd
Laat me niet alleen…
– Joëlle Milquet:
Oublier le temps
Des malentendus ?
Et le temps perdu ?
Oublier ces heures
Qui tuaient parfois à coup de pourquoi ?
– Bart :
Moi je t’offrirai
Des perles de pluie
Venues de pays
Où il ne pleut pas…
– Joëlle :
Offre-moi plutôt
La drache de la périphérie,
Et les trésors
De l’impôt flamand
– Bart :
Je ferai un domaine
Où l’amour sera roi
Où l’amour sera loi
Où tu seras reine
Laat me niet alleen
– Joëlle:
Je te vois venir.
Die domme tijd
signifie l’apartheid
Et la loi, les décrets flamands
Le roi, la reine, de simples oripeaux
Où je vais laisser ma peau…
– Bart :
Je t’inventerai
Des mots insensés
Que tu comprendras
– Joëlle :
Je les ai compris :
Sécession, concessions, abdication…
– Bart :
Je te raconterai
L’histoire de ce roi
Mort de n’avoir pas
Pu te rencontrer
– Joelle:
Jamais pu me rencontrer ?
Carabistouilles !
On va à Laeken
De ce pas
Si tu me prends par le bras
Tu sais ce que je veux
Suffit que tu signes tes aveux
– Bart :
Allons-y alors !
Abandonne la défense de
Ces vieux terrils
Et de cette terre stérile
Et tu partageras mon or !
– Joëlle :
Abandonner la Wallonie ?
Quelle félonie !
On a vu souvent
Rejaillir le feu
D’un ancien volcan
Qu’on croyait trop vieux
Il est paraît-il
Des terres brûlées
Donnant plus de blé
Qu’un meilleur avril
– Bart :
Bon. Je rends les armes
Sans une larme
Je ne vais plus parler
Je me cacherai là
Laisse-moi devenir l’ombre de ton ombre
L’ombre de ta main
L’ombre de ton chien
– Joëlle :
Tu pourrais pas
Changer de disque, Bart ?
Et puisque tu aimes Brel
Qui chante les amants,
Tiens,
Je t’offre « Les Flamingants »…

Alain Berenboom
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D’après Jacques Brel « Ne me quitte pas »
Et la trad. en néerlandais de E. van Altena

TINTIN AU CONGO – LE RETOUR

chronique
La nomination d’un explorateur dans la saga belgische-belge est la première case d’un album inédit, fruit du mélange improbable de Hergé et de la N-VA. Inspirée sans doute par les nouvelles et récentes mésaventures de Tintin. Passé au noir par des esprits chagrins, « Tintin au Congo » a animé la fin de l’été. Ce n’est sans doute pas un hasard que les critiques contre cet album paru en 1930 soient brusquement formulées en août 2007, juste pendant la plus difficile passe d’armes entre nos deux communautés. Certains séparatistes fourbes auraient-ils fabriqué cette polémique afin de ternir l’image de la patrie ? On peut se poser la question. Herman l’explorateur nous annonce en tout cas une suite prometteuse en rebondissements et un effort pour redorer le blason belge à l’étranger, quelque peu terni par tous ces événements.
Comme notre ambassadeur à Paris l’avait si bien compris, la notoriété de notre pays passe par la culture. Plus particulièrement par l’organisation d’événements culturels – sur le modèle déposé par les anciens dirigeants de Charleroi. D’où cette excellente proposition contenue dans la note de l’explorateur, doubler le budget fêtes des Affaires étrangères. Pas de raison en effet que seuls les Français profitent de notre cave à vins : l’ambassadeur à Astana doit aussi avoir les moyens de faire venir Benoît Poelvoorde, Amélie Nothomb ou « Kuifje- de Zonne tempel- the musical » pour animer les nuits kazaks.
Comme Tintin, le valeureux Herman devra affronter quelques tabous – le terne Leterme et sa bande s’en étaient montrés incapables. Rappelons que Tintin n’hésite pas à tuer du singe et du lion, à provoquer la mort d’un éléphant, à faire exploser un rhino à la dynamite et à faire parler les Noirs façon Banania. L’explorateur-éclaireur devra avoir le courage de suivre sa piste. En Belgique, des tabous il y en a beaucoup à renverser avant de goûter au jus de l’orange bleue. Des éléphants à abattre dans tous les partis, quelques singes aussi. Mais tuer le lion, non, ce n’est pas à l’ordre du jour.
Pour la suite, le petit reporter peut encore se révéler une excellente source d’inspiration. Devant une classe de petits Noirs que lui a confiée un brave missionnaire, Tintin explique : « Mes chers amis, je vais vous parler aujourd’hui de notre patrie : la Belgique ! » S’il commence ainsi son tour de table, Herman risque une plainte tout comme Hergé. Mais qu’il s’entête ! Tintin n’a-t-il pas réussi à démonter le conflit entre les Babao’rom en partageant en deux le chapeau de paille qui les divisait ? « Li Blanc, li très juste ! » s’écrie ravi l’un des indigènes. Allez, Herman ! Avoue, toi aussi t’aimerais bien être l’idole des Babao’rom made in Belgium !

Alain Berenboom
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Le dernier qui part jette la clef

chronique
A partir du 1er juillet, plus rien n’a d’importance. Tout ce qui paraissait incontournable, onbespreekbaar se délite dans le sable, la mer et le vent. L’air passe enfin. Les nœuds, les blocages s’évanouissent, Charleroi, le programme de la NVA, BHV, le plan Marshall, les mecs qui se remontent les bretelles à longueur d’années, les nanas qui veulent montrer qu’elles aussi ont des biscottos, les chefs, les sous-chefs, les futurs chefs et ceux qui veulent faire croire qu’ils ne sont pas encore has been, tout ça, c’est fini. On arrête tout et on marche dans l’eau.
Les très sérieux présidents des conseils d’administration courent les écoles pour écouter, plus anxieux que leurs enfants, le résultat des délibés avant de se remettre de leurs angoisses en enfilant short et tongs et en construisant des châteaux de sable avec l’énergie qu’ils mettent à racheter et à revendre des entreprises. Des châteaux qui vont disparaître une heure plus tard, dès la marée haute.
Pastis, épilation et régime maillot, le tour de France, le concours de pétanque, voilà désormais ce qui compte. La seule question existentielle qui se pose est celle-ci : combien de fois, penses-tu, ces scampis ont-ils été congelés, dégelés et congelés à nouveau ? Ah ! Qui décrira la terreur de l’homo sapiens confronté aux mystères de la chaîne du froid dans les restos de plage de la Méditerranée ?
Ce n’est pas seulement une pause, c’est l’histoire qui bascule : Tony Blair quitte le pouvoir, Paris Hilton sort de prison, les socialistes wallons perdent le contrôle absolu de Charleroi. Une époque nouvelle commence : l’Europe se promet un vrai président, Elio di Rupo accède à la présidence du P.S., Michel Daerden exige la présidence de la gauche bouchon.
On ferme tout ce qu’on croyait indispensable : l’ordinateur, la télé, la radio, le mobile, le bulletin des enfants, le rapport de l’informateur. Le catalogue des Trois Suisses vient d’arriver et on se met enfin à lire des romans.
Reste à affronter les soldes, une épreuve terrible, nouvelle preuve que rien n’a d’importance : cette veste, cette paire de sandales à semelles compensées, ce sac qui valait deux mois de salaire, symboles magiques mais inaccessibles de la réussite, on vous les donne ou presque. On s’était donc trompé sur toute la ligne : tout ça ne valait rien. Pas plus que les promesses électorales imprimées en couleurs sur les tracts qui traînent encore dans la cave avec la photographie chiffonnée de ceux qui n’ont pas été élus et de ceux qui l’ont été mais qui se demandent déjà pourquoi faire. Il n’y a pas qu’eux. Le 1er juillet, on se demande tous si on ne s’est pas trompé de vie.

Alain Berenboom
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