SI LE VENT TE FAIT PEUR

chronique
C’était la semaine du vent. Tempête dans les chaumières, frimas, dégâts et frissons. Secouée par la bourrasque, la vie politique belge allait-elle enfin bouger ? Hélas, ceux qui espéraient un programme gouvernemental qui décoiffe sont restés sur leur faim. Ecouter nos excellences, c’est entendre du vent. N’y a-t-il donc personne pour siffler la fin de la récréation ? Souffler quelques idées nouvelles à l’oreille de nos négociateurs ? Avec le temps qu’il fait, il paraît que Leterme (de Caracalla) refuse de se jeter à l’eau. Tant pis pour lui ! Que le vent le balaye et nous apporte enfin un souffle frais !
Il y a bien longtemps, Emile Degelin, cinéaste flamand avait tourné en français sur les bords de la mer du nord un film qui surfait sur la « nouvelle vague », intitulé Si le vent te fait peur. Titre prémonitoire d’une saison qui hésite entre hiver et printemps, qui nous laisse troublés et perplexes. Devons-nous avoir peur du vent du nord ? Faire craquer les digues ? Et croire que c’est du sud – de la Sarkozie- que viendra le souffle régénérateur ? Allons !
En France aussi, les élections municipales se sont collées sur la météo : le vent du boulet rouge a effleuré l’Elysée. D’après les spécialistes, ce n’était pas un tsunami. Juste une brise pour inviter le président à ne plus chercher le vent ailleurs, se mettre à l’abri et travailler.
Plus loin, le souffle des explosions soulève un ouragan barbare, ravageur, inexorable, incompréhensible. Irak, Jérusalem, Pakistan, combien de victimes faut-il encore à Eole pour qu’il serre enfin les lèvres?
On ne connaît donc plus que le vent mauvais ? En 1968, être dans le vent voulait dire être branché. Maintenant, l’expression a pris l’eau. Qui peut dire aujourd’hui dans quel sens souffle le vent et où il vous emporte ? Mieux vaut se tenir à carreau. Hillary Clinton est mal payée pour le savoir, elle qui est sur le point de se faire balayer par la tornade du changement qu’incarne si bien Barack Obama.
Pourtant, c’est aussi le vent qui sauvera peut-être la planète. Lorsqu’on s’avisera qu’une éolienne, c’est aussi beau dans un paysage de plaine que les moulins dont les ailes ont bousculé Don Quichotte.
Le vent ne nous fait pas peur. Il annonce aussi le printemps. Il apporte des senteurs inconnues, des graines venues d’ailleurs. Notre pitoyable ministre de l’Intérieur finira bien un jour par ouvrir les fenêtres et laisser l’air vif de l’Extérieur aérer nos placards moisis. En espérant qu’il emporte au passage notre sinistre police des étrangers (rebaptisée pudiquement Office) et ses centres de détention qui font notre honte.

Alain Berenboom
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E.T.

chronique
Lundi après-midi, après une longue absence, Yves Leterme est revenu à la politique. Pour son premier contact avec la vie trépidante des stars, l’ex ou le futur premier ministre (on ne sait plus trop) a dû répondre à une quarantaine de questions de ses sympathiques collègues d’une commission de la Chambre à propos de l’utilisation des feux de croisement, la réglementation relative à la conduite d’attelages ou l’immatriculation des cyclomoteurs.
Que fait un homme normal, reçu de cette façon après avoir erré sur les rives du Styx ? Il répond : dites donc, les gars, je vous sens impatient. Mais, pour les gags, attendez le premier avril. Ou : J’ai compris. La RTBF a placé une caméra cachée pour me ridiculiser comme d’habitude. Un homme normal claque la porte. Ciao ! Pour la dimension des attelages, voyez avec Mr De Crem, c’est le cheval fou de l’équipe.
Eh bien, vous avez tout faux. Leterme ne s’est pas tiré; il n’a pas éclaté de rire. Sans broncher, il a répondu de son ton monocorde habituel à chacune de ces questions grotesques. Avec un air de premier de classe dont l’école vient de sombrer mais qui continue de faire semblant qu’il est devant le tableau. Alors, je pose la question qui aurait dû nous sauter aux yeux depuis un certain temps: et si Mr Leterme n’était pas un être humain ? Et s’il était un extra-terrestre ?
Déjà son teint aurait dû mettre la puce à l’oreille. Les écrivains de science fiction des années cinquante ne décrivaient-ils pas les Martiens comme des petits hommes verts ?
Certes, ses chefs sont d’habiles bricoleurs. Son disque dur était bourré d’informations qui lui ont permis de faire illusion : BHV, régionalisation des matières fédérales régionalisables, communautarisation des matières personnalisables, nouvelles valeurs ajoutées (en abrégé NVA). Il était parfait. Presque parfait. Car un bug s’était déjà produit : dans sa programmation musicale. « Ils » ont pensé à lui apprendre à chanter « Vlaanderen boven » de Raymond van het Groenewoud, l’oeuvre complète d’Helmut Lotti et même « Les filles du bord de mer » d’Adamo. Mais pour l’enregistrement de la Brabançonne, le programmateur, un moment distrait, s’est planté. Une petite erreur pour Leterme, une calamité pour l’humanité.
Ne croyez donc pas ce que la presse vous a dit sur l’hospitalisation de Yves E.T. Pendant quinze jours, dans une aile isolée de l’hôpital de Leuven, les Martiens se sont activés à reconnecter ses circuits. Désormais, la noble Belgique, ô mè-ère chérie-ieu, est gravée dans son programme. Mais, même un habitant de la planète rouge ne peut tout prévoir. Dieu seul sait quelle autre erreur de programmation est tapie au fond de sa carte-mère.

Alain Berenboom
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OCCIDENT

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Que partageons-nous avec la Roumanie depuis qu’elle est comme nous l’Europe ? Le cinéma et même les palmes d’or ! Loin des clichés, le cinéma roumain rapproche Bucarest d’Ixelles. C’est là qu’on peut voir « Occident » , une superbe comédie douce-amère réalisée par Cristian Mungiu (dépêchez-vous; tout disparaît si vite aujourd’hui).
Diaboliquement machiné en trois histoires qui s’emboîtent telles des poupées russes, le film raconte l’histoire de deux jeunes Roumaines qui veulent partir à l’ouest et de leur compagnon qui préfère rester au pays. Pas de discours, pas d’explication, même pas de discussion entre les personnages à ce sujet. Juste des allez-retours, ponctués de quelques boulots minables et de tentatives ratés de mariages arrangés. Les choses se font et se défont. La mise en scène fait le reste.
Dans ce film, on retrouve l’écho de la comédie italienne des années soixante, ce mélange de rires et de larmes dans un monde de pauvres gens, de pauvres types, avec une grande différence : ce qui portait ces films, c’était l’espoir que l’avenir serait meilleur. Sordi, Gassman, Manfredi incarnaient des ratés pathétiques qui s’en sortaient toujours dans une Italie qui serait plus belle demain. Dans « Occident », les ingrédients de la comédie italienne sont rassemblés, l’espoir en moins. Et les acteurs (magnifiques) jouent en dedans, des personnages écrasés par leur destin. Cette perte de confiance dans la vie, dans les lendemains, a fait disparaître la comédie à l’ouest. Etrangement, ce désespoir fait naître la comédie à l’est !
Monicelli, Risi, Comencini ont trouvé un cousin désenchanté qui a puisé dans son désespoir les ressorts du rire, comme Kusturica, avant lui, dans ses œuvres baroques, délirantes et déglinguées. Déglingué : c’est l’adjectif idoine pour désigner le monde de l’est, tel que nous le décrit aujourd’hui son cinéma. Le monde inhumain mais organisé de l’époque communiste a disparu. N’en reste qu’un lointain écho (dans le film de Mungiu, à travers le portait d’une bande de flics minables, pires que dans les films de Mac Sennett, et une vieille poupée gonflable qui a servi à un des personnages de bouée pour passer à l’ouest). Dans des villes à l’urbanisme improbable, les personnages errent à la recherche d’argent tels ces fantômes d’humains survivant à une explosion atomique dans les films des années cinquante. A voir leur cinéma, on dirait que chaque Roumain, chaque Serbe s’écrie : « Je suis une légende ! »
A l’image des récentes campagnes électorales polonaise ou russe où le citoyen, rendu à lui-même par la chute de l’Empire, errait perdu et aveugle dans un monde incompréhensible.

Alain Berenboom
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LE ROUCHE ET LE NOIR

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Que reproche-t-on à Fidel Castro ? D’être rouge ?
A l’heure où le Standard voit poindre enfin la consécration suprême, le rouge est hype. Le rouge, tendance roûche en tout cas. Castro, lui, serait plutôt rouge, tendance noir.
Non seulement parce que le père Lachaise lui tend les bras mais surtout parce qu’il a assombri et enterré les rêves de toute une génération et démoli ceux de sa propre population.
Une révolution + le soleil des caraïbes + des verres de cuba libre + le Buena Vista social club, que demande le peuple ? Eh bien ! Le peuple est plus difficile que l’intelligentsia de « gôche » version Le Monde diplomatique. Bêtement, le peuple cubain demande les libertés.
Bien sûr, Fidel lui a donné l’instruction. Mais à quoi bon savoir lire si les livres qu’on aime sont interdits et les libraires sous le contrôle des flics.
Les habitants de La Havane ne peuvent même pas se consoler avec un bon cigare sur une plage enchantée : plages et cigares sont réservés aux touristes bardés d’euros et de dollars que le régime choie.
Des lieux communs tout ça ? Vu de Bruxelles, peut-être. Là-bas, ce sont ces lieux qui font la vie.
Cinquante ans de pouvoir, ça use, ça use. Et c’est increvable. Inspiré par la Corée du Nord, le révolutionnaire rusé usé a décidé de préserver les bijoux en famille. Castro et frère, Inc., un pari sur l’éternité.
Fidel est-il encore vivant ? Ses interminables discours se sont taris, ses images sont manifestement retouchées. Et les « messages » qui sortent de sa chambre d’hôpital ne sont évidemment pas signés. Moi, je soupçonne Fidel, sorti par la porte, de revenir un de ces jours par la crypte. Grâce à la cryogénie, le Leader maximo pourrait bien avoir été congelé juste avant la date de péremption pour réapparaître, frais comme un gardon, dans quelque temps, quand Raul souffrira à son tour d’une petite faiblesse. Faisant le coup du père Noël, il courra, couvert de glaçons, se jeter dans les bras de son cher ami Chavez. Le seul espoir alors est qu’ils périssent tous les deux d’une bonne pneumonie.
Et le Standard dans tout ça ? Remarquez : depuis que son principal supporter, Yves Leterme, est lui aussi hospitalisé, il gagne ! Ca fait réfléchir, non ? Le rouche, tendance orange bleue, patinait au sommet de l’état et du championnat. Hors d’Etat, Mr Yves booste son équipe favorite. Castro en fera-t-il autant ? Sa disparition offrira peut-être à son peuple la bienveillance américaine et la fin du boycott qui affame Cuba. Qu’on me comprenne bien : je ne souhaite pas à Mr Leterme le destin du Leader maximo (ni aux Belges le destin des Cubains). Les leaders minimos ont bien plus de vertu !

Alain Berenboom
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ALLEZ, LES FILLES

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On ne naît pas femme, on le devient. La célèbre phrase de Simone de Beauvoir prend une résonance particulière ces jours-ci pour deux femmes musulmanes dont les barbus ont décidé d’avoir la peau.
Ayaan Hirsi Ali, née en Somalie, devenue hollandaise (et même députée), risque sa vie en sortant des cachettes où elle est obligée de se terrer pour venir défendre à la tribune du parlement européen les femmes nées dans l’islam mais qui ont eu, comme elle, « l’audace » d’abandonner la religion.
Taslima Nasreen, écrivain du Bengladesh, obligée de fuir son pays, sous le coup d’une fatwa, risque de devoir quitter l’Inde où elle s’est réfugiée.
La religion n’a jamais été une partie de plaisir pour les femmes. Juifs, Chrétiens, n’ont pas beaucoup de leçons à donner aux Musulmans. Mais si ceux-ci détestent tant les valeurs occidentales, pourquoi copier les pires excès commis chez nous contre le « deuxième sexe » au nom du bon Dieu ? Et pourquoi diable ce vieux bonhomme les déteste-t-elles donc tant ? Au point que ces deux femmes ne trouvent même pas grâce dans leurs pays d’accueil.
Salman Rushdie, comme auparavant les écrivains qui fuyaient l’empire soviétique ou le Reich nazi, avaient été accueillis par les pays démocratiques où ils avaient dû se réfugier. Il fut même un temps où la Belgique était fière d’accueillir les artistes condamnés à l’exil – c’était longtemps avant MM. Tobback et Dewael, longtemps avant que Semira Adamu ne meure étouffée par nos gendarmes.
Aux Pays-Bas, Ayaan Hirsi Ali a mauvaise presse. Son parti l’a poussée à la démission. Elle faisait tache dans la langue de bois du monde politique. Ses voisins l’ont boutée hors du quartier. Sa présence décourageait le prix de l’immobilier. Le gouvernement a refusé de supporter le coût de sa sécurité aux Etats-Unis où elle avait dû se cacher pour fuir les menaces contre sa vie des exaltés islamistes bataves (sur un papier planté dans la poitrine de Théo Van Gogh, elle était désignée comme leur prochaine victime). Voilà à quoi ressemble la Hollande d’aujourd’hui, celle qui a fait de Pim Fortuyn une icône. En 1968, Amsterdam avait une autre allure…
La situation de Taslima Nasreen n’est pas plus brillante : obligé de fuir Calcutta pour le Rajasthan, elle en a été « exfiltrée » en pleine nuit pour Delhi mais les autorités s’obstinent à lui refuser la nationalité indienne qu’elle réclame vainement depuis des années. Elles ont même « découragé » le président Sarkozy, en visite il y a quelques semaines, de lui remettre le prix… Simone de Beauvoir qui lui avait été attribué à Paris.
On ne naît pas femme, on le devient. En la matière, les religieux de tous poils sont de rudes enseignants…

Alain Berenboom
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Mazâr-e Charif

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Ne pas confondre Mazâr-e Charif avec Laurel et Hardy. Mazâr-e Charif est afghan, tandis que Laurel et Hardy sont universels. Un point commun tout de même : dans les deux cas, il est question de liberté. Laurel et Hardy ont donné aux spectateurs du monde entier le droit à un rire destructeur, parfois jusqu’à l’anarchie. A Mazâr-e Charif, un jeune journaliste de vingt-trois ans, dénommé Sayed Perwiz Kambakhsh, avait cru aussi que la liberté de s’exprimer aère le cerveau. Mal lui en a pris. Le tribunal l’a condamné à mort. A mort ! Pour avoir reproduit les commentaires d’un site iranien (où apparemment la liberté de penser est plus grande qu’en Afghanistan) à propos de la place de la femme dans le Coran. La femme doit être l’égal de l’homme, écrivait-il. Et puisque l’homme a droit à plusieurs femmes, pourquoi la femme ne pourrait-elle revendiquer un droit équivalent ? Blasphème ! ont tranché les juges du cru en envoyant le jeune homme en enfer. Où il rejoindra Giordano Bruno, Salman Rushdie et quelques autres imprudents à la langue trop pendue. Rôtir en bonne compagnie, est-ce vraiment une consolation ?
D’après la météo, il fait à peine zéro degré à Mazâr-e Charif. Le froid ambiant explique sans doute que les juges aient préféré siéger à huit clos (le public qui entre dans la salle d’audience, ce sont des courants d’air garantis) et sans avocat (plus vite terminé, plus vite au chaud devant un bon verre de thé). Selon le président de l’Association des journalistes indépendants d’Afghanistan (rapporté par Reporters sans frontières) Sayed Perwiz Kambakhsh a un autre défaut, un frère, lui aussi plumitif (tous piqués dans cette famille ?) qui a publié des articles critiques dénonçant les abus des seigneurs de la guerre qui mettent la région en coupe réglée.
C’est dans ce sympathique et accueillant pays que débarque un contingent supplémentaire de militaires belges. Certes, notre ministre des affaires étrangères s’est fendu d’une convocation de l’ambassadeur afghan et d’un appel à son gouvernement sur l’air de démocratie et droits de l’homme doivent être respectés (ou au moins veiller à ne pas étaler leurs violations dans la presse). A quoi, les autorités afghanes ont opposé, aussi sec, le respect de la séparation des pouvoirs. Ah ! « L’état de droit », encore un beau cadeau de l’Occident, avec les armes et les 4×4. Pavot, pas pris.
A propos, ne ratez pas le splendide documentaire belge de Dan Alexe « Cabale à Kaboul », images décalées sur les deux derniers Juifs de la capitale afghane qui vivent, en se haïssant, dans une synagogue en ruines. Un film tranchant sur ce pays de nulle part, où la « justice » se rend sous le regard indifférent des soldats de l’OTAN.

Alain Berenboom
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SOUVENEZ-VOUS DE FACHODA !

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Je traînais dans un magasin (à la recherche de chaussures en soldes si vous voulez tout savoir) lorsque le bruit d’une altercation au comptoir me fit lever la tête. Depuis un moment, la jeune vendeuse et un vieil homme discutaient vivement. J’avais cru vaguement entendre qu’elle lui avait manqué de respect. Je n’y avais guère prêté attention, pas plus qu’aux propos qu’ils échangeaient, lorsque l’homme s’écria soudain, les yeux flamboyant : « Souvenez-vous de Fachoda, mademoiselle ! »
Là-dessus, il tourna les talons et, d’un air très digne, sortit en claquant la porte.
Fachoda ? La vendeuse regarda les clients dans la boutique. Qui était Fachoda ? Un parent à elle ? Son profil méditerranéen pouvait peut-être le faire croire. Mais, elle l’aurait reconnu et n’afficherait pas cette expression ahurie sur son visage trop maquillé. Un type se mit à ricaner. Une dame demanda ce qui s’était passé. La vendeuse haussa les épaules. « Un fou », dit-elle. « Il était furieux parce qu’elle refusait de lui parler en flamand », expliqua un jeune homme qui fouillait les bonnes affaires près du comptoir.
« On est à Bruxelles, non ? » fit la vendeuse, les lèvres pincées.
« Et Fachoda ? » demanda la dame. Plus personne ne s’intéressait aux chaussures.
C’est alors que l’histoire me revint. Je l’avais lue jadis. Les Français s’étaient emparés de Fachoda, un poste à la frontière du Soudan vers 1880, qu’ils avaient dû évacuer après que les Anglais aient menacé la France d’une guerre. Léopold II avait essayé de profiter de la tension entre nos grands voisins en envoyant dare-dare un corps expéditionnaire pour étendre l’empire colonial belge mais l’opération avait échoué, l’avant-garde, confiée à des anthropophages, ayant dévoré les officiers.
Tout le magasin se tourna vers moi. La vendeuse, effrayée me demanda s’il fallait prendre ces menaces au sérieux ?
– Vous n’êtes pas un officier même si ce bonhomme est, d’une certaine façon, un indigène… Rassurez-vous. Je crois qu’il pensait à l’humiliation française. A l’époque, elle avait tellement marqué les esprits qu’une méfiance durable s’est installée entre Français et Anglais, dont les pétainistes avaient encore joué plus de cinquante an plus tard. Tout le monde hocha la tête, perplexe.
Qu’au début du nouveau siècle, un homme puisse encore lâcher à une vendeuse « Souvenez-vous de Fachoda ! » était fascinant. Rassurant même à une époque qu’on dit sans mémoire où la culture de la veille disparaît dans un grand trou noir. Mais, comment ne pas en même temps s’inquiéter que le souvenir de vexations anciennes continue à tourmenter autant de bons esprits ? En espérant que personne ne s’écrie un jour : « Souvenez-vous de Bruxelles » !

Alain Berenboom
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LA ROUE TOURNE

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Viendra un jour où le salon de l’auto se transformera en salon du vélo. Déjà, qu’on y célèbre la lutte contre la pollution. De mauvais esprits parlent à ce propos de cynisme, de rideau de fumée. Alors qu’un petit tour dans les travées du Heysel leur aurait permis de découvrir que les 4×4 sont désormais fournies avec des pédales et que les dernières voitures pour branchés, type blindés, importées directement de Bagdad, sont strictement réservées aux victimes de car jacking sur prescription médicale d’un psychiatre.
Pendant ce temps, de l’autre côté de la planète, les cyclistes sont progressivement chassés des rues de Pékin et de Shanghai pour ne pas perturber le trafic grandissant. Et ne pas mourir étouffés par le diesel.
Faut-il s’en plaindre ? L’industrie du cycle va disparaître des pays « émergents » où elle s’était délocalisée pour revenir chez nous. La cour des comptes vient de le souligner : dans l’état de délabrement où elles sont, qui peut encore circuler en voiture sur les routes du sud du pays ? Il n’y a plus que les aveugles et les alcooliques qui imaginent un avenir pour le réseau routier wallon. Le aveugles, les alcooliques et Michel Daerden.
Peu à peu, la campagne reprendra possession de nos régions. On ne circulera plus qu’à pied, à cheval et en vélo. Avec pour conséquence la fermeture des industries polluantes dont les produits ne pourront plus voyager. Adieu, monsieur Mittal et votre soif de CO2 ! Adieu MM. Carrefour et Delhaize et vos gigantesques parkings de béton ! Supprimons l’électricité, pour prévenir la fin du pétrole. Et de l’internet pour prévenir la fin de l’électricité. Du frigo et des hôpitaux. Et du téléphone pour cesser de se plaindre. Le chômage ? Ne vous en faites pas. On remplacera les boulots terribles, la sidérurgie, le montage de voitures, la chaîne, les grandes surfaces par des métiers disparus : maréchal ferrant, aiguiseur de couteaux, allumeurs de réverbères, crieurs publics, cantonniers.
Et ce jour-là, les nouveaux pays producteurs, la Chine, l’Inde et les autres, découvriront qu’il existe à l’ouest une région vierge, un nouveau marché à conquérir, de futurs consommateurs pour leurs produits. Vous les verrez débarquer en Wallonie et construire à nouveau routes et autoroutes, bâtir des usines flambant neuf, des équipements sportifs dernier cri, apporter bagnoles, ordinateurs et autres appareils. Un petit effort et nous aurons épargné la coûteuse « petite vignette » de M. Daerden et les travaux pharaonesques de type Country Hall de Liège. Et nous nous serons peut-être débarrassés entre temps de quelques « gestionnaires » du genre dévastateurs de la Wallonie…
Vive le vélo !

Alain berenboom
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A TABLE !

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Cette semaine, en marge de l’Open d’Australie, Bruxelles accueille un nouveau championnat de tennis de table, l’Octopus, un machin qui rassemble plein de stars mais qui ressemble à un jeu concours. Alors, prêts ? Jouez !
Première question : combien de pieds a la table ? Si l’on annonce dix-huit invités, ils sont en réalité vingt, à lire les noms des participants. Donc : chercher les intrus. Quand vous les aurez trouvés, passer à la question suivante…
Pourquoi « Octopus » ? Ce mot (venu de l’anglais, adopté par le néerlandais mais inconnu en français) désigne un poulpe à huit bras, une bête redoutable qui étouffe tous ceux qui passent à sa portée. Devinez qui va étrangler qui ? Puis continuer…
Quelle sera la forme de la table ? Ronde sans aucun doute comme la plus célèbre table de l’histoire, celle des chevaliers réunis autour du roi Arthur, sur la suggestion de Merlin.
Mais, si Leterme est Arthur, qui joue Guenièvre, son épouse (laquelle, on s’en souvient, trahit le roi en se jetant dans les bras de Lancelot) ? Et qui est l’enchanteur, détenteur de la baguette magique ?
Le nom de tous les chevaliers de la table ronde est connu, sauf un, celui qui a droit au « siège périlleux ». Cette place est réservée au mystérieux invité qui aura déposé le Graal sur la table. Quiconque s’avise d’occuper « le siège périlleux » sans en avoir la qualité est aussitôt englouti. Question : devinez qui va disparaître du groupe Octopus parce qu’il se sera imprudemment assis sur le siège périlleux en prétendant avoir apporté le vrai Graal ? Et passer à la question suivante.
La table est donc ronde, c’est entendu. Mais de quel bois est-elle faite ? Question plus redoutable qu’il n’y paraît. Leterme, tel qu’on le connaît suggérera à coup sûr le bouleau. Mais ses vertus de travailleur n’ont accouché jusqu’ici que d’une souris. Alors, on préférera qu’elle soit taillée dans un autre bois. Du sapin ? Il sent l’enterrement. Le chêne, on ne pourra s’en dépêtrer. Le noyer, mieux vaut ne pas y penser même si c’est le sort annoncé du groupe…
A moins qu’il ne se disperse auparavant en passant par la case chaise musicale. Grâce au futé Christophe de Borsu, brillant journaliste de la RTBF, on connaît les qualités de chanteur du président de l’Octopus. Tout le monde sait aussi que le groupe est trop nombreux pour accoucher de propositions sérieuses. L’élimination sur l’air de la Brabançonne permettra peut-être de resserrer les rangs. Nul doute que lorsque Yves Leterme restera seul à table, la solution à tous nos problèmes institutionnels sera enfin en vue. Sauf si, selon sa bonne habitude, le docteur Leterme étouffe Mister Yves. Mais peut-on vraiment tabler là-dessus ?

Alain Berenboom
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CONVERSATION CHEZ LES LETERME, MADAME MILQUET ABSENTE

chronique
Yves : Tu as entendu le président Sarkozy, Bart ? Avec Carla, paraît que c’est sérieux.
Bart : Ah ! Si nous parvenions à offrir à nos citoyens des projets aussi ambitieux et mobilisateurs que les siens.
Yves : Même qu’il lui a offert une bague de chez Dior. Dis Bart, j’y pense. T’offrirais pas une pareille à Joëlle Milquet ? ça arrondirait un peu les angles lorsque viendront les ides de mars, tu vois ce que je veux dire ?
Bart : A ce prix-là, sa bague est un exemplaire unique à mon avis…
Yves : Pas du tout, Bart. Il paraît que Cécilia avait reçu exactement la même auparavant. J’ai lu ça dans « Gala ».
Bart : Ah ? Et tu crois qu’en passant par Sarkozy, Dior me fera une réduction ?
Yves : Tu fais comme tu le sens, Bart. Mais tu sais qu’en politique, on ne se fait guère de cadeaux.
Bart : Enfin, Yves ! Que veux-tu qu’il me demande en échange ? Une nuit à Val Duchesse pendant la prochaine discussion sur la scission de B.H.V. ? Il est le bienvenu ! Je lui préparerai même quelques pistolets à l’américain et un Thermos de café.
Yves : Sarkozy voudra quelque chose de même valeur : la perle de la côte belge, par exemple, le rattachement de Knokke à la France.
Bart : On peut discuter, non ? Proposer Duinbergen ?
Yves : Bon. Disons que tu as la bague. Et alors ? Tu la donnes dans quelle langue ?
Bart : Pff ! Si je fais un discours, Joëlle va dire Neen !
Yves : Moi, je trouve que pour un brillant de près de 20.000 euro, elle peut faire l’effort de répondre : Dank U wel Bart ! Et même te donner une kusje face aux caméras. Tu remarqueras que devant les journalistes, elle n’hésite pas à s’exprimer dans un flamand convenable.
Bart (méfiant) : Dis-moi, Yves, pourquoi veux-tu à tout prix me pousser dans les bras de cette péronnelle ? Déjà qu’elle a failli mettre notre ménage en l’air.
Yves : Fais un effort, Bart, je t’en prie. Sans elle, c’est Guy l’Italien qui ramasse tout ce qu’on a semé. Nous, on perd tout. Adieu veau, vache, cochon, couvée.
Bart : Leterme qui cite La Fontaine et qui fait la pub de Milquet. Yves, tu as passé trop de temps avec les fransquillons ! Si tu veux absolument avoir l’air moderne et faire ménage à trois, pourquoi ne pas draguer chez nous ? La petite Caroline Gennez du S.P.A, par exemple ?
Yves : Une rouge ? Pourquoi pas Bea Ghysen, la patronne de Spirit ? Elle a l’air assez libérée…
Bart : Une ancienne Volksunie ? Non, merci. Les relations incestueuses, ça me dégoûte !
Yves (avec un soupir) : Alors, retour à la case départ : Milquet.
Bart : Bon. Mais la bague, on l’achète chez nous, à Carrefour !
Yves : Carrefour ? Mais, c’est comme Dior : le fief de Sarkozy !

Alain Berenboom
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