RUINES FLAMBANT NEUVES

Ah ! Les Grecs…

L’Europe leur apporte  237 milliards d’euros et, en guise de remerciement,  ils mettent le feu à leur capitale. On se dit, quelle ingratitude ! Pas du tout ! Vous n’avez rien compris !

Le feu, c’est une façon de montrer aux Allemands et aux autres qu’après un moment de spleen bien compréhensible, les Grecs se sont remis au travail.

Les manifestations violentes,  un signe de redémarrage de l’économie ?

Mais oui ! De quoi vit la Grèce, pensez-vous ?

De son église ? Elle ne rapporte rien et refuse obstinément de payer même le denier des pauvres.

De ses militaires ? Ils coûtent les yeux de la tête (plus de 3 % du PIB et le plus important effectif de tous les pays membres de l’OTAN) mais pas question d’y toucher car ils défendent le territoire contre les risques d’une invasion turque sans doute imminente puisque la dernière guerre entre les deux pays remonte à 1922.

De ses armateurs ? Ils ont transféré depuis longtemps leur flotte sous pavillon libérien ou panaméen et leurs économies dans une bonne banque suisse.

Non, les Grecs ne doivent compter ni sur le sabre, ni sur la mer, ni sur le goupillon.             Depuis des siècles, les Grecs ne vivent que de leurs ruines.

Or, celles que l’on connaît datent de plusieurs siècles avant notre ère. Elles sont vieilles, poussiéreuses et en très mauvais état. Et surtout, tout le monde les a déjà visitées. Alors, pour redresser le tourisme, les Grecs ont eu la bonne idée de fabriquer de nouvelles ruines, flambant neuves ! Et bien plus intéressantes que les anciennes pour les nouvelles générations.

Nous savons tous quels efforts il faut faire pour convaincre nos enfants de nous accompagner dans la visite de l’Acropole, d’un amphithéâtre ou des restes d’un cirque à Athènes ou à Epidaure – et la concurrence est rude pour les Hellènes face aux Siciliens, Chypriotes ou Turcs qui prétendent avoir conservé les plus beaux. Les enfants tirent la tête. Ils ne fréquentent ni l’église, ni le théâtre, ni le cirque en Belgique même quand la salle est chauffée. Alors, pourquoi s’aventureraient-ils au milieu de morceaux disparates de temples de religions disparues, de théâtres antiques qui n’ont même plus de rideaux ni de buvettes et de cirques sans clowns ?

D’où l’idée ingénieuse de proposer aux jeunes visiteurs des ruines d’aujourd’hui, des vestiges du vingt et unième siècle, des restes à moitié calcinés de banques, de Mac Donald ou de magasins de téléphones.

Saluons ces efforts remarquables et, au lieu une nouvelle fois de maudire les Grecs, aidons-les à démolir ce qui reste de leur capitale. La FN qui a perdu son meilleur client, le regretté M. Kadhafi, pourrait trouver là un nouveau marché pour ses pétards invendus.

 

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ANONYMOUS CONTRE MICKEY MOUSE

Internet a de nouveaux héros, les Anonymous, des hackers déguisés en clowns qui manient le clavier d’ordinateur comme Robin des Bois jadis l’arc et les flèches. Comme ils prétendent défendre les braves internautes contre les méchants auteurs, acteurs, chanteurs, producteurs de films et de musique, bref tous ceux dont les œuvres sont pillées par de gentils pirates, il est mal vu de les qualifier de terroristes.

Les dernières cibles des Anonymous ? Le FBI et la commission européenne.

Le FBI car les G-Men ont osé arrêter le boss d’un des plus populaires site de téléchargement illégal, Magaupload, un certain Kim Dotcom, qui a l’allure invraisemblable du vilain gros Allemand tel qu’on n’a plus osé le représenter dans le rôle du méchant depuis les BD et les films des années cinquante.

Et la Commission européenne ? Si elle se retrouve dans le collimateur, c’est pour avoir signé le mois dernier un accord de coopération internationale, l’ACTA. Ce traité a pour ambition d’harmoniser les outils de lutte contre la contrefaçon sur le web et de rendre plus efficace une coopération internationale permettant de débusquer les sites pirates. Notamment en confiant aux fournisseurs d’accès la responsabilité de contrôler le contenu des sites.

Alors quoi ? Il y a d’un côté les gentils internautes, ivres de liberté, qui exigent de consommer films et musique sans entraves. Et de l’autre, Disney et autres affreuses multinationales, avides de dollars, et assises sur des films et des groupes dont ils interdisent l’accès ?

La vérité est moins binaire.

Ainsi, le vilain pirate allemand n’était pas un poétique hippie vivant d’amour du cinéma et de schnaps fraîche. Il avait amassé un immense trésor de guerre, des voitures de luxe en veux-tu en voilà, grâce au pognon des pauvres cloches qui payaient pour visionner des films que M. Dotcom allait piquer chez les titulaires de droits.

Mais alors, pourquoi ces Anonymous agitent-ils en grognant leurs masques de mardi gras ? Décider, comme ils le font, dans la plus parfaite opacité ce qui est bien et ce qui est mal sur Internet, non, mais pour qui ils prennent ?

Détail piquant, les autorités européennes se comportent exactement comme les Anonymous dans l’élaboration de l’ACTA. Discussion des textes de ce traité dans la plus parfaite opacité par on ne sait qui, abandon du contrôle public de la piraterie au profit d’entreprises privées, transformées en douaniers. Pardon mais les eurocrates ont une fois de plus tout faux, eux aussi.

Vraiment, il est temps que les élus reprennent la gestion des affaires publiques en mains ! Que ce soit dans la notation des états, le contrôle des banques ou de la protection des droits des créateurs !

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ALMA MATER OU AUBERGE ESPAGNOLE ?

Alma mater, c’est ainsi que nous appelions notre université. Mais la « mère nourricière », qui vient de fêter ses cent septante-cinq ans, semble avoir perdu son latin et sa mémoire. Hey, mamy ! Le libre examen, ça te dit encore quelque chose ?

« La pensée ne doit jamais se soumettre …parce que, pour elle, se soumettre, ce serait cesser d’être » disait Henri Poincaré (en 1909), un des pères du libre-examen mais aussi de la théorie du chaos. Ceci explique peut-être cela.

L’autre soir, à l’ULB, grand chahut organisé par une bande d’hooligans, courageusement dissimulés derrière des burqas. Le chahut, c’est une tradition, d’accord. La contestation aussi. Mais elle avait autrefois pour but de réclamer plus de liberté pas de l’étouffer.

Or voilà qu’un « chercheur », M. Chichah, a, une nouvelle fois, emmené un quarteron de gueulards pour empêcher la tenue d’un débat sur l’extrême droite.

Une nouvelle fois car le bonhomme est coutumier du fait. Il y a quelques mois, il a déjà mené un débat à l’ULB pour légitimer un partisan de l’extrême droite, Dieudonné, un comédien qui a abandonné depuis longtemps l’humour pour l’amour de l’extrême droite depuis qu’il a entendu des voix (celles de Jean-Marie Le Pen). Cette fois, c’est la plus pugnace adversaire de la fifille Le Pen, l’écrivain et journaliste, Caroline Fourest qu’il a fait taire. On reconnaîtra à Chichah, une fidélité. A la famille F.N.

Car en matière de liberté d’expression, ce chercheur en économie de la discrimination vogue à géométrie variable.

Après le déroulement chaotique de la conférence publicitaire en faveur de Dieudonné, son fan club avait lancé une pétition « contre l’intimidation intellectuelle » à l’ULB. On serait étonné de le voir répéter ce geste après que le héros ait exactement utilisé le procédé qu’il dénonçait pour faire taire une parole insupportable : le lien entre extrême droite et islamophobie.

Mais les autorités universitaires portent aussi une responsabilité dans ces événements annoncés et dont elles n’ont pas voulu prendre la mesure. A plusieurs reprises, les recteurs successifs (et le conseil d’administration) ont préféré mettre la tête dans le sable devant des dérapages antisémites  (vite qualifiés de blagues de potaches) ou en classant vite fait des plaintes contre le susdit « chercheur ». Transformant de plus en plus la maison des valeurs en une auberge espagnole.

Les contributions scientifiques ont toujours fait la renommée de l’ULB. L’université s’est à présent concentrée vers la zoologie, spécialité l’autruche…

 

 

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CHAUD EFFROI

D’où vient ce coup de froid soudain et glaçant ? De Sibérie, prétend monsieur météo. Encore un coup de la guerre froide ? Allons ! Même à la grande époque du petit père des peuples, rien n’est jamais sorti du goulag. Même pas les fantômes de ceux qui y ont péri.

La dégelée de l’euro alors ? Est-ce l’effroi des citoyens devant la crise économique et financière qui fait claquer des dents et qui a eu raison du mystérieux réchauffement climatique que tout le monde ou presque appelle de ses vœux ces jours–ci – mais en silence car c’est politiquement incorrect ?

Les politiciens ne doivent pas s’étonner que nous restions de glace devant leurs quelques rares envolées ou leurs timides tentatives de plaisanter. Le glacial constat que nous sommes bons pour passer les prochaines années au fond du frigo fiscal n’incite pas à faire monter le mercure dans les thermomètres…

On a l’impression que, à force de raconter que tout va de plus en plus mal, le temps lui-même s’est mis au diapason. Le doux hiver n’a pas résisté au froid glacé des discours politiques.

Mais, n’y a-t-il vraiment plus d’argent ? Le ministre de la défense, notre Crambo national, a beau prétendre avoir les doigts gelés. Il a trouvé quarante quatre millions pour participer au concours de châteaux de sable en Libye dont le grand prix consistait à remplacer un dictateur dingo par une anarchie islamiste.

Et, lundi passé encore, on a réussi à dépenser plusieurs millions pour amener vingt-sept chefs d’état européens par avion et par 4×4 dans un bunker bruxellois. Et tout ça pourquoi ? Pour enregistrer l’engagement de chacun, la main sur le cœur, de ne pas laisser le déficit de leurs budgets dépasser un montant déjà fixé à Maastricht il y a exactement vingt ans. Tous ont ressigné ce qu’ils avaient déjà signé en février 1992 juste pour figurer sur la photo (ce qui fait cher le pixel). Même les Grecs qui savent ce que vaut ce genre de promesses. Mais, à l’exception des Anglais et du dirigeant praguois qui a refusé un Tchèque en blanc. Est-ce depuis que l’on organise à Bruxelles tous les sommets que l’histoire européenne patine sur le verglas ?

Et, si au lieu d’avoir les yeux désespérément fixé sur le thermomètre des marchés, le PIB et la notation des états, aussi zigzagante qu’une feuille de température, on cherchait plutôt le moyen de se réchauffer ?

Ca tombe bien ! Dans dix jours, c’est la saint Valentin ! Excellent pour le commerce et les transports en commun. Ce qui est bien meilleur pour la planète que les limousines des excellences qui nous dirigent droit sur l’iceberg.

 

 

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LA PETITE REINE DE BRUXELLES

Vélocipédistes, méfiez-vous ! Madame Grouwels veut votre mort !

On s’explique : le projet funeste de supprimer tous les cyclistes de Bruxelles est l’œuvre du prédécesseur de la petite reine de Brussel, le très fourbe mais socialiste Pascal Smets. C’est lui qui a imaginé de faucher les deux roues comme on attrape les souris. Son piège : dessiner des petits vélos sur le macadam des pires rues de la capitale, les plus étroites, de préférence à contre-sens, pour que les cyclistes, leurrés, se croient en sécurité et filent droit sur le capot des automobilistes lancés dans une rue qu’ils pensaient à sens unique.

Mais les efforts de Pascal Smets n’ont pas été totalement couronnés de succès. Le nombre de blessés graves à vélo n’a augmenté que de 100 % en trois ans (de 2008 à 2010) alors qu’il y a de plus en plus de cyclistes au milieu du trafic.

Un esprit simple dira que pour favoriser la circulation sans risque des deux roues, il suffit de créer des pistes cyclables isolées de la route. C’est d’ailleurs ce que prétend avoir fait M. Smets : « j’ai fait construire 82 km de pistes cyclables », a annoncé l’ancien secrétaire d’état bruxellois. « Vilain menteur ! » s’est écrié sa blonde successeur. Pascal Pinocchio Smets n’a créé que 9 km de parcours protégé ! Tout le reste de ses flatteuses statistiques comptabilise les fameux pièges à vélos, rues peintes ou passages de bus, de vrais couloirs de la mort !

Brigitte Grouwels n’a pas renoncé à poursuivre les ambitions de son prédécesseur. Avec la complicité de son collègue, Bruno de Lille, le Groen de la mobilité. Bonne façon en passant d’éliminer le trop plein de francophones de la capitale flamande.

Profitant d’une modification surréaliste du code de la route, elle se propose d’autoriser les amateurs de petite reine à foncer allégrement vers le crash : désormais, les cyclistes ne devront respecter ni feux rouges, ni sens uniques. Pour le vélo, fini le code de la route -ce qu’avaient déjà compris quelques casse-cous sans attendre la nouvelle loi.

Grâce à cette mesure, les desseins de P. Smets seront enfin accomplis : on doute qu’un seul cycliste survive à l’aventure.

Dans la foulée, on se débarrassera aussi des piétons, ces mammifères candides mais un peu encombrants, qui pensent avoir le droit de traverser quand le feu est vert alors qu’ils ont tout juste le droit de se faire faucher par les cyclistes. Ce n’est que justice : Alfred Jarry, grand vélocipédiste devant l’Eternel, écrivait il y a un siècle déjà : « Les piétons sont de véritables dangers publics car on les autorise à circuler librement sans permis, ni frein, ni grelot. »

 

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WALLONMAN EST ARRIVE, HE, HE

Jusqu’ici, les Flamands avaient leurs BV et les francophones leur Fédération BW. C’était trop simple. D’où cette nouveauté, sortie d’une nuit d’insomnie de J. C. Marcourt, le plan W.

Pourquoi l’idée que des B.V. wallons réfléchissent à l’avenir de leur région provoque-t-elle une telle tempête dans un verre de pekèt ou plutôt de faro ? Ca fait longtemps qu’ils auraient dû y penser ! De là, à mettre les Bruxellois à la porte de leur toute fraîche Fédération, voilà qui ne plaît pas vraiment dans les chaumières de la capitale.

« Si c’est comme ça, je vais devenir flamand ! » a menacé Philippe Moureaux, jamais en retard d’une réflexion politique longuement mûrie. Mais l’ancien boss socialiste bruxellois est tellement tordu que, s’il faut croire certaines rumeurs, cette annonce n’est qu’un prétexte pour changer de sexe linguistique. Atteint par la limite d’âge, il envisagerait de recommencer à zéro une carrière dans le Nord. Nul doute qu’il y sera à l’aise. Son goût du sarcasme grinçant, de préférence méchant et injuste, n’a rien à envier à celui de Bart De Wever. Et, comme tous deux sont historiens, on se réjouit déjà de les voir s’affronter au jeu à la mode à la télé flamande « De Slimste Mens Ter Wereld ».

« Qui a gagné la bataille des éperons d’or ? M. De Wever lève la main ? » 

« Et la seconde guerre mondiale ? Tiens ? M. De Wever reste muet. M. Moureaux peut-être? »

Depuis qu’Elio Di Rupo ne s’exprime plus que dans un néerlandais compréhensible seulement à Amsterdam, ça grenouille dans le marigot wallon. Tout le monde se bat pour devenir calife à la place du calife.

Privé de l’ombre de son président de parti que le rendait tellement plus grand, Rudy Demotte semble avoir fondu comme neige au soleil. Les deux belles casquettes qui trônaient sur sa tête lui tombent sur le nez. Tandis que son cher camarade, J.C. Marcourt se découvre une vocation de flambeur wallon, lui dont on ne connaissait que les qualités et la prudence de technicien de l’économie. Marcourt en réincarnation d’André Renard ? En clone de Kriss Peeters namurois ? Yes ! Wallonman est arrivé !

Comme les hommes politiques n’ont rien à nous offrir, vu l’état des finances publiques, on peut s’attendre à une surenchère dans la gesticulation autour du W vu que ça ne coûte pas cher. Sauf au Scrabble où décrocher cette lettre magique est une véritable mine d’or.

Creuse, Marcourt, creuse !

 

PS : dans notre série « le bon plan cinoche du week-end », courez voir « Miss Mouche » de Bernard Halut, une tragédie qui a les apparences d’une comédie, le film le plus inventif tourné en Fédération WB depuis « La Fée » !

 

 

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QUAND J’ENTENDS LE MOT CULTURE

Il avait un bon avocat, Bertrand Cantat. Condamné à huit ans de prison pour avoir tué sa compagne Marie Trintignant, il a été libéré à la moitié de sa peine. Pour bonne conduite.

Ce qui signifie que, pendant sa détention, il n’a pas tabassé de gardien – que des hommes, remarquez, ceci explique peut-être cela.

Tout le monde n’a pas la chance d’avoir  un ténor du barreau. Tenez, Sophocle par exemple. Un artiste lui aussi, au moins aussi inspiré que ledit Cantat. Mais qui a un handicap par rapport à l’auteur de « Veuillez rendre l’âme » : lui, il est mort. Et depuis si longtemps que ses pièces sont tombées dans le domaine public.

Un auteur vivant ou ses héritiers ont le droit de refuser à un metteur en scène ou un interprète de jouer ses oeuvres. Hélas, si le grand tragédien grec peut s’enorgueillir d’un triple A jusqu’à la fin des temps civilisés, ni lui ni ses héritiers ne peuvent empêcher un metteur en scène canadien et le bourreau d’une jeune femme française de se servir d’ « Antigone » pour servir leurs intérêts, faire scandale et vendre des tickets (sur lesquels ni l’auteur ni son pays ne recevront un radis).

« Nous n’avons pas à poser une question morale sur ce choix. Nous devons nous en tenir à l’aspect juridique des choses » dit M. Colpé, patron du Théâtre de Namur et coproducteur du spectacle avec le théâtre du Manège à Mons.

Voilà donc qu’un jongleur s’abrite derrière le dos d’un flic pour justifier son petit commerce ! On aura tout vu ! Bel effet de la marchandisation de la culture dénoncé jadis par un certain Bertrand Cantat.

Certes, le meurtrier de Marie Trintignant a purgé sa peine. Il est redevenu un homme juridiquement libre. Il peut remonter sur scène, donner des leçons de morale et de politique comme il aimait le faire jadis – avant la mort de sa compagne et le suicide de son épouse. Mais prétendre que la culture peut se passer de morale ? Pardon, M. Colpé. Mais, comme disait Jean Cocteau : « A force d’aller au fond des choses, on y reste ».

Si Bertrand Cantat était chemisier, employé de bureau, caissier à Carrefour, menuisier, ramoneur, fonctionnaire, oui, il aurait pu reprendre son boulot d’avant. Mais un artiste, c’est autre chose. Il porte la parole d’un auteur, son éthique, ses valeurs. Il incarne son message artistique, philosophique, politique. Et, à la fin, c’est lui qui se fait applaudir.

« Ce que je déteste, c’est qu’un coupable, quand il se voit pris sur le fait, cherche à peindre son crime en beau. » Tiens ? Justement de Sophocle. Et dans Antigone…

Alors, oui, je trouve indécent qu’un homme condamné pour violence meurtrière sur une femme monte sur des scènes emblématiques de la communauté française et prétende porter le message de Sophocle.

Je suis un non violent, disait Francis Blanche. Quand j’entends parler de revolver, je sors ma culture.

 

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AAA

Depuis quelques mois, le A occupe une place essentielle dans l’actualité. La perte par la Belgique de la petite queue de son double A a permis de boucler en quelques jours un gouvernement qui ahanait depuis plus d’un an et demi.

« Si la France perd son triple A, je suis mort ! » a lâché Nicolas Sarkozy. Diable ! La lettre ou le néant…

Et la position d’Obamaaa est rendue de plus en plus précaire par le déclassement de son pays par une agence de notation. Les USA sans A restent sans voix.

D’où vient donc la magie de la première lettre de l’alphabet ?

Une lettre qui s’écrit de la même manière, Ah !, qu’elle exprime le plaisir, la stupéfaction ou la douleur.

Ah ! a soupiré Obama quand les Etats-Unis ont été réduits à AA. Bien loin de son « Ah ! » un peu plus tôt quand ses commandos sont entrés dans le salon télé de Oussama Ben Laden.

Ah ! s’est écrié Elio Di Rupo nommé premier ministre grâce à la dégradation de la Belgique en AA.

Ah ! diront les observateurs quand la Grèce affichera soudain une note AA.

Tandis que la Castafiore imperturbable : « Ah ! Je me sens si belle en ce miroir ! »

On n’aurait pas dû être aussi surpris de l’importance accordée au A. La science-fiction américaine avait déjà découvert ses vertus il y a plus de soixante ans dans « Le Monde des A » sous la plume d’un des maîtres du genre, A.E. Van Vogt (dont la traduction par Boris Vian n’est pas étrangère au charme de l’œuvre en français même si elle trahit le titre original qui est « Le Monde des non-A »).

Un roman qui raconte une gigantesque partie d’échecs cosmique. C’est dire le poids accordé à A par Van Vogt. Mais la Bible elle-même n’avait-elle pas déjà annoncé toute l’importance mais aussi l’ambigüité du A ?

On traduit généralement en français la première phrase de la Genèse de la façon suivante : « Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. »

Or, le texte hébreu est plus bizarre : au lieu de commencer par la lettre A, le premier mot de l’ancien testament a pour première lettre B –on sait toute l’importance symbolique de chaque lettre du Livre, ce ne peut donc être un hasard. Les commentateurs en tirent pour conclusion qu’avant notre monde, il en existait un autre, le monde des A en quelque sorte.
Ce qui devrait rassurer tous ceux que la volée de A laisse pétrifiés. Demain, lorsque les agences de notation auront définitivement rogné la note de tous nos pays, de AA à A puis à rien, s’ouvrira un nouveau monde, celui des B ou des zéros, peu importe, qui gouvernera notre vie comme celle des A aujourd’hui. Mais la perspective de vivre les yeux fixés sur le maintien du B ou du 0 sera peut-être à la longue moins éprouvante.

Ah ! (de soulagement).

 

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DEUX MILLE DOUCE

Décembre deux mille douce et c’est la fin du monde… A voir nos dirigeants européens tourner en rond comme des poules sans tête, nul doute qu’ils ont choisi de respecter le calendrier maya.

A Bruxelles, le coup de cymbale final sera-t-il donné par Elio Di Rupo ? Le seul moyen pour lui de rester au pouvoir est de retarder le vote de la réforme institutionnelle et de la scission de B.H.V. jusqu’au 11 décembre à minuit. A peine la constitution modifiée, elle disparaîtra avec toute le reste de la planète. Même Olivier Maingain n’a pu rêver plus beau scénario !

Grâce à Bart De Wever, qui prépare ça depuis longtemps, la Flandre sera la seule à échapper au cataclysme. Ayant compris qu’il n’arrivera jamais à se séparer de Bruxelles et de la Wallonie, il a entrepris en douce la construction d’une super-fusée destinée à libérer les Flamands de l’emprise belgicaine : elle les emmènera sur l’une des ces planètes jumelles de la Terre que les astronautes viennent de découvrir. Grâce à l’extraordinaire prévoyance du grand président de la N-VA, les seuls survivants de la catastrophe finale seront donc des militants nationalistes flamands. Bonne chance aux habitants de la planète lointaine sur laquelle ils débarqueront avec pour tout bagage le programme de la N-VA, des gaufres et du J.Jambon. Espérons qu’il n’existe pas chez nos cousins de lois contre les immigrés. Ni contre l’usage des langues étrangères…

Est-ce un hasard ? 2012 est une année d’élections un peu partout sur la planète. Comme si l’on voulait s’offrir un dirigeant de rêve pour terminer l’histoire. On vote aux Etats-Unis, en Russie, en France, dans plusieurs pays arabes. On désigne le nouveau président européen. Et même la dernière tête du parti Ecolo. Il paraît qu’on se bouscule au parti vert pour avoir l’honneur d’annoncer l’anéantissement de la planète.

Etrange de penser que ce n’est pas le réchauffement climatique qui aura sa peau, ni l’explosion d’une nouvelle centrale atomique, ni l’épuisement du pétrole et des autres matières premières. Non, ce sont ces bons vieux Mayas avec leurs prévisions faites il y a des milliers d’années à une époque où ils ne connaissaient ni les 4×4, ni l’avion, même pas la roue.

Remarquez : il existe un curieux lien entre Mayas et Ecolos. Quand on coupe la tête du patron du parti vert, il en en pousse deux autres comme dans l’hydre de la légende. Or, l’hydre est un serpent. Chez les Mayas, c’est justement un serpent, le dieu Kukulkan (le serpent à plumes) qui annoncera la fin du monde.

De là à conclure au rôle historique que jouera sur la planète l’élection des deux successeurs de Jean-Michel Javaux, il n’y a qu’un pas. Un homme, une femme, un serpent. Et tout le bazar recommencera…

Bonne année douce !

 

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PERE NOËL EN DE KERSTMAN

On a longtemps raconté aux enfants l’histoire du père Noël. Pourquoi ne pas leur dire la vérité, leur avouer qu’il y a plusieurs pères Noël et qu’ils ne s’entendent pas ?

A une époque reculée, c’est vrai, il n’existait qu’un père Noël qui accomplissait sa tâche avec le sourire, tout heureux de faire plaisir aux enfants. Sa récompense, c’était leur rire, leur joie. Et le bonheur d’entendre leurs petites voix résonner tout excitées dans la cheminée après avoir déballé leurs cadeaux, « Merci, père Noël! »

C’était l’époque bénie où il pouvait faire en une nuit Bruxelles-Saint-Pétersbourg et Pékin-Montevidéo. Mais l’âge touche les plus castars, même le père Noël. Quelle corvée! se plaignait-il. Une nuit à trimer comme une bête et trois cent soixante quatre jours à se ronger le frein, en attendant cette terrible la soirée du 24 décembre.

Il n’en dormait plus, attentif au moindre signe de faiblesse et, dès l’automne, hanté par des cauchemars. Il se voyait glissant du toit avant même d’avoir atteint la première cheminée. Sa hotte prenait feu, dévorant tous les cadeaux, puis sa barbe. Les loups le croquaient, un troupeau d’éléphants écrabouillait son attelage, des voleurs lui dérobaient tout son stock le matin même de Noël.

Quand arrivait enfin le réveillon, il se trouvait dans un tel état qu’il bâclait la distribution des cadeaux pour retrouver son lit. Oserais-je l’avouer ? Le bon père Noël, le plus grand ami des petits, en était arrivé à détester les enfants. A les haïr. A souhaiter leur disparition de la surface de la terre. Ah! se disait-il. Dieu fasse qu’il n’y ait plus que des braves vieux comme moi, qui ont  oublié depuis longtemps l’existence du père Noël. Je sais. C’est affreux. Mais tout homme traverse des moments de dépression. Même le père Noël qui en était venu à rogner sur ses heures de travail puis sur sa zone de distribution, comme un vulgaire conducteur des TEC.

Devant les plaintes de plus en plus nombreuses, son patron décida de reprendre les choses en mains. Il essaya d’abord de confier une partie de la mission du père Noël au Père Fouettard. Ce fut un désastre. Dès qu’il tenait un cadeau en mains, le père Fouettard le mettait en pièces. Lancés du dessus des cheminées, les écrans atterrissaient en morceaux au pied des sapins.

« J’ai beau faire un effort, expliqua-t-il, je n’y parviens pas. C’est plus fort que moi ! Impossible de faire un gentil d’un méchant ! »

Après s’être longtemps gratté la tête, le boss dut se résoudre à truquer le bazar. Puisque le père Noël ne suffisait pas à la tâche, il en engagea quelques autres, habillés à sa façon.

Mais que faire de l’authentique ?

« Repose-toi, lui dit-il. Profite des quelques milliers d’années qu’il te reste à vivre. Tiens, voilà un C 4 qui te permettra de profiter du chômage. »

Le père Noël revint le lendemain : l’ONEM n’avait pas voulu de lui. Il ne justifiait pas d’assez de jours de travail.

– Mille ans de boulot, ça ne suffit pas ? s’étrangla le boss.

– Selon la loi d’Elio 1er, seule la dernière année entre en ligne de compte. Or, l’an dernier, je n’ai travaillé qu’un seul jour. Qui ne peut être comptabilisé. Car je n’ai pas pensé à demander au ministère l’autorisation de travailler la nuit. »

Pour éviter au père Noël de finir sa vie sous un pont, le boss le laissa reprendre la distribution des cadeaux. Mais, vu son état, il lui confia une petite zone de distribution, la capitale de l’Europe, tandis que les nouveaux pères Noël se partageaient le reste du monde.

La première année, tout fonctionna parfaitement. Le boss s’endormit tranquillement, persuadé que l’affaire était dans le sac pour quelques siècles quand il fut réveillé par le bruit d’une terrible dispute.

A moitié éveillé, il tenta de comprendre pourquoi le vrai père Noël et deux jeunots de la nouvelle équipe en étaient venus aux mains. Quand il parvint à les séparer, leurs explications le laissèrent pantois.

Les deux jeunes reprochaient au père Noël d’avoir dépassé sa zone de distribution. Toutes les cheminées des dix-neuf communes de la région de Bruxelles-capitale servies, il avait continué de vider son sac dans les petites villes voisines. A la grande fureur des deux jeunes pères Noël.

– Il n’a pas le droit de dépasser les frontières ! s’écrièrent-ils d’une seule et même voix.

– La Wallonie c’est pour moi ! Et moi seul ! dit l’un.

– Vous m’avez donné la Flandre en exclusivité moi ! reprit l’autre. D’ailleurs, regardez le gâchis, ajouta-t-il, en sortant une boîte de jeu video.

– Eh bien ? demanda le boss.

– Toutes les inscriptions de cette boîte sont en français ! Strikt verboten ! C’est la loi dans ce pays !

L’autre surenchérit en montrant une boîte de chocolat, sertie de brillants.

– Ce vieux birbe a déposé ce ballotin à Lasne. Lisez : la composition des pralines est en néerlandais ! A Lasne ! Il a failli provoquer une émeute ! Heureusement Que les parents ont enlevé à temps la boîte des mains de leurs enfants avant qu’ils ne soient contaminés !

Le boss poussa un long soupir.

– Ne vous mettriez-vous pas autour d’une table pour discuter de tout ça ? suggéra-t-il.

Les trois hommes hochèrent la tête, pas convaincus, mais personne n’osait discuter les ordres du patron.

Quand arriva le 23 décembre suivant, le boss réunit tous les pères Noël des cinq continents pour organiser la tournée et distribuer les commandes des enfants. Trois hommes manquaient à l’appel. Ceux qui s’occupaient des régions de Belgique.

« Sont enfermés depuis un an dans c’te pièce » dit un des pères Noël, un grand Noir hilare chargé des îles Tonga.

– A quoi jouez-vous ? hurla le boss en découvrant les trois hommes en train de se disputer comme au premier jour de leurs réunion.

– C’est vôt faute, dit le jeune chargé de la Wallonie.

Le père Noël flamand hocha la tête.

– Voilà au moins un point sur lequel nous sommes d’accord…

– A s’arracher les cheveux et la barbe, soupira le père Noël avec une voix d’outre-tombe. Il avait l’air d’avoir pris cent ans.

– Vous êtes fous ? s’écria le boss. Vous avez oublié que Noël, c’est demain et que les enfants vous attendent ?

– Bof ! Du moment que les enfants flamands soient servis,… marmonna l’un.

– Ceux de Wallonie seront gâtés, ajouta l’autre. Rassurez-vous.

– Bon, soupira le père Noël, en caressant le museau de ses rênes. Je pense que je vais reprendre tout seul la tournée de toute la planète.

– Pas question ! s’écrièrent les deux jeunes père Noël.

– Le reste du monde si vous voulez mais la Flandre ne cèdera pas d’un pouce !

– Ni la Wallonie, conclut l’autre.

– Chef ? demanda le père Noël ? Je me sens vraiment fatigué. Croyez-vous qu’on pourrait revoir les lois sur le chômage ou la pension ?

– Hélas non, père Noël, soupira le patron. Depuis le temps qu’on distribue sans regarder ce qu’il y a dans la caisse, tout le pognon est passé dans les cadeaux…

 

Alain Berenboom