LA DEUXIEME VIE DE NICOLAS S.

Et si d’aventure Nicolas Sarkozy n’était pas réélu président ce dimanche ?

Pendant la campagne, il avait annoncé la couleur : si je ne suis plus président, je laisse tomber la politique, a-t-il lancé crânement. Comme on dit : retenez-moi ou je fais un malheur ! Mais si, malgré cette terrible menace, un C4 en bonne et due forme l’attendait lundi matin dans sa boîte aux lettres, que ferait Sarkozy ?

Ayant reculé l’âge de la pension, pas question pour lui de prendre une retraite dorée aux côtés de ses prédécesseurs, Giscard et Chirac. De se retrouver coincé entre deux pépés, égrenant le souvenir de leurs meilleurs mauvais coups, les pieds dans des charentaises made in China. Pour entendre Chirac lui répéter qu’il aurait mieux fait de voter comme lui, Hollande dès le premier tour ? Non merci ! Plutôt purger bébé !

Guilia. Son bébé. Voilà justement de quoi l’occuper dès lundi pendant que Carla reprendra la route, guitare en bandoulière. Carla Bruni en première partie de Mick Jagger ? Une star italienne en vedette américaine pour sauver les finances d’un mari ex-hongrois ! Belle leçon pour tous ces Français grognons toujours à se plaindre des méfaits des immigrés-tous-chômeurs.

Mais, langer bébé, est-ce un vrai travail pour Nicolas Sarkozy. Tel qu’on le connaît, il lui faut deux, trois, dix boulots pour apaiser son hyperactivité. Son slogan travailler plus pour gagner plus est destiné à ses électeurs. Lui, ce qu’il aime, c’est travailler plus pour travailler plus.

Un conseil : pourquoi ne viendrait-il pas en Belgique ? Chez nous, il se sentira comme un poisson dans l’eau. En compagnie de beaucoup de ses meilleurs amis, fuyant les impôts républicains.

Maintenant que notre loi admet la double nationalité, Sarkozy peut même devenir belge. Et rêver à une carrière politique. Sarkozy et Bruni pourraient faire un tabac dans un pays bien plus ouvert que la France au cosmopolitisme.

A la tête de la N-WA (la new walloon allianz), je le vois bien proposer à ses nouveaux concitoyens de transformer la région wallonne en un carrefour entre le monde anglo-saxon et le monde germanique. Obama, Merkel, ce sont mes amis, rappellera-t-il dans sa campagne. J’ai aussi quelques amis riches qui seront trop heureux de créer des sociétés dans votre terre de cocagne où, plus une entreprise est puissante, moins elle paye d’impôt. Tremblez, Di Rupo, Michel et autre De Wever. Avec Sarkozy, vous risquez d’être balayés. Et de devoir immigrer à votre tour. En Hollande ?

 

 

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SUPER HEROS!

Depuis quelque temps, les super héros ont la cote. Ils cartonnent au hit parade des cinémas autant qu’à la veille de la deuxième guerre mondiale – juste une malheureuse coïncidence.

Dans « The Avengers », Thor, Hulk et quelques autres super vitaminés s’en donnent à cœur joie. Boum ! Bang ! Tchiouff !

Au milieu de ce déluge de feu, deux choses rassurent : d’abord, les bons parviennent à sauver le monde. Avis aux désespérés, sarkos, papandreou et autres errants de l’Europe à la dérive. A condition d’avoir un bon metteur en scène, il arrive que les histoires les plus mal engagées se terminent bien. Ensuite, ces super-héros américains ne sont pas américains pour un sou ! Tous étrangers ! Thor est scandinave, le verdâtre Hulk d’on ne sait où. Même Superman, à qui on donnerait les Mormons de l’Utah sans confession, vient, sans papiers, de la planète Krypton.

Ceci explique peut-être que les super-héros « de souche » qui essayent de pétarader ici et là sont promis à moins de gloire que la bande à Marvel. Que les souches en prennent de la graine…

Prenez Super Mélanchon. S’emparant du marteau de Thor – et y ajoutant la faucille de Marchais- il annonçait le feu de Dieu. Au lieu de quoi, bernique !

Et Super Marine ? Malgré son bon score électoral (inférieur tout de même à celui de la N-VA), que peut-elle espérer ? Ni présidente, ni même ministre. Et combien de députés aura-t-elle à l’assemblée nationale ? Cinq, six ? Pas plus que le parti Pirates en Suède ou jadis l’extravagant Van Rossum chez nous. Aucun de ses électeurs, même son vieux papa, n’imagine d’ailleurs qu’elle puisse faire autre chose qu’éructer et s’indigner. Comme dirait Marcel Pagnol à Le Pen, « Il se peut que tu aimes la marine française mais la marine française, elle te dit merde ! »

Super Bart devrait y réfléchir et se méfier. Avec son nouveau look, il a tout faux. Si, auprès des dames, il fait le paon, fier de son bedon plat, auprès des foules, le régime atrophie est une faute. Un super-héros, ça en impose. Dès qu’il commence à maigrir, il déprime comme Batman et perd ses super-pouvoirs. Notre  Flamoutche-imperator n’a-t-il pas saisi que sa force s’est bâtie sur sa rondeur, son bide ? Imagine-t-on Hardy se transformer en Laurel ? Avec ses trois gaufres à la crème à chaque repas, il rassurait ses braves électeurs : voilà l’homme qui allait s’asseoir sur les fransquillons pour les écraser. Mais, avec vingt kilos de moins, à quoi il ressemble ? En tout cas plus à un super-héros. Dans la métropole, il ne fait pas le poids. Là, le super-héros, c’est Patrick Janssens, lui qui lutte contre l’extrême droite depuis neuf ans, anvers et contre tout.

 

 

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QUAND LA FRANCE SE MET AU VERT

A quoi ressemblera la France quand, à la surprise générale, monsieur Cheminade aura été élu président ?

Lorsqu’il a annoncé dans sa première allocution télévisée l’inauguration de l’ambassade de Mars sur l’esplanade des Invalides, tout le monde a rigolé. Un peu moins quand un vaisseau en forme de soucoupe s’est posé à côté du tombeau de Napoléon. Plus du tout quand un millier de petits hommes verts ont débarqué en poussant des glapissements.

Puis, l’émotion retombée, les premières critiques ont commencé à s’élever.

L’ancien président Sarkozy a exigé la destitution de son successeur pour violation des lois sur l’immigration. « Dégage, pôv’ vert ! » s’est-il écrié quand un Martien est venu protester sous ses fenêtres.

Les évacuer mais comment ? Airbus a dû reconnaître que la technologie française, pourtant la plus avancée du monde, ne permettait pas d’assurer sans risques pour la santé (des accompagnateurs français) leur rapatriement sur la planète rouge. Alors, les reconduire à la frontière de l’Europe ? D’après les conventions internationales, la France étant le premier pays d’accueil, on ne pouvait les renvoyer. Le premier ministre, Jean-Luc Mélenchon, a bien suggéré d’abolir les conventions internationales qui portaient « atteinte à la cause du peuple français », le parlement restait divisé sur la question.

Les représentants du culte sont aussi entrés dans la danse le jour où il a fallu enterrer un Martien écrasé par un autobus touristique. Juifs et Musulmans ont refusé de céder un pouce de leur carré aux petits hommes verts ; déjà que leurs pauvres morts doivent se pousser pour trouver une petite place. Les catholiques ont invoqué le refus du pape, lequel a dit que le fils de Dieu n’est pas mort pour les petits hommes verts. Et les cimetières publics ont aussi refusé de l’accueillir en invoquant la loi de 1881 qui réserve les sépultures municipales laïques aux êtres humains. Pas humains, les Martiens ? La ligue des Droits de l’Homme est montée au créneau en rappelant de sinistres précédents. Ce que certains avaient osé dire des Noirs allait-il se répéter avec les verts ? Les Ecolos aussi ont défilé aux cris de « nous sommes tous des petits hommes verts ! »

Le pays risquait la guerre civile lorsque le chef des Martiens eut la bonne idée de signaler enfin la raison de leur présence en France. S’ils étaient venus au pays du président Cheminade, c’était pour acheter des armes et des centrales nucléaires. Aussitôt, les querelles s’apaisèrent comme par miracle. A l’unanimité, le parlement les fit citoyens d’honneur de la république. Et l’on offrit même au petit homme une photo dédicacée de Carla Bruni, à laquelle il tenait tant.

 

 

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DOORSCHUIVEN, AUB !

Il fut un temps où ils étaient deux dans le tram. A l’avant, le wattman conduisait en tournant une manivelle qui ressemblait à celle du moulin à café de ma maman. A l’arrière, le receveur délivrait les tickets ou poinçonnait les cartes mais surtout faisait la police à l’intérieur de la voiture. « Avancez vers l’avant, siouplait » « Doorschuiven, aub ! » Et aux gosses : « Allez, ketjes ! Traînez pas sur ma plateforme ! Et cessez de sauter sur place, verdomme, ça fait du mal à mon tram ! »

Quand la flèche qui alimentait la voiture se détachait du câble électrique ou que des petits voyous (dont j’étais) l’avait tirée par la fenêtre arrière, « Jef ! » criait le wattman pendant que le tram patinait. « De flech’ is af ! »

C’est encore le receveur qui descendait pour rétablir le courant, sa grosse sacoche pleine de monnaie dansant sur son ventre, après avoir fait évacuer les coupables aussi menaçant que le pion à l’école. « Une minute de plus sur ma plateforme et vous recevez une rammeling qui vous remettra vot’tête à l’envers à l’endroit ! »

On pouvait avoir l’impression de deux camps antagonistes, les chefs – wattman et receveur- d’un côté, et leurs ouailles de l’autre. Mais, quand montait un contrôleur, on s’apercevait que le wattman, le receveur et nous, formions une seule et même famille, qu’on retrouvait aussi régulièrement, matin et soir, que nos parents. Le contrôleur, en revanche, c’était l’étranger, celui qui venait perturber notre voyage, son atmosphère, le huis-clos familial et rassurant de notre transport quotidien. Il contrôlait d’ailleurs autant les passagers que le personnel de bord. Même quand l’abonnement ou le ticket étaient dans la poche, on n’aimait pas ça. Au fond de nous, on avait tous quelque chose à se reprocher et inconsciemment, on sentait que le Contrôleur pourrait le débusquer. Comme s’il ne vérifiait pas seulement notre billet mais qu’il pouvait aussi poinçonner nos âmes. Ce n’est qu’une fois le contrôleur parti, que nous soufflions, tous ensemble avec l’impression de nous retrouver  enfin entre nous.

Il y avait des conducteurs qui racontaient des blagues à ceux qui se pressaient autour de lui, des receveurs qui parfois chantaient une chanson quand le tram arrivait au terminus.

Aujourd’hui, à nos yeux d’usagers pressés, harassés, les conducteurs paraissent anonymes depuis qu’on les a enfermés dans une prison de verre. Ils ont l’air tout surpris quand un passager leur parle ou leur sourit. Les receveurs, eux, ont disparu (alors qu’ils existent toujours dans d’autres villes, à Amsterdam par exemple).

C’est aux hommes-du-tram (qui sont parfois de jolies dames !) d’hier et d’aujourd’hui que je pense cette semaine.

 

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NOËL A DI RUPO, PÂQUES A HOLLANDE

Est-ce une coïncidence ? Sur la même page de mon quotidien favori, se trouvent réunies deux infos qui concernent les socialistes wallons. La première: Elio Di Rupo peut-il soutenir publiquement le candidat Hollande en allant faire de la figuration intelligente à son meeting de Lille ?

La seconde : Claude De Spiegeleer, l’ex-échevin carolo, souffre de troubles psychiatriques (cette fois, c’est officiel !) qui l’empêchent de rejoindre ses quatorze petits camarades devant le tribunal correctionnel de Charleroi où il est jugé dans l’une des nombreuses affaires de détournement d’argent public de la cité dont jadis Emile Vandervelde, le président emblématique du parti socialiste, fut le premier député de gauche.

Didier Reynders, qui tient de ses études à l’institut du Sacré-cœur puis à l’institut Saint-Jean-Berckmans une souplesse de raisonnement difficile à égaler et parfois à saisir, explique à qui veut l’entendre que sa qualité de vice-premier ministre ne l’empêche pas d’aller serrer la pince du secrétaire général de l’UMP au quartier général sarkozyste. Mais qu’en revanche, le premier ministre, lui, est tenu à rester sexuellement neutre. En effet, le vice-premier représente ses propres convictions, explique M. Reynders, alors que le premier représente le plus petit dénominateur commun de toutes les idéologies de son gouvernement. Vous suivez ? Vous avez de la chance !

Mais, que se passe-t-il si le vice Reynders, à l’occasion des vacances de M. Di Rupo par exemple, est chargé de faire fonction de premier ? Doit-il quitter précipitamment les bras de M. Coppé pour se réfugier dans un endroit neutre où, après une bonne douche, il se sera débarrassé de toute trace de soutien au candidat de la droite française ?

Il serait détestable que notre fragile gouvernement, qui a jusqu’ici évité récifs et tempêtes, aille bêtement s’échouer sur cet iceberg, le futur président d’un pays voisin.

Je suggère à nos éminences de ne pas tenter le diable. Qu’ils évitent la France pour l’instant. Pourquoi M. Di Rupo ne se ferait-il pas représenter au meeting de François Hollande par Claude De Spiegeleer, qui n’a justement pas grand-chose à faire de ses journées grâce au diagnostic d’un médecin touché par la grâce ?

De son côté M. Reynders trouvera certainement dans son parti un collègue qui pourra lui aussi attester par un certificat médical qu’il ne dispose pas de toutes ses facultés mentales, sésame indispensable pour représenter son parti auprès de l’autre principal candidat à l’élection présidentielle française.

Que toutes ces cloches vous fassent passer de joyeuses fêtes de Pâques !

 

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NE MELENCHON PAS LES PINCEAUX

Il y a eu jadis Bernard Tapie, Jean-Pierre Chevènement et quelques autres hérauts aussi oubliés qui, le temps d’une campagne, ont soulevé le cœur des « travailleurs-travailleuses » de France et de leurs camarades. Les déçus, les aigris, les rêveurs du grand soir, les amoureux des mots qui résonnent, qui claquent, qui serrent la gorge, qui font venir les larmes aux fans de meetings parce qu’ils ont eu l’impression ce soir-là d’avoir construit des barricades, changé le monde et refait la Commune.

Quand nous chanterons le temps des cerises,
Et gai rossignol, et merle moqueur
Seront tous en fê-ête…

Cette fois, c’est Mélenchon, le pur et dur, qui porte haut le rouge qui tache. Sa voix a le son râpeux et triomphant de la trompette d’Amstrong même si on l’imagine mal, hélas, se mettre au scat en repoussant les feuilles de son discours. Il ferait bien pourtant car si sa musique est inspirée, ses paroles rappellent plus les strophes ampoulées de Déroulède que les pensées de Jaurès, l’icône de la gauche française, celui que Trotski appelait « l’athlète de l’idée ».

Qu’est-ce qui fait le succès de Mélenchon ? D’avoir été ministre de Jospin ? D’être grand officier de l’ordre national du mérite argentin ? D’être le premier socialiste depuis le congrès de Tours en décembre 1920, qui avait consacré la scission de la gauche française en deux mouvements ennemis à porter les couleurs communistes ?

Non, tout ça n’a plus aucune importance. L’histoire n’intéresse plus personne ; elle s’oublie au fur et à mesure que se remplit ce grand waterzooi qu’est internet.

Ce qui fait le succès de Mélenchon, c’est de dire non à tout : à l’Europe, à l’austérité, à Sarkozy fatigué de gouverner n’importe comment et à Hollande qui a l’air de gouverner depuis cent ans.

Mais, pendant que résonnent les mâles discours, une à une, ferment les usines. Et à quoi ressemblent les boulots qui restent ? Colleurs d’affiches, chauffeur de meetings, peintres d’affiches électorales, des jobs aussi éphémères que les lendemains qui chantent chez Mélanchon.

Que la gauche soit dure ou molle, rigoureuse ou laxiste ou même laxative, elle ferait bien de s’aviser que son fond de commerce a disparu avec une partie de l’économie occidentale. Dans un discours qui a précipité sa chute, Lionel Jospin avait lâché : « l’état ne peut pas tout » lors de la fermeture d’une usine Michelin. Grave erreur : l’état ne peut pas empêcher un propriétaire de bazarder son entreprise mais il peut réfléchir à une autre politique de l’emploi, à une autre économie, et surtout réformer et renforcer l’enseignement.

Car il est bien court, le temps des cerises
Où l’on s’en va deux cueillir en rêvant
Des pendants d’oreilles…

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KISS & CRY

Le 20, premier jour du printemps, la nuit et le jour sont exactement pareils.

Le 20, au coin de ma rue, premier cerisier en fleurs ; une jolie jeune fille aux cheveux longs s’est assise sur un banc, tellement surprise par le soleil piquant qu’elle ferme les yeux et sourit en refermant mollement son livre.

Le 20, massacre à Toulouse. Nos cœurs s’arrêtent.

Le 21, soleil sur les terrasses et fraises dans les assiettes, Lommel pleure, se recueille. La gorge serrée, on se demande si la vie continue, comment, pourquoi.

Le 21, l’incendiaire présumé de la mosquée d’Anderlecht et assassin présumé de l’imam se dit « concerné par les événements de Syrie ». On se sent si impuissant devant cette accumulation de folies incompréhensibles qu’on reste bêtement figé.

Le 22, le printemps s’accroche ; Heverlee, soleil noir, douleur ;

Le 22, l’assassin présumé des enfants de Toulouse et des soldats de Montauban se dit « concerné par les enfants de Palestine ». Facile, obscène.

Comment résister à une semaine irrationnelle de rage, de barbarie et de chagrin ?

En se rappelant qu’il y a un an, c’était le printemps arabe et tout l’espoir d’un continent ?

Ou mais c’était aussi Fukushima et la vision de la fin de notre monde.

Tout va trop vite, sur une planche savonnée, emportant le chroniqueur dont les mots s’évaporent dans un chaos infernal.

« Le temps d’apprendre à vivre, il est déjà trop tard »

Aragon disait aussi :

« Cœur léger, cœur changeant, cœur lourd
Le temps de rêver est bien court (…)

Est-ce ainsi que les hommes vivent 

Et leurs baisers au loin les suivent. »

Faut-il s’enfermer dans sa bulle, éteindre la radio et laisser la souris du PC danser seulement sur les sites de films et de jeux ? N’ouvrir la télé qu’à l’heure de rediffusion des vieux de Funès ?

L’idée est moins sotte qu’il n’y paraît tant la peur monte. A l’heure où les sociétés s’écrabouillent, où les hommes politiques pédalent dans la choucroute, où plus personne ne peut arrêter les massacres proches et lointains, les écrivains, les peintres, les cinéastes, les musiciens ont peut-être encore quelque chose à nous dire. Même s’ils ne peuvent nous consoler. La voix d’Aragon, piètre politique mais sublime poète, marque le tempo qui nous réveille. Comme aujourd’hui Abel et Gordon dans La Fée ou Anne-Michèle Demey, Jaco Van Dormael et Thomas Gunzig dans Kiss and Cry  ou encore Joyce Carol Oates dans Je me tiens devant toi nue (mise en scène de C. Delmotte au théâtre des Martyrs) nous montrent que la vie banale et le quotidien tragique peuvent s’enchanter. Humains et fragiles, voilà ce que nous sommes. La nuit tombe sans que nous n’y pouvons rien. Fragiles d’accord mais combatifs, il le faudra, gonflés par une énergie mystérieuse, dès que le soleil se lève.

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SARKO’S CIRCUS

Il était temps ! Sarkozy ayant maudit Bruxelles, le voilà enfin propulsé au sommet des sondages. La crise, le chômage, les immigrés, l’euro qui monte ou qui descend, les parachutes dorés ou pas assez, Allah lui-même, tout est la faute à l’Europe ! Quelques imprécations, et hop ! Il passe en tête au premier tour ! Encore quelques diatribes anti bruxelloises, la poupée en cire de Van Rompuy transpercée de coups d’épingle devant les militants en délire et il sera président.

Au cirque, chaque artiste a sa spécialité. Nicolas Sarkozy, lui, est capable de jouer tous les rôles. Acrobate, dompteur, prestidigitateur, clown et Mr Loyal à la fois. Un président capable de remplir tout seul tous les jobs, quelle économie pour les finances de l’état!

En parfait équilibriste, il nous a offert cette semaine un joli numéro sans filet. Tous les malheurs de la France lui ont été imposés par l’Europe, dit-il à ses électeurs à qui il annonçait depuis cinq ans que l’Europe, c’est lui. Et la mère Merkel ? Ne l’embêtez pas avec cette dame. Elle joue aussi un – petit – rôle dans le Sarko’s circus. A la fois l’assistante qui passe les accessoires et le lion dans la gueule duquel le super-président met la tête. Et à l’entracte, c’est elle encore qui vend les chocos glacés qu’elle garde au froid d’un seul regard. Mais la vedette, c’est Sarko et personne d’autre. C’est lui et lui seul qui a sauvé la Grèce et l’Italie, la Géorgie et la Lybie. Lui qui a régulé le flot d’immigrés fuyant la fièvre des révolutions arabes, lui encore qui a inspiré les rues de Tripoli, de Tunis et du Caire. La France n’a-t-elle pas l’exclusivité de l’exploitation mondiale de l’appellation « droits de l’homme » (marque déposée) ?

Et si les électeurs arabes votent en faveur des barbus ? Sarko respectera la liberté de vote, bien entendu. Mais, «quelles sont les limites que nous mettons à l’islam ? Notre formation politique, puis le Parlement doivent s’occuper de ces sujets» » déclarait-il, jouant à la fois le clown blanc et l’auguste. Si la Tunisie ou la Lybie deviennent des états démocratiques, c’est à Nicolas S. qu’ils le doivent. S’ils se choisissent des chefs radicaux, gare à N. Sarko !

«Lorsqu’on a la chance pendant six mois de connaître et d’avoir à trancher des problèmes de 27 pays, on gagne en tolérance, on gagne en ouverture d’esprit» avait-il déclaré dans le discours qui clôturait sa présidence du conseil des ministres il y a trois ans. Il suffit d’entendre ses propos récents sur la viande hallal ou l’interdiction du regroupement familial pour en juger. Ou alors, il existe une conception de la tolérance dans le quartier de l’Elysée (et du FN) différente de celle du reste du monde.

 

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LA FEMME DESCEND-ELLE DU SINGE ?

Le titre de cette chronique vous choque ?

Pourtant, vous ne trouvez rien de mal, monsieur, à ce que je dise de vous que vous êtes malin comme un singe. Ni que c’est à un vieux singe comme vous qu’on apprend à faire des grimaces. Vous en êtes plutôt fier. Vous vous réjouissez aussi que les scientifiques nous racontent que les ADN de l’homme et du chimpanzé sont si proches que nous sommes cousins, presque frères. Notre arrière-arrière-arrière-arrière-grand-père était le même brave gras, musclé, plein de poils. Et celui de la femme, non ?

Vous chantez en chœur avec moi, et en riant très fort,

« C’est à travers de larges grilles,
Que les femelles du canton,
Contemplaient un puissant gorille,
Sans souci du qu’en-dira-t-on.
Avec impudeur, ces commères
Lorgnaient même un endroit précis
Que, rigoureusement ma mère
M’a défendu de nommer ici… »

Une seule association féministe a-t-elle jamais demandé l’interdiction de ce « Gorille » très gaulois de Brassens ?

S’il avait chanté la même chose –ou à peu près- de la femelle du grand singe, quel scandale c’eût été ! Quel mauvais goût !

Il y a quelques jours, des habitants de Pékin se sont mis à chasser un singe errant dans le parc de Dongdan. Ils voulaient le tuer pour manger sa cervelle (un plat très raffiné en Chine). C’est vrai que la cervelle d’un singe remplacerait avantageusement le cerveau de quelques hommes politiques que, rigoureusement mon rédacteur en chef m’a défendu de nommer ici… Mais si je disais que la cervelle d’un singe vaut mieux que celui d’une femme ? Oh ! Ce serait totalement incorrect.

L’homme et la femme sont égaux, proclame-t-on – une fois par an. Egaux, peut-être. Mais la preuve est faite : ils n’ont pas le même ancêtre commun. Si l’homme descend du singe, de qui descend la femme ?

De l’oiseau ? Quoi de plus agréable que de comparer la grâce d’une femme, son allure, sa démarche, à celle d’un beau volatile. Une poule ? Disons, une colombe ou un flamant rose. « Mon bel amour, mon cher amour, ma déchirure, je te porte en moi comme un oiseau blessé (Aragon).

La femme descendrait-elle du flamant ?

Mais le flamant, de qui descend-il ? Du singe ? Non. Comme tous les oiseaux, son aïeul était dinosaure. La femme descend donc de cette bête magnifique (« deinos » en grec) qu’on a longtemps considéré comme un reptile. Ceci explique pourquoi Eve a été plus sensible au serpent, sa sœur, qu’à son pauvre vieil Adam de mari. Et pourquoi King Kong est tombé amoureux de la belle Fay Wray (ou de la sublime Jessica Lange dans une version plus récente de l’histoire). La femme et le gorille, on n’en sortira donc jamais…

 

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LE BOSS DU BAAS DE DAMAS

Il paraît que la Tunisie s’est déclarée prête à accueillir le président Assad dès que le boss du Baas aura réussi à boucler ses valises.

La nouvelle rassurera tous ceux qui voyaient avec inquiétude la plus européenne des républiques arabes se tourner vers l’islam politique dès qu’on a eu l’idée candide de donner aux citoyens tunisiens un vrai droit de vote. Quelle calamité tout de même que la démocratie ! Avec Ben Ali, vu de loin, le pays ressemblait plus ou moins au nôtre. En tout cas, il ne semblait pas plus mal géré que la ville de Charleroi, avant qu’une bête presse dite libre n’y mette le bordel. Mais, depuis les résultats des premières élections, c’est l’angoisse. Que vont faire les partis islamistes dont le triomphe a surpris tous les stratèges européens, qui croyaient que la Tunisie allait ressembler au Luxembourg ou au Danemark ? Les femmes voilées, confinées à la maison, la charia, la bière belge interdite de séjour, même les hommes savent burqa ?

L’arrivée du président syrien rassurera les capitales occidentales : quel soulagement ! Assad est un véritable laïc, un défenseur des femmes (en tout cas de la sienne, une avocate d’affaires, cheveux au vent, habillée à Paris et non dans les souks d’Arabie saoudite), qui a compris comment ne pas mélanger démocratie et désordre. On peut compter sur lui pour remettre un peu de bon sens républicain dans la patrie d’Hannibal.

Surtout qu’Assad s’est converti, lui aussi, aux valeurs de chez nous. Il vient de faire approuver par référendum une nouvelle constitution, dont le texte célèbre les vertus des élections et annonce la fin du parti unique, le Baas.

 « Nous pensons très certainement qu’une nouvelle Constitution qui va mettre un terme à la domination d’un seul parti en Syrie est un pas en avant », a souligné le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, un spécialiste des élections libres.

Seuls seront exclus, les partis fondés sur des bases religieuses, confessionnelles ou raciales : quel exemple pour l’Egypte ou les autres pays arabes qui ont eux aussi l’idée saugrenue d’organiser des élections pour emmener les barbus au pouvoir.

La nouvelle constitution déclare aussi (sans rire) : « La liberté est un droit sacré » et « l’Etat garantit aux citoyens, qui sont égaux, leur liberté personnelle et préserve leur dignité et sécurité ».

Ce texte interpelle. La liberté, la dignité, la sécurité. N’est-ce pas ce que demandent les habitants de Homs ?

Au lieu de tirer à l’aveugle sur les vaillantes forces de l’ordre, venues installer les isoloirs, n’auraient-ils pas mieux fait de demander aux juges syriens de faire respecter la nouvelle loi ?

Les juges… Quels juges ?

 

 

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