CACHEZ CE SEIN

Un sein. Et la glace est en feu. Le sein de la patineuse française Gabriella Papadakis qui a jailli de sa petite robe mal fermée un instant au cours de l’épreuve de patinage artistique des JO d’hiver.

Saluons l’incroyable force de caractère et les nerfs d’acier de Gabriella et de son partenaire qui ont continué leur numéro sans broncher (et décroché la médaille d’argent) alors que l’émotion des spectateurs devant l’image de ce sein à peine entrevu a suscité autant de bruit que l’apparition de la Vierge.

Tous ceux qui n’ont rien à faire ni des JO ni du patinage artistique, ceux qui ne connaissaient même pas l’existence de cette épreuve, se sont subitement emballés devant ce déballage. Comme si ce sein changeait tout. Bousculait l’ordre établi. Comme s’il était symbole, symptôme, syndrome. Mais de quoi ?

Ce n’est pas le premier sein qui a bousculé l’histoire. Sans remonter jusqu’à ce magnifique tableau où Gabrielle d’Estrées, la presque reine de Henri IV, se fait pincer le sein par sa sœur, aussi nue qu’elle, la chronique mondaine récente s’est déchaînée devant le sein de Sophie Marceau, entr’aperçu lors d’un Festival de Cannes, et celui de Janet Jackson, surgi lors de son show pendant le Super-Bowl de 2004 (et sanctionné d’une lourde amende !) Demandez-vous pourquoi tout le monde se souvient de ces brèves histoires de seins, comme si elles étaient des marqueurs de notre culture, au même titre que la promulgation de l’édit de Nantes (soufflé par Gabrielle d’Estrées) 1598, la bataille de Marignan 1515, Stalingrad 1942-43, New York 2001, et l’effondrement des tunnels de Bruxelles 2016.

Des broutilles ? Mais alors pourquoi ce sont ces détails que l’on retient de l’info et de l’Histoire ? Si, dans une époque où la sexualité s’expose partout et de façon aussi banale, la vue brève d’un sein nu suscite autant de commentaires, c’est que cette image a une signification qui nous touche au plus secret de nous-mêmes. Comme si la découverte du sein était pareille à celle de l’Amérique : l’intuition d’un monde nouveau, inconnu, la promesse de plaisirs inouïs, de pièges atroces, d’espoirs insensés, l’espoir fou d’or et d’argent.

PS : En Turquie, ce sont de vrais saints dont il faut parler. Asli Erdogan (homonyme sarcastique du pacha d’Ankara), qui préside la Foire du Livre de Bruxelles cette année, après avoir miraculeusement échappé à la prison. Ou Ahmed Altan, grand écrivain lui aussi et redoutable journaliste qui vient d’être condamné à la perpétuité. Et tous ces autres intellectuels, ouvriers, professeurs, fonctionnaires, éliminés, effacés de leur vie par la folie d’un chef d’état sur lequel nous fermons les yeux car il a accepté de jouer pour nous au concierge et à qui nous avons remis la clé de l’Europe avec un salaire de quelques milliards.

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FINI DE RÊVER !

Un musicien est en train de jouer devant le public pendant qu’un autre artiste montre ses œuvres lorsqu’une horde de policiers débarque dans la salle, interrompt la séance, fait sortir les spectateurs, les mains sur la tête, et embarque quelques participants.

La scène se passe à Bruxelles. Pas à Téhéran. Ni à Kinshasa. Même pas à Damas.

Ce sont de vrais policiers, pas des provocateurs déguisés. Des « Feds » avec les braves pandores du bourgmestre de Bruxelles.

On nous a dit qu’il y avait des étrangers dans la salle, explique notre populaire ministre de l’intérieur. Certains d’entre eux pire que des étrangers : des réfugiés. Un statut intermédiaire entre l’homme de Neandertal et l’animal de (mauvaise) compagnie.

Mr Jambon qui connaît le pouvoir des mots a compris que sa fonction est de garder l’Intérieur à l’abri de toute influence extérieure. Oubliant que si l’on ferme les portes et les fenêtres, on meurt étouffé.

Les artistes ne sont pas au-dessus des lois. Mais quand ils sont en représentation, ils ne sont plus de simples individus, des quidams anonymes, ils nous apportent aux spectateurs qui se sont rassemblés une part d’âme. Ils ne sont ni Belges ni étrangers. Mais des passeurs de rêve, ce qui, autant que le pain, est indispensable à la survie de notre société.

La violence provoquée par le vice-premier ministre rappelle cette phrase redoutable lancée par le tsar aux Polonais après l’annexion du royaume par la Russie : « Fini de rêver ! »

Dans son superbe roman « Station Eleven » (édit. Rivages), Emily St John Mandel raconte l’histoire d’une troupe de théâtre ambulant circulant sur les routes américaines après une apocalypse et qui joue Shakespeare devant les survivants. « Survivre ne suffit pas », telle est leur devise.

On ne comprend pas pourquoi Jan Jambon s’en prend soudain aux immigrés, lui qui avait, dès sa prise de fonction, déclaré que « Les gens qui ont collaboré avec les Allemands avaient leurs raisons. » Une telle compréhension pour ceux qui avaient flirté avec les envahisseurs aurait dû rassurer tous ceux qui aujourd’hui accueillent des étrangers.

Mais, faisant preuve d’une irrationalité dont on accuse généralement les artistes, lui qui se montrait si humain avec les Allemands perd toute bienveillance lorsque nos visiteurs débarquent d’un autre coin de la planète.

Quelle mouche l’a piqué ? A-t-il agi sur conseil de son collègue Francken, qui a toujours raison depuis qu’il caracole dans les sondages ? Qu’il se rappelle de cette réplique de Molière : « Hélas, qu’avec facilité, on se laisse persuader par les personnes que l’on aime ! »

Charles Michel devrait en prendre de la graine la prochaine fois qu’il sortira de son silence embarrassé pour venir au secours des deux poids lourds de son gouvernement.

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FAKE NEWS FROM BRUSSELS

Dernier Tweet du président Trump cette nuit: « Si Theo Francken me rejoint à Washington, il trouvera à sa descente d’avion tapis rouge et carte verte. »

Bart De Wever se frotte les yeux. Charles Michel se frotte les mains. Quelle mouche a piqué la Maison Blanche ?

La vérité est que le président américain, qui commence à comprendre qu’il n’est plus en campagne et qu’il a bel et bien été élu, ne sait plus où donner de la tête. Wall Street est en chute libre, l’inflation reprend du poil de la bête, le mur de séparation avec le Mexique est impossible à financer, les administrations fédérales à l’arrêt faute de budget, et personne ne l’aime – c’est le plus dur pour ce grand sentimental. Même ses plus ridicules ennemis le narguent sans qu’il puisse réagir, comme le président coréen qu’il doit se contenter de traiter de « petit gros » au lieu de lui envoyer une bonne bombe sur la tronche. Mais pas moyen de rire un peu avec les généraux américains. Plus ils ont des médailles, plus ils sont pleutres.

De plus, Trump n’a plus aucune confiance dans ses conseillers qui tombent comme des mouches quand ils ne sont pas inculpés par le procureur fédéral. Où va-t-on ?

Ailleurs. En Belgique. D’où il veut exfiltrer l’homme providentiel, le seul qui peut encore lui sauver la mise. Théo F., le politicien qui n’hésite pas à dire ce qu’il pense des immigrés et à faire tout ce qu’il dit ou plutôt qu’il grogne entre ses dents pour s’en débarrasser.

« Viens, mon Théo. Tu verras, à nous deux, ce sera la guerre des étoiles ! (Les étoiles, c’est toi et moi). » Ce dernier Tweet semble avoir été envoyé à une heure tardive après une soirée bien arrosée. « Lâche-moi la main, Melania, il me faut tapoter un petit dernier avant les plumes. »

Pour Théo, la tentation est grande. Mettre en œuvre la politique qu’il rêve de mener en Belgique mais puissance mille. Et sans toute cette bande de chipoteurs qui de Liège à Courtrai l’empêche de déployer les grands moyens. Et on ne touche pas aux enfants, et on n’enferme pas les familles, et on faire des mamours aux Soudanais et on trouve des juges pour lui chercher des poux et avec les collègues, c’est la galère, les libéraux qui peut-être bien que oui, peut-être bien que non et les chrétiens démocrates qui temporisent.

Avec Trump, fini tout ça ! Les mains libres, les manches retroussées et au travail, la bave aux lèvres ! Et des milliers d’Américains, une bière à la main, qui vont l’applaudir au passage quand il reconduira les Chicanos dans leurs déserts. On appellera ça Le Convoi Francken ; ça fait très Hollywood ! Des dizaines de milliers de Latinos avec leurs chicos et adios ! Et, au bout de quelques mois, on se retrouvera entre gringos !

Après ça, les Belges vont enfin l’admirer, le Théo. On n’est jamais prophète en son pays.

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EN VISITE

Mieux vaut mettre désormais votre réveil tous les jours à cinq heures du matin car cela peut vous arriver comme à n’importe quel citoyen belge. On sonne alors que le roi soleil n’est pas encore levé. Si vous ne répondez pas, Boum ! Boum ! Des coups ébranlent la porte. Les enfants se mettent à pleurer. Les voisins sortent la tête. Vous n’osez pas ouvrir. Qui peut se pendre à la sonnette en pleine nuit ? Des malandrins ? Des ivrognes ? Vous appelez la police.

« Vous demandez la police ? dit une voix fatiguée au bout du fil. Ca tombe bien, il y a cinq hommes devant chez vous.

Devant… ? » Non, déjà dans le salon, avec gilet pare-balles, kalachnikov et tout le saint frusquin. Où est le bon temps des Dupondt avec leurs chapeaux boule, des souliers cloutés et une canne ? Les enfants hurlent de plus belle.

Dommage qu’on ait supprimé la gendarmerie. Vous les auriez appelés. Ils auraient tôt fait de mettre les flics dehors.

« Paraît qu’il y a des étrangers ici ?

Oui, nous sommes fonctionnaires catalans.

Catalans ? C’est quoi ça, chef ? On peut toucher ou pas ?

Je ne sais pas. Avec tous ces pays qui changent tout le temps. Kazakhs, Catalans, calamités, on ne s’y retrouve plus. Allo, Mr Francken ? Excusez-moi de vous réveiller, monsieur le Ministre. Ce bruit ? C’est rien. Rien que des enfants étrangers qui pleurent dans leur langue. Non, ce n’est pas du néerlandais. Justement. C’est à ce sujet que j’appelle. Des Catalans. On embarque ou quoi ? (Un long silence avant que le chef ne raccroche).

Paraît qu’on a fait une boulette, les gars. Bon. Puisqu’on est là, on va quand même jeter un coup d’œil dans votre baraque.

Vous avez un mandat de perquisition ?

Pas besoin. Ce n’est pas une perquisition. C’est une visite. Vous voyez, on a apporté les pistolets ! La différence ? Dites, c’est vrai ce qu’il dit M. Rajoy, vous êtes vraiment Byzantins, vous autres Catalans.

Comment ça, une réflexion raciste ? J’ai dit Byzantins, pas Têtes de Turcs.

Chef ! A l’étage, je suis tombé sur un couple d’étrangers chez ces étrangers !

Comment tu sais qu’ils sont étrangers ?

Ben ils sont noirs.

Ouf ! Inutile de déranger Mr Francken.

J’attire votre attention  sur le fait que ce sont…

Oh ! Taisez-vous les Catalans ! A votre prochaine invitation, j’apporte les matraques en plus des pistolets.

… Ce sont les propriétaires. Ils sont belges. Nous, on est en visite chez eux. Comme vous…

Qu’est-ce qu’on fait, chef ?

Si les Belges se mettent à ressembler à des étrangers, où on va ?

Vous avez raison, chef. D’ailleurs ce Francken, il aurait pas l’air étranger si on y regarde de près, non ?

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Ps : Superbe portrait d’immigré sans papiers jouant la débrouillardise dans New York, le magnifique premier roman de la Camerounaise-Américaine Imbolo Mbué « Voici venir les rêveurs » (Pocket).

 

LA TAUPE

A peine décidée par Jan Jambon et son équipe de fins limiers, le secret de l’opération « Parc Maximilien » était éventé, diffusé sur les réseaux sociaux, raconté par le menu à la radio et à la télé. Patatras ! Avant même l’arrivée surprise des pandores, les redoutables immigrés s’étaient envolés vers le parc Josaphat. Tout était à refaire.

Lancer une opération Josaphat ? C’est compliqué. Faut l’accord de la commune de Schaerbeek, où la N-VA n’a pas encore la majorité, celle de la zone de police 5344 dont l’adresse mail et le téléphone sont introuvables. En plus, il y a plein d’étrangers chez eux. Risquent de tout faire foirer une fois de plus.

Jambon ne décolère pas. Il a trouvé le responsable de ce fiasco : un espion infiltré au sein de ses propres services. Un homme ou une femme a ouvert la nuit le coffre où il cachait le plan d’assaut du parc Maximilien, l’a photographié puis l’a transmis au camp d’en face, tous ces communistes de la Croix-rouge (rouge évidemment), de la Ligue des Droits de l’Homme et autres ennemis de notre civilisation.

Notre Jambon n’a pas laissé tomber les bras. Il a immédiatement demandé à son collègue de la Justice de convoquer Jaak Raes, le patron de la Sûreté de l’Etat. Trouvez-moi cette taupe, Jaak ! Illico !

Une taupe au parc Maximilien ? s’est écrié Mr Raes, ahuri. Pas possible. Les réfugiés n’ont rien d’autre à bouffer. Doit plus en rester une.

Jack est un peu lent mais il a finalement compris que Jambon voulait que ses gars descendent dans les services de l’intérieur faire du contre-espionnage.

Le problème, c’est que si le budget de l’intérieur déborde de tous les côtés, à la justice, c’est ceinture. Ni magistrats, ni espions, désolé. Il nous reste quelques femmes de ménage mais elles ne parlent que polonais. Si Théo Francken devient garde des sceaux, ce sera sans doute plus simple.

Il a alors eu une idée de génie. Si Macron a obtenu de Madame May une rallonge de cinquante millions pour retaper les jardins de Calais, que ne ferait-elle pas pour le parc Maximilien ?

Theresa May n’a pas réfléchi longtemps. J’ai fait beaucoup de mal à Bruxelles et je vous dois une fleur. Mais je n’ai plus d’argent, a-t-elle dit à Jambon. J’ai mieux. Puisque vos espions sont à la diète, je vous prête les miens.

Et voilà comment a débarqué ce matin à Zaventem un vieil homme élégant qui s’est aussitôt fait arrêter par les flics.

C’est quoi ce passeport bidon ? Quel est votre vrai nom ?

My name is Bond. James Bond. Lisez, c’est…

Avant même de tirer son Walther PPK, Bond était désarmé, ficelé et envoyé à Saint-Gilles.

Tolérance zéro avec les étrangers, a conclu le chef de service de la police aéronautique de Bruxelles-national. Jambon va être content !

 

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BETWEEN YESTERDAY AND TOMORROW

Les entreprises wallonnes et leur ministre-président sont très fâchés sur la ministre de l’éducation : si tous les élèves du lycée et du collège dévorent désormais les mêmes matières pendant leurs trois premières années, on va retarder leur entrée dans la vie professionnelle. S’ils n’en sont pas encore à regretter l’interdiction du travail des enfants, ils estiment que les gosses, pourquoi pas les bébés, devraient se préparer le plus vite possible au métier de leur rêve, ouvrier agricole ou patron de PME wallonne, garçon de café, fonctionnaire de l’Office des étrangers ou ingénieur atomique.

A dix-huit ans, moi j’ignorais ce que j’allais faire de ma vie – je ne suis pas certain de le savoir aujourd’hui. Mais, à douze ans, c’est vrai, j’avais moins de doutes. Je voulais être receveur de tram parce qu’il travaillait assis (sauf quand des petits crapuleux décrochaient la flèche) ou aiguiseur de couteaux qui parcourait les rues en poussant sa petite carriole et faisait tous les jours la connaissance d’autres dames (à l’époque, seules les femmes jouaient du couteau dans la cuisine).

Moi, j’applaudis au projet d’une culture générale commune. C’est à ça que sert l’enseignement secondaire. En primaire, on apprend à lire. Au collège et au lycée, à aimer les livres.

Mais alors pourquoi cette idée folle de mélanger en un seul cours histoire, géo et économie ?

Faudra-t-il enseigner l’histoire et la géo en fonction des futurs jobs des étudiants ? On apprendrait l’histoire et la géographie des pays de la route de la soie parce qu’il y a des places à prendre dans le grand projet du président chinois Xi Jinping ?

En revanche, on effacerait des cours d’histoire tout ce qui ne sert plus à rien ? L’homme de Neandertal, la bataille des éperons d’or, le massacre de Nankin, les camps de concentration, Hitler, le fascisme, l’histoire industrielle wallonne, la Muette de Portici, la destruction des Indiens d’Amérique. Ceux des Arméniens, des Cambodgiens, et tous les autres génocides puisqu’il n’en reste que des cicatrices. Remarquez, cela aurait un avantage : l’Histoire sans histoires serait tellement plus politiquement correcte. Inutile d’encombrer les cerveaux fragiles de nos bambins des traces sanglantes laissées par l’homme civilisé depuis qu’il est entré dans l’Histoire.

Mieux vaut aussi éliminer tout ce qui dérange dans la géographie, les frontières floues ou à géométrie variable et le décodage des changements climatiques.

Si l’on comprend bien, la ministre préfère effacer les cours qui forment les citoyens à la démocratie mais nécessitent l’appel à une cellule d’aide psychologique.

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PS : le titre de cette chronique est emprunté au CD de Natalie Dessay, qui vient de rhabiller de neuf quelques-unes des plus belles musiques de Michel Legrand (Chez Sony).

LA NEF DES FOUS

Trump est fou ? Et alors ? L’histoire est pleine de rois fous, de présidents délirants. Ne le dites pas trop fort mais certains de ces dingues n’ont pas dirigé leur pays plus mal que d’autres soi-disant équilibrés. D’ailleurs, pour des chefs identifiés comme fous, combien d’autres dont on ne savait pas ou dont on préférait ne pas savoir qu’ils avaient une case en moins ?

De tous, Trump n’est pas jusqu’ici le plus atteint. Il n’y a qu’un an qu’il est aux manettes. Le pire est sans doute devant nous.

Certains se moquent de son manque de culture. Taisez-vous, malheureux ! Ne lui donnez pas des idées ! Cela vaut peut-être mieux pour l’avenir de l’humanité. S’il se met à consulter Wikipedia entre deux tweets rageurs, le risque est qu’il s’inspire de plus dingos que lui.

Parmi les meilleurs, le roi de Grande Bretagne George III, dont Nicholas Hytner a tiré un beau film dans les années nonante (adapté de la pièce d’Alan Bennett). Ce souverain dut à la fois affronter la révolution américaine, la crise économique et les guerres napoléoniennes. Autre chose que les bravades de la Corée du Nord. Pas étonnant qu’il ait fallu lui coller dare-dare un régent avant même qu’il ne se prenne pour Napoléon.

Autre bel exemple, le roi de France Charles VI, dit « le Fol » mais dénommé aussi « le Bien-Aimé » ce qui rappelle que les populations montrent une incontestable tendresse pour les fêlés. Le Bien-Aimé écrasa les Flamands à la bataille de Roosebeke où fut tué le chef de la révolte gantoise, Philippe van Artevelde. Au passage, le Fol détruisit par le feu Courtrai juste pour faire un exemple. Etrangement, ce n’est pas cet abominable forfait qui l’a fait entrer dans l’histoire de la folie mais le fait qu’il se mit un peu plus tard à tuer des hommes de son entourage dans une crise de parano. Bon conseil au président américain : bombardez Pyongyang si vous voulez passer vos nerfs mais épargnez vos conseillers si vous voulez éviter une procédure d’ « impeachment ».

Ajoutons à cette liste l’éphémère président français, Paul Deschanel (né à Schaerbeek) qui eut l’intelligence de renoncer à ses fonctions quelques semaines après avoir sauté d’un train en marche parce qu’il trouvait insupportable la chaleur de son compartiment. On ne sait si cette étrange réaction était liée à l’admiration de Deschanel pour Buster Keaton. De toute façon, on déconseillera évidemment au successeur d’Obama d’ouvrir un hublot dans Air Force One si un abus de tweets lui fait bouillir le crâne.

En Belgique, on n’a pas ce genre de soucis. Tout le monde le sait. Il n’y a pas un seul malade mental dans notre classe politique. Ouf !

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GAI, GAI, MARIONS-NOUS !

Jadis, la paix civile était – plus ou moins- garantie par les mariages. Le gamin du roi d’Espagne pas encore pubère épousait la fille du roi de France à peine bébé. Celle d’Autriche-Hongrie était promise au futur tsarévitch. Si ça n’a pas empêché la guerre de cent ans, la guerre des roses entre les York et les Lancaster ni la guerre de la marmite le 8 octobre 1784, beaucoup d’autres conflits ont été étouffés dans l’œuf ou plutôt sous la couette.

Depuis un siècle, les alliances matrimoniales, jugées trop ringardes, ont été remplacées par plus moderne, plus sérieux et plus républicain, l’ONU, la communauté internationale, les G5, 6, 7, 9 et les gros yeux des présidents américains. Las ! On est au bout de ce modèle. Les petits voyous n’ont plus peur des grandes puissances. Les Etats-Unis sont embourbés depuis près de vingt ans par quelques milliers de talibans afghans qui vivent comme leurs aïeux au moyen âge mais qui sont équipés d’armes belges. Et le ridicule dictateur coréen ? Il éclate de rire quand Trump lui tape sur la tête avec son Twitter. Quant à Kabila, il a déconnecté internet et le téléphone. De toute façon, il n’y a plus d’électricité dans le pays. Ni dans les prisons ni les morgues.

Alors, si on en revenait à la bonne vieille formule des mariages ? La paix du monde grâce à la paix des ménages !

Commençons par le pire, le Moyen Orient. Voilà un siècle que la terre de la Bible et du Coran se meurt dans un désordre sanglant que rien n’a pu arrêter. Les haines et les intérêts ont définitivement tout brouillé. Seule solution, rebattre les cartes. Imaginez Ivanka, la fille de Trump, convolant avec le fils de l’ayatollah Khamenei. Du jour au lendemain, les fondements de la république islamique seraient chamboulés. Plus fort et plus explosif que l’accord sur le nucléaire ! Cérémonie à Téhéran, cocktail à Tel Aviv et voyage de noces dans les ruines antiques en Syrie.

Pour le bouillant fils du roi d’Arabie saoudite, on suggère un speed dating avec l’élégante épouse du président Assad (le Coran l’autorise) pour rééquilibrer les alliances au Moyen Orient ou les brouiller définitivement.

Autre mariage en vue : Ecmettin Erdogan junior avec la fille de Théo Francken. Une belle fête à l’hôtel de ville de Lubbeek puis dans la mosquée provisoire érigée sur le parking de l’église Sint Martinus. Cadeau dans la corbeille, papa Erdogan offre à tous les réfugiés de Belgique un séjour gratuit en Anatolie en aller simple. De quoi régler définitivement tous les soucis du papa de la mariée. Eviter les rapatriements au Soudan. Et débarrasser la Belgique de ces encombrants voyageurs.

Seul problème : à quoi servirait alors un secrétaire d’état à l’asile et à la migration ?

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BOUM!

En lisant le communiqué des quatre ministres de l’énergie, on a eu peur. Heureusement, notre cher Premier, coaché par son ami Bart (comme Trump par Steve Bannon), a remis nos bonnes centrales au milieu du village. Ouf !

Et, puisqu’on est reparti pour un siècle (sauf catastrophe), ne devrait-on pas parler de la répartition des centrales nucléaires sur le territoire ?

La Flandre et la Wallonie ont chacune la leur. Doel et Tihange. Et Bruxelles ? Pourquoi la région capitale n’aurait-elle pas à son tour une belle Westinghouse ?

Westinghouse… Cette marque résonne dans mes souvenirs avec un mélange de nostalgie et de jalousie. Ma maman avait convaincu mon père de lui offrir dans les années cinquante un beau frigo Westinghouse. Cette gigantesque machine a trôné dans sa minuscule cuisine pendant au moins vingt ans. Si elle avait dû choisir (genre : qu’emporteriez-vous sur une île déserte ?), elle n’aurait pas hésité une seconde. Elle le chérissait, le chouchoutait bien plus souvent que moi. Et son frigo le lui rendait bien. Jamais capricieux, jamais en panne malgré ses micro-fissures, toujours un peu froid mais serviable et aimant.

Ma mère n’a heureusement pas connu le rachat de la vénérable entreprise par les Japonais de Toshiba en 2006. Toshiba, le constructeur de deux des réacteurs de Fukushima.

Et, comme une catastrophe n’arrive jamais seule, voilà que Westinghouse est tombée en faillite il y a quelques mois. Depuis, ses curateurs essayent fébrilement de trouver un amateur pour racheter la boîte. N’est-ce pas une magnifique opportunité pour le gouvernement bruxellois ? Et qui tombe à pic.

L’occasion pour Rudi Vervoort et son gouvernement de bras cassés de faire oublier tous leurs bêtes déboires dans la gestion de la capitale (tunnels, stade, et autres détails).

La région wallonne avait donné l’exemple en reprenant avec la FN d’Herstal, le fleuron US des armes à feu, Browning. Le succès économique n’est peut-être pas évident mais quel succès médiatique. FN est l’entreprise préférée des membres de l’association américaine des armes, tels le tueur fou de Las Vegas ou l’officier américain qui a tué treize personnes sur une base de l’armée au Texas.

Que les contribuables bruxellois rachètent Westinghouse comme les contribuables wallons ont racheté Browning, avouez que, pour la prochaine campagne, ça en jette.

Pour une fois, ce sont les Flamands qui envieront la capitale. Doel date de 1974 alors qu’elle disposera d’une centrale flambant neuve. Qui battra un autre record de la centrale flamande : de toutes les centrales construites en Europe, Doel est celle qui est située dans la région la plus peuplée (neuf millions d’habitants dans un rayon de moins de cent kilomètres). Avec notre centrale de Molenbeek, d’Uccle ou de Saint-Josse, c’est plus de dix millions d’habitants qu’il faudra évacuer.

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CASSEZ LA VOIE

On ne remerciera jamais assez les agents des TEC. Voilà des Belges respectueux de la régionalisation du pays et qui prennent bien soin, à chacune de leurs grèves, de n’emmerder que les Wallons. Tous les Wallons. Mais rien que les Wallons.

Ce sont bien les seuls de toute l’Europe, de toute la planète, qui ne descendent jamais à Bruxelles pour crier, casser et pire si affinités. Même leurs bus ne viennent pas polluer nos rues vu qu’ils restent la plus grande partie de l’année sagement rangés au garage.

Alors que les indépendantistes catalans, les ex-sidérurgistes lorrains, les agriculteurs allemands et français, les fans de foot marocain, les enragés du R.S.C. d’Anderlecht, les Kurdes, les opposants russes, les groupies de Vargass 92, la star de Snapchat (vous suivez ?) sont attirés par la capitale belgo-européano-flamande comme les rats par le fromage. Même les Anonymous s’en viennent protester bras dessus, bras dessous dans les rues de la capitale, ce qui est un peu paradoxal. Mais est-ce plus logique de casser les vitrines de la place de la Monnaie pour faire la fête à une vedette des réseaux sociaux ? A Bruxelles, la différence entre réel et virtuel tend à s’estomper. Façon de prouver qu’elle est une ville high tech, une cité du futur. Même si les embouteillages, les tunnels en ruines et les chantiers de travaux interminables nous font heureusement bien vite retomber sur terre.

Il faut vraiment être coincé pour ne pas venir casser sa voix à Bruxelles. Les habitants de Bali ont renoncé à défiler dans le quartier européen pour dénoncer le réveil du volcan Agung à cause de la fermeture de l’aéroport. Les astronautes de la Station Spatiale Internationale n’ont pas réussi à décrocher l’autorisation d’atterrir pour avertir Jan Jambon de l’invasion imminente des Martiens tant que les négociations entre le fédéral et les trois régions sur le survol de Bruxelles ne sont pas clôturées, que le Conseil d’Etat n’a pas donné son avis, ceci sous réserve des recours des habitants devant les tribunaux.

Quant aux fans de Johnny Halliday, assommés par la disparition de leur idole, ils sabotent le voyage à Bruxelles parce que le père du chanteur qui l’avait abandonné à sa naissance y est enterré.

Tout le monde défile à Bruxelles sauf les Bruxellois. Quelle que soit leur origine, ils sont les seuls à ne pas arpenter la ville au pas de Loi. Eux, ils préfèrent flâner et admirer les facettes extravagantes de cette cité folle, mal foutue et délirante qu’ils aiment tant.

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Ps : Allez plutôt défiler devant la magnifique et hilarante collection de cartoons de nos meilleurs artistes réunie sous le titre « Belgium Art Cetera » qui revisite l’histoire de l’art belge. Jusque fin janvier au Musée Belvue.