HEROÏNES DE NOTRE TEMPS

 Allez, les filles, c’est votre fête ! Profitez-en, ça n’arrive qu’une fois par an ! Le reste de l’année, faut ramer pour être une héroïne ! 

D’ailleurs, qu’est-ce qu’une héroïne de notre temps ? Adèle Haenel quittant la cérémonie des Césars en pestant parce que le César de la Réalisation est attribué à Roman Polanski pour « J’accuse » ? (Le cinéaste l’avait déjà emporté quatre fois auparavant sans susciter de vagues). 

Ou plutôt Maggie De Block obligée de gérer la lutte contre l’épidémie (et l’hystérie) du corona-virus avec/contre les ministres de la santé de toutes les entités fédérées, régionales, communautaires, qui veulent tous être sur la photo ? Ou encore Sophie Wilmès qui parvient à piloter un gouvernement hyper-minoritaire sans susciter de polémique ou de blocage de nos institutions ? 

Comment faire avancer la cause des femmes ? En France, dans le sillage de la grande Adèle, certaines affirment que c’est par la violence que « la » cause va progresser. Il est vrai que c’est une tradition chez nos voisins, bercés par les images d’Epinal de la Révolution. On a été jusqu’à prétendre que l’avant-garde du féminisme c’était les tricoteuses qui s’installaient devant la guillotine pendant la Terreur pour voir tomber les têtes avant de tremper leurs mouchoirs dans le sang des suppliciés. 

Faut-il parler aussi de « violence féministe » à propos des Femen ? Ce mouvement (né dans les premières années de l’Ukraine post-soviétique mais imité depuis notamment en France) lance ses militantes sur le pavé en exhibant un message peint sur leur poitrine dénudée. Jouant avec ambigüité de ce mélange de sexe, politique et provocation. 

Poursuivi par le parquet pour « exhibition sexuelle», un groupe de Femen avait été acquitté par la cour d’appel de Paris qui estimait que « la seule exhibition de la poitrine d’une femme » ne constitue pas un délit si « l’intention de l’auteur est dénuée de toute connotation sexuelle ». L’intention politique est évidente. Mais peut-on dire qu’elle est dépourvue de toute provocation sexuelle ? La cour de  cassation de France a essayé de redresser la barre il y a quelques jours. Elle estime qu’une femme qui exhibe sa poitrine commet un délit. Tout en confirmant la relaxe des Femen car les incriminer serait « une ingérence disproportionnée dans l’exercice de la liberté d’expression ». Raisonnement bien tortueux d’une justice qui, une fois de plus, ne sait plus comment coller à l’air du temps d’une société en pleine évolution et en pleine contradiction. 

Au même moment, un juge américain a condamné une femme qui peignait une pièce de sa maison, seins nus, devant ses enfants. Mais pas son mari, qui travaillait à ses côtés, lui aussi sans chemise.

« Rien n’est jamais acquis pour une femme, sauf le sarcasme si elle trébuche », écrivait pertinemment Christine Ockrent.   

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ALLO ALOST ?

Allo, Alost ? 

Ouais, à l’eau…

Et merci au Dieu de l’Ancien Testament d’avoir arrosé les comiques du coin ce dimanche de carnaval, on aurait dit les premières heures du Déluge. L’Ancien Testament est la Bible des Juifs. Ce qui souligne le pouvoir exorbitant de ces gens-là. La seule question que se posait Noé dimanche dernier était : qui de tous ces animaux laisser entrer dans l’Arche ? Aux dernières nouvelles, il a décidé de couler avec son rafiot. 

Dieu a fait l’homme à son image, parait-il. Pourquoi l’homme d’Alost doit-il alors se cacher derrière des masques affreux ? 

Le nœud de cette affaire, c’est la définition de l’humour. Une quête impossible. Ce qui fait rire votre voisin et vous laisse de glace ou vous agace, est-ce de l’humour ? Bien sûr que oui car pour qui vous prenez-vous ? Pourquoi auriez-vous meilleur goût que votre voisin ? 

Un exemple, vous ne trouvez pas le maïeur d’Alost, Christoph D’Haese, très amusant ? Que dire alors de son proche échevin, Karim Van Overmeire, lui aussi N-VA -pour le moment- qui fut auparavant une des têtes pensantes du Vlaams Blok pour lequel il rédigea le « Plan en 70 points » qui valut à son parti d’être condamné pour racisme au début du siècle, obligeant le parti à porter un nouveau masque ? Merci, Karim !

M. D’Haese qui proclame partout combien il aime rire a refusé de recevoir une délégation des organisations juives. Pourquoi ? Il avait déjà assez ri comme ça ? Il a eu tort car comme le dit Popeck : « l’humour juif, c’est de faire rire avec une histoire qui a un double sens et qu’on ne comprend qu’à moitié ». Un outil pour les prochaines élections où il tentera une fois de plus d’attirer les voix du Belang (qui a augmenté de plus de 17%  ses voix aux élections l’an dernier à Alost).  

A chercher ce qui est parodie et ce qui ne l’est pas, on n’en sortira pas. Il y a des gens qui rient en entendant Dieudonné (à condition de ne pas avoir dû payer leurs places), d’autres en regardant les dessins de Charlie-Hebdo ou les caricatures danoises de Mahomet (publiées après le meurtre du cinéaste Théo Van Gogh). Il y a toujours beaucoup de joie aux meetings de Bart De Wever. Presqu’autant qu’aux numéros de Franck Dubosc. Preuve, soi-dit en passant, que l’humour ne connaît pas la frontière, même linguistique. 

Remarquez qu’un des meilleurs humoristes flamands est alostois, Bert Kruismans. Tout comme Luckas Van Der Taelen, ex-député Groen mais surtout auteur d’un spectacle désopilant (et en deux langues) « Marina ou Comment Herman De Croo m’a sauvé la vie ». 

 Puisqu’on nage dans le politiquement incorrect et la phobie du corona-virus, laissez-moi conclure avec Woody Allen : « La vie est une maladie mortelle sexuellement transmissible ».

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LE VERT EST DANS LE FRUIT

  Le pangolin, une race menacée d’extinction par la chasse que lui livrent frénétiquement les amateurs de ses étranges écailles, a trouvé la parade : le coronavirus. Brave petit mammifère qui serait à l’origine de l’épidémie. 

  De son côté, la tomate elle aussi en a marre que les humains la mettent à toutes les sauces. En réaction, elle a développé elle aussi un virus, le BRFV, qui décolore les fruits, les déforme et les couvre de marbrure. Ce germe ne serait pas transmissible à l’homme. Mais qui aurait envie de croquer dans une tomate qui a l’aspect d’un zombie ? 

  Dans les forêts, les scolytes (espèces de coléoptères) sont à leur tour devenus fous. Eux qui ne s’attaquaient qu’au bois mort s’en prennent désormais aux arbres vivants – notamment aux épicéas wallons- réaction, paraît-il, au réchauffement climatique. 

 La nature devient folle, voilà enfin une explication scientifique au mal qui a atteint aussi les démocraties et les détruit de l’intérieur. Elections à répétition en Espagne, en Israël – bientôt sans doute en Belgique. Montée des extrêmes. Impossibilité de former un gouvernement. La faute aux désordres causés à l’environnement, à une maladie devenue épidémique ?  

  C’est aux sciences exactes qu’il faut demander un remède à notre blocage institutionnel, à l’anémie du compromis à la belge, plus aux sciences humaines. 

  En le regardant au microscope, on comprend mieux l’étrange rigidité du CD&V qui rappelle la dégradation des tomates infectées par le BRFV ou la propagation du COVID- 9. 

  L’ancien parti dominant de la vie politique belge a fondu comme neige au soleil (déjà un effet du réchauffement climatique ?) et ses membres se mangent entre eux, comme pris de folie anthropophage. De plus, ils se collent à leur principal concurrent, qui leur a pourtant piqué l’essentiel de leurs électeurs, telle une plante parasite, comme s’ils essayaient de sucer leur ami-ennemi pour se redonner une bouffée de tonus. Sans aucune précaution contre les virus du parti séparatiste.

  Et comment expliquer les inimitiés des ex-partis frères libéraux et socialistes autrement que par le désordre climatique et l’apparition de nouveaux virus ?

  Le socialiste flamand qui oserait prendre la défense de Paul Magnette après qu’il ait dit simplement non à la N-VA serait considéré comme dangereusement infecté par les bactéries wallonnes. Et gare au libéral flamand qui ne prendrait pas ses distances avec les déclarations d’amour à une Belgique plus unitaire de Georges-Louis Bouchez. Il serait aussitôt placé en quarantaine, un masque sur la bouche, le temps d’être soigné ou de périr.  

   C’est une chance que les soins de santé soient restés compétence fédérale. Le même remède de cheval aux politiciens du nord comme du sud, cela va peut-être sauver le pays mais gare aux dérapages budgétaires !

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SEARCH AND DESTROY

   Le problème avec la Saint Valentin c’est que cette sacrée fête ne se célèbre jamais dans la discrétion. Ce jour-là, les amoureux se sentent obligés de s’afficher, de se faire des mamours au resto qu’ils étalent immédiatement sur Facebook, façon que tous les amis et assimilés sachent bien que le couple est solide, uni jusqu’à la fonte des glaces. 

Mais que font les couples discrets ce jour-là ? Ces duos qui se tournent autour sans être certains de s’aimer mais qui sentent monter les affinités entre eux ? Et ceux qui préfèrent ne pas se mettre sous les spots pour ne pas croiser le regard d’un autre partenaire, pas très heureux de les surprendre ?  

Exemples au hasard ? Bart De Wever et Paul Magnette doivent s’enfoncer dans les épaisses fumées du sauna du Calypso pour se rencontrer et se tâter à tâtons. 

Koen Geens et son président Daniël Coens sont obligés de danser le tango dans le parloir de la prison de Forest le vendredi, jour de grève des gardiens. 

Le problème de beaucoup de couples amoureux, c’est la famille. On s’aime mais quel boulet de supporter les parents, cousins et tontons qui se collent à vous justement les jours de fête. Bart et Paul, entre eux ça baigne. Jusqu’à ce que survienne le cousin Théo Francken avec ses grands pieds et sa grande gueule. Et la soirée est fichue. Et que faire du vieil oncle Siegfried ? Ce pauvre Bracke, qui n’a plus tout à fait sa tête, dont il faut supporter les grognements et les grands discours alors que les deux soupirants veulent juste se tenir la main en silence en regardant Philippe les bénir à la télé.  

   « Famille, je vous hais ! » écrivait André Gide, qui connaissait décidément bien la Belgique. Chez nous, inutile de brandir une composition de famille. On ne connait que la décomposition de famille. Pas une qui ne se déchire. Les sociaux chrétiens du Nord ne parlent plus à ceux du Sud (lesquels ont préféré changer de nom pour éviter toute confusion), les libéraux itou qui se font des mamours avant de se répandre en propos venimeux. Quant aux socialistes flamands, ils sont honteux quand on leur rappelle les affinités qu’ils ont osé entretenir jadis avec les socialistes wallons – avec le diable ! Reste les écolos qui sont encore trop verts pour se disputer. Mais attendez quelques années. Ils feront comme leurs vieux et glorieux aînés. 

  Dire que quelques audacieux ont imaginé de marier cinq, six, voire sept partis, en accompagnant la nouba par la musique des Quatre Saisons et en plaidant que plus on est de fous, plus on s’amuse. Je peux vous prédire comment se terminera ce genre de fête. Sur l’air de « Search and destroy » d’Iggy Pop. Un bon qualificatif, tiens, pour notre prochain gouvernement. La coalition Search and Destroy. Autrement plus sexy que la Vivaldi !   

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L’ARMEE DES DOUZE VIRUS

Une épidémie de « super-grippe » se répand d’abord aux États-Unis puis dans le monde entier et, en quelques semaines, la civilisation s’effondre, totalement ravagée. 

Les dernières nouvelles de Pékin ? Non, le début du « Fléau », un roman de Stephen King (publié il y a plus de quarante ans). On ne compte plus les livres et les films qui racontent des épidémies plus ou moins accidentelles de virus échappés de labos militaires ou nés de catastrophes naturelles. Mon roman préféré restant « Je suis une Légende » du génial Richard Matheson (une épidémie transforme tous les humains en vampires sauf le narrateur). Et mon film favori, « L’Armée des douze singes » d’un autre génie, Terry Gilliam.  

Jusqu’ici le corona virus, tout neuf et tout effrayant, fait triste figure. A peine de quoi animer un court-métrage d’art et d’essai. Rien de comparable avec les affreuses bêbêtes qui allument les feux de l’apocalypse. Ouf ! Parfois, la fiction reste plus forte que la réalité. Pourvou que ça doure ! 

Tous les ingrédients semblent pourtant réunis dans cette catastrophe annoncée pour nous offrir une belle suée: un horrible virus transmis par des poulets aux humains, des millions d’habitants confinés dans leurs villes et bientôt dans leurs appartements, l’armée qui interdit les déplacements. Et, cerise sur le gâteau de riz, l’histoire se passe en Chine. Ranimant ce bon vieux cauchemar du péril jaune, le terrifiant Fu Manchu (imaginé par Sax Rohmer dans les années vingt, un succès planétaire) ou le redoutable l’Ombre jaune, le plus terrible adversaire de notre Bob Morane national. 

Est-ce l’inconscient de notre enfance qui explique nos réactions? Chaque fois qu’une information réveille un conte de notre enfance, on se retrouve, réflexe pavlovien, à revivre les émotions qu’on ressentait dans les bras de notre maman. De Babar à Bob Morane, de Cendrillon aux Sacrées Sorcières, c’est toujours à travers ces récits d’hier, qui ont fabriqué notre imaginaire, que l’on décode l’actualité au présent. Souvent inconsciemment. 

Une enquête récente montrait une forte demande de livres de fiction dans les bibliothèques de la Communauté française. Méfions-nous de cette bonne nouvelle : tous ces lecteurs risquent de vivre de terribles terreurs dans les prochaines années chaque fois qu’un événement inquiétant dans le monde, catastrophe climatique ou naturelle, maladies nouvelles, phénomènes inexplicables, leur rappellera l’intrigue horrifique d’un bouquin qui s’est logée dans un coin de leur mémoire. Avec la mention « n’ouvrir qu’en cas de grand danger ». 

Souvenez-vous alors de ce conseil de Lewis Carroll : «  S’il est impossible de ne pas penser à quelque chose, il est encore possible de penser à autre chose » !   

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AND THE WINNER IS…

  Nous sommes en mesure de vous révéler quelques-uns des prix qui ne seront pas attribués ce samedi soir à la cérémonie des Magritte. 

   Le prix de la plus belle séparation est attribué à Boris Johnson pour son film « Nous ne vieillirons pas ensemble ». Sans doute s’en réjouira-t-il mais qu’il fasse gaffe ! Le cinéma anglais a fait écho à la tentation des Britanniques pour l’éclatement du Royaume-Uni. Dans « Passeport pour Pimlico », ce quartier de Londres déclare son indépendance et son rattachement au duché de Bourgogne. Dans « La Souris qui rugissait », un mini duché au bord de la faillite déclare la guerre aux Etats-Unis (en pariant sur l’habitude des vainqueurs de renflouer les caisses vides du vaincu). 

Le divorce du Royaume de Sa Gracieuse Majesté avec l’Europe continentale pourrait être la première pièce qui s’envole d’un château de cartes. L’annonce d’une implosion du vénérable empire en une multitude de royaumes, comtés ou duchés indépendants. Celui du Sussex est justement disponible à qui veut. A signaler à Bart De Wever qui trouve notre royaume trop grand pour lui. Encore faut-il pour que l’orgueilleux Anversois succède au prince Harry que les autorités du Sussex estiment que Bartje remplit les qualités nécessaires pour être admis à y séjourner. 

 Donald Trump se voit récompensé pour son rôle de décomposition dans « Certains l’aiment chaud ». Son « fantastique » plan de paix entre Israéliens et Palestiniens s’appelait initialement « Noces en Galilée ». Le titre prometteur est rapidement passé à la trappe. Trump a  réussi une fois de plus à jeter des pétards dans des terres déjà ravagées par les incendies. Après l’Ukraine, la Turquie, la Corée, on ne compte plus les conflits où il a emmené la planète au bord du gouffre. Une fois l’apocalypse venue, il restera à envoyer la star diriger « La Guerre des Etoiles ». Reprenant le rôle de Dark Vador, c’est l’univers tout entier qui sera assuré de basculer du côté obscur de la Force. 

  Avec les informateurs royaux, je suis désolé de le reconnaître, on tombe dans une catégorie de films infiniment plus modestes.   

   Le fait que les deux comiques belges soient toujours à l’affiche ne répond pas à la demande des spectateurs. Pour preuve, leur numéro a changé plusieurs fois de titre, ce qui est inquiétant. Appelé d’abord « La Promesse », puis « On purge bébé », il est devenu « La Grande Illusion » même si de prolongation en prolongation, il se soit aussi rebaptisé « Huit et demi » (un film dont le réalisateur avait perdu le scénario) avant de couler. E la nave va…

  Avant d’acter bêtement qu’aucun gouvernement fédéral n’est possible dans notre pays, rappelons-nous que le plus beau film en compétition s’appelle « Nous nous sommes tant aimés »…      

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L’INFORMATURC ROYAL

   Depuis la disparition de Laurel & Hardy puis de Jerry Lewis & Dean Martin, les duos n’ont plus la cote. Ceux d’aujourd’hui ont perdu la recette magique qui assurait le succès de leurs glorieux prédécesseurs. 

   Trois trios d’informateurs royaux sans le moindre applaudissement. Et, avait-on jamais vu ça : des acteurs qui demandent eux-mêmes des bis et des prolongations et non le public ? 

  Certains songent pourtant à prolonger l’expérience en lançant le couple De Wever-Magnette. Inutile. Il ne fera pas plus recette que leurs collègues même si ces deux-là ont plus de gags à leur répertoire. 

   Les temps ont changé. On est à l’ère du stand-up. Un homme seul pour assurer le spectacle. Ca tombe bien, on en a un justement sous la main, qui présente toutes les qualités requises, plein de surprises, indépendant de tous et surtout de son parti qui vient de le lâcher. Un esprit libre, qui préfère regarder au-delà de nos frontières ; jusqu’au bout de la Méditerranée plutôt que de se racrapoter sur nos misérables hameaux. Voilà qui nous changera de tous ces politiciens, englués dans leurs petites phrases, leurs tabous et leurs totems. Vous l’avez deviné, Emir Kir, voilà le prochain informateur idéal. 

   A poor lonesome cowboy far away from home.  

  Très ferré dans les innombrables qualités du Mamamouchi d’Ankara, Emir pourra suggérer, pour redresser le pays, quelques-unes des belles réformes qu’Erdogan a apportées à la Turquie, un gouvernement inamovible pour des années sinon des siècles, un chef de gouvernement respecté –sous peine d’emprisonnement-, une presse aux ordres. 

  Evidemment, les qualités de la Turquie de l’AKP s’accompagnent de quelques inconvénients collatéraux. La Turquie accueille quatre millions de réfugiés (nous avions en décembre, 2243 demandeurs de protection internationale), la Belgique compte trente-cinq prisons, la Turquie près de quatre cents. Mais, elles sont sans doute mieux fréquentées car il y entre plus d’intellectuels, de profs et de journalistes qu’il n’en reste en liberté. 

   Il ne faut pas se cacher aussi qu’en Turquie erre un nombre considérable de loups gris, que là-bas tout le monde, dit-on, peut fréquenter sans se faire contaminer (est-ce possible ?) De toute façon, il suffit pour s’en prémunir chez nous de suivre les prescriptions du bourgmestre d’Ixelles, Christos Doulkeridis, qui déconseille vivement aux écoles de laisser les enfants s’approcher des bêtes sauvages. Evidemment, l’homme n’est peut-être pas très objectif puisque sa famille, d’origine grecque, a fui jadis les Ottomans…

   Sorti par la porte de la Maison du Peuple, Emir Kir pourrait ainsi rentrer par la cheminée (du Palais). 

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SCHILD EN VRIEND

   A présent que la gauche et la droite ont disparu (même à la SNCF et dans le métro parisien où l’on est de gauche puisqu’on fait la grève et de droite car on défend des privilèges exorbitants), on a remplacé les bons vieux slogans militants (« bande de fascistes ») par les expressions politiquement correctes (« Les gilets jaunes avec nous ! »)

  On ne dit plus vacances de Noël mais d’hiver, droits de l’homme mais droits humains, Ramadan en péril mais jeûne en danger, bourgmestre socialiste compromis avec l’extrême droite turque mais homme politique bruxellois issu de la diversité.

  « Tintin au Congo » ne convient plus aux enfants, à réserver aux adultes avertis, doit être versé dans « l’enfer » des bibliothèques, avec quelques centaines d’autres classiques où l’on peut repérer des expressions racistes ou pires (au hasard, Dickens, Simenon, Agatha Christie, Wagner, Céline, Kipling, etc, sans compter évidemment la Bible et le Coran). 

 On doit pratiquer l’« écriture inclusive » car mieux vaut rendre un texte incompréhensible que laisser deviner qu’un mâle blanc tient la plume.  

L’usage du mot « Noir » est déconseillé. Mais, pourquoi l’expression « Black » est-elle branchée ?  

Etrangement, on n’a jamais repoussé Gabriel Matzneff dans l’enfer des bibliothèques ni le personnage dans une cellule. Peut-être parce qu’il ne faisait  pas vraiment de la littérature mais qu’il avait des amis respectables. Salut les copains ! 

Être pédophile n’était pas politiquement incorrect mais la censure, si. Reste que l’on peut s’étonner que personne n’ait pris la défense des enfants dont il a abusés publiquement, certainement pas la justice. Ni son éditeur qui, on le suppose, ne perdait pas son temps à lire son ennuyeux journal. 

 Le plus difficile ces temps-ci c’est le politiquement incorrect vert. Après les incendies en Australie et les prévisions apocalyptiques du GIEC, fini de rigoler avec le climat, l’écologie. Pas question de se moquer de mesures parfois mesquines ou ridicules si elles sont prises au nom du sauvetage de la planète.

 Peut-être qu’on ne sauvera pas les ours blancs ni les koalas, à cause des sceptiques et des cyniques, mais on défendra jusqu’au bout, même quand on aura les pieds dans l’eau et les vêtements en feu, l’obligation de dire « schild en vriend » avec le bon accent. Politiquement correct jusqu’à l’apocalypse…  

Mais il y a encore des bonnes nouvelles. Cette semaine un geste fort venu de Grande-Bretagne. La reine elle-même accepte de briser les chaînes qui l’unissent à son petit-fils favori, Harry, en l’autorisant à vivre ses rêves loin du royal cérémonial. 

Malgré les risques d’initiatives politiquement incorrects du gamin, qui n’en est pas à une incartade près. 

Sacrée Elizabeth II. Elle nous ravira toujours ! 

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ELOGE DU RIEN

A quoi ressemble la planète Terre en ce début 2020 ? 

Le Moyen Orient ? A feu et à sang. En Iran, au Yemen, en Syrie, on se bousille à tour de bras, on se kalachnikove joyeusement comme si on distribuait en cadeaux à la sortie des supermarchés de la région des armes et des munitions au lieu de caramels mous. Avec la bénédiction divine.  

De l’autre côté de la planète, en Australie, pas besoin de pétards pour ravager la plus grande île du cinquième continent. Devenue la vitrine du réchauffement climatique grandeur nature. Un avant-goût de ce qui nous attend à Coxyde ou à Bastogne lorsque l’été reviendra chez nous ? 

C’est le feu de l’enfer ! prophétisent quelques gourous illuminés, toujours prêts à placer Dieu au milieu des catastrophes. Remarquez qu’on a beau invoquer le Seigneur, soit il est sourd (vu son âge, on peut lui pardonner), soit il s’en fout (il y a tant d’autres planètes où on l’appelle à l’aide). En tout cas, face aux incendies, vaut mieux utiliser les pompiers que les crucifix. L’’eau bénite n’a jamais réussi à apaiser les flammes.  

En Amérique latine ? Le continent craque de partout alors que l’on pensait la démocratie remise en selle après tant d’années de souffrances sous d’épouvantables dictatures militaires. Mais non, les régimes, la société, se disloquent au Brésil, en Bolivie, au Venezuela, en Argentine, au Nicaragua, Guatemala. Arrêtons là le triste bilan de l’Amérique hispanique et fuyons vers le Nord. Si on nous laisse entrer, nous y trouverons le plus absurde, le plus arrogant et le plus dangereux président des Etats-Unis. 

Face à lui, Poutine a l’allure d’un dirigeant rationnel, intelligent et diplomate…

La répression en Chine, le triste état des révolutions arabes en Egypte, en Algérie. La Lybie en pleine guerre civile. 

Et on se plaint ? On déplore de ne pas avoir de gouvernement ? De regarder le carrousel politique tourner sans fin telle la grande roue devant le Palais de Justice en ruine ? 

Cessons de nous lamenter ! D’agiter ce cliché « la nature a horreur du vide ». Au contraire, sortons les drapeaux et félicitons nos hommes et femmes politiques qui ont la délicatesse de ne pas nous imposer leur présence et leur pouvoir. Pas de chef, pas de manifs, la paix. Le 16 rue de la loi transformé en palais des courants d’air. Bravo ! Ne pleurez pas avec ceux qui gémissent de ne pas être gouvernés. Regardez le reste de la planète et poussez un grand soupir de soulagement. Un gouvernement qui n’est que du vide, c’est une autre façon de gérer la chose publique. 

Les enseignants avaient montré l’exemple. Quel cours est plus passionnant, plus suivi par les enfants, moins terrorisant à l’heure des examens que le fameux cours de rien ?  

Du cours de rien au gouvernement des fantômes, célébrons la Belgique, une fois de plus été à l’avant-garde.  

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CE N’EST PAS EN 20 QU’ON CRIE DANS LES RUES !

  Que sait-on déjà de 2020, sinon que l’année a commencé dans le brouillard ?

   Seule certitude à l’agenda, le cocktail organisé à Washington au soir du 3 novembre pour fêter le nouveau président des Etats-Unis. Mais bien malin qui pourra deviner le nom de l’heureux invitant et des invités. Sauf un, Kim Jong-un. Il a déjà promis d’être présent auprès de son ami Donald dont il est certain de la victoire (car il n’a jamais entendu parler d’une élection dont on ne connait pas le résultat à l’avance). Il viendra avec un cadeau explosif et une nouvelle coupe de cheveux. Comme Kim a peur de l’avion et qu’il ne se déplace qu’en train blindé, il compte se mettre en route dans les prochains jours. Rien d’imprévu à attendre donc de sa part. Surtout rien d’imprévu.  

 C’est ça le problème des tyrans, ils sont incapables d’offrir de temps en temps une surprise à leurs peuples. On sait déjà qu’il n’y aura pas de chinoiseries électorales en Chine, que les lendemains seront byzantins en Turquie et les résultats électoraux déjà imprimés en Russie comme en Iran. Mauvais calcul, messieurs. Les gens ont besoin d’air frais depuis qu’ils ont pris conscience que la planète a commencé dangereusement à se réchauffer.

   Vous ne vous êtes pas aperçus que ça bouge drôlement depuis quelque temps ?  Pas vu tous ces hommes, ces femmes, ces enfants qui se sont mis à descendre dans les rues ? Du Chili au Soudan, de Hong Kong à Bruxelles, d’Alger à Paris, les causes semblent différentes, climat, misère, liberté et démocratie ou bêtement prix du diesel. Mais elles ont confusément le même point commun : une méfiance grandissante dans le fonctionnement des institutions de leur pays, dans leurs dirigeants, et leur capacité à désembourber la société. 

   Lorsque Carlos Ghosn s’enfuit de Tokyo parce qu’il se méfie – non sans raison- de l’indépendance de la justice japonaise, il est dans l’air du temps. Mais il a peut-être choisi une dangereuse destination parce qu’à Beyrouth aussi, ça tangue, ça tangue, ça tangue énormément ! 

   A sa place, j’embarquerais au plus vite, toutes voiles dehors, avec Greta Thunberg. Pour sillonner les océans avant que leurs flots ne recouvrent à nouveau les continents. Vous imaginez cette belle image, l’ancien patron tout puissant de Renault-Nissan-Mitsubishi errant sur l’Atlantique sans une goutte de pétrole – sauf une petite bouteille nécessaire pour se lisser les cheveux- en compagnie de la petite sirène de Stockholm! 

   Pendant la longue traversée, Greta aura le temps de rattraper son année sabbatique. Carlos  lui refilera ses cours de l’Ecole Polytechnique. En échange, elle lui apprendra le ba-ba des règles de protection de la planète. Ainsi que l’art de maîtriser les medias. 

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