NOIRS ET BLANCS EN COULEUR

Alors que le thermomètre affichait 25° et que les vacances de Pâques pointaient le bout de leur nez bronzé, le bourgmestre de Bredene a eu la bonne idée d’annoncer la réouverture de ses plages pour nudistes. Aussitôt, le thermomètre a plongé de vingt degrés et l’on doit mettre des Moon boots pour s’aventurer sur la digue. Qu’on ne mette pas ça sur le compte du hasard. 

D’autant que la décision du maïeur pose pas mal de questions. Dans le climat actuel qui incite les gens à se grouper selon leurs affinités ou la couleur plus ou moins pigmentée de leur peau, ouvrir la plage aux nudistes sans autre protocole est devenu insuffisant. Ainsi, les nudistes doivent-ils tolérer à côté d’eux des touristes en maillot ? Si c’est le cas, tous les maillots sont-ils les bienvenus ? Le monokini, oui. Mais le burkini ? En d’autres mots, que peut-on cacher pour entrer sur la plage de Bredene ? Et faut-il montrer patte blanche ? 

Justement, ce sujet a été également oublié par le règlement de Bredene, qui se contente d’autoriser les plagistes à se mettre nu. Pas un mot sur la couleur de la peau. Rien même sur la langue, l’orientation politique, religieuse, sexuelle. Tolère-t-on des vacanciers ne parlant pas néerlandais, du moins pas à haute voix ? 

Pareille indifférence n’est plus de mise. Un nudiste ne doit pas supporter toutes les nuances de nudisme. Il peut exiger que son voisin de plage partage ses valeurs, ses opinions, ses orientations. Les autres n’ont qu’à se rhabiller. Universaliste est devenu une injure. Comme jadis cosmopolite.  

Que se passe-t-il si un couple d’homosexuels noirs refuse de supporter la proximité d’une famille « traditionnelle » d’immigrés chinois, composée d’un homme, d’une femme et d’enfants ? Peut-il prétendre les éloigner au motif que le bout de plage est réservé aux nudistes LGBT d’origine africaine s’abritant sous un parasol arc-en-ciel ? 

Déclarer la plage ouverte aux nudistes ne suffit plus si l’on veut être dans l’air du temps. Il faut « raciser » les plages comme les universités, les clubs, les théâtres. Noirs, jaunes, rouges, blancs, flamands, wallons, indigènes, exogènes, homos, hétéros, ouvrier, patron, etc, chacun sa serviette. 

Pour s’assurer qu’un membre d’une autre secte ne mettra pas les pieds sur son territoire, chaque groupe s’isolera dans un château de sable ou derrière de hauts murs. 

Heureusement, la mer du Nord connaît le phénomène des marées. Une fois que la mer descend, il ne restera plus rien des châteaux et des murs. Tout le monde sera à nu…

Ps : le titre de cette chronique est un clin d’œil au joyeux film de Jean-Jacques Annaud qui portait ce titre et qui a aussi été diffusé sous le titre « La victoire en chantant ».  

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DES VACANCES ? ET QUOI ENCORE !

Après une longue semaine de non-vacances scolaires, voici que commencent deux interminables semaines de vacances peut-être suivies de semaines de non-vacances à nouveau, surtout si, après le succès de leur grève pendant une journée de non-travail, les syndicats remettent le couvert…

Comment occuper les enfants pendant cette longue période ?

Pour éviter qu’ils ne restent affalés devant la télé, on peut s’arranger avec les voisins. Après deux heures de télé dans le salon, vos enfants montent chez les voisins regarder la télé tandis que les enfants des voisins prennent leur place. Renouvelez le manège toutes les deux heures. Jamais les gosses n’auront fait autant d’exercices. 

A ceux qui se désespèrent de la fermeture des théâtres et des concerts, on conseille les cimetières. On y entend des discours – certains valent bien quelques monologues du théâtre contemporain- et de la musique. C’est en tout cas la seule occasion de se retrouver à cinquante sans quarantaine…

Aux sportifs, on conseillera le kayak, l’activité préférée de Sophie Wilmès, mais en respectant la règle qui impose de pagayer uniquement côté fenêtre. 

De toute façon, c’est la seule façon de voir de l’eau car côté côte, c’est fichu. De Vlaamse Kust est mieux protégé des assauts des touristes que le Palais du Topkapi à Istamboul… Sauf à se déguiser en pêcheur de crevettes et prétendre que vous allez relever vos filets mais cette subtile tactique suppose que vous ayez de sérieuses notions du patois ostendais…

Faute de quitter la ville, vous pouvez évidemment vous rabattre sur la célèbre chasse aux œufs. Mais en respectant les prescriptions, dix à l’extérieur qui peuvent être vingt-cinq s’ils ont moins de 13 ans, mais qui ne peuvent traverser le salon avec des chaussures sales à plus de quatre (trois si l’un d’entre eux fête son treizième anniversaire). Il faut rappeler que vos visiteurs doivent utiliser les toilettes extérieures – la cabane au fond du jardin de votre aïeul redevient très à la mode. 

 Si un enfant se plaint que le chocolat ne goûte pas le chocolat, alerte, il faut immédiatement isoler tout le groupe. Sauf si les œufs sont du chocolat industriel anglais. Dans ce cas, pas d’inquiétude. C’est normal qu’il ait la même saveur que le plastique qui l’entoure. 

Rayon jeux, il y a le frisbee à condition de ne pas cracher dessus chacun à son tour. Ou la pétanque mais les boules doivent se trouver à 1,80 de distance du cochonnet, ce qui réduit singulièrement le plaisir du jeu.

  Je comprends que vous en ayez assez de toutes ces règles, que vous vous relâchiez un peu et que vous fassiez l’innocent devant les flics s’ils vous remontent les bretelles. Attention cependant : « C’est très joli d’être innocent, mais il ne faut pas en abuser » (Pagnol).

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CRISE EN THEME

Depuis combien de temps nous promet-on pour bientôt « le bout du tunnel » ? Cette éreintante litanie qui nous force à arpenter des voies sans fin. 

Le ton a changé au début du mois. On nous a alors poussés dehors. Allez, ouste ! Respirez le printemps ! Cueillez des fleurettes, humez les nouvelles pousses ! 

Patatras, ça n’a pas duré ! Cette semaine, retour brutal du frisbee. On nous ordonne soudain d’éviter tout commerce avec les autres. Et de retourner arpenter à quatre et masqués ce fichu tunnel, qui nous mènera peut-être en été… Qui sait ?  

Rappelez-vous cependant cette réflexion du dirigeant du syndicat français CGT quand Jacques Chirac a lui aussi prétendu voir « le bout du tunnel » : « S’il voit le bout du tunnel, c’est qu’il marche à reculons et qu’il confond l’entrée avec la sortie. »

Comme lui, nous avons l’impression de retourner un an en arrière quand tout a commencé et que déjà on nous assurait que dans deux, trois mois, nous verrions le bout…

On l’a compris, seule une vaccination de masse pourra remettre le wagon sur les rails. Mais elle s’étire, patine. On perd son temps à discuter sur le système d’inscription, le nombre de téléphonistes. On s’étripe pour décider qui vacciner après les ancêtres, les vieux et les survivants. Les profs ? (A quoi bon ? Ils n’ont plus d’écoles). Les flics ? Les bibliothécaires ? Les gars des immondices ?  

Pourquoi ne pas donner la priorité aux maîtres-nageurs ? Ils sont en première ligne puisque leur mission est de nous arracher aux nouvelles vagues et nous avertir de l’arrivée des prochains tsunamis (les précédents, on ne les a pas vus venir). 

Surtout, nous prévient-on, que ce vicieux virus n’arrête pas de muter. Quand il se met à s’exprimer en anglais, il est terrible sans doute parce qu’on ne comprend pas ce qu’il raconte. Et attention au redoutable brésilien, qui danse la samba dans nos pauvres organismes, défiant l’interdiction des carnavals. 

Depuis peu, on a trouvé une variante liégeoise qui ferait passer les boulets à la sauce chasseur pour un plat végétarien. Et certains évoquent à présent un variant molenbeekois très explosif. Malgré les protestations de la bourgmestre qui assure qu’il est devenu doux comme un mouton. 

Va-t-on nous expliquer bientôt qu’il nous faudra autant de vaccins qu’il y a de mutants ? Nous risquons d’avoir le bras plus troué que certaines stars de la pop disparues prématurément ! 

Cessons de pleurnicher ! disent certaines expertes. Après tout, les baby boomers que certains envient ont un long passé de tunnels et de crises successives depuis la fameuse crise pétrolière de 1973. Et cette errance dans l’obscurité a produit aux yeux des générations qui les ont suivis des mirages chatoyants et des inventions mirobolantes. Web, web, web, hourrah ! 

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COUVREZ CE VACCIN QUE JE SAURAIS AVOIR …

   Pour se faire vacciner, tapez 1, si vous préférez y’a qua Zeneca, tapez 2 bis ; pour spoutnik, tapez à la porte arrière ; pour un vaccin sans contestation, tapez aussi longtemps que vous voulez. Pour le vaccin Johnson & Johnson, faut un mot de passe (allez, je vous le donne : « Je dirais même plus »)…

   Certains ont des amis qui les appellent à la fin de la journée lorsqu’il reste des doses non injectées dans l’un ou l’autre centre de vaccination. Il y a aussi des gens qui se prétendent membres d’associations dont les représentants sont prioritaires. Une petite lettre de recommandation et le tour est joué. Ce qui permet à des gens de vingt ou trente ans de ne pas bêtement attendre leur tour comme les autres et de perdre quelques semaines. On comprend leur impatience. Ils sont pressés de s’envoler pour des vacances à l’étranger. Alors qu’un octogénaire, pourquoi le piquer par priorité? Il a le temps. Il n’attend pas d’aller bronzer sur une plage exotique, si ?  

  Il faut de l’astuce, d’après ce qu’on me dit, pour décrocher une invitation à la piquouze. Une idée, se déguiser en vieillard. Facile : les maquilleuses de talent ne manquent pas. Elles se réjouiront de transformer un jeune homme en vieux birbe plutôt que de se tourner les pouces en déprimant devant les portes fermées des théâtres. 

Mais l’apparence n’est que la première étape. Faut aussi modifier la date de naissance dans les bases de données. Une opération plus aventureuse. Mais, comme toujours en Belgique, avec un copain de copain, on doit y arriver. Une piste, un nom (ne le répétez pas) : Frank Robben, l’homme à tout faire (surtout le pire) dans la centralisation des données des habitants du royaume. Il vient de recevoir le prix du Big Brother de l’Année, décerné par Ministry of Privacy. Frank Robben est tout à la fois le concepteur des bases de données en matière de santé et de sécurité sociale, le patron de la gestion de tous ces fichiers, son propre contrôleur et son juge. Un petit mot (de préférence en néerlandais) et hop ! votre fiche se remodèle comme par magie. Et comme personne n’a le droit de regarder au-dessus de l’épaule de Big Brother Robben, s’il accepte de mélanger, de nettoyer et de vous sortir des données toutes propres, votre identité reflètera votre nouvelle apparence. Estampillé vieux. Et en route vers le centre de vaccination le plus proche. Reste encore le plus dur, vous inscrire par internet, tapez 1, puis 3, puis 17, puis 421, puis changez de langue après avoir changé d’apparence…

  Si vous êtes convoqué à 10 h 26, préparez-vous à deux heures de file surtout si vous ne tenez pas sur vos quilles…   

Et si vous n’avez pas d’ordinateur ? Vous n’existez pas. Dans ce cas, couvrez ce vaccin que vous ne saurez avoir…

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FEMMES PERDUES DANS UN TUNNEL

  Les femmes ont été à l’honneur cette semaine, a-t-on proclamé ici et là la bouche en cul-de-poule. Est-ce si sûr ? 

Faut-il célébrer comme une grande victoire féministe, le changement de nom du tunnel Léopold II  bombardé Annie Cordy ? 

Tandis que le boulevard en surface, éclairé par le soleil et peuplé de milliers d’habitants, reste dénommé Léopold II, son sous-sol effrayant, pollué, fermé chaque fois qu’on a envie de s’y aventurer, se voit collé le nom d’une femme. Dr Freud, sors de ce tunnel ! 

Pourquoi ne pas avoir donné le nom d’Annie à un music-hall (dépoussiérant par exemple l’Ancienne Belgique), à un parc, une fontaine ? A l’heure du politiquement correct tous azimut, l’interprète de « Cigarettes, whisky et petites pépés » méritait d’être mieux à l’honneur pour tous les dérapages qu’elle a glorifiés ! 

Bon, j’avale une petite gorgée et je reviens à vous. Où en étais-je ? Ah oui, les femmes ! Une autre lady à l’honneur cette semaine, Meghan Markle. Qui dénonce l’étouffoir corseté des palais et entourages royaux britanniques. Elle n’avait pas lu la moindre bio de sa pauvre belle-mère, Lady Diana, avant de signer ? Elle a découvert le mode d’emploi une fois plongée dans le smog londonien ? Son mari, le prince Harry, se tient drôlement mieux avec son épouse que son beau-père mais cela n’a pas empêché, dit-elle, des propos racistes lorsqu’elle attendait son bébé. Dans un pays où la majorité des électeurs ont voté pour le Brexit en imaginant que l’empire allait surgir comme par magie du néant, on imagine que dans les couloirs de Buckingham, certains croient que la reine Victoria règne encore sur le monde. 

Autre femme belge en vedette, notre ambassadrice en Arabie saoudite. On se disait que c’était une sacrée provocation de notre ministre des affaires étrangères (une dame) d’avoir envoyé Dominique Mineur dans les sables du Moyen Orient. Pas du tout. Notre diplomate a célébré la journée des droits des femmes en vantant les « changements fantastiques » en la matière. Quelle mouche l’a piquée ? A Ryad, l’alcool est interdit, non ? La famille de Loujaine Al Hazlthoul (condamnée et torturée pour avoir prôné la liberté pour les femmes dans son pays) est installée chez nous. Loujaine est docteur honoris causa de l’UCL. Elle a dû apprécier les bonnes paroles de la Belgique officielle, la révérence à la politique du prince BMS. Dieu sait quels discours tiendra Madame Mineur quand elle sera nommée en Chine, à Hong Kong, en Iran ou au Yemen. 

Faudrait plutôt faire représenter la Belgique dans le monde par nos merveilleuses athlètes Nafi Thiam et Elise Vanderelst, auréolées de leurs médailles, championnes souriantes, assurées, et tellement craquantes en noir-jaune-rouge. Allez, les filles !

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TOUS PIQUES !

    Avec l’arrivée des beaux jours, on nous promet celle des vaccins, juré-craché si je mens, je vais en enfer. D’ailleurs, ils sont là, paraît-il. Sagement entreposés dans des super-frigos, comme les cadeaux de Noël fabriqués en été mais qu’il est interdit de déballer avant la nuit-douce nuit sous le sapin. Alors qu’attend-on ? Le premier jour du printemps ? Mais le 21 mars est un dimanche et les vaccinateurs ce jour-là sont en week-end. En semaine, on vaccine de 9h à midi – à condition que les TEC ne soient pas en grève. 

D’autres prétendent qu’il faut attendre que le signal de vrai départ soit donné simultanément par les gouvernements fédéral, wallon, flamand, bruxellois, communautaires, germanophone, celui de la COCOM, de la COCOF, de la COCORICO et tutti quanti. 

A propos, quelqu’un se rappelle qui a la clé de ces foutus frigos ? Car, grmmbl, chacun se rejette la responsabilité. Même que Jan Jambon a dit que si le responsable ne lève pas le doigt tout de suite, tout le monde va être puni.

Bon, on se calme ! répète le ministre de la santé aux huit autres. Il avait d’abord annoncé fièrement que son « team » va faire « reset ». Retombé sur terre (c’est-à-dire en Belgique), il a compris que cet hommage à l’informatique était déplacé vu qu’elle s’est complètement plantée jusqu’ici. L’image des start-up innovantes qui allaient convoquer les citoyens plus vite que leur ombre a pris un sérieux coup dans l’aile.   

La réorganisation de la vaccination s’est évidemment faite à la belge. De façon imaginative mais différente selon les régions. En Wallonie, l’idée de génie est d’avoir décidé d’organiser la vaccination dans les bistrots. Permettant de sauver en même temps la santé des gens et celle de l’Horeca. 

A Bruxelles, le ministre-président avait d’abord annoncé avoir obtenu le consensus de son gouvernement pour que la vaccination se fasse en taxis. On en voit les avantages : pas de file d’attente, pas de difficultés de déplacement pour les personnes à mobilité réduite, et surtout une magnifique compensation pour aider les taximen face à la concurrence déloyale des Uber. Mais très vite, on a entendu des voix discordantes. Alain Maron veut limiter les véhicules autorisées pour la vaccination aux vélo-taxis, Pascal Smets aux véhicules de la STIB et l’opposition libérale veut y associer les Uber. Bon. Je vais trouver un texte de compromis a promis Rudi Vervoort. Sinon, je me rase la moustache. 

En Flandre, la vaccination est réservée aux personnes parlant néerlandais. Seuls celles qui prononcent parfaitement « schild en vriend » sont admis dans les vaccinatiecentra. Celles qui échouent ont droit à six mois de cours de recyclage et à un nouvel essai de vaccination en septembre après examen linguistique. 

Dura lex sed lex, a commenté sobrement Bart De Wever.  

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CASQUES BLUES

   A quoi sert l’ONU ? Après l’assassinat en RDC de l’ambassadeur d’Italie et deux de ses accompagnateurs, comment ne pas se poser une fois de plus la question ? La mission de l’ONU pour le Congo a été créée en 1999. Vingt et un ans de présence dans les provinces de l’est, vingt et un ans de violence, de cruauté. On y est assassin de père en fils ! On suppose que le métier permet d’épargner pour ses vieux jours sinon les nouvelles générations seraient devenues médecins, infirmières, profs ou commerçants, voire politiciens, plutôt que tueurs comme papa. Hélas, le magnifique docteur Mukwege, prix Nobel de la paix, « l’homme qui répare les femmes », n’est pas prêt de prendre sa retraite. 

Pendant ce temps, les génocidaires hutus rwandais qui ont pu s’enfuir au Congo avec armes et bagages, avec la complicité des autorités françaises de l’époque (président socialiste et ministre des affaires étrangères de droite, en union sacrée comme le soulignait récemment Colette Braeckman) ont implanté un empire basé sur la terreur sans que les braves troufions en casques bleus n’aient manifestement entrepris ni surtout réussi quoi que ce soit qui mette fin à ce cercle infernal. 

Ce qui rappelle d’autres horreurs que les « missions » de l’ONU ont préféré ne pas regarder. Le génocide des tutsis, abandonnés à leur triste sort (autant que les militaires belges chargés de protéger la première ministre, tous tués comme elle). Quand on commence à se tirer dessus, les casques bleus se rappellent généralement qu’ils ont autre chose à faire que de s’interposer, le plus souvent faire leur barda… 

Au même moment, d’autres civils se faisaient massacrer en ex-Yougoslavie. Avec en point d’orgue, Srebrenica en juillet 1995 (qualifié de génocide par le TPI, lors du procès du général Mladic). Cette fois encore, les troupes de l’ONU se sont battus pour ne pas éviter les massacres, les casques bleus hollandais sur place allant jusqu’à aimablement aider les Serbes à séparer femmes et hommes et à indiquer les refuges de certains habitants (les tribunaux hollandais ont condamné les Pays-Bas depuis). Quant à l’état-major, dirigé par le général français Janvier, il a refusé tout appui aérien à ses casques bleus, ce qui aurait permis sans doute de bloquer l’avance serbe, à la suite d’un accord conclu avec Mladic ! 

Les envoyés de l’ONU ne travaillent qu’à assurer le fonctionnement de la machine de l’organisation internationale dans un mouvement perpétuel qui laisse sur le côté tous autres que les fonctionnaires de l’ONU. 

Ne remontons pas plus dans le temps, on trouverait à chaque envoi de casques bleus la même impuissance, parfois la même complicité. 

Peut-être qu’il faudrait en tirer enfin une leçon simple : faire la guerre et surtout rétablir la paix sont des activités trop sérieuses pour les laisser aux soldats habillés de bleu par l’ONU. 

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AU VILLAGE SANS PRETENTION, J’AI MAUVAISE REPUTATION…

  Le « village-prison » de Haren, quelle trouvaille ! On croyait que la communication n’était pas vraiment la tasse de thé de la Justice – encore moins de l’Intérieur. Erreur. Ils ont trouvé un petit professionnel malin (ou une ingénieuse diplômée en comm’) qui va enfin changer l’image de l’enfermement en Belgique. Et transformer la geôle en club vacances. 

S’est-il inspiré des Chinois, maîtres en matière de mots pour habiller les châtiments les plus terribles sous les mots les plus sournois? La cruelle répression de la fin des années soixante avait été baptisée « révolution culturelle », faisant glousser d’envie quelques naïfs intellectuels germano-pratins qui croyait que Mao allait vraiment éclairer la politique par la culture. Même refrain avec la « rééducation » en cours des Ouïgours qui cache l’éradication systématique d’un peuple.  

Bien sûr, nous sommes en démocratie. Et les prisons belges accueillent de vrais délinquants, du moins en majorité. Un certain nombre sont condamnés (même si on peut se scandaliser de tant de détentions préventives). Mais qu’on n’essaye pas de voiler la réalité avec ce concept bidon de « village-prison ». 

Façon de faire oublier cette masse de béton de plus de quinze hectares dans lequel vont être entassés 1 200 détenus (et plus si affinités). Devenant des ombres au milieu de milliers d’ombres, chacun un numéro anonyme sous des caméras de surveillance et non plus un individu qui va reprendre sa place dans la société.  

On peut craindre que seul le bâtiment sera flambant neuf et non la politique de détention. D’autant que l’entretien et le service seront assurés par une société privée dont le bien-être des détenus ne devrait pas être la principale préoccupation. 

En Belgique, l’argent de la Justice est investi dans la brique (ou les échafaudages) et pas dans le travail des magistrats, la formation des gardiens et des autres intervenants pénitentiaires, et surtout pas dans une véritable politique de réinsertion. 

A moins que Haren devienne vraiment un village ? Allez, chiche ! Marché bio le samedi, kayak, basket et foot le dimanche, animation tous les soirs avec DJ en vedette, et bistrot entre potes pour l’apéro ? Et surtout école, cours de formation. Et des psychologues qui oeuvrent pour la santé des détenus et non pour les disséquer.

On peut hélas craindre qu’on va juste synthétiser dans ce coin perdu de Haren, à l’ombre des regards, tous les défauts de Saint-Gilles, de Berkendael et de Forest réunis – sauf les poux, les puces et les rats. Une prison, il n’y a pas de quoi s’en vanter. C’est l’échec de la politique de prévention, de l’éducation, d’une vraie politique de sanction utile à l’individu et à la société.   

Il est toujours bon de se rappeler cette phrase de Victor Hugo : « celui qui ouvre une école ferme une prison ».    

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ONE FOR MY BABY

   Comment fêter la première Saint Valentin sous Covid ? 

    Au resto, au cinoche, au ski, sur les bords de la Méditerranée, en remontant le Nil, en descendant le Zambèze, en visitant le Louvre, en organisant un bal masqué où seule la bouche restera découverte, en invitant les potes à un apéro sur les échafaudages du Palais de Justice, en s’offrant une place au premier rang du prochain concert de Lous and The Yakuza ? Non, non et non. « Streng verboten » comme braillait l’officier allemand en énonçant une à une toutes les activités interdites dans le camp de prisonniers qui accueillait Jean Gabin, Carette et les autres dans « La grande Illusion ». 

Quoique… 

 Dans une belle lettre écrite à la plume sur du papier épais, pourquoi ne pas vous engager à offrir à votre amoureux-amoureuse tous ces plaisirs dès que vous aurez décroché tous les deux le précieux sésame qui ouvrira les portes du « monde d’après », le certificat de vaccination qui va désormais accompagner nos vies, aussi sûrement que votre tatouage intime ou la photo de votre maman qui ne quitte jamais votre portefeuille ? 

   Déjà les messages entre amoureux prennent un tour inhabituel : « chéri, je ne veux que toi dans ma bulle ! » 

   En attendant, quelques trucs pour faire la fiesta en toute légalité : passez la soirée à monter et à descendre serrés l’un contre l’autre dans un ascenseur (choisir de préférence un immeuble-tour), faire du kayak (l’amour méthode Sophie Wilmès), déboucher des bouteilles de champagne sur le balcon (attention, les policiers très énervés ces derniers temps risquent de répliquer à balles réelles), faire le tour de la terre dans une fusée d’Elon Musk, manger du homard au fond de la mer (la Covid déteste l’eau salée), vous lancer dans une « activité sportive outdoor, sans contact, dans des infrastructures extérieures dans une zone définie de minimum 10 m2 par participant, sans entraîneur actif » (Désolé, la traduction de cette faveur octroyée généreusement aux amoureux par la Ministre Glatigny n’est pas jointe.)   

    Vous pouvez aussi louer un théâtre et réciter sur scène pour, votre invitée du jour, seule dans la salle, « Les Méfaits du tabac » de Tchekhov ou « Le Journal d’un Fou » de Gogol (les monologues russes sont Dieu merci redevenus à la mode depuis le succès de Spoutnik V). «Les Monologues du Vagin » ? Vous pouvez tenter le coup mais c’est du poker… 

Mais le mieux pour séduire votre belle spectatrice est d’écrire vous-même votre monologue. Allez-y carrément, glissez-y tous les sous-entendus que vous rêvez de lui susurrer à l’oreille, aucun critique ne sera en coulisses pour démolir vos efforts ! 

   PS : One for my baby (and one more for the road) a été composée par H. Arlen et J. Mercer. Interprétée par Sinatra, c’est magnifique ; par Ella, c’est sublime!  

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LE JOUR DE LA MARMOTTE

  On n’a pas beaucoup eu l’occasion de faire la fête depuis un an. Noël, Nouvel An, Pâques, tout a été passé au bleu. Même la fête de la communauté flamande n’a pas donné lieu à ces grands élans de fraternité habituels où l’on crie haut et fort pour l’indépendance de la Flandre à l’ombre de la tour de l’Yser. Och’erme ! La bataille des éperons d’or n’est plus ce qu’elle était. Ni les revendications flamingantes. Saleté de virus qui rend les Belges plus belges ! 

   La suite du programme n’a pas l’air non plus d’annoncer le retour des flonflons. C’est pourquoi, il faut s’arrêter un moment sur la fête un peu oubliée de la semaine, la Chandeleur. Pour les enfants – de tous âges – c’est le jour des crêpes. Mais à l’origine, c’était une fête latine qui célébrait le jour des morts. On raconte que les festivités de cette ancienne célébration païenne avaient connu un grand essor à la suite d’une épidémie de peste, répandue par les Mânes – les âmes des morts- qui voulaient ainsi se venger de l’oubli dans lequel ils étaient tombés. 

   Ce rappel de l’histoire pourrait donner des idées aux hommes et femmes politiques qui voudraient symboliquement garder la trace de la Grande Pandémie. Ils conserveront les crêpes mais baptiseront la fête marquant la fin du covid 19, le Jour des Coiffeurs. Même si dans quelques dizaines d’années, les enfants ne comprendront plus pourquoi cet hommage aux figaros ! 

  Aux Etats-Unis, la Chandeleur est dénommée le jour de la Marmotte, qui annonce le départ de l’hiver. C’est surtout le titre (original) d’un film très réussi de Harold Ramis avec Bill Murray. En français, « Un Jour sans fin ». 

  Le film raconte la journée d’un présentateur météo envoyé dans une cambrousse perdue de Pennsylvanie qui découvre, en se réveillant le matin suivant, qu’il est resté bloqué dans une « boucle temporelle ». Et qu’il est condamné à revivre interminablement la même journée tous les jours. Alors qu’autour de lui, personne ne se rend compte du phénomène et recommence sa journée comme si elle était nouvelle. 

   A entendre le lamento qui monte ici et là, beaucoup de gens donnent l’impression eux aussi de vivre la mésaventure de Bill Murray. Au lieu de tirer parti de la situation (comme le personnage principal du film, le seul à connaître la suite des événements de la journée), ils s’enfoncent peu à peu dans la neurasthénie, comme bloqués dans une boucle temporelle à laquelle ils se sentent condamnés à ne pas s’échapper. Rien ne semble leur permettre de remettre le carrousel de la vie en route, ni l’ouverture des magasins, ni l’arrivée rapide et inespérée des vaccins. 

Alors, comment leur remonter le moral ? Avec la méthode italienne, qui combine habilement deux plaisirs en même temps : la réouverture des bistrots, des terrasses et des restos et surtout la chute du gouvernement ?       

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