HALLOWEEN…

 Mesdames et Messieurs les ministres,

  Encore un Codeco pour rien ! Même pas une petite surprise, une pensée pour moi, malgré l’arrivée de ma fête, Halloween. Vos recommandations Covid, c’est juste de la frime pour m’empêcher de survivre, moi comte Dracula (on ne respecte plus l’aristocratie dans votre triste pays). 

Je suis de plus en plus désolé et furieux des décisions que vous prenez depuis près de deux ans sous prétexte de cette petite pandémie. De grâce, n’exagérez pas ! Moi, qui habite depuis plus de cinq cents ans dans un château mal isolé, surtout l’hiver, j’en ai vu passer des maladies, épidémies, pandémies. Vous croyez qu’elles m’ont empêché de survivre et de mordiller amoureusement, siècle après siècle, les jolies gorges blanches qui avaient la gentillesse de se glisser sous mes dents ? Malgré la peste, le choléra, la variole qui se sont abattus régulièrement sur l’Europe. Vous vous imaginez peut-être que ces vilains virus étaient moins virulents que votre bêbête chinoise ? Vous n’avez pas comme moi le souvenir vivace de ces époques où les grandes pestes ont ravagé Londres pendant cent ans, Moscou, Toulouse, Marseille. Et même, à un jet de pierres de chez moi, Timisoara et Bucarest. Et je ne vous parle pas de la variole qui a notamment emporté la reine Ulrika de Suède quelques jours après une soirée délicieuse en tête-à-tête ou plutôt en dents à cou. Son sang, le très rare groupe sanguin B-, avait la saveur des plus grands crus, mais je préfère rester discret pour ne pas découvrir la couronne. 

Or, que nous imposez-vous depuis si longtemps ? Le Covid-pass, d’accord, je m’en fiche. Mais le masque, la distanciation sociale ? Comment voulez-vous que je survive, si je dois continuer à voiler mes pauvres chicots et me tenir à 1,5 m. de toutes les nuques ; de toutes les gorges du royaume ? Pendant quelques jours, au début du mois, j’ai brûlé un cierge pour votre président, M. Jambon, je me suis même retenu de l’embrasser. Grâce à lui, j’ai espéré me rattraper sur les cols flamands, des beaux et longs cous que je salivais déjà de tâter. Mais las ! Voilà déjà les restrictions de retour. 

Sans hémoglobine, mes canines commencent à battre la campagne. J’ai dû, honte suprême, demander à une dentiste (masquée ! nom de Dieu, masquée !) de me les refixer. 

Bon sang, ne pourriez-vous prévoir une exception pour les vampires ? Après tout, les serveurs de restaurant et de bistrot sont dispensés de se vacciner, comme le personnel hospitalier, alors pourquoi ne pas m’autoriser à dévoiler la mâchoire devant des jeunes filles (consentantes, bien sûr), elles aussi démasquées pour l’occasion ? Sinon, je vous entends déjà gémir sur la fin du dernier survivant de ma race. Comme vous versez des larmes de crocodiles sur la disparition des Dodos et des rhinocéros blancs.         

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BONS BAISERS DE RUSSIE

  La Russie vient de couper les ponts avec l’Otan. Un bête geste de dépit après le retrait par l’Alliance des accréditations de huit représentants russes. J’ai failli écrire soviétiques. Mais non, à l’époque de la guerre froide, jamais les Occidentaux n’auraient réussi à mettre la main d’un coup sur huit espions venus du froid. 

Que se passe-t-il à Moscou ? Leurs meilleurs artisans ont-ils perdu la main ? Ont-ils mis à la retraite tous les brillants instructeurs du KGB ou du GRU qui préparaient les coups tordus, qui imaginaient les intrigues sophistiquées et improbables, qui lançaient les plus perverses espionnes pour séduire les candides diplomates envoyés de l‘autre côté du rideau de fer ? Ou ce sont les candidats espions qui sont tous nuls ? On dirait que ce bon vieux James Bond ne fait plus rêver. Ils préfèrent aujourd’hui devenir agents de sécurité d’un oligarque avant de prendre sa place. John Le Carré est parti à temps. Il n’aurait pas supporté de voir une intrigue aussi pauvre alors qu’à l’époque la réalité dépassait toujours la fiction. Décidément, tout fout le camp !  

Petit rappel pour nos amis russes (ce sont nos amis maintenant, c’est peut-être là que le bât blesse et l’origine de la confusion.) Un espion, ça se forme lentement, pendant des années. Quand il était prêt, on l’envoyait ou plutôt il s’installait dans un pays occidental, par exemple en France. Là, il prenait l’apparence d’un Français moyen modèle rêvé par Eric Zemmour. Avec un prénom-bien-de-chez-nous, les photos de ses grands-parents devant la petite église du village de l’Yonne, dont ils n’ont jamais bougé, glissées dans son portefeuille et une carte de supporter de l’AJ Auxerre bien en évidence sur son pare-brise. A la fête des voisins, il tenait des discours sur les immigrés (en dénonçant ceux qui viennent manger le caviar des Français, oui, il y avait parfois un défaut dans la cuirasse). Il se mêlait aux gilets jaunes en les poussant à forcer la porte des bâtiments dans lesquels il voulait pénétrer pour percer leurs secrets. 

Fini tout ça ? Vraiment ? A moins que les Russes ne soient plus machiavéliques qu’on ne le croit, qu’ils laissent nos services de contre-espionnage triompher facilement en laissant expulser huit pauvres types qui ne sont que des leurres pendant que les vraies pros, continuent leur travail de taupe, déguisés en Franchouillards au front de plus en plus bas et de plus en plus national. Mais attention, si on se met à les arrêter, il ne restera plus grand-monde dans les meetings de Zemmour. Et notre faux Français de souche se prétendra victime des services de contre-espionnage de l’OTAN qui tenterait ainsi de casser son irrésistible ascension… 

Il est bien difficile d’être patriote de nos jours. 

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LA FUREUR DE VIVRE

   Le gouvernement vivaldien a réussi à serrer les rangs de son équipe hétéroclite en fêtant la rentrée politique avec une décision audacieuse : la fin des maladies de longue durée. On le sait depuis la nuit des temps, la meilleure façon de souder le peuple autour de ses dirigeants est de lui trouver un ennemi extérieur. Les malades, quel excellent bouc-émissaire ! D’autant qu’ils sont généralement trop faibles pour réagir. Comme le disait Machiavel, vaut mieux s’attaquer à moins fort que soi. De préférence malade et au lit. 

D’ailleurs, le coup semble sur le point de réussir. Depuis l’annonce du Premier cette semaine à la tribune de la Chambre, c’est la panique dans le monde des microbes, virus et autres crasses. Leurs représentants songent très sérieusement à faire appel aux instances internationales, à l’ONU même, pour s’opposer à cette hécatombe, ce crime de masse, ce génocide programmé. 

Dire que M. De Croo a osé se vanter cyniquement du succès de sa lutte contre le corona juste avant d’annoncer que les malades n’avaient qu’à bien se tenir. Cette campagne de lutte contre la covid, cette vaccination en masse, on le comprend à présent, n’avait servi que de banc d’essai à une agression autrement plus large contre toutes les espèces de maladies.

Restait la question pratique. Comment remettre les malades de longue durée au travail ? Les convaincre que leurs bobos sont terminés, que les agents infectieux qui les empêchaient de retourner au boulot sont éliminés ? 

Ce sera difficile si les médecins continuent à leur refiler des certificats, s’ils prétendent souffrir de maux divers qui les empêchent de se déplacer, de faire le job, qu’ils se sentent incapables de discuter vaccins, foot, sexe et vacances avec leurs collègues plus vaillants à la machine à café. 

Les ministres ont longtemps planché sur la question. Il a fallu plusieurs nuits d’insomnie, des claquements de porte, mais l’effort a finalement payé. Et lorsque la solution est apparue, elle a semblé à tous aussi lumineuse que les premiers rayons du soleil au lever d’un jour d’automne. Une loi. Il suffit d’une loi pour interdire les maladies de longue durée. Quelle idée géniale ! Aussi simple que l’œuf de Colomb. Décidément, l’imagination est au pouvoir dans l’hepta-gouvernement multicolore.   

D’autant qu’on devine la suite. S’il n’y a plus de malades, à quoi bon encore des médecins, des infirmières, des ambulanciers, des hôpitaux, des pharmacies ? Fini aussi la sécurité sociale qui nous coûte les yeux de la tête. Dans la foulée, ne devrait-on pas supprimer également la mort ? Car si les maladies ont disparu, à quoi pourrait-on encore succomber ? 

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RULE, BRITANNIA !

  Dans un de ses meilleurs sketches, Fernand Raynaud se met dans la peau d’un douanier qui n’aime pas les étrangers. Il ne cesse de harceler l’étranger qui s’est installé au village jusqu’à ce que lui et sa famille, dégoûtés, filent ailleurs. Depuis, plus moyen de trouver du pain. C’était le boulanger du village. 

Boris Johnson ne connaît sans doute pas Fernand Raynaud, dommage pour lui – il aurait pu lui piquer quelques autres gags. Et il se serait surtout montré plus attentif aux conséquences de ce Brexit lancé dans un geste emphatique de fierté et d’orgueil nationalistes (« Rule, Britannia ! ») mais parfaitement indifférent à ses conséquences pratiques. Genre l’intendance suivra…

Ces conséquences, les Britanniques commencent peu à peu à les découvrir : fermeture progressive des stations d’essence, difficultés d’approvisionnement, tensions avec l’Irlande. Faute de chauffeurs et de carburant, les camions restent au dépôt, les chauffeurs polonais ou roumains sont partis travailler sur le continent. Les boulangers suivront bientôt le mouvement…

Faute d’essence, la reine elle-même a été obligée de laisser sa Rolls au garage et de faire dépoussiérer son vieux carrosse pour aller faire ses courses. En croisant les doigts pour que les chevaux qui le tirent soient tous de sang anglais.

Si le tonitruant Boris Johnson ne connaissait pas l’humoriste français des années cinquante, il a pourtant dû lire sa compatriote Daphné du Maurier. Dans un de ses derniers romans (« Rule, Britannia », bizarrement traduit sous le titre « Mad »), la brillantissime romancière imagine que la Grande-Bretagne vient de quitter l’Union européenne (le roman date de 1971). S’ensuivent des pénuries de carburant et d’approvisionnement. Le pays exsangue fait appel au grand frère américain qui envahit brutalement l’ancienne puissance coloniale, sans plus d’égard pour sa population qu’il n’en a eu lors de quelques expéditions précédentes des boys (le roman a été écrit à la fin de la guerre du Vietnam) …  

Quand on voit le rapprochement militaire récent des Anglais et des Américains avec les Australiens, on se dit que Daphné du Maurier a décidément fait preuve d’une étonnante clairvoyance !  

Si l’Ecosse dégoûtée quitte à son tour l’empire suivi du Pays de Galles puis des Cornouailles, restera à Boris Johnson de se faire élire président de Pimlico pour éviter que ce célèbre quartier de la cité de Westminster à Londres ne proclame à son tour son indépendance, comme il l’a fait dans une excellente comédie britannique jadis (« Passeport pour Pimlico » de Henry Cornelius), à l’époque où les Anglais préféraient l’humour à la politique…

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ET AVEC CA, EMBALLAGE CADEAU ?

  Dans le monde politique flamand, certains ne comprennent pas que les dirigeants wallons fassent la fine bouche devant la proposition de leur ministre-président d’accorder un prêt à la Wallonie pour tamponner les ravages des inondations.

Un prêt, quelques liasses de billets, qui traînaient sous le matelas et qu’il faudra rembourser plus tard ? La proposition du gouvernement flamand est un peu misérable alors que des citoyens flamands ont montré l’exemple d’une vraie solidarité en donnant leur temps, leurs camions, leur énergie à aider immédiatement les sinistrés dans la détresse.   

Vraiment, il aurait pu faire beaucoup mieux, M. Jambon. Plus généreux, plus fort. Donner plutôt que prêter. Donner quoi ?

La Tour de l’Yser, par exemple. Qui pourrait être démontée pierre par pierre et rebâtie à la place du signal de Botrange, façon de hausser le sommet de la Belgique à 750 m au lieu des bêtes 700 mètres actuels. La tour est moche, c’est entendu, mais en cas d’inondation, quel remarquable abri pour ceux qui auront la bonne idée de s’y réfugier. De plus, ce déménagement entraînera un afflux de nouveaux touristes flamands dans les Fagnes. Tout en débarrassant Dixmude de cet encombrant tas de briques sinistres qui seront remplacées avantageusement par de rutilantes villas quatre façades.

Dans la foulée, la Flandre pourrait aussi refiler à la Wallonie quelques fans du pèlerinage de l’Yser, Tom Van Grieken, le capo du Vlaams Belang, et son compère Dries Van Langenhoven, le duce du mouvement Schild en Vrienden. Ça ne coûtera pas grand-chose à la Flandre, inondée sous le nombre de politicards d’extrême droite, alors que la Wallonie ne parvient pas à en faire pousser un seul – même Zemmour a renoncé à immigrer chez nous. 

Si le sacrifice est trop lourd, la Wallonie se contentera de quelques jolies cabines de plage à installer près des retenues d’eau de nos barrages et que pourront occuper les guetteurs que le gouvernement wallon va recruter pour prévenir les prochaines catastrophes (c’est la meilleure suggestion à retenir des commissions d’enquête sur les inondations).  

La Flandre pourrait aussi proposer à la Wallonie d’accueillir quelques-uns de ses nombreux et brillants artistes, Bart Moeyaert (aïe ! il vit déjà dans le Hainaut), Jan Fabre (heu, c’est un peu touchy), Peter Aspe (flûte ! cet excellent auteur policier vient de nous quitter), Tom Lanoye (on ne le fera pas quitter l’Afrique du sud), Anne Teresa De Kersmaeker (difficile, elle est citoyenne du monde, comme le magnifique poète et romancier Stefan Hertmans.) 

Reste à proposer que le port d’Ostende soit rattaché à la Wallonie, l’autoroute E 40 servant de corridor, mais le précédent de la ville libre de Dantzig entre les deux guerres ne rend pas le projet très excitant…

Et si la Wallonie et la Flandre formaient un état appelé la Belgique, ce ne serait pas une bonne idée ?

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MUTTI & MUTTI

 Ma chère tante Herta avait imposé à son mari la présence de sa mère. On l’appelait tous Mutti. Je ne lui ai jamais connu d’autre nom. C’était une espèce de sergent-major de l’empereur Guillaume II, fière d’être prussienne (« Nous ne sommes pas Allemands, répétait-elle à sa fille, nous sommes Prussiens. Comporte-toi en conséquence »).

Elle a tenu ma tante Herta et son pauvre mari Harry sous sa coupe jusqu’à sa mort. Aussi loin que je m’en souvienne, elle a toujours eu l’air d’une farouche centenaire. Elle me terrorisait autant que sa fille et son gendre, pourtant un dur-à-cuire. 

Je croyais Mutti définitivement morte, enterrée et oubliée quand est apparue Angela Merkel.

La première fois que j’ai entendu un journaliste l’appeler Mutti, je suis tombé de ma chaise. Oh, non ! La revoilà ! Pauvre Allemagne ! N’a-t-elle pas déjà assez payé ? 

Une mauvaise nouvelle ne venant jamais seule, voilà-t-il pas que je découvre que sa mère vient de Prusse. 

Peu à peu sont apparues les différences entre Angela et ma Mutti, toute d’un bloc (de l’est). Angela a rapidement appris à voir le monde en double, à accepter le noir et le blanc en même temps, à gérer les inconciliables. Elle a été élevée dans un des pires régimes communistes d’Europe mais son père était pasteur protestant. Formée dans le moule des rouges, elle a pris la direction du parti conservateur à l’ouest. Spécialisée en physique et chimie, elle est devenue chercheuse en chimie quantique, qui suppose qu’on peut connaître deux états en même temps (théorie illustrée par le chat de Schrödinger mort et vivant à la fois selon la façon dont on observe la pauvre bête). 

Tout ça a fait de la nouvelle Mutti la plus raffinée des personnages politiques européens, la plus civilisée. Sans cesse réélue depuis 1990 et à la chancellerie depuis 2005. Ce qui prouve que quand on voit double, on a deux fois plus d’électeurs…     

Car son admirable schizophrénie lui a permis de rester à la tête d’un parti dont les électeurs se méfient des étrangers (pour le dire gentiment) tout en accueillant un million de réfugiés du Moyen Orient en 2015 pendant que le président français, qui n’a que les mots de droits de l’homme à la bouche, a fermé les yeux et les frontières sur cette catastrophe humanitaire (la France a accueilli 7.000 réfugiés syriens et irakiens cette année-là). 

Angela Merkel aura donné un visage à l’Europe, montré ce que peut être la civilisation européenne au-delà de la mosaïque contradictoire et pusillanime des pays de l’Union et de la bureaucratie étouffante et stérile de ses institutions.

Que va faire Mutti de sa nouvelle vie ? Même si le russe est sa seconde langue, on la voit mal devenir, comme G. Schröder, le laquais de Poutine. Retour à la chimie ? Pour nous concocter un strudel inédit qui, selon l’endroit où on le dévore, aurait en même temps le goût du nord et du sud et les épices de l’ouest et de l’est ?  

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QUE FAIT LE GIEC LE DIMANCHE SANS AUTO ?

Le dimanche sans auto, c’est celui où seuls les véhicules prioritaires sont autorisés à écraser cyclistes et piétons, celui où l’on voit une fois par an des deux-roues s’arrêter aux feux rouges, c’est aussi le jour où les piétons se font engueuler par les cyclistes lorsqu’ils osent descendre des trottoirs et se promener sur le macadam. Comme quoi, même quand les autos ont disparu, il y a toujours quelqu’un qui prétend être le roi de l’asphalte. 

Le dimanche sans auto c’est le jour béni où les voleurs s’en donnent à cœur joie à rafler les deux roues rangées devant les églises à l’heure de la messe. Vu le nombre, le Seigneur n’a pas promis de les remplacer. Loué soit-il néanmoins.

C’est aussi le seul jour où les cyclistes ont intérêt à rouler masqués vu la foule qui se presse pour défiler dans les rues du centre de la ville. Impossible de respecter les distances quand on est entouré de tant de maladroits qui tiennent avec peine sur leurs bécanes, vu qu’ils ne les sortent qu’une fois par an.      

Le dimanche sans auto, c’est le jour où l’on a bonne conscience d’avoir milité contre le changement climatique, ce qui permet de reprendre son SUV le lundi matin pour une fois le cœur léger avec l’impression d’avoir permis de sauvegarder la planète car on n’a pas sorti la bagnole du garage, pas comme les voisins qui se sont enfuis à la mer ou dans le Ardennes dès potron-minet pour affirmer leur liberté. Ah ! Cette chère liberté sacrée, très à la mode ces temps-ci, tout le monde l’exhibe comme un drapeau, la liberté de ne pas se faire vacciner, de ne pas devoir montrer de covid-pass, de ne pas porter de masque, de ne pas être privé de son tacot…

Le soir, quand les barrières qui emmurent Bruxelles sont levées et que l’on retrouve le parfum rassurant du diesel et de l’essence, j’en connais qui sont si fiers d’avoir respecté la consigne qu’ils sont sincèrement persuadés d’avoir sauvé la planète. Et ils s’étonnent que les rapports si touffus du GIEC ne contiennent pas une ligne pour saluer leur courage et que les conclusions des experts annonçant l’apocalypse n’ont pas été rectifiées pour tenir compte de leurs efforts. 

S’ils ont été si gentils avec la nature ce dimanche-là, ils attendent que la nature soit aussi gentille avec eux. Donnant-donnant. Sinon, pourquoi tant de sacrifices ? 

Quelle déception si la semaine suivante, la nature furieuse remet ça, inondations, incendies, etc. Non, ce n’est pas possible que le destin ne nous envoie pas un signal pour saluer l’héroïsme dont nous avons fait preuve en sortant dimanche la petite reine plutôt que notre char à bœufs. 

Mais, face au destin, c’est comme face à Dieu. On a l’impression qu’il joue aux dés avec nous. 

Comme le dit un proverbe vietnamien « Le destin est aussi généreux pour l’homme que la mangouste l’est pour la souris »…  

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21 COMME SI ON Y ETAIT

  21 a commencé dans une joyeuse effervescence avec l’installation du président Biden (et de la vice-présidente Kamala Harris) et la mise à feu de la campagne de vaccination.

Deux fléaux allaient disparaître en même temps, la covid 19 et le président Trump.

Las ! Six mois plus tard, l’avenir reste plus flou qu’on ne l’espérait. Malgré une organisation remarquable, en tout cas en Belgique, la vaccination n’a pas réussi à éliminer l’angoisse du virusissime et de ses vilains variants (sales gosses, va !) Pendant ce temps, voilà que Trump pointe à nouveau le bout du nez. Façon de lancer un nouvel épisode de Retour vers le futur. 

On espérait pourtant beaucoup de 21, un chiffre magique aux Etats-Unis, l’âge où l’on peut acheter une arme à feu, des munitions et consommer de l’alcool. C’est aussi le vingt et unième amendement de la Constitution qui a aboli la prohibition de l’alcool. Santé à tous et toutes !

Mais aucun savant, même pas le professeur Raoult, n’a réussi jusqu’ici à établir un lien entre la consommation de boissons alcoolisées et la disparition du virus. Désolé pour les supporters de football… 

Autre bégaiement. On s’attendait à célébrer à l’occasion de Pâques puis des grandes vacances la fin de la pandémie. Mais la fiesta reste en pointillé. On remettra une fois de plus la libération à plus tard. Comment faire alors si on veut à tout prix éviter Blankenberge et Durbuy et passer les frontières ? On improvisera jour après jour et on zigzaguera entre zones oranges devenant brusquement rouges pour se diriger vers une zone blanche en évitant un cluster intermédiaire. Un jeu de pistes qui constituera une excellente animation pour les enfants, chargés de garder en permanence l’œil sur la carte d’Europe du site des Affaires étrangères (dès qu’on leur donne un écran, ils sont contents). « A gauche, papa, à gauche. Faut éviter Metz, en train de basculer en zone interdite, et faire le détour par Vichy ! » Puis prendre le maquis pour ne pas foncer droit dans une zone contaminée… Qu’est-ce qu’on va s’amuser cet été sur les routes ! 

PS : n’oubliez pas les livres dans votre trousse de secours. Deux excellents romans policiers à dévorer dans votre refuge : « Terra Alta » de Javier Cercas. Une enquête dans les terres arides de Catalogne par un des meilleurs écrivains espagnols, qui a rendu la mémoire de la guerre civile. Dans un autre genre, la délicieuse série de Nadine Monfils (deux titres parus) qui envoie surréalistiquement René et Georgette Magritte enquêter d’abord à Bruxelles puis à Knokke dans une Belgique ancienne imaginaire mais poétique et drôle. Et un faux polar, « Au soleil, la nuit ». L’histoire d’une jeune prof à la fin des sixties qui part en rando dans le grand Nord, où elle disparaît… Très beau récit de Rose-Marie François. 

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ADIEU MONDE CRUEL !

  Une enquête vient d’être ouverte en France après l’effacement des comptes en crypto-monnaie des fonds confiés par des investisseurs à un gestionnaire de fortune. Une seconde a suffi pour que toutes les économies de leurs clients disparaissent dans un grand trou noir. 

   Le GIEC annonce un avenir post-apocalyptique pour ceux qui peuplent notre pauvre planète bleue, qui va, selon ces experts, changer de couleur : demain, la Terre sera la nouvelle planète rouge. Mais nous serons peu nombreux à assister à la disparition de toute vie actuelle, promettent les joyeux drilles du GIEC, imprégnés manifestement des textes bibliques. A la veille des vacances, on se retiendra donc de chanter : « les cahiers au feu et les profs au milieu » !  

   Le point commun entre ces deux infos : l’effacement. Voilà donc la pire menace qui plane sur notre époque, nos civilisations. 

   La disparition des supports physiques, papier ou film, met en danger la conservation de la mémoire. Même les archives papier sont systématiquement détruites après avoir été numérisées. 

 Or, qu’un « bug » informatique bloque d’un coup la toile et hop ! tout redevient page blanche. Un auteur de science-fiction nous racontera un jour les avatars d’un groupe de hackers maladroits, des Pieds Nickelés de l’ère informatique, qui auront poussé sur le mauvais bouton ou créé d’épouvantables virus informatiques qui, échappant à leur contrôle, dévoreront toutes les données sur leur passage. 

Les profs d’histoire du futur passeront directement de l’enseignement du vingtième siècle à celui du vingt deuxième siècle, expliquant à leurs étudiants que ce qui s’est passé pendant cette grande parenthèse reste un mystère aussi profond que la disparition des dinosaures ou l’état de l’univers avant le Big Bang. 

   Tout ce qu’on écrit, filme, lois, décisions, la naissance et la mort, tout est gravé sur des disques durs, stocké dans le cloud. Un coup de vent et tout disparaît…

Le mouvement est d’autant plus irrésistible -sinon irréversible- que l’effacement de la mémoire s’inscrit dans l’air du temps. Il n’est pas seulement un risque technique. On s’est mis à vivre dans le moment présent, sans passé, sans futur. La mémoire de l’histoire et des histoires est passée de mode. 

Ce qui se reflète dans le succès des réseaux sociaux : la photo, le commentaire sont déjà oubliés quelques heures plus tard. Seules l’image ou le propos choquants subsistent un peu avant de se perdre sous d’autres propos scandaleux bien vite oubliés eux aussi. Tout ce qui a été posté redevient poussières. 

Si jadis on collectionnait les livres, les disques, les films, on ne collectionnera jamais les données. 

« La distinction entre le passé, le présent et le futur n’est qu’une illusion, aussi tenace soit-elle » disait Einstein. Donc, soyons fous et bonnes vacances !

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BRUXELLES, MA BELLE …

Pour sa première visite sur le vieux continent, le président Biden a choisi une seule étape. Mais doit-on se réjouir que Bruxelles s’affiche comme capitale de l’Europe ?

Cette désignation ne figure pourtant pas dans le traité de Rome de 1957. On a souvent accusé le gouvernement belge de l’époque de sa passivité et de son manque d’initiative pour expliquer cette carence dans l’acte fondateur. Ne faut-il pas plutôt se demander si le premier ministre Achille Van Acker et son ministre des Affaires étrangères, Paul-Henri Spaak, ont eu la prescience de ce qui attendait notre bonne ville le jour où elle paraderait comme le nombril de l’Europe.

Dans l’opinion publique, aucune ville n’a acquis plus mauvaise réputation que notre pauvre cité. Tout ce qui va mal, déplaît, ne fonctionne pas, ce n’est jamais la faute des chefs d’état réunis en Conseil ni celle de la Commission, encore moins du Parlement. C’est toujours la « faute à Bruxelles ». 

Un Bruxelles imaginaire puisque ni ses habitants, ni même les autorités en surnombre qui gèrent la Région et la ville n’ont la moindre influence sur ces fameuses décisions, règlements, directives, qui pointent Bruxelles en bouc-émissaire de toutes les frustrations politiques du continent.

Pour les Bruxellois, l’Europe a le visage d’une série de citadelles inaccessibles coupées de la vraie vie dans lesquelles travaillent des fonctionnaires qui n’ont aucun lien avec les citoyens du cru et qui sont enviés ou détestés pour leurs privilèges, notamment fiscaux. 

La seule image que les Bruxellois ont de ce « Bruxelles » que l’Europe maudit, ce sont ces tours sans âme, ces quartiers déserts la nuit (et les mois de covid), ces forêts de béton glauque, qui ont éliminé des quartiers entiers du Bruxelles d’avant. L’Europe, ce sont aussi les embouteillages inextricables que provoque chaque sommet ou chaque visite d’un hôte soi-disant prestigieux. (Et là, on est injuste car les responsables régionaux de la mobilité sont largement responsables de ces blocages et de la guerre entre utilisateurs des voies publiques, socialistes et verts se disputant les électeurs « doux »  à coup de mesures contre l’auto et pour le vélo sans aucune coordination, sans plan de circulation, sans cohérence sinon de brandir leurs trophées : j’ai osé imposer le 30 km, j’ai fait circuler les cyclistes dans les sens uniques, j’ai fait des piétonniers, j’ai fermé des rues, fait s’écrouler des tunnels, j’ai beaucoup embêté les automobilistes, etc).

Ces visiteurs internationaux qui paradent à Bruxelles, ne croyez pas que l’on peut les voir. Il faut les protéger par des bataillons de flics de l’amour que voudraient leur manifester les Bruxellois. Idéalement, les eurocrates rêveraient que Bruxelles soit vidée de ses résidents depuis que l’Europe a décidé de l’occuper, comme les Khmers rouges ont repoussé les habitants de leur capitale dans les campagnes. Le problème, c’est qu’il n’y a plus de campagne en Belgique… 

Et que les artères de notre prestigieuse capitale sont tellement sous pression grâce à notre exemplaire politique de mobilité que même si des extra-terrestres hostiles débarquent à Bruxelles, évacuer la ville durera trois mois. Ce qui est sans danger, il est vrai, s’il apparaît que ces extra-terrestres n’ont envie que de bouffer des cuisses d’eurocrates… 

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