LIBERTE, JE CRIE TON NOM !

   Ode à la résistance écrit en 1942, « Liberté », ce beau poème de Paul Eluard continue de bercer l’actualité. Sur mes cahiers d’écolier/ Sur mon pupitre et les arbres/ Sur le sable sur la neige/ J’écris ton nom.

   Sauf qu’aujourd’hui, on ne pose plus le mot avec douceur sur le papier, on le crie. 

   Depuis la disparition des idéologies, chacun est devenu son propre héros. Et il entend le faire savoir. Avec l’arrivée des réseaux sociaux, le culte du moi permet d’être gravé dans le marbre virtuel d’internet. Et pas question de critiquer ou censurer les propos du héros. Ce serait déboulonner sa statue, nier sa stature. 

   Désapprouver les certitudes de tous ces quidams devenus héros, c’est porter atteinte à leur liberté. Critiquer les anti-vax, par exemple. Je refuse de me faire piquouiller, c’est ma façon d’affirmer ma liberté, déclarent les opposants au vaccin. Qui préfèrent mourir, à bout de souffle, au nom de leur soi-disant liberté dans un coin obscur d’une salle de réanimation que de vivre avec quelques gouttes de Pfeizer ou Moderna dans leur précieux corps immaculé. 

   Parmi ces joyeux drilles, il y a même quelques médecins égarés. Tenez, le docteur Hoeyberghs. Ce chirurgien a écrit au Conseil de l’Ordre des Médecins pour se plaindre de son collègue, le virologue Marc Van Ranst, « qui occupe un poste secondaire de propagateur de folie dans les médias” (sic). Il a aussi lancé, avec une centaine d’autres, une procédure en référé contre l’État afin de suspendre les mesures sanitaires prises pour lutter contre la pandémie de coronavirus. Des mesures qui, selon lui, constituent une violation de la Convention européenne des droits de l’homme. “La pauvreté intellectuelle de leur argumentation est stupéfiante”, a notamment répondu le juge.

  Toujours soucieux d’affirmer sa liberté d’opinion, même si elle se révèle complètement cinglée, le Dr Hoeyberghs a été invité à un séminaire d’un club d’étudiants à l’Université de Gand devant lesquels il a tenu des propos hallucinants sur les femmes. Son boulot de chirurgien plastique n’ayant démoli que quelques clientes, il s’en est pris cette fois à la gent féminine dans son ensemble avec une vulgarité et une violence inouïes. Ce qui lui vaut une condamnation prononcée il y a quelques jours par le tribunal correctionnel de Gand (Dr Zinzin va en appel). Une condamnation qui fait l’objet de discussions. Où s’arrête la liberté d’opinion ? demandent sans rire certains parlementaires notamment N-VA, qui proposent de revoir la loi contre le sexisme. 

  Dans bien des pays, on doit nous envier de pouvoir organiser pareils débats sur la liberté alors que là-bas, on n’a même pas le droit d’ouvrir la bouche. On les consolera en citant Henri Jeanson :  La liberté est une peau de chagrin qui rétrécit au lavage de cerveau.     

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ROIS-MAGES-2.0

  Je ne veux pas paraître réac’ type Zemmour, genre c’était tellement mieux avant quand les Français portaient tous un joli prénom chrétien, Melchior, Gaspard ou Balthazar, et qu’ils mangeaient du gâteau à la frangipane avec un morceau de plastique à l’intérieur acheté chez Delhaize plutôt que des savoureuses tajines à l’agneau, mais il faut reconnaître qu’il était drôlement plus facile de se rendre des bords de l’Euphrate jusqu’à Bethléem en l’an zéro de notre ère que 2022 ans plus tard.  

Partant de Bagdad, il suffisait de suivre l’étoile et, après quelques dizaines de jours de marche, et quelques auberges accueillantes, on se retrouvait à 900 km de là sans la moindre entrave dans les rues de Bethléem. 

Pardon, monsieur, pouvez-vous m’indiquer l’étable du charpentier Joseph ? Tournez à gauche puis allez au bout de la rue. Vous ne pouvez pas vous tromper, il y a déjà du monde.  

Aujourd’hui, vous vous heurterez aux policiers irakiens puis aux douaniers syriens, aux soldats russes et iraniens ainsi qu’aux miliciens du Hezbollah, puis aux soldats israéliens. Le temps pour chacun de vérifier vos papiers, votre passeport vaccinal, de vous obliger à vous soumettre à deux ou trois tests PCR dont vous attendrez le résultat dans la prison locale, le divin enfant sera déjà sur la croix le temps que vous arriviez à destination. Et le parfum de la myrrhe et de l’encens, il se sera évaporé depuis longtemps. Quant à l’or, il y a peu de chance qu’il vous en reste même de la poussière après la fouille de vos bagages par les uns et les autres. Si vous arrivez finalement chez Joseph, il faudra faire la file dehors, en respectant la distance de sécurité. Et n’oubliez pas le masque. 

Lors des contrôles, vous pourriez tenter de réclamer une priorité de passage en faisant valoir votre titre de rois. Mais, dans notre époque de scepticisme et de méfiance, peu de chance qu’on vous prenne au sérieux. Vous êtes rois ? Tous les trois ? Hé, les copains, venez voir, on a trois rois pour le prix d’un ! Et votre couronne, majesté, vous l’avez oubliée ? Soyons sérieux, quel est le but de votre voyage, les gars ? On va honorer le roi des Juifs qui vient de naître. Houla ! Ce n’est pas bon ça ! Evitez d’indiquer le vrai motif de votre déplacement à l’entrée en Syrie si vous ne voulez pas disparaître dans les geôles d’Assad. Mieux vaut aussi ne pas le raconter aux douaniers israéliens, vous risquez de finir vos jours dans un asile de fous quelque part en Galilée. 

Autant vous adapter à ce siècle, évitez de voyager, ce n’est pas le moment. Et servez-vous d’internet. Un mail de félicitations au papa putatif suffira, accompagné de quelques émojis célestes. Inutile de vous déranger. 

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FAUT-IL VACCINER LE DIVIN ENFANT ?

    Et qu’en pensent les rois mages ? A mon avis, évitez de leur poser la question autour de la table des réveillons. Pour zapper la conversation dès qu’un des convives sort de son chapeau le variant omicron, la vaccination des petiots, le pass ou la liberté de ne pas de faire piquer, voici quelques suggestions qui permettent de poursuivre le festin jusqu’au pousse-café sans déchirures ni hurlements. 

    Pendant qu’on sert les entrées, évoquez les élections chiliennes. C’est autant d’actualité que le variant omicron mais c’est loin, de l’autre côté du globe. Pour alimenter votre prestation, il suffit de savoir que le candidat de la gauche radicale, Gabriel Boric, a remporté la présidence contre un partisan de l’extrême droit musclée. Un peu comme si Raoul Hedebouw devenait ministre-président flamand en battant Tom Van Grieken. Ou si Jean-Luc Mélenchon battait sur le fil Eric Zemmour après avoir éliminé au premier tour Macron, Le Pen et Pécresse – ce qui n’est pas si absurde ; il y a parfois des surprises dans les cadeaux du Père Noël. Evidemment, si votre voisin étourdi embraye en déclarant qu’avec Mélenchon, la crise sanitaire a de beaux jours devant elle, passez vite à autre chose. 

   Lorsque l’oncle dépose la dinde farcie sur la table (qui ressemble étrangement à un poulet compote mais passons), en grognant qu’à la réflexion, tout n’était pas si mauvais sous le règne de Pinochet, il est temps de tourner la page. Vers le tourisme spatial par exemple. Un thème qui ne devrait pas créer polémique. Jeff Bezos dépensant un pognon de fou pour flotter quelques minutes à 107 km de la Terre. S’il voulait brûler ses billets, n’avait-il pas mieux à faire que des selfies devant un hublot ? Ajoutez que son entreprise, Amazon, dépense encore plus d’argent en réquisitionnant tous les cartons du monde, ce qui prive de papier les éditeurs de livres et de journaux. Et comment on aura encore des infos sur la pandémie ? s’écriera un convive. D’accord, changeons de sujet ! La Chine, pourquoi pas ? Mais évitez de citer le laboratoire de virologie Wuhan et le marché des animaux vivants non loin de là. Le sort des Ouïgours alors ? Prudence, tout de même. Connaissant l’oncle, il risque de faire remarquer que s’ils s’enfuient des camps de rééducation où ils sont parqués, ils pourraient bien débarquer chez nous. Avec Dieu sait quelle maladie. Le harcèlement sexuel ? La restitution des œuvres du Musée royal du Congo belge, comme dit l’oncle, qui rappelle qu’il est né à Léopoldville ? Les sujets ne manquent pas. Heureusement, voici venir la bûche. Pourvu qu’elle ne soit pas glacée, s’inquiète tante Louise. Si on se met à tousser et à schnouffer, imaginez sur quoi va se terminer la conversation…   

    Bonnes fêtes tout de même !    

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TÊTE DE TURC

   Une partie des personnels des hôpitaux (surtout francophones) ont manifesté mardi dernier contre l’obligation vaccinale. Soulagement ce jour-là pour les patients des établissements de soins : les soignants non vaccinés étaient dans la rue, pas à leur chevet. 

   Le gouvernement se demande comment éviter la disparition d’une partie des blouses blanches après le vote de la loi sur la vaccination obligatoire. C’est simple : il suffit de faire défiler les anti-vax tous les jours, ce qui évitera leur licenciement si décrié tout en préservant les malades de l’infection.  

    Peu auparavant, les syndicats défilaient pour le pouvoir d’achat et quelques jours plus tôt, c’était la maréchaussée qui battait le pavé. 

    Et demain ? Les fans frustrés par la fermeture des discothèques, les pompiers lassés d’arroser les manifestants, les taximen et uberistes à tour de rôle, les employés et fonctionnaires fatigués du télétravail, les profs dont les classes ferment un jour sur deux, les élèves qui étouffent sous le masque. Même l’association des St Nicolas proteste après l’annulation de la Party qui était prévue le week-end dernier au Sportpaleis d’Anvers et qui devait rassembler 100.000 personnes (ne vous frottez pas les yeux, il y en a autant qui se presse au marché de Noël dans le centre de Bruxelles sans que les autorités ne s’en inquiètent). 

   Les Grecs ne sont pas en reste : ils se proposent de saisir le parlement européen afin que l’on oblige tous ceux qui utilisent les lettres de leur alphabet pour désigner les nouveaux variants du Covid-19 de payer des royalties. Habile façon de renflouer le budget de leur pauvre pays. En échange, promettent-ils, ils accueilleront enfin décemment les réfugiés qui s’entassent dans des camps à côtés desquels les favelas apparaissent comme des quartiers chics. Mais, méfiance, rappelons-nous ce que faisait dire Virgile à un des personnages de l’Enéide : « Je me méfie des Grecs même lorsqu’ils promettent des cadeaux » …

   Drôle d’époque où tous les mécontents ont trouvé leur tête de Turc. Tout ce qui nous tombe dessus, c’est la faute du gouvernement ou du ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke, pourquoi pas du ministre du Budget wallon, en tout cas des dirigeants politiques de notre abracadabrant pays. C’est vrai que manifester dans les rues de Bruxelles contre ce sacré virus (« Covid, bas les pattes ! Tu as eu notre peau, nous aurons la tienne ! ») risque de rester sans effet vu sa compréhension limitée du français et du néerlandais.  

   De Croo et son équipe paraissent donc avoir le profil idéal pour continuer à jouer les Guignols jusqu’à ce que ce brave coronavirus veuille bien aller se promener sur une autre planète…

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FAITES UN MUR, PAS LA GUERRE

   Un mur ? Voilà la bête solution proposée par la Pologne pour fermer sa frontière avec la Biélorussie et empêcher des immigrés fuyant l’Iraq et la Syrie de pénétrer sur son territoire sacré. « Faites un mur, pas la guerre », le slogan est vraiment simpliste mais il touche facilement les citoyens européens effrayés par cette « vague migratoire ». Protégé par ce rempart, on n’entendra plus parler de cette horde qu’on craint de voir déferler sur nous ! Beaucoup protestent en oubliant que les Polonais ne sont pas les premiers Européens à construire un bastion contre les étrangers. Il y a déjà une redoutable barrière à Ceuta, la ville espagnole située sur la côte africaine, pour empêcher de passer du Maroc en Espagne. Un ensemble de clôtures et de barbelés construits avec l’aide financière de l’Union européenne depuis 2001. Au pied de laquelle on compte plusieurs morts, abattus par les forces de sécurité. Les autres candidats à l’exil ? Eh bien, ils sont passés évidemment. Au-dessus, en-dessous, sur le côté…

  Si un mur avait séparé la France de l’Algérie, la famille de Zemmour aurait-elle traversé la Méditerranée ? S’il y en avait eu un entre l’Allemagne et l’Autriche en 1913, Hitler serait-il resté dans son pays pour finir comme un obscur barbouilleur ? 

   Savez-vous que la préfecture de Paris a construit il y a quelques semaines un mur entre Pantin et Paris ? Façon, prétend sans rire le préfet de Paris, d’éviter l’arrivée de vendeurs de drogues venus de Seine St Denis dans la capitale ! 

   Grâce au mur, rêvent ses constructeurs, on ne voit plus ce qui se passe de l’autre côté. On n’entend plus rien, sinon un vague murmure. Méfiez-vous des murmures. Dans un de ses « poèmes barbares » Leconte de Lisles écrivait : « J’entends un immense murmure/Pareil aux hurlements de la mer ou des loups ». 

   Si l’Europe n’est plus capable d’accueillir ceux qui sont chassés par la dictature, la répression, les malheurs, que reste-t-il des valeurs sur base desquelles elle prétend s’être bâtie ? On semble oublier combien d’immigrés ont fait la grandeur de notre civilisation, de nos pays, comme le rappelle cette semaine avec un clin d’œil Joséphine Baker, tellement plus française que bien de soi-disant Français « de souche ». Pendant que les Français la portent solennellement au Panthéon, ils laissent mourir en mer des candidats à l’exil partis vers la Grande-Bretagne, trop contents d’en être débarrassés. Avec l’approbation de notre ministre de l’Intérieur. 

Une idée pour redorer le blason de ce pauvre Rudi Vervoort. Ne pourrait-il charger les chauffeurs Uber, qui se tournent les pouces, de recueillir et de promener au chaud les malheureux étrangers qui errent sans logis dans les rues de Bruxelles ou crèvent de froid devant le Petit-Château ?  

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LES CRAPULEUX DE MA STROTJE

 Pourquoi sombrer dans la noirceur de cet automne maladif ? Bouteille à moitié vide, bouteille à moitié pleine, les mêmes événements peuvent se lire avec colère ou avec sourire. Relisez les infos inquiétantes de la semaine par l’autre bout de la lorgnette. 

Une partie des écoles de la Communauté française ne sont plus chauffés ? En compensation, les enfants pourront venir casser les pieds de leurs parents, soigner leurs rhumes et se farcir la télé la veille du réveillon de Noël dès midi. On dit merci qui ? Merci madame la Ministre et sa méthode originale pour se préoccuper de la santé des écoliers et des chaudières scolaires. Si c’est trop long d’attendre le 24 décembre, les plus frileux pourraient dès à présent mettre leurs cahiers au feu et les profs au milieu. 

Sans attendre la Saint Nicolas, des médecins distribuent de fausses attestations de vaccination ? Cela démontre l’inventivité et l’esprit d’entreprise de certains de nos concitoyens, prêts à concilier business et charité. Comme les charlatans en question vont être obligés de se vacciner bientôt, avec tout le personnel de santé, la question est : vont-ils trouver des confrères prêts à leur délivrer à leur tour de faux certificats de vaccination ou bien les malheureux Esculape vont-ils vraiment se faire piquer ? Aïe ! Ouille ! 

    Autre bonne nouvelle de la semaine, les dizaines de milliers de manifestants qui ont battu le pavé glacé de la capitale le week-end dernier. En protestant les uns contre la vaccination, les autres contre le passeport vaccinal, voilà des milliers de clients en moins pour ces escrocs !  

    Mais le plus réconfortant, c’est de découvrir semaine après semaine la débâcle de ceux qu’on a si longtemps considérés comme les Titans du foot belge, Anderlecht et Standard. Ces équipes qui, avec Bruges, trustaient la tête du championnat avec la même régularité et le même ennui qu’Hamilton en F1. Mais on a tort une fois de plus de se lamenter. La défaite des trois stars est trompeuse. Si les mauves, les rouches et les bleus et noirs patinent dans la choucroute, on se frotte les yeux en contemplant le retour sur la planète bleue de l’Union Saint Gilloise. 

Sans le bon vieux Daring pour lui faire la nique, l’Union s’est retrouvée en quelques mois pétant la forme comme au bon vieux temps de Bossemans et Coppenolle. Redonnant au bon vieux foot « familial » ce coup de nostalgie dont il a bien besoin. Même si c’est trompeur, c’est tellement plus excitant de se plonger dans un stade plein des crapuleux de nos strotjes que de célébrer par exemple les gros bras gonflés à coup de millions qataris du bling-bling PSG. 

Si Madame Chapeau n’a pas les sous pour payer son ticket d’entrée au stade, je suis prêt à lui donner le lapin qui se trouve au fond de mon tiroir pour qu’elle se fasse un peu de monnaie… 

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LAISSE-LE, C’EST UN FLAMAND !

  Dimanche au marché de Boitsfort. Le poissonnier a la tête d’un vieux marin ostendais, rouflaquettes, casquette et regard bleu froid perçant. Pendant qu’il découpe en filets deux magnifiques soles, il raconte : en sortant de mon camion garé dans la rue qui conduit à la place communale, je perds l’équilibre, je tombe et je m’étale sur la chaussée, incapable de me relever (il sort d’une opération à la jambe). Une dame s’avance pour lui porter assistance. Mais son mari la retient par le bras : « Laisse-le ! C’est un Flamand ! » 

Et le couple lui tournant le dos s’éloigne vers le marché, pour aller acheter du poisson, si ça se trouve ! Ma voisine s’écrie : « je parie que ces malotrus ne sont pas de Boitsfort ! »

L’histoire se termine grâce à deux policiers venus à son secours. (Et qu’il a fait remercier par l’administration communale). 

Mais peut-on dire que cette histoire se termine ainsi ? Ne faut-il pas se demander au contraire si cette réplique n’est que le début de l’histoire ? Où on va là ? Et si le poissonnier n’était pas seulement flamand mais aussi noir ou arabe ? Le « brave homme » lui aurait-il en plus roulé dessus ? Au fond, peut-être qu’il a eu de la chance de n’être que Flamand. 

Fut un temps où un chanteur fameux s’enorgueillissait d’être « noir, juif et borgne ». Il est vrai que Sammy Davis junior était membre du Rat Pack de Frank Sinatra. Il ne devait pas se sentir tout seul en cas d’agression… 

La prochaine fois, notre poissonnier a intérêt à venir à Bruxelles accompagné de son requin !  

On peut se réjouir dans certains cas de « la libération de la parole » si à la mode depuis quelques années. Mais elle n’est manifestement pas un remède universel contre le racisme, la haine et la connerie.

D’où vient que cet homme se soit écrié spontanément, sans réfléchir : « c’est un Flamand » ? Pourquoi n’a-t-il pas dit plutôt à sa femme : « Arrête ! C’est un poissonnier ! » (pas terrible le jeu de mots, excusez-moi). 

Ou : « N’avait qu’à pas participer au réchauffement climatique avec son diesel en pleine COP. » (Un peu sophistiqué peut-être pour ce bonhomme sans doute venu en SUV). 

Et son épouse ? Il n’est plus de bon ton de s’acharner sur une femme mais je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi elle a obtempéré. Comment se fait-il qu’elle ne se soit pas retournée, ébahie, vers son mari : « C’est un Flamand ? Bon. Mais alors ? »

D’ailleurs comment avoir deviné que le poissonnier n’est pas né à Ecaussinnes, Oslo ou Jehay-Bodegnée ? S’est-il écrié « Podferdeke ! » en s’affalant sur le sol ? 

Si ça se trouve, le bonhomme s’est même vanté sur sa page Facebook de son exploit. Encore un bel endroit où la parole se libère, tiens. « J’ai même réussi à mettre un Flamand genou à terre. » Je ne vous dis pas le nombre de « like » qu’il va récolter…

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QU’ON LEUR COUPE LA TETE !

   La grève d’une partie du personnel pénitentiaire rappelle inopinément l’existence de ces institutions, qu’on préfère oublier dans l’ombre. Et le manque criant de moyens pour les entretenir, les faire fonctionner, leur donner une utilité sociale. 

A quoi sert la prison ? A mettre à l’abri de la société quelques créatures particulièrement malfaisantes. A répondre aussi à l’émotion de l’opinion publique qui ne supporte pas que des crimes spectaculaires ne soient pas réprimés et qui proteste déjà quand on libère au bout de quelques jours ou de quelques heures des voyous ou des chauffards agressifs. 

En revanche, ne pensez pas que la prison va transformer les détenus en citoyens. Oubliez tous les grands discours sur la « resocialisation » des détenus, c’est du vent. D’abord parce qu’on n’apprend pas les règles de la vie sociale à quelqu’un qui est enfermé pendant des mois, des années, entre quatre murs de bâtiments dont l’architecture est inspirée par les cachots des châteaux-forts du moyen âge – les vrais, les sinistres, pas ceux qu’on voit dans les aventures de Johan et Pirlouit.

Une société refermée sur elle-même où la seule règle de survie est la servilité à ceux qui ont le pouvoir. 

De toute façon, personne n’est chargé de remettre les détenus sur le chemin de la civilisation. Comme beaucoup en ont rêvé dans les années septante, notamment à travers plusieurs mouvements pour les détenus. Qui ont, il est vrai, débouché sur des améliorations de la législation, la reconnaissance de droits pour les prisonniers mais qui ne sont en pratique guère mis en œuvre. 

Que fait-on quand on est au violon ? Ni de la trompette ni du piston. Le boulot autorisé est rare, quelques ateliers. Les cours qu’on peut suivre derrière les barreaux sont largement insuffisants. Quel est le pourcentage de détenus qui réussissent, au prix d’un grand effort personnel, un examen depuis le fond de leurs geôles ? Combien d’entre eux sont prêts à reprendre (ou à prendre) le chemin d’une vie ordinaire au bout de leur peine ? Bonne chance pour trouver un job en traînant l’image d’une condamnation (devenue indélébile lorsqu’elle a été médiatisée sur internet). 

Les prisons belges sont surpeuplées, notamment parce qu’une partie de ceux qui s’y pressent n’ont rien à y faire. Parce que l’enfermement ne servira à rien, ni à eux, ni à la société. Par exemple, pourquoi mettre à l’ombre tous ces petits revendeurs de drogue qui n’auront d’autre ressources pour survivre, en quittant l’établissement pénitentiaire, que de se remettre au même boulot ?

Parfois, exceptionnellement, le juge se rend compte de l’inutilité de la prison. Il vient de le faire en ne condamnant qu’avec sursis le policier qui avait froidement abattu la fillette d’un couple d’immigrés clandestins et qui pourra tranquillement reprendre son job et son arme… 

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COP 65 ET DEMI

  Voilà que se profile la COP 65 et demi. Pour la première fois, elle se réunit dans l’espace. Il faut dire qu’il n’y a plus beaucoup de villes sur terre capables d’accueillir la grand-messe du climat. Après soixante-cinq COP organisées aux quatre coins de la planète, au cours desquels les mêmes participants ont répété les mêmes discours, est née l’idée de regarder les questions climatiques d’en haut. En contemplant l’ex-planète bleue (devenue orange), on espère que les dirigeants politiques éprouveront un électro-choc salutaire. Qui permettra enfin de sauver ce qui peut encore l’être. Pas grand-chose pour être honnête. L’étendue des dégâts, je ne vous dis pas. Vous pleureriez toutes les larmes de votre corps si la sècheresse n’avait pas supprimé les glandes lacrymales chez les nouveau-nés depuis trois générations. En contrepartie, on observe que certains naissent avec des palmes. Les lois de Darwin sont impitoyables…

L’humanité sur le point de retourner à la mer d’où elle est sortie jadis ? Après tout, les cétacés avaient déjà abandonné la terre ferme pour retourner aux océans et ils nous disent en être assez satisfaits. Faut parfois voir le verre à moitié plein…

Pour la première fois, c’est la Belgique qui joue l’hôte de la COP, ou plutôt ce qu’il reste de notre pays, qui tient tout entier dans l’immense station spatiale Brol, lancée juste avant que le signal de Botrange, qui était devenu notre capitale au fur et à mesure de la montée des eaux, soit à son tour couvert par la mer. 

La mise sur pied de la conférence a été un sacré casse-tête. Lors de son lancement, Brol a été soigneusement divisé entre les trois ex-régions (la communauté allemande a eu droit à un placard mais avec hublot). Pas moyen de s’accorder sur le lieu des réunions plénières. Les Flamands exigeaient qu’elles se tiennent dans leur somptueux auditoire sous peine de larguer les modules wallons et bruxellois – qui sont alimentés, il est vrai, par les Flamands. Les négociations risquant de prendre plus de temps que le réchauffement climatique, la vieille Greta Thunberg, toujours vaillante malgré la disparition de la Scandinavie, a fini par taper du poing sur la table. Quand elle a lancé, ses petites lèvres serrées, « How dare you ? » en dardant son regard de feu, tout le monde a obtempéré. 

Après, ça a été le chaos. Chaque continent, chaque pays, exigeant d’être sauvé en priorité. 

  « L’Afrique avant la France, vous rigolez ? » s’est exclamé le président Justin-Léon Zemmour jr, aussitôt expulsé à l’unanimité du vaisseau spatial. 

On a fini par signer un compromis. En redescendant sur terre, on lancerait sur les eaux un navire, sorte d’Arche de Noé, où prendraient place deux citoyens et citoyennes par pays. 

La Flandre exige deux places pour elle seule, dit le président flamand avant d’être à son tour jeté dans l’espace. 

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HALLOWEEN…

 Mesdames et Messieurs les ministres,

  Encore un Codeco pour rien ! Même pas une petite surprise, une pensée pour moi, malgré l’arrivée de ma fête, Halloween. Vos recommandations Covid, c’est juste de la frime pour m’empêcher de survivre, moi comte Dracula (on ne respecte plus l’aristocratie dans votre triste pays). 

Je suis de plus en plus désolé et furieux des décisions que vous prenez depuis près de deux ans sous prétexte de cette petite pandémie. De grâce, n’exagérez pas ! Moi, qui habite depuis plus de cinq cents ans dans un château mal isolé, surtout l’hiver, j’en ai vu passer des maladies, épidémies, pandémies. Vous croyez qu’elles m’ont empêché de survivre et de mordiller amoureusement, siècle après siècle, les jolies gorges blanches qui avaient la gentillesse de se glisser sous mes dents ? Malgré la peste, le choléra, la variole qui se sont abattus régulièrement sur l’Europe. Vous vous imaginez peut-être que ces vilains virus étaient moins virulents que votre bêbête chinoise ? Vous n’avez pas comme moi le souvenir vivace de ces époques où les grandes pestes ont ravagé Londres pendant cent ans, Moscou, Toulouse, Marseille. Et même, à un jet de pierres de chez moi, Timisoara et Bucarest. Et je ne vous parle pas de la variole qui a notamment emporté la reine Ulrika de Suède quelques jours après une soirée délicieuse en tête-à-tête ou plutôt en dents à cou. Son sang, le très rare groupe sanguin B-, avait la saveur des plus grands crus, mais je préfère rester discret pour ne pas découvrir la couronne. 

Or, que nous imposez-vous depuis si longtemps ? Le Covid-pass, d’accord, je m’en fiche. Mais le masque, la distanciation sociale ? Comment voulez-vous que je survive, si je dois continuer à voiler mes pauvres chicots et me tenir à 1,5 m. de toutes les nuques ; de toutes les gorges du royaume ? Pendant quelques jours, au début du mois, j’ai brûlé un cierge pour votre président, M. Jambon, je me suis même retenu de l’embrasser. Grâce à lui, j’ai espéré me rattraper sur les cols flamands, des beaux et longs cous que je salivais déjà de tâter. Mais las ! Voilà déjà les restrictions de retour. 

Sans hémoglobine, mes canines commencent à battre la campagne. J’ai dû, honte suprême, demander à une dentiste (masquée ! nom de Dieu, masquée !) de me les refixer. 

Bon sang, ne pourriez-vous prévoir une exception pour les vampires ? Après tout, les serveurs de restaurant et de bistrot sont dispensés de se vacciner, comme le personnel hospitalier, alors pourquoi ne pas m’autoriser à dévoiler la mâchoire devant des jeunes filles (consentantes, bien sûr), elles aussi démasquées pour l’occasion ? Sinon, je vous entends déjà gémir sur la fin du dernier survivant de ma race. Comme vous versez des larmes de crocodiles sur la disparition des Dodos et des rhinocéros blancs.         

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