L’humour a tellement évolué ces derniers temps que je ne sais plus très bien quand il faut s’esclaffer et quand il faut se prendre la tête dans les mains. Alphonse Allais, Jonathan Swift, Pierre Desproges, grands satiristes des mœurs et des dérives de leur époque, seraient estomaqués de découvrir ce qui fait rire certains beaux esprits ces jours-ci.
Ainsi de cette affiche éditée par les Insoumis en France pour éreinter Cyril Hanouna. On peut détester le bateleur préféré des chaînes de Vincent Bolloré. De là à le caricaturer en juif maléfique, on se frotte les yeux. La plupart des observateurs et des responsables politiques ont dénoncé ce montage et accusé ses auteurs d’avoir repris l’iconographie des caricatures antisémites des années 1930 et des journaux de l’Allemagne nazie. La France Insoumise vient d’être condamnée par le tribunal de Nanterre.
Mais pas par Jean-Luc Mélenchon, leur leader, qui répond à ces critiques en se demandant s’il va falloir « vérifier tout le temps la religion des gens qu’on caricature »…
Son partenaire, le député Insoumis Paul Vannier, lui, a reconnu « une erreur » qui résulte de ce que ce dessin a été fabriqué par l’IA. Plus précisément par la plateforme Grok, appartenant à Elon Musk. De là, à laisser entendre que le responsable de cette épouvantable caricature produite par son parti est Elon Musk, il n’y a qu’un pas !
Faut-il interdire à l’IA de faire de l’humour ? Comme le disait Raymond Devos, « l’humour est une chose très sérieuse avec laquelle il ne faut pas plaisanter ». C’est comme un revolver, il vaut mieux ne pas le laisser entre les mains de n’importe qui.
Si la classe politique belge échappe jusqu’ici à ces dérapages, ce n’est plus le cas de certains intellectuels du cru. Herman Brusselmans, romancier renommé en Flandre, a souvent pris comme thèmes de ses livres, l’alcool, le sexe et l’ennui. Ce cocktail explique-t-il le dérapage d’une de ses chroniques dans Humo ? A propos de la guerre à Gaza, il a écrit qu’il se sent « tellement enragé que je veux enfoncer un couteau pointu dans la gorge de chaque juif que je rencontre ».
Scandale. Polémique. Dont il s’est défendu ainsi que son rédacteur en chef en évoquant sa fonction de satiriste.
Pardon, mais on ne voit pas très bien où exactement on doit rire en lisant cette phrase glaçante. Ou alors, on s’est complètement trompé à propos de « Mein Kampf ». Hitler l’a écrit pour amuser les foules…
Or voilà que le tribunal correctionnel de Gand vient d’acquitter Brusselmans des poursuites pour racisme et négationnisme. Les juges gantois n’ont pas vu dans ses propos d’incitation à la haine ni à la violence contre la communauté juive.
Vaut-il mieux en rire ?
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