METTRE LE TERME A TOUT CA

chronique

Monsieur le procureur du Roi,

J’ai l’honneur de déposer plainte du chef de harcèlement, de calomnie et de toutes ces sortes de choses que je partage avec Paris Hilton et Caroline de Monaco. Ce qui prouve, soi-dit en passant, que je ne me montre pas systématiquement critique de la législation fédérale, quoiqu’on dise.

Fort de mes 800.000 voix de préférence (soit quarante fois la population de Poperinge) et d’une standing ovation au congrès de mon parti, malgré mon humilité naturelle, j’ai cédé à la pression amicale de mes amis politiques et accepté de devenir le premier citoyen de notre pays. Or, depuis le jour où monsieur le Roi m’a confié la mission de former le nouveau gouvernement, une campagne de harcèlement et de diffamation s’est développée contre moi. En voilà assez !

Tout a commencé par la déformation de mes propos, puis de mon veston. Pour la circonstance, j’avais acheté une belle veste brune qui allait bien avec ma cravate de même couleur et avec mon teint. Eh bien, à peine avais-je pénétré dans la salle de conférence de Val Duchesse que mes collègues se précipitaient vers moi, me touchaient le bras en me faisant un clin d’œil (on va y arriver, tu sais, BHV ne vaut pas une messe, etc, enfin tous ces propos encourageants qui rendent le départ quotidien au boulot moins pesant). Mais je me suis vite rendu compte que tout ça c’était juste pour chiffonner mon tissu. Puisque vous me demandez des noms, je dois avouer que Madame Joëlle M. s’est montrée particulièrement acharnée à me froisser.

A sa suite, la presse francophone s’est acharnée sur moi. Mes efforts ont été ridiculisés, mes propositions moquées. Et monsieur le Roi a fini par me donner mon C4 sans même un certificat de recommandation. J’ai serré les dents. Mais, voilà que mes coreligionnaires s’y mettent à leur tour. Et je découvre que je suis devenu la tête de Turc de ma communauté et même de mon parti ! On me présente comme psycho-rigide, alors qu’il suffit de passer un dimanche avec moi au stade de Sclessin avec les Rouches pour découvrir ma nature joviale. Comme un intellectuel prétentieux, moi qui ne suis qu’un agriculteur (ce n’est pas mon seul trait commun avec José Happart.) Comme manquant d’humour moi qui ait longuement appris à faire rire en regardant des soirées entières les vidéos des meetings de Philippe Moureaux que tout le monde trouve pourtant si amusant. Monsieur l’explorateur, un fourbe, dépèce mes propositions, monsieur le démineur, un jaloux, fait éclater mon projet institutionnel, monsieur le ministre des finances, un dikke nek, joue au vizir à la place du vizir et madame M se pavane dans tous les journaux du monde comme la sauveuse du pays. Jeanne d’arc face à ses juges. Paysan oui mais pas Cauchon.

Je vous présente, monsieur le procureur du roi, etc…

Pour le plaignant,

Alain Berenboom

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Babel Brussel

chronique
Même les Israéliens l’ont compris : le plan de paix avec les Palestiniens conduira à la partition de Jérusalem. L’est aux Palestiniens, la ville nouvelle aux Israéliens. Seul problème de la division de Bruxelles entre le nouvel état flamand et la Belgique française, le tracé de la frontière dans la capitale. A Jérusalem, c’est simple, il y a une ville arabe et une ville juive. Même New York pourrait rendre un quartier à l’Italie, un autre à la Russie. Mais à Bruxelles, comment procéder ? Les Flamands ne se contenteront pas de la rue Antoine Dansaert, qui n’aurait aucune liaison avec la Flandre si le reste de Bruxelles devenait la capitale des francophones. Obliger les navetteurs flamands à entrer chaque matin dans Brussel par le canal de Willebroeck sera difficile à imposer. Le parcours ne semble poétique qu’à ceux qui confondent les environs du Petit Château avec le Grand Canal à Venise.
De plus, avec le nombre de ministres du futur gouvernement flamand (un vieux vice belge), la rue Dansaert sera vite saturée, sauf à installer ces excellences dans les cuisines des restos branchés du coin.
Une autre solution serait de remonter dans l’Histoire et de séparer Bruxelles selon les communes qui parlaient brussel vloms et celles qui causaient sur le brussellois. Malheureusement, la ligne de partage entre les deux dialectes est aussi oubliée que l’histoire de la lutte homérique entre le Daring et l’Union saint gilloise.
Découper Bruxelles alors selon les cinémas ? L’UGC aux fransquillons et Kinépolis aux Flamands ? Nous perdrions l’Atomium, symbole de l’entrée de la Belgique dans la modernité, qui deviendrait l’emblème de la Flandre, nous laissant Manneken Pis, maigre consolation. De toute façon comme les spectateurs privilégient les films américains, allez distinguer entre Flamands et francophones selon les écrans !
La Flandre des winners proposera peut-être de découper Bruxelles en se souciant plutôt de l’activité économique : à la Flandre, les rues dans lesquelles se trouvent des agences de la Kredietbank. Prétexte pour grignoter la capitale en traçant des couloirs pour relier les quartiers KB entre eux. Cette solution, on en conviendra, est aussi ridicule que celle qui consiste à instaurer un cordon entre Boitsfort et Braine l’Alleud. Oublions aussi la solution de type université de Louvain : les numéros pairs aux Flamands et les impairs aux francophones.
Alors, inextricable ? Pas tout à fait. A une question épineuse, une réponse audacieuse. Voici ce que je propose : débarrassons-nous une fois pour toute de ces francophones et de ces flamands ! Expulsons-les de Bruxelles pour laisser la ville aux étrangers. A ceux qui aiment notre belle capitale et qui ne la soumettent pas à ces marchandages misérables.

Alain Berenboom
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NE ME QUITTE PAS…

chronique
Ou le Colloque singulier de Bart et Joëlle

– Bart De Wever :

Ne me quitte pas
Laat me niet alleen
Toe, vergeet de strijd
Toe, vergeet de nijd
Laat me niet alleen…
– Joëlle Milquet:
Oublier le temps
Des malentendus ?
Et le temps perdu ?
Oublier ces heures
Qui tuaient parfois à coup de pourquoi ?
– Bart :
Moi je t’offrirai
Des perles de pluie
Venues de pays
Où il ne pleut pas…
– Joëlle :
Offre-moi plutôt
La drache de la périphérie,
Et les trésors
De l’impôt flamand
– Bart :
Je ferai un domaine
Où l’amour sera roi
Où l’amour sera loi
Où tu seras reine
Laat me niet alleen
– Joëlle:
Je te vois venir.
Die domme tijd
signifie l’apartheid
Et la loi, les décrets flamands
Le roi, la reine, de simples oripeaux
Où je vais laisser ma peau…
– Bart :
Je t’inventerai
Des mots insensés
Que tu comprendras
– Joëlle :
Je les ai compris :
Sécession, concessions, abdication…
– Bart :
Je te raconterai
L’histoire de ce roi
Mort de n’avoir pas
Pu te rencontrer
– Joelle:
Jamais pu me rencontrer ?
Carabistouilles !
On va à Laeken
De ce pas
Si tu me prends par le bras
Tu sais ce que je veux
Suffit que tu signes tes aveux
– Bart :
Allons-y alors !
Abandonne la défense de
Ces vieux terrils
Et de cette terre stérile
Et tu partageras mon or !
– Joëlle :
Abandonner la Wallonie ?
Quelle félonie !
On a vu souvent
Rejaillir le feu
D’un ancien volcan
Qu’on croyait trop vieux
Il est paraît-il
Des terres brûlées
Donnant plus de blé
Qu’un meilleur avril
– Bart :
Bon. Je rends les armes
Sans une larme
Je ne vais plus parler
Je me cacherai là
Laisse-moi devenir l’ombre de ton ombre
L’ombre de ta main
L’ombre de ton chien
– Joëlle :
Tu pourrais pas
Changer de disque, Bart ?
Et puisque tu aimes Brel
Qui chante les amants,
Tiens,
Je t’offre « Les Flamingants »…

Alain Berenboom
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D’après Jacques Brel « Ne me quitte pas »
Et la trad. en néerlandais de E. van Altena

TINTIN AU CONGO – LE RETOUR

chronique
La nomination d’un explorateur dans la saga belgische-belge est la première case d’un album inédit, fruit du mélange improbable de Hergé et de la N-VA. Inspirée sans doute par les nouvelles et récentes mésaventures de Tintin. Passé au noir par des esprits chagrins, « Tintin au Congo » a animé la fin de l’été. Ce n’est sans doute pas un hasard que les critiques contre cet album paru en 1930 soient brusquement formulées en août 2007, juste pendant la plus difficile passe d’armes entre nos deux communautés. Certains séparatistes fourbes auraient-ils fabriqué cette polémique afin de ternir l’image de la patrie ? On peut se poser la question. Herman l’explorateur nous annonce en tout cas une suite prometteuse en rebondissements et un effort pour redorer le blason belge à l’étranger, quelque peu terni par tous ces événements.
Comme notre ambassadeur à Paris l’avait si bien compris, la notoriété de notre pays passe par la culture. Plus particulièrement par l’organisation d’événements culturels – sur le modèle déposé par les anciens dirigeants de Charleroi. D’où cette excellente proposition contenue dans la note de l’explorateur, doubler le budget fêtes des Affaires étrangères. Pas de raison en effet que seuls les Français profitent de notre cave à vins : l’ambassadeur à Astana doit aussi avoir les moyens de faire venir Benoît Poelvoorde, Amélie Nothomb ou « Kuifje- de Zonne tempel- the musical » pour animer les nuits kazaks.
Comme Tintin, le valeureux Herman devra affronter quelques tabous – le terne Leterme et sa bande s’en étaient montrés incapables. Rappelons que Tintin n’hésite pas à tuer du singe et du lion, à provoquer la mort d’un éléphant, à faire exploser un rhino à la dynamite et à faire parler les Noirs façon Banania. L’explorateur-éclaireur devra avoir le courage de suivre sa piste. En Belgique, des tabous il y en a beaucoup à renverser avant de goûter au jus de l’orange bleue. Des éléphants à abattre dans tous les partis, quelques singes aussi. Mais tuer le lion, non, ce n’est pas à l’ordre du jour.
Pour la suite, le petit reporter peut encore se révéler une excellente source d’inspiration. Devant une classe de petits Noirs que lui a confiée un brave missionnaire, Tintin explique : « Mes chers amis, je vais vous parler aujourd’hui de notre patrie : la Belgique ! » S’il commence ainsi son tour de table, Herman risque une plainte tout comme Hergé. Mais qu’il s’entête ! Tintin n’a-t-il pas réussi à démonter le conflit entre les Babao’rom en partageant en deux le chapeau de paille qui les divisait ? « Li Blanc, li très juste ! » s’écrie ravi l’un des indigènes. Allez, Herman ! Avoue, toi aussi t’aimerais bien être l’idole des Babao’rom made in Belgium !

Alain Berenboom
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LECTURES

Dans le mot lire, il y a lit. J’adore lire couché – ma compagne aussi, ça tombe bien. Quand on rit, on ne tombe pas de haut et ça secoue le matelas – excellent exercice pour le dos. Quand on pleure, on a des mètres de draps sous la main pour éponger les larmes. Et les coussins pour absorber les cauchemars, notre monde intérieur réveillé par quelque thriller tordu.
Dans le mot lire, il y a aussi ire, la colère : excellente conseillère. Rien de plus ennuyeux que ces livres écrits sans raison, juste pour orner la table du salon ou éblouir la galerie. Pour tenir son lecteur à la gorge, l’écrivain doit plonger sa plume au fond de ses humeurs. Une livre s’écrit avec la rate qui se dilate et des bleus à l’âme. Rien de tel pour faire naître le grand rire qui tue. Lisez J. Kennedy Toole “La Conjuration des Imbéciles? ou « Le Couperet » de Donald Westlake, belles figures de dérapages dans notre société folle par des êtres pathétiques et furieux sauvés par l’humour de leurs créateurs.
« Je lis » ça rime avec tapis. La littérature comme tapis volant. Recommandé à tous ceux qui ont le mal de l’air : ça ne consomme pas de pétrole et ça se crashe rarement. Et, pourtant, ça vous envoie en l’air plus haut et plus vite qu’une navette spatiale. Voyage dans la Lune aller-retour pour une poignée d’euros. Un petit pas dans un livre, un grand pas dans les rêves.
Se promener dans les petites villes du sud des Indes dans les années trente avec Narayan, au Japon aujourd’hui avec Haruki Murakami ou Ishiguro (« Un artiste du monde flottant »), dans les profondeurs de l’Amérique latine il y a quelques siècles avec Thornton Wilder (« Le Pont du Roi Louis ») L’espace-temps est bousculé dans ces intrigues magiques où des personnages venus de l’autre bout de la planète et du temps nous paraissent plus proches, plus familiers, que bien des héros de ces romans français qui traînent leur mélancolie dans les rues chics de Paris ou de ses banlieues glauques -forcément glauques.
On dit le mot « lit » et on pense aussi à l’amour. Evidemment. Que d’histoires d’amour esquissées, vécues à travers des amants heureux, malheureux, délirants, impuissants, obsédés, pervers, timides, que de belles dames aimées, détestées, séduites, folles, sournoises, lamentables mais toutes sublimes. Combien de magnifiques créatures avons-nous aimées– et trompées et délaissées ? D’« Anna Karenine », la plus belle et la plus contemporaine des femmes de la littérature à Zonzon Pepette, superbe et pathétique (André Baillon), Lou, amante lointaine d’Apollinaire bandant au fond de sa tranchée, « La femme aux lucioles » de Jim Harrison quittant sa vie bourgeoise pour rien, comme ça, par caprice, à un parking d’autoroute. Et Jenny, la redoutable maman de Garp (John Irving), les femmes folles de l’ouest américain qui hantent les livres de Dorothy Johnson et de Willa Cather, Shosha la sublime petite Polonaise de Singer restée à Varsovie à l’arrivée des Nazis, et Sylvia Plath. Et les petites filles faussement fragiles de Carson Mac Cullers («Frankie Adams »).
La syllabe « Li » se retrouve aussi dans « Italie ». Même en littérature, tous les chemins mènent à Rome. Se plonger avec délices dans les intrigues tortueuses avec les amoureuses capricieuses de Mario Soldati, l’Italie honnête, civilisée de I. Silone, l’Italie urbaine, raffinée et perverse de Fruttero et Lucentini. Sans oublier tant d’écrivains étrangers qui ont aussi bien raconté l’Italie que des Italiens, J.L. Sampedro ( « Le Sourire étrusque »), Barry Unsworth (« La Vierge de Pierre »).
Entre « lit » et « élit », il n’y a qu’une petite lettre de différence. L’élection, c’est le choix, quelques instants de liberté où l’on se croit maître des événements, du monde, de la vie, le temps d’un livre quand des héros nous permettent de refaire le monde : Ubu roi, «Les fous du roi » de R. Penn Warren, « Fondation » d’Asimov.
Des bouquins dont je me rappelle les couvertures. Important ça, les couvertures. Mes vieux livres de poche, sont toujours rangés dans un coin de ma bibliothèque à côté d’une pile de Marabout, reflet de mon enfance, éclat de mes vies.

Paru dans « Lectures » (revue des Bibliothèques de la Communauté française), n°151.

Le dernier qui part jette la clef

chronique
A partir du 1er juillet, plus rien n’a d’importance. Tout ce qui paraissait incontournable, onbespreekbaar se délite dans le sable, la mer et le vent. L’air passe enfin. Les nœuds, les blocages s’évanouissent, Charleroi, le programme de la NVA, BHV, le plan Marshall, les mecs qui se remontent les bretelles à longueur d’années, les nanas qui veulent montrer qu’elles aussi ont des biscottos, les chefs, les sous-chefs, les futurs chefs et ceux qui veulent faire croire qu’ils ne sont pas encore has been, tout ça, c’est fini. On arrête tout et on marche dans l’eau.
Les très sérieux présidents des conseils d’administration courent les écoles pour écouter, plus anxieux que leurs enfants, le résultat des délibés avant de se remettre de leurs angoisses en enfilant short et tongs et en construisant des châteaux de sable avec l’énergie qu’ils mettent à racheter et à revendre des entreprises. Des châteaux qui vont disparaître une heure plus tard, dès la marée haute.
Pastis, épilation et régime maillot, le tour de France, le concours de pétanque, voilà désormais ce qui compte. La seule question existentielle qui se pose est celle-ci : combien de fois, penses-tu, ces scampis ont-ils été congelés, dégelés et congelés à nouveau ? Ah ! Qui décrira la terreur de l’homo sapiens confronté aux mystères de la chaîne du froid dans les restos de plage de la Méditerranée ?
Ce n’est pas seulement une pause, c’est l’histoire qui bascule : Tony Blair quitte le pouvoir, Paris Hilton sort de prison, les socialistes wallons perdent le contrôle absolu de Charleroi. Une époque nouvelle commence : l’Europe se promet un vrai président, Elio di Rupo accède à la présidence du P.S., Michel Daerden exige la présidence de la gauche bouchon.
On ferme tout ce qu’on croyait indispensable : l’ordinateur, la télé, la radio, le mobile, le bulletin des enfants, le rapport de l’informateur. Le catalogue des Trois Suisses vient d’arriver et on se met enfin à lire des romans.
Reste à affronter les soldes, une épreuve terrible, nouvelle preuve que rien n’a d’importance : cette veste, cette paire de sandales à semelles compensées, ce sac qui valait deux mois de salaire, symboles magiques mais inaccessibles de la réussite, on vous les donne ou presque. On s’était donc trompé sur toute la ligne : tout ça ne valait rien. Pas plus que les promesses électorales imprimées en couleurs sur les tracts qui traînent encore dans la cave avec la photographie chiffonnée de ceux qui n’ont pas été élus et de ceux qui l’ont été mais qui se demandent déjà pourquoi faire. Il n’y a pas qu’eux. Le 1er juillet, on se demande tous si on ne s’est pas trompé de vie.

Alain Berenboom
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DREAM TEAM

chronique
Nicolas Sarkozy a fait fort : Kouchner aux affaires étrangères, un super ministère de l’environnement, la présidente de Ni putes Ni soumises et l’ex-patron d’Emmaüs : que du beau linge dans un gouvernement dit de droite ! On imagine mal la gauche française déployer pareil tableau de chasse. Face à lui, le pauvre Hollande n’en mène d’ailleurs pas large. Entre Sarkozy qui lui pique le meilleur de la troupe, Ségolène qui le chasse de l’appartement en gardant la vaisselle et les poids lourds du PS qui le poussent au fond du placard, il rame à Solférino et songe à partir en week-end avec Alain Juppé pour soigner sa dépression.
Emerveillé par le numéro de Nicolas 1er, dont il est un des plus fervents groopie, Didier Reynders fantasme sur une dream-team à la belge. Les traîtres magnifiques sont à la mode. Qui va croquer les oranges bleues ? Si l’on range à gauche Van Cauwenberghe, Happart ou Despiegeleer, il ne devrait pas avoir top de mal à convaincre des vraies stars et même quelques B.V./W.
Michel Daerden par exemple, l’incarnation de la vraie gauche bouchon prendrait la Santé (pas la prison, les hôpitaux). Au grand dam de Steve Stevaert qu’un passé de bistrotier prédestinait à la fonction. Le gouverneur du Limbourg continuera donc à chasser les chenilles processionnaires.
Josy Dubié aurait accepté le secrétariat d’état à la Condition féminine, ce qui pourrait pousser Richard Fourneaux à la Condition masculine. Il se tâte encore.
Pure provocation à l’égard de son ami Alain Zenner – ancien curateur des Forges de Clabecq- ou vraie conviction, D. Reynders songerait très sérieusement à Roberto D’Orazio pour dynamiter la Justice.
Divine surprise, Kim Clijsters n’aurait pas dit non au portefeuille des Affaires étrangères. Dame ! Elle parle au moins trois langues et pratique le grand écart mieux que la plupart de nos politiciens professionnels. Autre nouveauté, un ministère confié à deux co-ministres : les frères Dardenne qui hésitent entre l’Intérieur et l’Extérieur Nuit.
Notre meilleur produit d’exportation, la B.D. serait pour la première fois dans un gouvernement. Tintin, trouvant les oranges bleues trop amères, le rôle serait confié à Gaston Lagaffe, le héros sans emploi, ce qui le prédestine à la fonction de ministre sans portefeuille mais avec hamac.
Au ministère de l’avenir, François Schuiten ; aux droits de l’homme, Marion Hänsel et Toone VII au ministère du bruxellois, qui devrait remplacer français et flamand comme seule langue officielle du pays, une solution qui réglera enfin ces stériles et épuisantes querelles communautaires.
Reste le poste le plus disputé, le ministère de la Perfidie. Aux dernières nouvelles, c’est Guy Spitaels qui tient la corde.

Alain Berenboom
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TOUT NUS & A VELO

chronique
Avec le réchauffement climatique et la mode bio, les manifestations changent de look. Au défilé de protestataires emballés dans des parkas matelassés succèdent les adeptes du naturel. Après Saragosse, c’est à Paris que des militants vélocipédiques ont parcouru les rues sur leurs engins en exhibant fièrement les leurs. N’en déplaise aux vieux militants, parfois un peu coincés, le slogan bombé sur un drap et l’Internationale chantée en chœur, ça n’intéresse plus personne. Pour attirer l’attention du citoyen, ce n’est plus le poing qu’on lève.
La grève de la faim aussi est passée de mode. Le temps où Gandhi soulevait l’Angleterre est bien fini. Malgré la mort d’irréductibles partisans de l’I.R.A., madame Thatcher avait été réélue sans difficultés. Et l’Inde choisit maintenant l’arme atomique pour imposer ses vues.
Les épouvantables massacres en Afrique noire, les violences barbares des terroristes irakiens ont habitué l’opinion publique à une escalade de plus en plus atroce dans l’expression des revendications. La surenchère est triste hélas. Ne reste que le cul pour sensibiliser les citoyens blasés et monter à la tête de ceux qui tentent à tout prix de devenir des vedettes ou d’afficher leurs idées.
Michel Daerden a bien essayé l’alcool mais son message était si dilué que la méthode a démontré ses limites. La prochaine fois, faisons-lui confiance, lui aussi descendra le pantalon.
Le sexe a envahi les journaux et l’internet mais il continue de titiller et de faire scandale: la pub, les shows télé n’ont rien trouvé de mieux pour se vendre. Voilà donc les revendications politiques gagnées à leur tour par le fléau.
Les cyclistes défilent dans le plus simple appareil pour protester contre l’envahissement des villes par les bagnoles. Demain, à qui le tour ? José Bové qui a beaucoup perdu de sa superbe depuis la dernière campagne électorale française mais qui affiche toujours sa moustache en forme de guidon de vélo pourrait être tenté d’attaquer la prochaine fois Mac Donald à poil. Et José Happart, en chute libre dans le coeur des électeurs, se rappeler qu’il existe des francophones dans les Fourons et leur proposer de poser sans défroques devant le palais du gouverneur du Limbourg jusqu’au jour du rattachement à Liège – ou à la pneumonie. Dans quelques semaines, lorsque les socialistes seront dans l’opposition, ils pourront peut-être reprendre l’idée à leur compte ; cela fera un scandale qui fera oublier ceux de Charleroi, de la gestion des habitations sociales et autres.
Reste une limite : le froid. Mais à la manière dont nos gouvernants s’intéressent à l’évolution climatique, l’hiver n’existera bientôt plus.

Alain Berenboom
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LE CAROLO UGLY BROTHER

chronique
Les thèmes des reality shows et autres star ac’ commençant à s’épuiser, les producteurs ont compris que, pour relancer l’intérêt des téléspectateurs, il fallait surenchérir dans le guignol en jouant la carte du sordide. Aux Pays-Bas, grâce au très raffiné Endemol (propriété notamment de Silvio Berlusconi), une cancéreuse en stade terminal trônant sur un plateau télé va choisir le bénéficiaire de son rein entre plusieurs candidats (applause !)
En Belgique, c’est la ville de Charleroi qui relève le gant. Lassés des quolibets et des lazzis, les dirigeants socialistes locaux ont longtemps cherché le moyen de redorer leur image auprès du public. Les inculpations n’ont en effet servi à rien, ni les contritions et autres excuses. Les élections communales pas davantage. Dans l’isoloir, les citoyens perdus devant ces listes décourageantes de noms et de sigles inconnus, poussent un grand soupir, haussent les épaules et cochent comme toujours le nom de leur seigneur (leur saigneur serait plus exact). Après ça, ledit roi, réélu pour la centième fois, fait semblant dans un grand geste de générosité de s’entourer de nouveaux bouffons. Mais, personne ne s’y trompe, le spectacle reste le même. Comment alors provoquer un électrochoc qui redonnerait à la population le goût de la politique ?
Une idée géniale vient de jaillir dans le cerveau fertile de certains de ces messieurs : un jeu, un show, le Carolo Ugly Brother. La démocratie ayant démontré son inutilité, place à la télé ! Un outil que le citoyen d’aujourd’hui comprend et manie bien mieux que le crayon électronique.
A l’occasion des élections, il s’agit (en principe) de choisir les meilleurs dirigeants. On a vu le résultat… Avec le jeu télé, plus d’hypocrisie : le gagnant est vraiment le dirigeant le plus affreux. C’est celui qui a commis le plus d’infractions qui accumule les points. Spéculation immobilière grâce à des renseignements d’initiés ou faux procès-verbaux du conseil communal, c’est pas mal mais insuffisant pour accéder aux demi-finales. L’achat de vins avec la caisse des habitations sociales, c’est mieux. Une caisse noire dans le dos du service troisième âge, c’est assez dégoûtant pour valoir une prime. L’argent des contribuables dépensé pour équiper des maisons de campagne, payer les frais de bouche et les voyages lointains des grands chefs, c’est classique mais vu le montant, cela mérite un coup de chapeau. Le financement d’une équipe sportive à Carcassonne, ça c’est beaucoup plus original. Pour ma part, je vote la qualification en finale de l’auteur de cette trouvaille. Mais on attend la suite avant de désigner le vainqueur. A Charleroi, on n’est jamais déçu. L’imagination est au pouvoir (de l’argent).

Alain Berenboom
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VERTU FRAICHE

chronique
Je ne cache pas le plaisir un peu pervers que je prends certains soirs de déprime à lire les discours des ministres de la Communauté française. Saturé de reportages sur l’explosion du libéralisme nécessairement sauvage ou sur le plongeon des cadres de sociétés en parachutes dorés, il est rafraîchissant d’entendre une ministre parler de « l’universalité de l’humain » à travers « une autre mondialisation » tout ça juste pour ouvrir un festival à Liège et une autre excellence soutenir, paraît-il, l’engagement d’un clown pour aider les chômeurs à retrouver de l’emploi. Après le plan Marshall, le cirque de Moscou.
Nul n’a écrit des mots aussi ardents que les leaders politiques de la culture pour défendre le service public à la radio et à la télévision et protéger l’âme des enfants mais il vaut mieux regarder leurs discours que la RTBF ou les locaux des écoles. Jamais les programmes n’ont été autant pollués par la pub. Et les distributeurs de boissons affichant les marques les plus connues décorent les locaux des écoles (cachant ainsi par de jolies couleurs fissures et autres dégradations). Les parents, amis et voisins n’ont jamais été autant sollicités. Faute de manuels scolaires, les écoles achètent des photocopieuses. En faisant les comptes, on découvrirait peut-être que le coût des machines et surtout la « participation » des parents au remboursement des photocopies permettraient d’acquérir une bibliothèque de livres reliés pleine toile …
N’oublions pas les voyages scolaires. Jadis, les fancy-fairs contribuaient à boucler les budgets. Maintenant, la technique branchée s’appelle le porte-à-porte. Les enfants des environs viennent sonner, une attestation à la main indiquant que leur mendicité est très morale puisque soutenue par leurs profs : ils font la manche pour payer le voyage scolaire et non pour survivre, comme les malheureux qui se jettent sous les voitures à certains carrefours de la capitale. Certains proposent des cakes maison, des bougies, des savons, joyeux modèle de l’économie parallèle des pays sous-développés. Et, sur les marchés le dimanche, des bambins de moins de six ans interpellent le chaland en vendant des fleurs pour financer leurs camps d’été. Est-ce une manière de leur apprendre la survie en communauté française ? Ou une pub pour la re-fedéralisation de la protection de la jeunesse ?

PS : Si la lecture des discours ministériels et des tracts électoraux vous laissent un peu de temps, évadez-vous ce long week-end dans la Suède noire. Après les polars d’H. Mankel qui égratignent le beau vernis de la social-démocratie (modèle de Sarkozy et de Royal), voici un autre Suédois qui nous emballe, Stieg Larsson et sa trilogie « Millenium » (chez Actes sud).

Alain Berenboom
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