ADIEU INGRATE PATRIE

chronique
Cher Monsieur Chirac,

Je comprends votre amertume, vous qui avez tout donné à votre pays, vos meilleures années à l’état, vos meilleurs amis à la justice, et même Nicolas Sarkozy à la présidence (lui, si vous aviez pu le donner à la Libye, vous l’auriez fait même sans les infirmières en retour). Vous avez même donné à la France les juges qui aujourd’hui vous mordent la main (et le reste).
« Ingrate patrie, tu n’auras pas mes os ! » Cette noble parole de Scipion l’Africain, vous pourriez la faire vôtre. Dans un mouvement d’orgueil, je vous sais capable de réagir avec grandeur. De faire une fois de plus un coup qui épatera tout le monde. Qui réduira les effets d’annonces de votre successeur à des discours de fins de banquet. Eh bien oui, monsieur le Président. Osez ! Brûlez votre passeport devant l’Elysée ! Et quittez la France ! Direction : la Belgique.
Bien que nous nous marchions un peu sur les pieds ces temps-ci, une petite place vient justement de se libérer. Un certain Jean-Philippe Smet, dit Johnny, ayant renoncé à son souhait de s’installer en Belgique pour partir à Monaco a en effet décidé de rester en France pour s’établir en Suisse (vous me suivez ?) Bref, n’hésitez pas à monter dans notre pays de cocagne. Où vos malheurs paraissent incompréhensibles. Quoi ? Vous êtes poursuivi pour avoir donné du travail à des gens ? Chez nous, vous récolteriez en récompense 800.000 voix de préférence (au moins). On vous critique parce que vos employés communaux travaillaient aussi pour un parti politique ? Mais dans quel pays viviez-vous où des travailleurs qui se dévouent et prennent le temps de militer sont considérés comme des délinquants ? A Charleroi, où on manque un peu de main d’œuvre ces temps-ci, on se débrouillera pour vous trouver un job pépère qui correspond tout à fait à votre culture d’entreprise.
Avec votre expérience et vos talents, on pourrait aussi vous accueillir dans la capitale. Justement, on cherche désespérément un grand sage pour raccommoder les restes. Je vois bien un homme comme vous apaiser nos tensions. Vous qui avez tout promis à tout le monde et son contraire, vous qui avez séduit à la fois les grands patrons et une partie de la gauche avec la fracture sociale, vous parviendrez sans peine à apparaître comme le meilleur défenseur des francophones grâce à votre passé et un héros flamand si vous terminez votre discours par un très gaullien « Leve vrij Vlaanderen ! »
Jacques Chirac premier ministre de Belgique, quelle allure ! Quel symbole pour l’Europe !
On se réjouit déjà du jour où vous recevrez en grande pompe votre voisin, le président Sarkozy en visite officielle. A moins que, poussé comme vous par l’exil, il soit obligé de vous demander un permis de séjour…

Alain Berenboom
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TEMPS DE SAISON

chronique
L’autre jour, le nouveau secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon a voulu montrer au monde qu’il servait à quelque chose. Emmenant avec lui quelques équipes de télé, des gardes du corps pour le cas où un pingouin aurait voulu lui envoyer une boule de neige sur ses lunettes et quelques centaines de serviteurs (ou comment appelle-t-on les bureaucrates ?), il a débarqué en Antarctique dans des beaux habits fourrés rouge sang tout neufs achetés pour l’occasion et il arpenté la neige d’un pas décidé, un pas de décideur. Une heure et demi plus tard (la durée habituelle d’un spectacle de cirque), il annonçait au monde stupéfait que le réchauffement de la planète faisait fondre les glaciers, aïe ! et que si d’autres que lui ne faisaient rien, il n’y aurait bientôt plus un morceau de glace à mettre dans son whisky. L’histoire ne dit pas (les journalistes sont beaucoup plus discrets qu’on ne le croit) combien a coûté à la planète ce déplacement barnumesque.
Cet événement illustre une fois de plus le génie d’Albert Einstein.
Le réchauffement de la planète est en effet une application intéressante de la théorie de la relativité. Mr Ban Ki-Moon se serait promené par exemple dans le parc de Bruxelles plutôt qu’à la base Eduardo Frei, ses conclusions eussent été fort différentes. Soit tout ce que Al Gore raconte, c’est rien que des carabistouilles, soit nous bénéficions d’un micro-climat à l’envers qui préserve la Belgique des effets dramatiques de son film. Non seulement il fait dégueulasse autour du kiosque du parc de Bruxelles mais quand on en sort, c’est soit pour tomber sur le palais royal où le thermomètre affiche moins que zéro, soit sur la rue de la loi où la météo est carrément à l’ouragan. Si Ban Ki-Moon avait croisé au hasard d’une allée Yves Leterme ou Didier Reynders, malgré son bel habit fourré, il était bon pour la pneumonie. Hélas, mes chers compatriotes, la Belgique est entrée dans une nouvelle ère glacée. Ce n’est donc pas demain la veille que la mer engloutira la Flandre et jettera ses habitants désemparés dans les bras du bourgmestre de Mons. Il faudra trouver autre chose pour calmer nos politiciens. Peut-être faire appel à nouveau à Einstein. Selon ses principes, il est théoriquement possible de remonter dans le temps. De revenir à une époque où il faisait beaucoup plus chaud dans nos parages, où l’homme de Spy et l’homme de Steenokerzeel chassaient ensemble le mammouth. Une époque où l’apparition de quelques dinosaures calmait aussitôt les ardeurs des archæoptéryx. Une époque que les deux explorateurs royaux, Messieurs Stanley De Decker et Livingstone Van Rompuy auraient intérêt à visiter.

Alain Berenboom
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B. HACHE V.

chronique
Le vrai défaut de Yves Leterme, c’est la gestion catastrophique de son agenda. Tout le reste on peut lui pardonner, ses tentatives pathétiques pour paraître sérieux, sa dépendance à l’égard de son sinistre hypnotiseur, le sar Rabindranath De Wever, son côté élève brouillon, doubleur malheureux, j’essaye de toutes mes forces mais j’y arrive pas. Mais l’incapacité à tenir son agenda, ça, ça ne pardonne pas. Un exemple au hasard : le vote en commission de la scission de l’arrondissement électoral de Bruxelles-Hache-Vilvorde.
Alors qu’ils n’ont rien d’autre à faire et que c’est pas demain la veille qu’un nouveau gouvernement leur donnera du boulot, comment reprocher aux députés flamands de se réunir dans une salle bien chauffée, de rigoler un peu et de lever le bras pour ne pas s’endormir ? Si Yves Leterme avait eu un peu de jugeote, il aurait fait trancher la question en juillet et le tour était joué. Le tour de France, je veux dire. Tous les jours, les députés se seraient retrouvés devant leur écran télé à suivre les exploits de Tom Boonen au lieu de flemmarder et de voter n’importe quoi. Car le vrai problème des parlementaires, leur profonde frustration, c’est l’ennui. Ces braves gens s’emmerdent et ils sont jaloux de voir Leterme, son hypnotiseur et leurs copains faire bombance. Tout le monde n’a pas la chance de passer ses nuits avec madame Milquet – si M. Nothomb était encore le patron du PSC, aurait-on voté la scission ? Pas sûr !
Bref, il fallait détourner l’attention de ces braves gens, leur donner l’occasion de paraître eux aussi comme des héros devant les caméras. Leur proposer un safari sauvetage type monsieur et ex-madame Sarkozy. Et ils auraient laissé monsieur Leterme jouer. Les prétextes ne manquaient pas : un voyage au Tchad pour ramener le brave pilote belge, un aller-retour à Rangoon pour rapatrier Madame Aung San Suu Kyi, une expédition au Pôle Nord pour ramener quelques ours blancs au zoo d’Anvers afin de leur éviter les coups de soleil. N’importe quel hochet qui les sorte de leur triste anonymat. Allez ! Il est temps de sonner la fin de la récréation et de faire travailler ces messieurs-dames. Ils ne demandent que ça !

Alain Berenboom
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PS : pour comprendre le vrai déchirement d’un pays, lisez l’un des plus beaux romans de la rentrée, « Les belles choses que porte le ciel » de Dinaw Mengestu (Albin Michel), récit d’un Ethiopien échappé de la guerre civile qui a mis son pays en morceaux. Fils d’un avocat massacré par les rebelles, devenu petit épicier à Washington, il raconte avec la verve joyeusement désespérée du conteur le sort terrible d’un déraciné. Superbe façon de rappeler qu’on ne joue pas impunément avec le feu.

L’AFFAIRE ALZHEIMER

chronique
Chez les De Wever, papy n’a pas fait pas de la résistance, c’est entendu. Mais est-ce la faute de Bartje si son grand-père était un vieux dégueulasse ? Bart n’est pas plus responsable de la collaboration de son aïeul avec les nazis pendant l’occupation que Catherine Deneuve de celle de son père avec les pétainistes (quoique laisse entendre une biographie récente très équivoque.) La magnifique comédienne a montré en d’autres occasions ses engagements, et parfois dans les personnages qu’elle a voulu jouer à l’écran. Son rôle dans « le Dernier Métro » de François Truffaut sonne un peu comme une revanche sur la noirceur paternelle. Bart n’a malheureusement pas eu l’occasion de déployer ses talents devant une caméra. A entendre ses déclarations de la semaine, cela vaut mieux pour la réputation internationale du cinéma belge, à moins de lui faire tourner dans un remake de « L’Affaire Alzheimer ».
Car pour un historien de formation, c’est gênant d’oublier le passé de sa propre métropole, surtout qu’un rapport récent commandé par le Sénat (encore une bonne raison de couper les ailes du pouvoir fédéral !) au Centre d’étude de la seconde guerre mondiale, intitulé « Une Belgique docile », a rappelé à tous ceux qui ont la mémoire courte les abominations d’une grande partie de l’administration communale et de la police d’Anvers, allant (comme la police et une partie des fonctionnaires de Pétain) bien au-delà de ce que demandait l’occupant. Mention de « juif » apposé sur les cartes d’identité, distribution de l’étoile jaune, regroupement puis déportation des juifs vers Auschwitz. On excusera peut-être Bart de Wever de son ignorance : au moment de la parution de ce rapport, il yodlait avec sa famille en culotte de peau en Bavière, sa destination de vacances favorite, comme le révèle son épouse dans une interview fleur bleue. Allez, un petit effort, Bart ! Tu n’es plus très loin des terres de ce cher Haider. Essaye, l’Autriche. Tu t’y sentiras bien. Un pays qui n’a jamais évalué le rôle de son administration pendant la guerre ni jamais présenté d’excuses à personne sauf aux clients de ses banques, obligées de revoir leur système opaque depuis les directives européennes.
Bart De Wever a aussi la mémoire sélective : Anvers a été une ville occupée, s’est-il souvenu, et victime des Allemands. Façon d’oublier les victimes de la ville victime. Et d’ajouter qu’Israël et Hitler, c’était à peu près kif kif, histoire de convaincre lesdites victimes qu’elles étaient devenues des bourreaux.
Les négociations pour la formation du gouvernement reprennent lundi. Avec De Wever. Que se passerait-il si les autres participants du pow wow arboraient l’étoile jaune ?

Alain Berenboom
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DUEL à OK VILVORDE

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Vous vous demandez, monsieur Desmet pourquoi les Wallons tirent la gueule et se retranchent au fond de leurs ranchs ?
Prenez un exemple au hasard : Johnny Hallyday. C’était notre meilleur atout. Vous nous le faisiez belge, on l’installait comme attraction touristique dans le village schtroumpf de Charleroi pour chanter avec sa guitare tous les samedis soirs – on était même prêt à le prêter à Bobbejaanland une fois par mois. En échange, on vous laissait BHV et sa réserve d’Indiens. Parce que, soit dit entre parenthèse, BHV, on s’en tape. Si les citoyens de Hal et de Vilvorde ne peuvent plus voter pour des candidats bruxellois, les élus flamands de Bruxelles seront tous Vlaams Belang, tant pis, c’est votre problème. Mais il a fallu que vous chipotiez et notre Johnny, sentant l’odeur de la poudre, a pris celle d’escampette et nous a lâchés dans la plaine juste au moment où le convoi de l’orage bleu allait aborder les régions tourmentées de l’ouest, la passe du diable, la colline des pendus, avant de se retrouver pour le duel à OK Corral. Or, nos réserves sont vides, plus de munitions, plus de dynamite. Même plus de whisky. Nos hommes n’y croient plus et leurs chevaux sont épuisés. Il y a peu de temps, on était même prêt à toucher la plume avec un grand chef sage comme Hermann Cochise, qu’on sentait disposé à fumer le calumet de la paix avec du tabac de la Semois en échange d’un peu de verroterie. Mais vous l’avez écarté au profit des plus excités de vos petits guerriers, type Bart Geronimo qui nous défie de façon arrogante, danse avec ses sauvages, revêtus de leurs peintures de guerre, agitant leurs tomahawks au-dessus de nos têtes. Face à ces provocations, comprenez que, dans un sursaut d’orgueil, nous nous cabrions. Quoique, entre nous, on sait que ça ne durera pas. Et qu’on finira par laisser tomber. Car que pouvons-nous faire ? A part notre super squaw – mais ce n’est qu’une squaw et elle a peu de guerriers – nous ne comptons guère de héros dans nos rangs. Olivier Maingain fait un amusant sorcier et Didier Reynders un pisteur habile. Mais il nous faudrait un Gary Cooper, un John Wayne, un James Stewart, capable de retourner une situation, seul contre tous. Et ils sont tous à Hollywood. Votre grand chef Yves le Tourmenté a raison de se montrer patient. Le train aura beau siffler trois fois, nous, on restera en gare de Dinant…
La suite de l’histoire est écrite. Vous agrandirez votre ranch, vous augmenterez vos troupeaux, vous vous achèterez des éperons d’argent, des chaînes en or. Peut-être même que vous vous offrirez Johnny Hallyday pour vous tout seuls jusqu’à ce que la mer vous ramène jusqu’à nous. Mais, ce jour-là, prenez garde,cvous serez bien obligés de nous le rendre. D’où viens-tu, Johnny ?

Alain Berenboom
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HOMMAGE A HENRY INGBERG

Quand Henry entrait dans une salle de réunion, on se tournait tous vers lui. Si son visage était fermé, tout le monde se faisait aussitôt tout petit. Mais quand il affichait ce magnifique sourire qui le rendait encore plus craquant, nous étions quelques-uns à nous réjouir. Il allait nous distiller quelques bons mots, nous réveiller de la langue de bois ambiante par quelques répliques cinglantes et drôles dont il avait le secret.
Henry détestait la langue de bois, la lenteur bureaucratique, les chipotages politiques.
Mais il en jouait car il le mettait au service d’une grande ambition.
Je l’ai vu essayer d’imposer seul contre à peu près toute l’Europe l’exigence de contreparties culturelles pour notre production audiovisuelle, se battant contre la Commission européenne, les grands organismes de télévisions privées, jusqu’à la Cour de Justice de la Communauté européenne.
Il avait la candeur et la noblesse de Don Quichotte mais aussi la malice et le pragmatisme du Prince de Machiavel.
Il avait un dessein dans ce pays qui en manque tant. Il croyait dans l’importance de la culture, des créateurs. Mais il croyait aussi dans la nécessité pour y arriver d’une collaboration, des investissements des industries culturelles.
Cette réconciliation entre industrie et créateurs, cette ambition de joindre le rêve de l’artiste et le projet de l’entrepreneur était un message politique qu’hélas peu de politiques ont compris et relayé. Car, chez nous, les politiques ne se posent que quelques instants sur la branche fragile du ministère de la culture pour s’envoler aussi vite vers de plus gras pâturages.
Dans un pays où les hommes et les femmes politiques se cachent quand ils entrent dans une librairie mais courent devant les caméras de télévision dans les stades de football, il était le seul symbole d’une véritable politique du cinéma, du livre, du théâtre en Communauté française.
Résultat : les Diables rouges sont dans les pataflaques tandis que nos cinéastes trustent les prix dans les festivals, dont la Palme d’or, nos comédiens cartonnent en tête des hit-parades, nos auteurs sont en vedette dans les librairies, notre activité théâtrale est inversement proportionnelle au nombre des habitants.
Adieu Henry !
Adieu à une certaine idée de la culture en Communauté française.
Comme le dit Blaise Cendrars « Et le monde, comme l’horloge du quartier juif de Prague, tourne éperdument à rebours. »

Alain Berenboom

BIG BROTHER, BIG SISTER

chronique
D’après tous les sondages, la phrase la plus débitée par les utilisateurs de téléphones mobiles est : « Où t’es ? » Non content de joindre à tout moment leur correspondant grâce à ces appareils maudits, ils exigent désormais de contrôler sa vie privée. La caméra cachée est aujourd’hui partout à nous traquer. George Orwell, réveillez-vous, Big Brother est devenu fou !
Le bracelet électronique va donner à tous ces inquisiteurs en puissance un nouveau moyen de se déchaîner. Le portable, malgré ses avantages, laisse largement insatisfait le macho moyen type « Ma femme s’appelle revient ! » Car il a beau être en mesure d’appeler sa chérie à tout moment, de l’interroger sur l’endroit où elle se trouve, en compagnie de qui et dans quelle position, rien ne prouve que la vérité sort de son Nokia. Avec le bracelet électronique, plus question de tricher ! Chérie a beau prétendre avec un accent de vérité qui ferait fondre le grand maître de l’Inquisition en personne qu’elle est en train d’acheter des poireaux chez Louis Delhaize, votre ordinateur qui reçoit, analyse et explique le signal envoyé par son bracelet ne s’y trompe pas, lui : chérie se promène quelque part entre le Zoute et le Zwin, zone dans laquelle Internet vous l’a confirmé, il n’y a ni poireaux ni Delhaize.
Testé sur une petite échelle sur quelques condamnés et réservé jusqu’ici aux délinquants, le bracelet va pouvoir prendre la place de feue la ceinture de chasteté, dont la disparition fut si regrettée par la majorité des seigneurs et maîtres. Sa mise sur le marché ne sera pas seulement un bienfait pour la paix des ménages, ce sera aussi une occasion de procurer des ressources insoupçonnées au budget de l’état. Fabriquée pour le ministère de la Justice, le pouvoir fédéral aux abois va, en commercialisant ce bijou, trouver de nouveaux moyens financiers. On peut même se demander si l’obstination mise par le côté lion noir de l’orange bleue à régionaliser la justice ne vient pas de son appétit inavoué pour cette nouvelle et juteuse perspective. On ne voit pas d’autres raisons à couper en deux ce département, idée qui est contraire au bon sens et à l’amélioration de l’efficacité, qui dictent comme on le sait toutes les propositions flamandes dans le poto-poto institutionnel.
Le bracelet sera aussi une source d’inspiration pour nos créateurs qui ont le vent en poupe. Car rien n’empêche d’en fabriquer d’audacieux, de coûteux, serti de diamant ou de rubis, pourquoi pas ? Du moment que ça ne mange pas la puce. Il sera sans doute plus facile de convaincre son épouse si le bijou vient du quartier Dansaert.
Nokia a projeté la Finlande dans l’opulence grâce au téléphone portable. Rêvons que la Belgique connaisse le même succès avec le bracelet électronique.

Alain Berenboom
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ETRANGE NAPOLITAINE

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Pendant qu’à Paris s’ouvre une Cité de l’Immigration, l’orage bleu se rabiboche par un accord sur l’immigration. Tonnerre de Brest ! Courrait-il un souffle frais sous les cieux d’Hortefeux et ceux de de Winter ?
Pas si vite ! Dans la France du talk show paillettes permanent, il ne s’est pas trouvé un seul porteur de serviettes de Nicolas 1er pour inaugurer le nouveau musée, même pas les quatre ministres de tutelle. Quant à l’accord péniblement accouché à Bruxelles au bout de plusieurs jours, il est avant tout motivé par le besoin pressant de main d’œuvre dans une Flandre vieillissante et en sur-emploi. Tant mieux pour les plombiers polonais, la nouvelle « green card » profitera avant tout à « nos amis » européens. Beaucoup moins aux ombres qui peuplent les centres fermés, ces prisons peuplés d’innocents qui ne bénéficient d’aucun régime de facilités quelle que soit la terre sur laquelle sont érigées leurs cellules. Comment ? J’ai mal lu ? Les familles avec enfants et les femmes enceintes pourront sortir du Centre 127 bis ? Passer les flics, les miradors et les barbelés ? Oui. Pour être « logés » …dans un nouveau centre « adapté à leurs besoins »… On imagine le décor : des flics, des miradors, des barbelés. Mais avec, en prime, un peu d’herbe et des vaches. Pour que, derrières leurs barreaux, les enfants bénéficient de lait frais. Merci qui?
Ne nous leurrons pas. L’immigration s’est toujours vécue dans des conditions pénibles. Même la glorieuse arrivée des travailleurs italiens dans l’immédiate après-guerre, dont nous avions tant besoin pour nos mines et nos industries, s’est faite entre deux haies de gendarmes et dans les baraquements qui servaient à loger les prisonniers de guerre allemands (voyez les ouvrages de A. Morelli et les documents de l’IHOES). Et le regroupement familial n’a longtemps été qu’un rêve. Mais, beaucoup de ces immigrés ont construit la Belgique (et la France, sans parler évidemment des Etats-Unis). Et l’on a souvent trouvé chez eux et leurs enfants un amour du pays (notamment pendant les années de guerre) parfois plus profond que celui de pas mal de braves gens « de souche ». L’étrange Napolitaine (chère à Pierre Dac et Francis Blanche) est devenue un grand-mère comblée et fière de ses petits-enfants. Elle n’est pas la dernière à dérouler le drapeau tricolore même si elle a gardé l’amour de sa terre d’origine. On peut aimer la Belgique et l’Italie, le Maroc ou la Pologne. Mieux vaut trop d’amour pour plusieurs cultures que pas d’amour pour soi-même. Ou, comme le dit encore Pierre Dac (lui-même excellent fils d’immigré) : « Quand nous saurons une bonne fois d’où nous venons et où nous allons, nous pourrons alors savoir où nous en sommes ».

Alain Berenboom
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C’EST PAS CHINOIS

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L’augmentation des prix du lait, de la farine, de la pâtisserie, du chocolat ? Paraît que c’est la faute aux Chinois. L’essence aussi, l’acier, les composants électroniques et que sais-je encore. Dites donc, il y a quelque chose qui m’échappe: nous avons liquidé nos usines textiles et notre sidérurgie et renoncé aux industries électroniques parce que tous ces produits, fabriqués bien moins chers en Chine, nous revenaient à trois francs six sous, d’après les explications des économistes –des pros toujours très futés. Grâce aux petites mains malingres des braves enfants chinois, nous pouvions offrir à nos gamins des baskets made in USA et à nos amies des pulls made in Italy à des prix défiant toute concurrence.
Les baskets, les ordinateurs, les DVD et les pulls sont toujours aussi bon marché mais, surprise, le prix du blé et du lait explosent. A cause des Chinois ? Hé oui ! On avait oublié que là-bas aussi les enfants grandissent. Les braves petits Chinois malingres qui se contentaient d’une poignée de riz avec un bol de soupe les jours où ils avaient dépassé leur quota, veulent maintenant manger comme nous. Trois repas par jour, du pain sept céréales, du chocolat et des gâteaux. Pourquoi pas des pralines pendant qu’on y est ? Non, mais où va-t-on ? Et comment les Chinois sont-ils passés d’Oncle Bens à Godiva ?
On avait tout fait pour éviter ça, poussé les autorités de Pékin à libéraliser l’économie, fermé les yeux sur Tian’anmen, le Tibet et le reste. D’accord avec un parti communiste régnant sans partage, des camps pour faire taire les opposants, une censure stalinienne, la police et l’armée pour réprimer les mouvements sociaux. Et, à la télé, de la pub autant que vous en voulez mais pas de débat.
C’est la pub qui nous a tués. Peut-être que si la télé avait offert des tribunes politiques, des empoignades entre un Sarkozy local et une Royale col Mao, les Chinois se seraient passionnés pour les joutes électorales au lieu de se jeter sur la bouffe et les produits de chez nous. Si vous aviez le choix entre la diffusion intégrale d’un discours de Leterme à la tribune du C.D.&V. et un spot publicitaire de Coca-Cola ou de Panzani, que regarderiez-vous ? Hélas, les Chinois sont comme nous. Cruelle découverte, un Chinois ressemble plus à un Belge qu’à un Martien.
Prenons-en notre parti. Puisqu’ils s’inspirent de nous, inspirons-nous d’eux. Il serait temps de rouvrir nos usines, de recommencer à fabriquer des pulls, des ordinateurs et des baskets et de les vendre aux Chinois. A condition évidemment de nourrir nos travailleurs avec un bol de riz. Mais ce bol de riz, on l’achète à qui ? Aux Chinois ?

Alain Berenboom
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POLITIQUEMENT INCORRECT

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Pourquoi j’aime les Flamoutches ?
Ce sont des artistes : ils ont Dehaene et Le Coq, Leterme et Hugo Claus. Le beurre et l’argent du beurre. La mer du nord et la mère Siska. Ils ont le meilleur des peintres wallons, le Domaine enchanté de Magritte et le musée Delvaux. Des pistes cyclables protégées et non ces trompe-la-mort tracées à contre sens dans les rues de Bruxelles. Ils ont le seul prix Nobel de littérature du pays et il écrivait en français. Ils ont un décret portant reconnaissance du langage gestuel flamand. Sans eux, Jacques Brel n’aurait jamais existé. Ils ont Breughel, Ensor et la folie. Ils connaissent les fantômes et le diable.
Avec les Marocains, les Turcs et les Congolais, ils ont sauvé le Bruxelles massacré par les grandes figures du cru, Vanden Boeynants et Cudell, en peuplant et en faisant vivre des quartiers que leurs habitants ont préféré fuir pour la périphérie.
Comme les Araméens, ils ont une langue que personne ne comprend dans un monde où l’english et le mandarin font la loi. Le même drapeau que l’on soit d’extrême gauche ou d’extrême droite à cette nuance près que les ongles du lion sont rouges ou pas. Ils ont le super Tom Boonen qui paye ses impôts à Monaco, la superbe Freya Vandenbossche qui se marie à la Thaïlandaise et un premier ministre qui attend désespérément d’aller vivre en Toscane. Ils ont les créateurs de mode, les mannequins, les danseurs et les fleuristes les plus inventifs.
Ils ont tous du boulot. La preuve : quand la sœur de Bart De Wever devient chômeuse, elle va pointer à Arlon et pas à Blankenberghe.
J’aime les Flamoutches parce que leur extrême droite n’a pas réussi à déraciner leurs Groen.
Ils aiment parler les autres langues et ils les connaissent. Koen Peters écrit le grand roman européen, Geert van Istendael les grands poèmes bruxellois. Ils ont la Lys et l’Escaut, Raymond van het Groenewoud qui compose la chanson officielle de la Flandre avec tant d’humour et de dérision que la Marseillaise de Gainsbourg paraît un hymne solennel.
Le politicien le plus craquant de ce royaume craquelé est l’Anversois Patrick Janssens qui peut arrêter la marche des fascistes et des artistes en pagaille qui se mobilisent pour cette cause.
Ils aiment ce pays et le célèbrent quoi que prétendent certains politiciens francophones populistes qui tentent de ramener à eux leurs électeurs égarés et déçus sur le thème de la peur du séparatisme. La faute à l’autre, l’étranger, le Flamoutche, le bouc émissaire. On connaît la chanson.
Rops à Namur et Charleroi danse. Et Dardenne, van Dormael et Hansel. Et Gourmet. Et le théâtre, Sikivie, Delmotte ou Derudder. Les Wallons et les francophones aussi ont tout ça. On dirait qu’ils ne le savent pas. Ouvrez les yeux, nom de Dieu !

Alain Berenboom
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