LE ROUCHE ET LE NOIR

chronique
Que reproche-t-on à Fidel Castro ? D’être rouge ?
A l’heure où le Standard voit poindre enfin la consécration suprême, le rouge est hype. Le rouge, tendance roûche en tout cas. Castro, lui, serait plutôt rouge, tendance noir.
Non seulement parce que le père Lachaise lui tend les bras mais surtout parce qu’il a assombri et enterré les rêves de toute une génération et démoli ceux de sa propre population.
Une révolution + le soleil des caraïbes + des verres de cuba libre + le Buena Vista social club, que demande le peuple ? Eh bien ! Le peuple est plus difficile que l’intelligentsia de « gôche » version Le Monde diplomatique. Bêtement, le peuple cubain demande les libertés.
Bien sûr, Fidel lui a donné l’instruction. Mais à quoi bon savoir lire si les livres qu’on aime sont interdits et les libraires sous le contrôle des flics.
Les habitants de La Havane ne peuvent même pas se consoler avec un bon cigare sur une plage enchantée : plages et cigares sont réservés aux touristes bardés d’euros et de dollars que le régime choie.
Des lieux communs tout ça ? Vu de Bruxelles, peut-être. Là-bas, ce sont ces lieux qui font la vie.
Cinquante ans de pouvoir, ça use, ça use. Et c’est increvable. Inspiré par la Corée du Nord, le révolutionnaire rusé usé a décidé de préserver les bijoux en famille. Castro et frère, Inc., un pari sur l’éternité.
Fidel est-il encore vivant ? Ses interminables discours se sont taris, ses images sont manifestement retouchées. Et les « messages » qui sortent de sa chambre d’hôpital ne sont évidemment pas signés. Moi, je soupçonne Fidel, sorti par la porte, de revenir un de ces jours par la crypte. Grâce à la cryogénie, le Leader maximo pourrait bien avoir été congelé juste avant la date de péremption pour réapparaître, frais comme un gardon, dans quelque temps, quand Raul souffrira à son tour d’une petite faiblesse. Faisant le coup du père Noël, il courra, couvert de glaçons, se jeter dans les bras de son cher ami Chavez. Le seul espoir alors est qu’ils périssent tous les deux d’une bonne pneumonie.
Et le Standard dans tout ça ? Remarquez : depuis que son principal supporter, Yves Leterme, est lui aussi hospitalisé, il gagne ! Ca fait réfléchir, non ? Le rouche, tendance orange bleue, patinait au sommet de l’état et du championnat. Hors d’Etat, Mr Yves booste son équipe favorite. Castro en fera-t-il autant ? Sa disparition offrira peut-être à son peuple la bienveillance américaine et la fin du boycott qui affame Cuba. Qu’on me comprenne bien : je ne souhaite pas à Mr Leterme le destin du Leader maximo (ni aux Belges le destin des Cubains). Les leaders minimos ont bien plus de vertu !

Alain Berenboom
www.berenboom.com

Chez Tropismes

Rencontre avec Alain BERENBOOM
autour de son nouveau roman,
PERILS EN CE ROYAUME (éditions B. Pascuito)

le mercredi 27 février

à la Librairie TROPISMES
galeries Saint-Hubert
à 19 h 15

présenté par Thomas GÜNZIG
en compagnie de Guy VAES

réservation possible (non obligatoire)
chez Tropismes: 02 512 88 52
entrée libre

ALLEZ, LES FILLES

chronique
On ne naît pas femme, on le devient. La célèbre phrase de Simone de Beauvoir prend une résonance particulière ces jours-ci pour deux femmes musulmanes dont les barbus ont décidé d’avoir la peau.
Ayaan Hirsi Ali, née en Somalie, devenue hollandaise (et même députée), risque sa vie en sortant des cachettes où elle est obligée de se terrer pour venir défendre à la tribune du parlement européen les femmes nées dans l’islam mais qui ont eu, comme elle, « l’audace » d’abandonner la religion.
Taslima Nasreen, écrivain du Bengladesh, obligée de fuir son pays, sous le coup d’une fatwa, risque de devoir quitter l’Inde où elle s’est réfugiée.
La religion n’a jamais été une partie de plaisir pour les femmes. Juifs, Chrétiens, n’ont pas beaucoup de leçons à donner aux Musulmans. Mais si ceux-ci détestent tant les valeurs occidentales, pourquoi copier les pires excès commis chez nous contre le « deuxième sexe » au nom du bon Dieu ? Et pourquoi diable ce vieux bonhomme les déteste-t-elles donc tant ? Au point que ces deux femmes ne trouvent même pas grâce dans leurs pays d’accueil.
Salman Rushdie, comme auparavant les écrivains qui fuyaient l’empire soviétique ou le Reich nazi, avaient été accueillis par les pays démocratiques où ils avaient dû se réfugier. Il fut même un temps où la Belgique était fière d’accueillir les artistes condamnés à l’exil – c’était longtemps avant MM. Tobback et Dewael, longtemps avant que Semira Adamu ne meure étouffée par nos gendarmes.
Aux Pays-Bas, Ayaan Hirsi Ali a mauvaise presse. Son parti l’a poussée à la démission. Elle faisait tache dans la langue de bois du monde politique. Ses voisins l’ont boutée hors du quartier. Sa présence décourageait le prix de l’immobilier. Le gouvernement a refusé de supporter le coût de sa sécurité aux Etats-Unis où elle avait dû se cacher pour fuir les menaces contre sa vie des exaltés islamistes bataves (sur un papier planté dans la poitrine de Théo Van Gogh, elle était désignée comme leur prochaine victime). Voilà à quoi ressemble la Hollande d’aujourd’hui, celle qui a fait de Pim Fortuyn une icône. En 1968, Amsterdam avait une autre allure…
La situation de Taslima Nasreen n’est pas plus brillante : obligé de fuir Calcutta pour le Rajasthan, elle en a été « exfiltrée » en pleine nuit pour Delhi mais les autorités s’obstinent à lui refuser la nationalité indienne qu’elle réclame vainement depuis des années. Elles ont même « découragé » le président Sarkozy, en visite il y a quelques semaines, de lui remettre le prix… Simone de Beauvoir qui lui avait été attribué à Paris.
On ne naît pas femme, on le devient. En la matière, les religieux de tous poils sont de rudes enseignants…

Alain Berenboom
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EN TELE

Alain BERENBOOM parle de « Périls en ce royaume » en télé.
Sur Arte ce vendredi 15 février à 20 h 15 dans 50 ° Nord
Une émission aussi diffusée sur La Une vendredi 15 février à 0 h 15

RTBF

Alain Berenboom présente son livre « Périls en ce Royaume »:

– sur la RTB-radio-La Première, en compagnie de Jean-Pierre Hautier: le mardi 12 février de 9h15 à 9 h 45
– sur la RTBF-Télé-La Deux, également le mardi 12 février dans l’émission Mille Feuilles à 22 h 45 (redifusion le mercredi 13 à 10 h)

Mazâr-e Charif

chronique
Ne pas confondre Mazâr-e Charif avec Laurel et Hardy. Mazâr-e Charif est afghan, tandis que Laurel et Hardy sont universels. Un point commun tout de même : dans les deux cas, il est question de liberté. Laurel et Hardy ont donné aux spectateurs du monde entier le droit à un rire destructeur, parfois jusqu’à l’anarchie. A Mazâr-e Charif, un jeune journaliste de vingt-trois ans, dénommé Sayed Perwiz Kambakhsh, avait cru aussi que la liberté de s’exprimer aère le cerveau. Mal lui en a pris. Le tribunal l’a condamné à mort. A mort ! Pour avoir reproduit les commentaires d’un site iranien (où apparemment la liberté de penser est plus grande qu’en Afghanistan) à propos de la place de la femme dans le Coran. La femme doit être l’égal de l’homme, écrivait-il. Et puisque l’homme a droit à plusieurs femmes, pourquoi la femme ne pourrait-elle revendiquer un droit équivalent ? Blasphème ! ont tranché les juges du cru en envoyant le jeune homme en enfer. Où il rejoindra Giordano Bruno, Salman Rushdie et quelques autres imprudents à la langue trop pendue. Rôtir en bonne compagnie, est-ce vraiment une consolation ?
D’après la météo, il fait à peine zéro degré à Mazâr-e Charif. Le froid ambiant explique sans doute que les juges aient préféré siéger à huit clos (le public qui entre dans la salle d’audience, ce sont des courants d’air garantis) et sans avocat (plus vite terminé, plus vite au chaud devant un bon verre de thé). Selon le président de l’Association des journalistes indépendants d’Afghanistan (rapporté par Reporters sans frontières) Sayed Perwiz Kambakhsh a un autre défaut, un frère, lui aussi plumitif (tous piqués dans cette famille ?) qui a publié des articles critiques dénonçant les abus des seigneurs de la guerre qui mettent la région en coupe réglée.
C’est dans ce sympathique et accueillant pays que débarque un contingent supplémentaire de militaires belges. Certes, notre ministre des affaires étrangères s’est fendu d’une convocation de l’ambassadeur afghan et d’un appel à son gouvernement sur l’air de démocratie et droits de l’homme doivent être respectés (ou au moins veiller à ne pas étaler leurs violations dans la presse). A quoi, les autorités afghanes ont opposé, aussi sec, le respect de la séparation des pouvoirs. Ah ! « L’état de droit », encore un beau cadeau de l’Occident, avec les armes et les 4×4. Pavot, pas pris.
A propos, ne ratez pas le splendide documentaire belge de Dan Alexe « Cabale à Kaboul », images décalées sur les deux derniers Juifs de la capitale afghane qui vivent, en se haïssant, dans une synagogue en ruines. Un film tranchant sur ce pays de nulle part, où la « justice » se rend sous le regard indifférent des soldats de l’OTAN.

Alain Berenboom
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PERILS EN CE ROYAUME

Perils en ce RoyaumeParution en février du nouveau roman d’Alain BERENBOOM, aux éditions Bernard Pascuito

UN DETECTIVE EXPLORE LES FÊLURES DE LA BELGIQUE AU TEMPS DE L’AFFAIRE ROYALE

La Belgique est sur le point d’exploser : les francophones craignent la scission du pays, les flamands veulent chasser le roi et instaurer une république indépendante.
Mais, en vérité, c’est au sortir de la guerre que la crise a commencé.

Périls en ce Royaume commence en janvier 1947.

Un jeune fonctionnaire aux Affaires étrangères, qui fut résistant pendant la guerre, disparaît brusquement. Sa famille fait appel à un détective privé, Michel Van Loo.

Les temps sont agités en Belgique : règlements de compte entre résistants et anciens collaborateurs, sur fond de guerre civile larvée entre les partisans du roi Léopold III et ceux qui veulent une république, cependant que les communistes de tous poils se disputent entre eux, sûrs de prendre le pouvoir.

C’est dans ce climat délétère qu’enquête Michel Van Loo et ses amis, Anne, une shampouineuse, Fédérico, un coiffeur, ancien partisan communiste italien, le pharmacien juif Hubert et même son bébé.

Un polar nostalgique et drôle qui explore les coulisses de la Belgique à la veille de l’explosion.

SOUVENEZ-VOUS DE FACHODA !

chronique
Je traînais dans un magasin (à la recherche de chaussures en soldes si vous voulez tout savoir) lorsque le bruit d’une altercation au comptoir me fit lever la tête. Depuis un moment, la jeune vendeuse et un vieil homme discutaient vivement. J’avais cru vaguement entendre qu’elle lui avait manqué de respect. Je n’y avais guère prêté attention, pas plus qu’aux propos qu’ils échangeaient, lorsque l’homme s’écria soudain, les yeux flamboyant : « Souvenez-vous de Fachoda, mademoiselle ! »
Là-dessus, il tourna les talons et, d’un air très digne, sortit en claquant la porte.
Fachoda ? La vendeuse regarda les clients dans la boutique. Qui était Fachoda ? Un parent à elle ? Son profil méditerranéen pouvait peut-être le faire croire. Mais, elle l’aurait reconnu et n’afficherait pas cette expression ahurie sur son visage trop maquillé. Un type se mit à ricaner. Une dame demanda ce qui s’était passé. La vendeuse haussa les épaules. « Un fou », dit-elle. « Il était furieux parce qu’elle refusait de lui parler en flamand », expliqua un jeune homme qui fouillait les bonnes affaires près du comptoir.
« On est à Bruxelles, non ? » fit la vendeuse, les lèvres pincées.
« Et Fachoda ? » demanda la dame. Plus personne ne s’intéressait aux chaussures.
C’est alors que l’histoire me revint. Je l’avais lue jadis. Les Français s’étaient emparés de Fachoda, un poste à la frontière du Soudan vers 1880, qu’ils avaient dû évacuer après que les Anglais aient menacé la France d’une guerre. Léopold II avait essayé de profiter de la tension entre nos grands voisins en envoyant dare-dare un corps expéditionnaire pour étendre l’empire colonial belge mais l’opération avait échoué, l’avant-garde, confiée à des anthropophages, ayant dévoré les officiers.
Tout le magasin se tourna vers moi. La vendeuse, effrayée me demanda s’il fallait prendre ces menaces au sérieux ?
– Vous n’êtes pas un officier même si ce bonhomme est, d’une certaine façon, un indigène… Rassurez-vous. Je crois qu’il pensait à l’humiliation française. A l’époque, elle avait tellement marqué les esprits qu’une méfiance durable s’est installée entre Français et Anglais, dont les pétainistes avaient encore joué plus de cinquante an plus tard. Tout le monde hocha la tête, perplexe.
Qu’au début du nouveau siècle, un homme puisse encore lâcher à une vendeuse « Souvenez-vous de Fachoda ! » était fascinant. Rassurant même à une époque qu’on dit sans mémoire où la culture de la veille disparaît dans un grand trou noir. Mais, comment ne pas en même temps s’inquiéter que le souvenir de vexations anciennes continue à tourmenter autant de bons esprits ? En espérant que personne ne s’écrie un jour : « Souvenez-vous de Bruxelles » !

Alain Berenboom
www.berenboom.com