SAINTES TÊTES BLONDES

chronique
Une étude a fait grand bruit cette semaine. En Belgique, les élèves des écoles libres seraient meilleurs que ceux de l’enseignement officiel. Dieu soufflerait-il sur les bonnes écoles ? Les mécréants en doutent en invoquant l’état du reste de la planète. Dieu s’occuperait des bambins de Saint-Michel et de Saint-Hubert alors qu’Irakiens, Birmans, Congolais ou Chinois meurent par milliers dans l’indifférence ?
Pourquoi pas ? Par un divin caprice, le Seigneur peut avoir décidé, dans Son incompréhensible miséricorde, de se consacrer pendant quelques semaines au sort de la Belgique pour en faire en quelque sorte son petit laboratoire. N’a-t-il pas déjà, dans Son Infinie bonté, ramené le parti social-chrétien à la tête de l’état fédéral, offert à Yves Leterme, qui ne connaissait du monde que le camping de Coxyde, les mystères du Pérou et les églises baroques de Ljubljana ? Sa sollicitude laisse présager une solution pour BHV avant Noël et le trône de Saint-Pierre à monseigneur Léonard pour la Saint-Sylvestre. Moment où Dieu, quittant notre royaume redevenu enchanté, s’occupera d’une autre population en détresse.
Faut-il s’étonner de la supériorité des écoles libres ? Le président Sarkozy, autre ami du Seigneur, a récemment rappelé la supériorité du curé sur l’instit’ – en récompense, il a reçu Carla Bruni. Ce qui a suscité cette réflexion d’un de mes amis.
De mon temps déjà, m’avoua-t-il, on allait draguer les filles à la sortie des collèges. Les filles du lycée voisin, ça faisait vraiment trop banal. D’où cette hypothèse de mon ami libre-penseur, je le précise pour être honnête: l’attirance sexuelle pour les filles cathos a-t-elle un lien avec leur supériorité intellectuelle ?
Non. Non. Dieu ne l’aurait pas permis, même si Ses desseins sont impénétrables.
Reste alors à comprendre ce qui fait des enfants du libre des petits génies et les autres des cancres.
Les curés ? Ils ne sont plus assez nombreux pour donner cours, même pas pour faire la messe. La prière ? Il y a aussi des cours de religion dans l’enseignement officiel. De toute façon, qui fait encore la prière ? Les crucifix dans les classes ? Mais peut-on supposer que Jésus soufflerait aux enfants le résultat des questions d’examens comme il le faisait jadis à Don Camillo pour l’aider à vaincre Peppone ?
On peut peut-être y voir un autre message. Les résultats de l’étude étant identiques dans les deux régions du pays, la communautarisation de l’enseignement n’aura servi à rien. Les écoles publiques pourraient donc songer à autre chose. Par exemple apprendre vraiment les deux langues nationales à tous les enfants de ce délicieux pays ?

Alain Berenboom
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Tout fout le camp !

chronique
Justine Henin, après Kim Clijsters, part vivre sa vie au lieu de faire vibrer la nôtre. Bush, bientôt, nous abandonnera à notre triste destin sans avoir rangé la salle de jeux qu’il laisse dans un état pas possible. Et Prodi, confie le plus beau pays du monde à une équipe démente, un demi-clown et un demi-fou.
Il y a aussi ceux qui partent sans partir et qui ne sont tout de même plus tout à fait là : Poutine ou Tony Blair, des fantômes dont l’ombre est si puissante qu’elle paralyse leurs successeurs. Ou Ariel Sharon qui vient de fêter les soixante ans de l’état juif en errant entre le paradis rêvé et la réalité de l’enfer.
Les pays aussi foutent le camp : le Liban s’en va en morceaux, le Tibet fait trembler la Chine, la Yougoslavie ne se remet pas de se diviser. En attendant les secousses de l’Ecosse.
Et la Belgique, ô mère chérie, où fout-elle le camp ? Au nord, toute ?
Dans le grand remue-méninge sur l’avenir de son avenir, épinglons cette semaine cette idée d’un député hollandais : que les Pays-Bas absorbent la Flandre. Juste comme le faisaient jadis nos premiers ministres du premier hareng de la saison.
Pourquoi pas, après tout ? Le roi deviendrait reine de Hollande. Nos moules se déguiseraient en huîtres de Zélande. Et le plattekeis devrait s’endurcir pour rivaliser avec le gouda. Un fromage blanc avec une épaisse croûte rouge ? Tout fout le camp ! vous dis-je.
Seule la compagnie du Zoute applaudit le projet qui comble ses rêves les plus fous : bétonner tout le littoral de Knokke à Groningue.
Mais l’exercice s’arrête là : on ne voit pas comment transformer notre sublime élixir national, la gueuze, en ce liquide en canette qui porte le triste nom de monsieur Heineken. Et qui peut imaginer Tommeke, Tommeke, notre Tom Boonen national, en champion de Hollande ? Comme si Merckx à l’époque avait dû changer son nom en Zoetemelk !
Les Hollandais ne savent pas ce qui les attend. Avec l’arrivée des gouvernements rouge-bleu-romain (comme ils disent), ils auront en cadeau ces hommes et femmes politiques que l’Europe nous envie. Ils croyaient avoir leurs extrémistes avec Pim Fortuyn, Geert Wilders ou Rita Verdonk. Ils découvriront que leurs grandes gueules populistes sont des enfants de chœur lorsque F. Dewinter et autres suppôts du Vlaams Belang feront leur entrée aux Etats-Généraux à La Haye. Et que diront-ils lorsque nos politiciens, devenus hollandais, sortiront de leur chapeau pour animer un peu la monotone vie politique d’outre-Moerdijk un petit BHV autour d’Amsterdam et un N-Vatje qui exigera l’indépendance de la Frise ?
Dire que ce sont les Flamands qui disent : « Nederlanders kunnen zo zeiken ! » (les Hollandais nous pompent l’air)…

Alain Berenboom
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JURASSIC PARK BELGIUM

chronique
Le débat qui fait rage entre Dieu et Darwin (duquel de ces deux vieux barbus descendons-nous ?) vient de prendre un nouveau tournant avec cette découverte récente : le poulet descend du T-Rex. Accompagné de compote, le poulet nous permet chaque dimanche de nous convaincre que la Belgique de jadis existe encore. Cessons donc de nous moquer de ce ridicule volatile. Il est l’enfant du plus terrible monstre de l’histoire. Les monstres aussi ont terminé petits…
Alors, imaginez à quoi ressemblait notre ancêtre ? Si le chétif et minuscule mammifère que nous sommes descend, comme le poulet, d’une grosse bêbête de jadis, qui est notre redoutable aïeul ?
Rassurons nos frères en religion, ce n’est sans doute pas le singe qui leur fait si peur. Les plus grands d’entre eux ne sont pas de taille à se prétendre nos géniteurs, sauf le yeti. Mais, comme l’abominable homme des neiges n’existe que dans Tintin, c’est encore raté. Alors où est notre papa-maman ? Dinosaure, baleine, pieuvre géante, mamouth, Big Mac ? On n’a que l’embarras du choix.
Certains savants formulent une hypothèse troublante : l’homme ne descendrait pas d’une seule créature mais il serait le résultat d’un mélange hybride. Chacun de nous aurait pour ancêtre un monstre différent. Cette découverte séduisante expliquerait certains des traits caractéristiques de notre espèce qui nous distinguent des autres créatures vivantes : notre incroyable énergie à nous détruire, notre absence de tout sens du ridicule, notre manie de faire une montagne de questions ridicules, notre goût pervers pour le mal, notre incapacité à scinder l’arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde sans déclencher en même temps une guerre atomique, notre soif de voter une règle et d’en appliquer aussitôt une autre.
Imaginons (simple hypothèse de travail) que les francophones descendent du dinosaure et les Flamands du monstre du Loch Ness (qui a aussi transmis le gène de l’indépendance aux Ecossais), il paraît logique que celui-ci veut avaler celui-là et que celui-là passe son temps à essayer de piétiner celui-ci. Comme on le voit, les choses, vues ainsi, deviennent aussitôt beaucoup plus lumineuses : l’article 107 quater, la sonnette d’alarme, la circulaire Peeters, la langue de bois.
Reste à se demander de quel animal préhistorique descendent Yves Leterme, Bart de Wever, Didier Reynders, Herman Van Rompuy, Elio di Rupo et Joëlle Milquet. Et à quoi ressembleront leurs descendants dans quelques millions d’années. Ce sera pour une de nos prochaines causeries.

Alain Berenboom
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RENCONTRES AVEC A. BERENBOOM

autour de son polar « PERILS EN CE ROYAUME »
une enquête de Michel Van Loo, détective

mardi 13 mai à 18 h. 30

LA LICORNE
656 chaussée d’Alesemberg- Uccle
té.: 02 344 98 32

entrée libre

le mercerdi 18 juin à 18 h.
à la Maison des Ecrivains-Camille Lemmonier
chaussée de Wavre 150
1050 bxl

&

alain berenboom
signera ses livres au Salon des Ecrivains
le lundi 12 mai (lundi de Pentecôte)

Heysel-Palais 10
de 14 à 18 h.

alain berenboom en radio

La Librairie francophone dimanche 11 mai
sur RTBF à 12 h. et sur France Inter à 17 h.
et ensuite en podcast sur le site de France Inter

Kriss Crumble:
en podcast sur le site de France Inter jusqu’au 10 mai.

Sur la RTBF le mercredi 21 mai de 13 h 30 à 14 h.

LE MAI DE PIERRE BEREGOVOY

chronique
Le suicide il y a quinze ans de Pierre Bérégovoy est passé plus inaperçu que la célébration des anciens combattants de mai 68 et la vague de nostalgie autour de l’expo 58. Evidemment, entre les images-icônes du Paris des sixties et le graphisme trendy de l’expo, entre Daniel Cohn-Bendit et le style Franquin, Bérégovoy n’a aucune chance. Avec son air de chien battu à grosses lunettes, le physique triste d’un papy rondouillard que François Hollande aura dans quelques années si Ségolène Royal revient lui mijoter quelques plats du terroir et l’air empesé d’un ancien cheminot rhabillé par Armani et qui culpabilise.
Le seul mot célèbre dont on se souvent à son propos n’est pas de lui mais de François Mitterrand. Prononçant son éloge funèbre, il dénonce « les chiens » lâchés contre lui, les média accusés de sa mort. Mitterrand a toujours dissimulé l’essentiel. Et refusé de s’interroger sur le cortège de morts et de suicides dans son sillage et sa propre fascination pour le morbide. Ce suicide serait une réaction de découragement face à la presse qui avait déterré le prêt avantageux consenti à l’ancien premier ministre par un industriel proche du pouvoir (mort brutalement, lui aussi).
Le fait que P.B. se soit suicidé le 1er mai aurait pu suggérer une autre piste : une façon d’enterrer une vie de militant, de sonner l’hallali d’une certaine idée du combat socialiste, de dénoncer l’échec d’une vie, d’éclabousser de noir le jour symbole des luttes ouvrières. Et de marquer spectaculairement la fin des idéologies – nous sommes en 1993.
Ouvrier devenu collaborateur de Pierre Mendès France, il se mit au service de Mitterrand quand celui-ci s’empara du PS. Lorsque la gauche arrive au pouvoir en 1981, il accède aux plus hautes fonctions. Qu’espère-t-il alors ? Après une longue attente, mettre en œuvre les idées généreuses de toute une vie. Or, après quelques mois d’euphorie brouillonne, lorsque Mitterrand sonne la fin de la récréation, qu’il remet la gauche au placard pour appliquer une politique de rigueur, lorsque enfin le président fait appel à lui, c’est pour procéder au grand nettoyage et passer aux choses sérieuses.
Avec son verbe ennuyeux, son sérieux pesant, P.B. n’est pas une figure très emballante ! On préfère l’image libertaire de ces belles jeunes filles qui battent le pavé de Paris. Mais sous son apparence de notaire, cet ouvrier devenu premier ministre qui finit par se tirer une balle dans la tête représente la vraie gauche à l’ancienne qui a changé le vingtième siècle, celle des premiers mai euphoriques et fraternels, des pique-niques de 1936, des gueules noires et des sidérurgistes au coude à coude pour arracher un mieux vivre, le vote et l’école pour tous.

Alain Berenboom
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HISTOIRE DE SOLITUDE

chronique
L’autre jour, j’ai été le témoin d’un spectacle navrant : un policier motocycliste obligé d’affronter seul une automobiliste garée en double file.
Gonflé comme Bibendum, avec son harnachement de cuir aussi pesant qu’une armure, des bottes trop grandes pour lui, ses micros et oreillettes qui semblaient l’étouffer, on aurait dit une mouette sur une plage de Bretagne après le naufrage d’un pétrolier, John Wayne se traînant dans le désert sous un soleil de plomb, sa selle sur l’épaule après avoir dû abandonner son cheval, di Ripo sortant d’un face-à-face avec Philippe Moureaux dans son corral de Molenbeek.
Je tournai la tête à la recherche de son compère. Rien. Horizon vide. Même pas un releveur d’horodateur ou un garde forestier, enfin, un être humain, je veux dire un homme en uniforme. Mon policier était désespérément seul, lâché par son co-équipier. Du moins je le suppose. On m’a toujours appris que le motard fédéral circule en couple. C’est à deux qu’ils verbalisent, tempêtent, ricanent et remettent virilement le citoyen dans le droit chemin. Seul, il n’existe pas. Ils ont besoin d’être en duo comme des jumeaux nés attachés, les gaufres de Siska et la crème fraîche, Michel Daerden et sa bouteille, la Flandre et la Wallonie, le bien et le mal.
Et si c’était moi qui me trompait ? Moi qui, une fois de plus, avais raté la marche de l’histoire ? Si l’on avait décidé en haut lieu de supprimer ce dernier signe de notre civilisation ? Le duo de flics aurait-il été emporté par le vent de réformes qui a déjà balayé tout le reste, au nom de la rigueur budgétaire, de la modernisation ou de quelque obscure directive européenne ? Comme pour préparer la population à l’inévitable effondrement.
L’homme – privé de son double, je ne parviens pas à l’appeler le policier – s’approcha doucement de la dame. Comme le feu passait au vert, celle-ci démarra sans un regard. Et lui resta là, son petit carnet à la main, les bras ballants, son équipement sophistiqué dérisoirement inutile.
Lorsque Quick et Flupke faisaient une bêtise, l’agent 15 empoignait son sifflet et ameutait ses collègues. Ce temps-là est fini. Encombré comme il l’était, mon pandore aurait mis une demi-heure avant d’atteindre son sifflet au fond d’une de ses poches. Et qui aurait bougé ? La sirène d’une voiture que l’on vole n’intéresse plus personne. A l’heure où la police elle-même déconseille d’appeler le numéro d’appel unique car la transmission du message à la brigade locale est trop compliquée et que les policiers s’enferment dans certains commissariats de peur de se faire agresser, qu’aurait provoqué un misérable coup de sifflet d’un pandore égaré ? Il n’y a plus d’abonné au numéro que vous avez demandé…

Alain Berenboom
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Venez écouter Alain Berenboom

A la librairie Chapitre XII
dialogue avec Rudy Aernoudts

Alain BERENBOOM et Rudy AERNOUDT
comparereont leurs visions de de Bruxelles
à la Librairie Chapitre XII
12, avenue des Klauwaerts à Ixelles (étangs d’Ixelles, près de la place Flagey)

le mardi 29 avril à 18 h 30
avec Monique Toussaint.

« Bruxelles, la bien aimée ! Bruxelles, la mal aimée ! D’un côté, Alain Berenboom, de l’autre Rudy Aernoudt, flamand économiste, philosophe, plein d’humour et de pertinence »

TRAMONTO DI ROMA

chronique
La réélection du Cavaliere à la tête de l’Italie réjouira tous ceux qui, comme nous, aiment goûter aux délices sans cesse renouvelés du fédéralisme de désunion à la belge. Sorti comme un diable de sa boîte de la grande coalition de S. Berlusconi, le principal vainqueur des élections italiennes est en effet Umberto Bossi, le patron de la Ligue du Nord. Bossi a dû être fabriqué par un savant fou d’origine belge qui avait en magasin les gènes de Bart De Wever pour l’arrogance, de Filip De Winter pour le programme et de Michel Daerden pour le populisme. Ce Frankensteineke a mélangé le tout qu’il a saupoudré de peperone, le légume qui rend fou.
Pour situer le personnage Bossi, alors ministre, il a proposé de canonner en mer les embarcations des immigrants et des trafiquants. Peu après, une maladie l’a plongé dans un coma dont il n’a émergé que près d’un an plus tard. Sa promenade sur les rives du Styx l’a rendu plus dément que jamais. Célèbre aussi pour son programme sécessionniste, il a imaginé détacher de l’Italie le nord et ses hommes aux « valeurs civiques » en créant une république de Padanie, se réclamant de façon fantaisiste d’une vague origine celte. Amoureux des péplums en carton-pâte fabriqués à Cinecitta, il a descendu le grand fleuve à la tête d’une procession d’illuminés en chemises vertes. Arrivé à Venise, là où le Pô se jette dans la mer, Bossi, tel un moine sur les bords du Gange, a cérémonieusement versé dans la lagune un récipient contenant de l’eau pris à la source du fleuve.
Les immigrés ne sont pas les seules têtes de Turcs de la Ligue. Son autre ennemi est Rome dont Bossi annonce « il tramonto » (le crépuscule) : « Notre première initiative, promet-il, sera le fédéralisme fiscal. Il est impensable que tout l’argent (du nord) atterrisse toujours à Rome. »
Le retour de Bossi et de sa clique au pouvoir fait naître un grand espoir pour les chômeurs wallons et pour certains hommes politiques de chez nous, que leur grand chef de parti a mis sur le bord de la route. Un boulot de consultant les attend à Milan. Fort de son succès, Bossi veut réviser sans attendre la tuyauterie institutionnelle italienne. Sur la question, nos spécialistes sont imbattables et sans concurrents dans le monde. Grâce à eux, Bossi pourra développer un projet aussi farfelu que le nôtre : communes à facilités dans le sud pour les Pépées (Purs Padaniens), règles particulières pour le survol à basse altitude des villes non padaniennes par Alitalia, transfert des ordures de Naples au Congo belge, etc.
Des Wallons en Padanie ? Juste retour de nos travailleurs pour libérer un pays qui, il y a soixante ans, nous a permis de développer le nôtre.

Alain Berenboom
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Olym-piqués

chronique
Quelle idée ont eu les Chinois de se battre pour organiser à tout prix ces foutus jeux olympiques ? A quoi bon se payer ce joujou formaté pour consommateurs occidentaux à coups de millions par la pub et la télé ? Pékin voulait prouver qu’elle valait bien Londres, Berlin ou Los Angeles ? Z’ont l’air malins maintenant.
Tant qu’ils jouaient leurs partitions, personne ne trouvait rien à reprocher aux Chinois. Mieux, ils étaient cités en exemple. Prenez la révolution culturelle. Une civilisation, des trésors historiques, des livres, des hommes et des femmes de talent, écrivains, professeurs, savants, détruits par milliers, par millions. Plus de livres, plus de musique, plus de films (sauf les « pensées » de Mao qui sont à la philosophie ce que TF1 est au septième art). Et les meilleurs intellectuels européens, nos « consciences », Sartre, Barthes, Sollers, d’applaudir, de déclarer sans rire jaune qu’il faut faire pareil, que Mao est un guide pour l’humanité – un peu isolé, un Belge, Simon Leys, dénonça vite la supercherie, le crime.
Ils peuvent faire travailleurs des enfants, payer des salaires de misère, n’accorder aucun droit syndical, ne pas prendre les précautions élémentaires sur les chantiers, exploiter des mines à côté desquelles celles de Marcinelle ou de Grâce-Berleur ressemblaient à un parc. Personne n’a songé à les boycotter, à ne pas importer leurs produits, à ne plus y envoyer nos entrepreneurs. Google, Microsoft, Yahoo caviardent tous les jours la toile, le doigt sur la couture du pantalon, et on continue de leur faire confiance et d’acheter leurs services. Et qui a pensé à critiquer les entreprises de luxe françaises et italiennes qui s’étalent derrière les marbres olympiques de leurs vitrines sur les grands boulevards de Shanghai ?
Mais les jeux olympiques, ça, c’est sacré. Peuvent pas nous les saloper.
Vraiment, ces Chinois ont fait le mauvais choix. Ils auraient pu, comme je ne sais quel émirat arabe, acheter les meilleurs footballeurs ou faire bâtir une réplique du Louvre avec ses collections les plus précieuses, on les leur aurait donnés. Ils auraient pu faire partir le tour de France de Pékin, on aurait salué l’initiative, invité le Dakar à écraser au passage leurs populations, personne n’aurait hésité. Racheter à coups de millions le festival de Cannes et transférer la croisette sur les bords du Yang-tseu-kiang, vedettes et journalistes auraient trouvé l’idée formidable et seraient venus en masse. Mais les olympiades, non. Les sportifs, c’est pur, dur, noble, c’est hors-commerce. Décidément, on ne nous fait pas marcher, on nous fait courir.

Alain Berenboom
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Enlivrons-nous avec Alain BERENBOOM

our son dernier roman : « Périls en ce royaume » (Ed.Pascuito 2008)
Dans ce « polar waterzooi », qui se déroule à Bruxelles en 1947, et dont le héros est un détective Schaerbeekois, l’auteur fait un voyage dans le temps et s’interroge sur la Belgique de demain à la lumière de circonstances passées. A travers ce roman drôle sur un fond historique qui ne l’est pas, Alain Berenboom nous dit aussi son amour pour ce pays, sans jamais se départir de son esprit critique et de son humour tantôt corrosif, tantôt tendre.

PAF 3€
Le mercredi 9 avril 2008 à 18H30
Centre Culturel d’Uccle, 47 rue Rouge, 1180 Bruxelles