Si l’on peut regarder Titanic sur son téléphone portable, pourquoi s’enfermer au musée du cinéma, rebaptisé désormais Cinematek ?
Au hasard :
– pour descendre du tram 94, dévaler les escaliers de la rue Horta et découvrir toute la magie de Brussels by night et ses femmes entre chien et loup ;
– pour faire glisser mon vélo le long des goulottes qui serpentent jusqu’à l’entrée de la Cinematek et l’abandonner à un Ladri di biciclette ;
– pour frissonner quand mon amie me susurra à l’oreille Kiss me, stupid ! pendant que Dean Martin crève l’écran ;
– pour me chauffer dans ses nouvelles salles obscures pendant que Bruxelles grelotte (certains l’aiment chaud !)
– pour entendre le pianiste improviser pendant la projection d’un film muet, soulignant le charme vénéneux de Louise Brooks et l’étonnante ressemblance de Harold Lloyd avec le roi Baudouin. Ne tirez pas sur le pianiste !
– pour faire le tour du monde en quatre-vingt jours ;
– pour m’esclaffer avec toute la salle parce que Laurel et Hardy s’échinent à monter un piano par un étroit escalier ;
– pour admirer Gene Kelly, plus mouillé qu’une loque à reloqueter, danser Chantons sous la pluie pendant que dehors, le soleil brille ;
– pour traverser le parc de Bruxelles, en sortant de la salle, et croiser Yves Leterme, assis sur un banc, contemplant le 16 rue de la loi, un fol espoir dans les yeux. La Grande Illusion.
– pour sortir de mon Lit et me glisser dans celui de Marion Hänsel ;
– pour boire une gueuze grenadine, sitôt le projecteur éteint, et retrouver l’univers de Bossemans et Coppenolle toujours vivant à la Mort subite ;
– pour ne plus me heurter au bâtiment monstrueux que la Fortis a érigé juste en face du palais de Victor Horta. Prends l’oseille et tire-toi !
– pour faire la nique au pathétique Godefroi de Bouillon glacé, là-haut sur la place royale, à la recherche du Sacré Graal des Monthy Python ;
– pour renoncer durant deux heures à l’Obamania. Mais vive America, America !
– pour jouer à nouveau aux Indiens et aux cow-boys et à Duel à OK Corral ;
– pour rencontrer l’homme qui en savait trop, seul expert capable encore de sauver les banques belges et l’or de Naples ;
– pour voir l’Homme au bras d’or défier l’Homme qui tua Liberty Valence, sous les yeux de Mr Nobody;
– pour croiser la spumante Claudia Cardinale dans les escaliers, venue présenter La Fille à la Valise ;
– pour échapper au fils Daerden en me réfugiant dans les bras de Lorna ;
– pour consoler la Femme qui pleure ;
– pour le goût du saké et le parfum des petites marguerites ;
– pour rencontrer le fantôme de l’opéra qui hante désormais les lieux depuis les salles sont descendues dans le sous-sol ;
– pour me trouver à un jet de pierre de l’Homme qui voulut être roi. Noblesse oblige.
Alain Berenboom
www.berenboom.com