CECI N’EST PAS UN MUSEE MAIS DEUX

Dans quelques jours vont être inaugurés le Musée Magritte et le musée Hergé. Sacrée coïncidence que cet hommage rendu à deux créateurs géniaux qui travaillaient le même art, vivaient à la même époque et dans la même ville mais qui ne se sont pas rencontrés. Aujourd’hui, le rapprochement entre les deux œuvres paraît évident. Trop évident ? Trop séduisant ? Trop facile ?
Tout sépare en fait les deux artistes. Magritte est un bouffeur de curés, aux idées révolutionnaires qui a flirté un moment avec le parti communiste, comme la plupart des autres membres du groupe surréaliste. Alors qu’Hergé était plongé dans un milieu catholique conservateur, et même réactionnaire. Sous la silhouette apparente de petit bourgeois bruxellois qu’ils affichaient tous les deux, se cachaient des hommes et des univers bien différents. La coexistence à quelques rues de distance d’artistes si différents (et qui s’ignorent !) est peut-être un des secrets de la magie belge.
Pourtant, on ne peut nier des points communs entre Magritte et Hergé. Le sens de la dérision, du pied-de-nez, de l’impertinence. Il n’y a qu’un pas entre la rue où jouent Quick et Flupke et celle de Golconde sur laquelle tombent des centaines de bonhommes en chapeau boule (encore un accessoire commun). Cette façon de ne pas se prendre au sérieux, typiquement de chez nous, explique sans doute le temps qu’il a fallu à l’un et à l’autre pour être reconnu hors de nos frontières.
L’importance du monde du rêve est évidente dès qu’on regarde un tableau de Magritte. Mais, en grattant un peu, on découvre qu’il en est de même pour Hergé. Les hallucinations du capitaine Haddock, prêt à enfoncer son ouvre-bouteille dans la tête de Tintin ou le passage des Dupondt devant une plaque de rayons X, qui les transforme en demi-squelettes, paraissent étrangement familiers aux amateurs de Magritte. Comme leur goût partagé pour le roman populaire, le « roman de gare ». Les titres des toiles de Magritte évoquent ceux des romans d’aventures et de mystère, autant que ceux d’Hergé : Le Château des Pyrénées, le Monde perdu, le Gouffre argenté ou encore l’Ile au Trésor et Le Drapeau noir font écho à l’Ile noire, à l’Oreille cassée et à l’Etoile mystérieuse.
Tous deux aussi ne cachent pas leur amour du cinéma burlesque. Magritte collectionnait les films de Buster Keaton, de Charlot et de Laurel et Hardy, dont Hergé n’a jamais caché l’influence qu’ils ont eue sur son sens du gag, élément essentiel de son œuvre.
A une époque où il est de bon ton de se « racrapoter » dans sa communauté, la culture belge revient en tornade, mille sabords ! Et c’est une sacrée gifle dans la figure de ceux qui pensent que la Belgique n’existe pas.

Alain Berenboom
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CHERCHEZ LA FEMME

Jadis (à l’époque bénie du rideau de fer), on s’inquiétait des humeurs de ces messieurs du Kremlin – les camarades femelles n’existaient pas. Un froncement de sourcil du czar rouge et le monde « libre » tremblait, les chancelleries s’agitaient comme une fourmilière menacée par le feu, les ministres européens se pressaient, tremblants et blêmes, comme si un tyrannosaure Rex venait de se réveiller sous leur nez.
Depuis la disparition des monstres rouges, ce sont les dames qui font la météo : calme plat, plein soleil, ouragan ou avis de tempête.
Quand l’une des épouses de Nicolas Sarkozy ne fait pas partie des bagages ou qu’elle n’apparaît pas à un raout officiel, la France entière s’interroge, bruisse de rumeurs. C’est la crise. Le président restera-t-il en place ? La république tremble sur ses bases. Peu importe les raisons du voyage, la situation internationale. Il n’y en a que pour madame : est-elle là ou pas ? Souriante ou maussade ? Et, surtout, comment est-elle habillée ?
Lors du récent déplacement en Espagne du président français, la crise financière, la lutte contre le terrorisme étaient passés à la trappe. Oubliés aussi les quelques mots maladroits à propos de M. Zapatero. Les folliculaires ne regardaient qu’une chose : les belles gambettes, les toilettes élégantes et les silhouettes cambrées des deux premières dames, photographiées de préférence de dos.
En Italie, tant que le ménage Berlusconi faisait illusion, le président du conseil pouvait multiplier les déclarations grotesques, faire voter des lois scandaleuses pour s’en mettre plein les poches dans la plus parfaite légalité et faire le clown devant les morts de la catastrophe de L’Aquila, rien ne pouvait entamer sa popularité. Que sa chère et tendre claque la porte et dénonce ses sympathies pour quelques starlettes, et c’est la dégringolade. Heureusement qu’à l’époque où J.F. Kennedy était président, les Etats-Unis n’avaient d’yeux que pour Khrouchtchev et Castro. Car ce n’était pas seulement un pauvre cigare qui faisait ses délices…
Le nouveau président d’Afrique du sud, M. Zuma, devrait se méfier. Ce pauvre homme est en effet flanqué de quatre épouses. Quatre madame Berlusconi… Ca promet !

Alain Berenboom
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PS : ça n’a rien à voir – quoiqu’il y est aussi question de femmes ! Ne ratez pas la reparution de « L’Incendie » de Mario Soldati (édition Le Promeneur), sublime romancier italien, mort il y a tout juste dix ans. Entre Venise, Turin et l’Afrique, Soldati nous offre une comédie à l’italienne qui est aussi un passionnant thriller et une superbe réflexion sur l’art.

DANS LE COCHON , TOUT EST BON

Sanction de la mondialisation ? De ses excès et de la crise ? Le nationalisme revient à la mode. Pour justifier sa petite entreprise, M. Modrikamen n’hésite pas à retrouver les trémolos tricolores d’une autre époque et dénoncer l’épouvantail français alors que sa « banque belgo-belge » serait surtout chinoise.
La grippe aussi a retrouvé les bons vieux accents nationalistes. Lors de son apparition, on l’avait baptisée « porcine ». Maintenant qu’elle s’étend sur toute la planète, elle est devenue « mexicaine ». Dans les restos, on respire. La côte de porc et le cochon de lait sont revenus à la carte. Et les tortilla rebaptisées omelette jambon. Ouf ! Dans le cochon, tout reste bon.
Mais l’étiquette, on s’en doute, ne fait pas l’affaire des Mexicains qui se battent pour refiler la patate chaude. Les meilleurs spécialistes en communication ont été mobilisés pour trouver un nouveau vocable avant que l’épidémie ne tue le commerce national. Les Espagnols n’en veulent pas. Ils rappellent à juste titre qu’ils ont déjà donné. Trente millions de morts.
Comme les paradis fiscaux ont mauvaise presse, pourquoi ne pas renommer la grippe liechtensteinoise ? a proposé un spécialiste. Mais les medias risquent de renâcler devant la complication. Saint Marin, Caïman ? Des étiquettes trop exotiques pour l’horrible virus dont l’image évoque plutôt le froid et la pluie.
Grippe belge, alors ? a suggéré un autre conseiller en éternuant bruyamment. Voilà un paradis fiscal idéal pour notre nouveau virus. Un nom connu, associé déjà, grâce à l’Europe, à la critique, à la raillerie et à la détestation.
Aussitôt, Didier Reynders a poussé un lamento déchirant et protesté officiellement auprès du gouvernement mexicain: grâce à ses efforts, la Belgique a échappé de peu à la liste noire des paradis fiscaux. Ce n’est pas pour y revenir par le biais de l’influenza. Les conséquences pour la gastronomie nationale risquent d’être catastrophiques. A quoi bon avoir sauvé le porc Cross & Blackwell si c’est pour tuer le bœuf bleu, blanc, belge ?
Le leader du M.R. soupçonne d’ailleurs que ce projet diabolique a été concocté par son rival socialiste. Certains laissent entendre que M. Reynders aurait chargé l’efficace détective de Jean-Marie Dedecker d’enquêter pour mettre à jour la mexican connection qui lie Mexico à Mons. Voilà qui expliquerait l’étrange silence de Jean-Claude Van Cauwenberghe et de José Happart sur les détails de leur « mission » en Californie : de San Diego à Tijuana, il n’y a qu’un pas. Redevenus amis-amis avec Elio Di Rupo, les deux hommes ont-ils négocié en secret ce mauvais coup ? Suite au prochain numéro…

Alain Berenboom
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LE TRESOR DE MEME

Le sauvetage de Fortis et de Dexia a donné des idées. On croyait les caisses de l’état vides. Erreur. Mémé avait caché dans un placard, sous plusieurs couches de vieux pulls troués par les mites, derrière la pile de journaux qu’elle avait gardés de l’époque où la Belgique était heureuse (la première victoire de Merckx, le mariage de Baudouin et de Fabiola, la visite du pape, la demande de naturalisation de Johnny Hallyday) quelques lingots d’or. Ce trésor, qui avait échappé aux Allemands et à tous les gouvernements dépensiers qui les ont suivis, mémé avait décidé cette fois de le sortir de sa planque. Pour une juste cause. L’effondrement des mines, de la sidérurgie ou de la Sabena, c’était pas gai mais tant pis. Mais la Banque qui vacille, c’est la Belgique qui disparaît.
Ainsi donc, l’état avait des économies… C’était le neveu de mémé, monsieur Didier, qui gère ses finances en bon père de famille, qui s’est souvenu de l’or, sous les pulls et les journaux. Naïvement, monsieur Didier croyait que la famille allait se réjouir d’avoir retrouvé le coffre et d’en avoir généreusement distribué le contenu. Pensez-vous ! Depuis, il ne cesse d’être sollicité, harcelé, critiqué. Il a beau dire qu’il a perdu les clés du placard, que d’ailleurs, il n’y a plus rien dedans, qu’il ne connaît pas les autres cachettes de mémé, et que sa mémoire n’est plus ce qu’elle était, rien n’y fait. Chaque jour, ils sont là à supplier, à mendier, à tendre la main. La société Untel qui a tant fait pour la Belgique, les joyeux mijoleurs du dimanche, les supporters de Mouscron, de La Louvière. Et pas seulement les Belges, hein ! On ignore comment ils l’ont appris. Mais, même les Somaliens frappent à sa porte ! Fortis se serait-elle vantée jusque sur les plages de la mer rouge des gentillesses de mémé et de son neveu ?
Cette fois, ce sont les patrons qui montent au créneau. Si les banquiers ont droit aux bijoux de famille, pourquoi pas nous ?
Dites donc, m’sieur Didier, à quelques semaines des élections, vous ne voulez tout de même pas qu’on mette nos employés à la porte, n’est-ce pas ? Alors, un p’tit geste…
Pourquoi ne pas faire payer par le contribuable le salaire de nos employés ? Poliment, on appelle ça la mise au chômage technique.
Le problème c’est que, le trésor de mémé étant dépensé, ne reste que le contribuable pour payer, c’est-à-dire justement les travailleurs qu’on menace de licencier. Autrement dit, pour garder leur emploi, les salariés vont devoir payer à l’état le montant de leur propre salaire pour que les entreprises ne les licencient pas, tout en assurant le salaire, les boni et autres primes de leurs dirigeants. Vous me suivez ?

Alain Berenboom
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VRAIMENT RIEN A DECLARER ?

Qu’est-ce qui évoque mieux les vacances que l’aéroport ? Ah ! Le ring quand surgit enfin cette indication exotique sur fond blanc : Zaventem, suivi du dessin d’un avion qui se crashe. En route pour Zaventem, c’est déjà un peu se glisser vers ailleurs. Les embouteillages au milieu des fumées des camions polonais ou croates, la queue pour atteindre l’aérogare, la queue pour s’enregistrer, la queue pour le café, un avant-goût de ce qui vous attend à la montagne ou à la mer. La dé-ten-te ! Et la queue pour le passage devant le policier fédéral de faction. Affronter son regard, son grognement devant vos papiers puis ce geste si doux de la main qui signifie : bonnes vacances ! Ou quelque chose d’approchant. Vous êtes passé, vous voilà dans la zone de transit. Un coup d’œil derrière votre épaule. Soulagement. Derrière vous, une famille genre qu’a pas l’air de chez nous et sur laquelle se jette le fonctionnaire zélé va retenir la file un sacré temps.
Vous pensiez en avoir fini ? Avant la queue pour montrer sa carte d’embarquement et la queue pour monter à bord, n’oubliez pas la queue devant les portiques de sécurité. Aussi dépaysant qu’un séjour à la prison de Forest ou au centre fermé de Vottem : enlevez votre montre, ôtez votre ceinture, déchaussez-vous ! Votre portefeuille dans un bac, avec vos bagues, et vos dents en or. Oh ! Au passage, le portique, décidément facétieux, a décidé de lâcher un joyeux ding, ding ? Tous les regards se braquent sur vous. Les flics relèvent la tête. Les autres passagers s’écartent, un peu inquiets. Direction, la cabine, s’il vous plaît (un gardien de l’ordre dit toujours s’il vous plaît, vous avez remarqué ?) Déshabillage en règle devant un bonhomme qui parcourt votre corps d’un air méfiant avec un appareil type compteur Geiger pour vérifier que vous n’êtes pas une bombe nucléaire vivante, qui va faire exploser dans trois minutes Zaventem waar Vlamingent thuis zijn.
Enfin ! Votre fauteuil dans l’avion ! A peine avez-vous fermé les yeux qu’un signal intempestif vous impose la séance de démonstration des consignes de sécurité. Si l’appareil plonge dans la mer, si la cabine est soudain dépressurisée, si le feu se déclare, si.. Excusez-moi, on peut sortir ? Oui, mais seulement entre deux gendarmes car qui voudrait abandonner la route tant enviée des vacances sinon un dangereux terroriste ?
Voilà le sort d’un bon Bruxellois de souche. Alors, songez comment les robots qui peuplent l’office des étrangers accueille un étudiant d’origine camerounaise, pressé de revenir en Belgique où il a brillamment réussi quatre années de polytechnique ?

Alain Berenboom
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POUR QUI SONNE LE GLAS ?

Tout est aujourd’hui source d’angoisse. Même ces bonnes fêtes de Pâques, image jadis du bonheur bon enfant et sans arrière pensée. A l’idée que le Vatican nous envoie ses cloches, maintenant, la planète tremble. Cardinaux, évêques et curés implorent le ciel. Que nous réserve cette année Benoît XVI, le Gérald Ford des temps modernes ?
Après ses propos désolants sur les musulmans, la réintégration d’un évêque illuminé révisionniste, le découragement du préservatif et le silence sur l’excommunication d’un médecin qui a sauvé la vie d’une gamine au Brésil, de quoi va-t-il farcir les œufs ?
Jaloux du succès médiatique du G 20 et de la réunion de l’OTAN, on peut lui suggérer, pour revenir à l’avant-plan de l’actualité, quelques idées susceptibles de lui rendre un peu de popularité: l’excommunication d’Obama pour avoir critiqué le très saint et très pieux Georges Bush, la conversion à titre honorifique du nouveau ministre israélien des affaires étrangères pour ses aimables propos sur les Arabes, histoire d’annoncer joyeusement son voyage en terre sainte, la béatification de Rudolf Hess pour avoir voulu empêcher les Alliés de vaincre la pauvre Allemagne, l’obligation pour tous les curés de plus de cinquante ans de porter une Rolex pendant la messe, le port de la burka par les ministres sociaux-chrétiens obligés de cohabiter dans des gouvernements de coalition avec des politiciens sans Djeu.
Après l’affront commis par la Belgique, dont le parlement a voté la condamnation de ses propos, il pourrait aussi décider, en rétorsion, de transposer dans une encyclique la directive européenne qui autorise d’appeler « chocolat » une confiserie où le bon beurre de cacao est remplacé par des graisses végétales.
Le souci d’ouverture du pape a été mal compris : son erreur a été de se déporter vers l’extrême droite au lieu de pratiquer, à l’instar du président Sarkozy, la récupération de la gauche. Plutôt que de rallier les quelques centaines d’égarés gâteux de monseigneur Lefèbvre, il ferait mieux de récupérer les communistes, en mal de leadership. D’Amérique latine à Cuba, de Moscou à Hanoï, ils sont orphelins d’un vrai patron qui leur montre le chemin du paradis. S’il proclamait Staline et Lénine bienheureux, Benoit XVI gagnerait à sa cause quelques millions de bolcheviques à la dérive. Dans une église en mal de vocation, il transformerait facilement des militants professionnels en curés de choc, prêts à porter sa bonne parole. Ce serait trahir l’œuvre de Jean-Paul II ? Bah ! La trahison a commencé dès son élection…

Alain Berenboom
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L’HONORABLE MR OMAR

Monsieur Omar Al-Bachir était, jusqu’il y a peu, le calife, le boss (ou, comment appelle-t-on au juste un président qui s’est mis la couronne tout seul sur la tête ?) d’un pays appelé le Soudan. Principale curiosité, la moitié de sa population a passé des années à massacrer l’autre moitié. Quand la paix a finalement été signée, des centaines de milliers d’habitants de la région du Darfour (en tout cas ceux qui ont réussi à échapper aux milices du calife) se sont réfugiés dans les pays voisins où ils survivent au milieu du désert, sans rien, sinon l’aide internationale. De mâles résolutions ont été prises à l’ONU pour que les pays civilisés (et les autres, ceux qui fournissent le lot habituel de casques bleus) ramènent ces gens chez eux et que le gouvernement du Soudan redevienne un peu plus présentable. Opération difficile pour des dirigeants qui avaient jadis invité Oussama Ben Laden à y installer le centre de ses activités.
Bref, toutes ces histoires d’Arabes et de Noirs n’ont guère ému le bon peuple de chez nous jusqu’à ce qu’un tribunal international installé en Hollande décide un beau jour d’inculper Mr Omar pour crimes contre l’humanité et prie les états membres de l’ONU d’arrêter la calife au passage pour le renvoyer vers La Haye où une petite tente bien chauffée l’attend, juste à côté de celle de Mr Radovan Karadzic, un de ses collègues déchus.
Quelle maladresse ! Quel manque de diplomatie ! Ces juges avaient-ils mangé trop de fromage ? bu trop de genièvre ? Mr Omar qui ne dérangeait personne s’est transformé en victime, donc en héros. Soutenu par les démocrates chinois (qui s’abreuvent à son pétrole et à son uranium, extrait du Darfour, comme c’est curieux), égyptiens et libyens, Mr Omar a aussitôt été reçu en grande pompe par la Ligue arabe réunie à Doha. Passant, la tête haute, les portiques de sécurité. Applaudissements, place d’honneur, tout le tralala.
Si le secrétaire général de l’ONU, Ban-Ki-moon, en a avalé sa bouteille d’eau, étiquette et bouchon compris, l’histoire ne le dit pas. Mais c’est la seule raison que je vois au fait qu’il ne soit pas sorti de la séance en claquant la porte.
L’explication de cette provocante invitation est simple : lorsqu’un dirigeant politique assassin est poursuivi par le TPI, c’est parce qu’il est un dirigeant politique assassin ; quand l’honorable Mr Omar est poursuivi, c’est parce qu’il est un dirigeant africain et musulman.
Bien sûr, si le pays de Mr Omar n’était pas une éponge gorgée de pétrole, avec en guise de dessert, une pincée d’uranium, le cher homme serait à l’ombre depuis longtemps. Et sans air conditionné.

Alain Berenboom
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LES SENIORS RIENT

Avant la crise, la règle était : place aux jeunes ! Dehors, les anciens, les vieux birbes et les barbes mitées ! La culture de la consommation avait instillé ses réflexes jusqu’en politique et même en sport. C’était le bon temps où Yves Leterme, tout neuf sur la scène nationale, écrasait ses adversaires du haut de ses huit cent mille voix, où l’on redécouvrait un parti social chrétien « new look » peuplé d’inconnus aux figures poupines qui flirtaient avec le séparatisme, où l’on pariait sur l’équipe des « jeunes » du Standard, où l’on vantait le dynamisme de ces « nouvelles » banques qui avaient enterré à coups de milliards les vénérables institutions poussiéreuses, CGER, Crédit communal et autres dont on a oublié le nom pour imposer une gestion « audacieuse » de leurs investissements, en se moquant de la pusillanimité des établissements de jadis.
Partout, la valse aux étiquettes : GB devenait Carrefour, la télévision publique envoyait aux orties son nom et son logo pour renommer ses chaînes de télévision et faire oublier la RTBF, appellation trop ringarde. Et Verhofstadt, à la dérive, changeait de paires lunettes tous les mois pour essayer de rester dans le coup.
En quelques semaines, tout a changé. La formation au forceps du nouveau gouvernement aurait dû mettre la puce à l’oreille. Qu’il ait fallu faire appel au glorieux ancêtre Wilfried Martens pour venir à bout de l’impasse était un signe. Dans sa foulée, la vague a effacé tout ce qui avait changé. Les « nouvelles banques » se sont honteusement effondrées, tout comme le pauvre Yves Leterme. Et les sociaux chrétiens, balayant leurs nouvelles pousses et leurs alliances séparatistes, ont cherché le salut dans les bras de Herman Van Rompuy, présenté jusque là comme un politicien au placard.
La contagion a atteint les autres partis. Les libéraux, qui les poussaient vers la sortie, supplient maintenant Verhofstadt et Louis Michel de les sauver. Et les socialistes de Charleroi ne trouvent leur salut que dans le retour de Van Cauwenberghe et de sa joyeuse équipe de pieds nickelés. Même Ecolo s’y est mis en plaçant en vedette Jean-Claude Defosset, joyeux turlupin mais solide retraité, plutôt qu’une génération nouvelle comme le parti vert le faisait jadis.
En sport, on attend Lance Amstrong pour sortir ce sport sinistré de sa morosité et en tennis, Kim Clijsters pour retrouver les bonheurs d’autrefois. Quant au Standard, il réfléchit très sérieusement au retour de Leon Semmeling et de Christian Piot.
Avec l’allongement probable de l’âge de la pension, vu l’état des finances publiques, les jeunes ont des cheveux blancs à se faire…

Alain Berenboom
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CECI N’EST PAS UNE LECON DE MORALE

Cela valait-il la peine de passer la nuit à faire la queue pour inscrire son enfant, de pleurer de joie parce qu’il a enfin décroché son billet d’entrée pour que, une fois en classe, on lui enseigne que le génocide nazi n’était pas si terrible que ça et que l’holocauste est une affaire bien exagérée ?
Il y a quelque chose de pourri dans le domaine enchanté de l’école. Mais, contrairement à ce qui se dit souvent, pas tellement du côté des élèves. D’après ce que j’ai lu, ce sont eux qui ont interpellé leur prof de religion après l’avoir entendu contester le récit d’un rescapé des camps: « C’est vrai ce que dit ce type ? Mais alors, pourquoi nous raconter le contraire ? »
Que les enfants (et la plupart de leurs profs) soient assez lucides pour dénoncer le discours dévoyé d’un de leurs enseignants prouve sans doute qu’on leur a appris à réfléchir et à réagir. Mais que ce discours ait pu être tenu en public, sans honte, est aussi la preuve que l’école est décidément bien chahutée ces temps-ci, et pas seulement à cause des extravagances et des caprices de ses ministres de tutelle. Quoique, de ce côté-là, on n’a jamais été très gâté. Il y a quelques années déjà une ministre de l’enseignement n’avait rien trouvé de mieux que d’inaugurer son règne en renvoyant une partie des profs au chômage, pour devoir, dès la rentrée suivante, supplier les retraités de bien vouloir reprendre du service, vu l’affluence dans les classes…
On voit tous les jours des exemples formidables d’initiatives personnelles de profs et d’étudiants pour dynamiser la pédagogie, faire aimer les sciences ou la culture, donner les clés d’accès à la littérature ou au théâtre. Ou tout simplement pour apprendre à des enfants venus d’ailleurs notre langue et leur en faire miroiter les merveilles. Mais, avec si peu de moyens que l’on comprend pourquoi, malgré leur dévouement et leur dynamisme, l’enseignement de la communauté française ne cesse de dégringoler dans le hit-parade européen (quelles que soient les réserves qu’on peut émettre à propos de ce type de classement).
A voir la façon dont nos gouvernants dotent l’école, l’organisent et entretiennent ses locaux, à la manière dont ils traitent les parents, on peut avoir quelque doute sur l’intérêt qu’ils portent au département dont ils ont la charge. Jusque là, on a mis toutes ces négligences sur le compte de la pauvreté générale des budgets. Mais, devant la capacité soudaine à mobiliser des moyens extravagants dès que les banques privées crient au secours, on s’interroge.
Qui fera la Belgique de demain ? Quelques banquiers ou les têtes multicolores qui peuplent nos écoles ?

Alain Berenboom
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