Le lancement d’une (nouvelle) intégrale des Beatles en C.D. provoque un engouement que l’admirable orchestration de la campagne de pub ne suffit pas à expliquer. Ni la nostalgie de ceux qui ont aujourd’hui soixante-quatre ans, comme le chantait il y a peu un Paul Mc Cartney sexagénaire mi-pathétique, mi-ironique.
Bien sûr, les babas devenus papas cools écoutent une dernière fois leurs cheveux pousser au rythme de paroles qu’ils sont seuls à comprendre (« You don’t know how lucky you are boy/Back in the U.S. Back in the U.S. Back in U.S.S.R.”). Et les Bobos, se battent pour exhiber dans leur 4×4 la série limitée en mono. Bon, voilà pour les amateurs de collectors.
Mais, les filles et les gars de quinze, de vingt ans, pourquoi se passionnent-ils autant pour des mélodies d’un groupe dissous depuis quarante ans ? Plus que la plupart de leurs parents, à vrai dire.
Les figures de cire qui entourent les Beatles et qu’ils ont choisies, ne signifient plus rien non plus : qui se souvient de leurs idoles, W.C. Fields, Marlène Dietrich, Tony Curtis, Tyrone Power, Diana Dors ou la sculpturale mangeuse d’hommes Mae West (qui avait d’abord refusé la présence de son effigie car, disait-elle, « What would I be doing in a lonely hearts club ? » ) ? A chaque génération, ses idoles. Les figures de cire sont maintenant celles de John Lennon, Paul Mc Cartney, George Harrison et Ringo Starr, figées une fois pour toute dans leur uniforme militaire du Sgt Pepper Club Band. Images d’une époque de rêve, du temps de l’innocence. Celui où Eddy Merckx gagnait le Tour, pas encore hanté par la suspicion permanente de l’E.P.O., où Amstrong mettait le pied sur la Lune sans qu’on se demande si la scène a été tournée en studio pour tromper la planète, où le printemps de Prague faisait penser que le communisme pouvait fonder une autre forme de démocratie. Mai 68 promettait avec autant de naïveté la fin de l’autorité, du pouvoir, des patrons. Dans une époque sans chômage, sans crise économique, sans préoccupation écologique, sans plombier polonais, on se lançait allégrement à la conquête du monde, sans contrôler à chaque tour de roue l’empreinte de CO2 que laissait la belle Américaine qu’on s’était offerte, puisque le pétrole coulerait à flots pour l’éternité des temps et que l’on finirait par s’installer sur la Lune et sur Mars.
Imaginer aujourd’hui Piet De Crem en sergent Pepper, Yves Leterme chanter « I’m so tired », Bart De Wever et Olivier Maingain « I want to hold your hand », di Rupo hurler « Revolution 9». Non, il ne reste rien de tout cela. Rien qu’un titre, vraiment prémonitoire, qui annonce si bien notre époque : « Help » !
Alain Berenboom
www.berenboom.com