On ne finira donc jamais de pleurer le départ d’Herman Van Rompuy ? En quelques mois, ce petit homme discret aura réussi à pacifier le pays, faire oublier la crise financière, celle de la planète et, plus fort que tout, l’existence de B.H.V.
Voilà qu’on apprend en plus que nous avons laissé échapper le premier ministre le plus cultivé, poétique et intellectuel de l’après-guerre. A la fois Superman, Brautigan et Robert Aron.
Qu’allons-nous devenir alors que son successeur a choisi plutôt de s’illustrer comme supporter d’une équipe de football en perdition – forcément en perdition?
Imaginons un instant l’histoire inversée : Van Rompuy hantant les travées du Standard en hurlant son amour désespéré des « Rouches » et Yves Leterme discourant sur l’enseignement d’Emmanuel Mounier et des autres « personnalistes » de l’Ordre Nouveau, ces « nouveaux intellectuels » des années trente hésitant entre gauche chrétienne et anti-modernisme réactionnaire ?
Leterme serait-il alors devenu président de l’Europe et Van Rompuy, le Gerald Ford de la politique belge ? Pas sûr…
Notre star politique a eu la prudence de ne pas mettre trop en avant ses goûts philosophiques alors qu’Yveke, qui veut toujours tout faire trop bien, n’aurait pas manqué de souligner son admiration pour Robert Aron et Arnaud Dandieu qui, dans leur livre « Le cancer américain », démolissent le modèle de civilisation nord-américain : « Les Etats-Unis doivent apparaître comme un organisme artificiel et morbide » dont l’esprit souffre « d’une crise de conscience et de virilité ». Ambiance.
A part la référence à la virilité qui devrait l’intéresser, on doute que Sarkozy eût déployé autant d’énergie à soutenir la candidature d’Yveke qu’il a mis à défendre notre discrète éminence.
Yveke n’aurait pas manqué aussi de rappeler, ce que Herman a eu la délicatesse de taire, que ses maîtres, Alexandre Marc ou Robert Aron ont été d’ardents fédéralistes européens. Comme Denis de Rougemont, un des premiers militants de la cause écologiste. Malgré le concert assourdissant de Copenhague, il ne faut pas croire que le message écologique soit plus populaire que le fédéralisme auprès de la plupart des chefs d’états européens.
De son côté, Herman footballeur n’aurait sans doute pas mis le même enthousiasme que notre pauvre Leterme à se faire photographier, revêtu de la défroque des Rouches, entre les frères D’Onofrio et le délicat Axel Witsel. Il aurait attendu la fin de la saison pour décider quelle équipe avait ses préférences.
Ce qui prouve que le véritable maître à penser de notre Herman, quoi qu’il dise, est en fait le roi de Syldavie, Ottokar IV, dont on connaît la devise en forme de haïku : « Eih bennet, eih blavet ».
Alain Berenboom
www.berenboom.com