LES 12 TRAVAUX DE SUPER DIDGE

Il était une fois un super héros qui déprimait beaucoup.
Si l’on avait longtemps admiré son talent à digérer les briques et à avaler les couleuvres, les tuiles commençaient vraiment à lui dégringoler sur la tête. Et les serpents qui le piquaient sortaient de sa propre maison.
Partout des sous-vizirs guettaient sa place. Ou plutôt ses places car il avait accumulé postes, fonctions et mandats qui tombaient les uns après les autres. N’était plus président, plus premier Wallon, plus chargé des réformes institutionnelles, plus tenu au courant de rien. Il allait même perdre son titre de consul honoraire de Tunisie. Ne restait que ses yeux pour pleurer…
Lorsque soudain apparut le Roi…
Ah sire ! D’un seul coup de baguette magique, voilà Didgé remis en selle, redevenu super héros mais à une condition : qu’il accomplisse douze travaux. Tel le héros grec. Mais en quinze jours !
Le premier travail d’Hercule consistait à rapporter la peau du lion de Némée, le terrible fauve qui dévorait les habitants de la région. Didgé, lui, devra se mesurer à une bête autrement redoutable, le cruel Lion noir descendu du Nord pour ratisser les terres du sud.
Pour son deuxième travail, Hercule devait s’attaquer à l’hydre de Lerne, ce monstre horrible à plusieurs têtes dont l’une était immortelle. L’hydre belge est bien plus redoutable : il compte sept têtes qui ne cessent de se dévorer entre elles et qui sont toutes immortelles.
Le troisième travail obligeait Hercule à capturer sans la blesser la biche de Cérynie, aux sabots ailés si rapides que personne n’avait jamais réussi à l’approcher. Il fallut une année entière à Hercule pour la ramener au roi. La biche de Didjé s’appelle Joëlle. Cela fait quinze ans qu’il la chasse vainement. Il lui reste douze jours pour la domestiquer.
Après ses quatre premiers travaux qui en avaient fait une star, le roi obligea Hercule à retrouver un peu d’humilité en nettoyant les écuries d’Augias salies par trente ans de purin. C’est cent quatre-vingts ans de poussières, d’araignées et de je ne vous dis pas quoi accumulés dans les placards de Belgique que Didjé va devoir frotter, laver et faire blinquer.
Hercule a eu encore à affronter les oiseaux du lac Stymphale, le taureau de Crète, le sanglier d’Erymanthe, les juments de Diomède, les Amazones et le monstrueux chien Cerbère qui garde les enfers et empêche les défunts de retrouver le chemin de la vie.
Ce fut rude. Mais peu de choses comparé aux combats qui attendent Didjé : le taureau de Wever, les fouines du CD&V, le Jambon empoisonné de la N-VA, les Amazones socialistes aux dents redoutables, le Cerbère des francophones de l’enfer de la périphérie, et l’Elio di Rupo, qui guette derrière les serres de Laeken celui qui, ayant réussi toutes les autres épreuves, croit revenir en vainqueur …

www.berenboom.com

J’AIME LES FILLES !

Enfin, les choses sérieuses vont commencer !
Non, je ne plaisante pas. Qu’ont fait les « négociateurs » pendant sept mois ? Ce qu’ils font depuis cinquante ans. Discuter, marchander, échanger des vaches espagnoles contre des fraises de Wépion, des gaufres contre des chômeurs. Et je te donne Kraainem, et tu me donnes 500.000 euros pour boucher les trous à Bruxelles. Tu me refiles la politique de l’emploi. Et j’autorise les électeurs de quelques communes du Brabant flamand à aller voter à Bruxelles une fois tous les quatre ans.
Ce troc de boutiquiers, cet « art du compromis » minable dont on a, à tort, été si fiers pendant longtemps, c’est fini. Cette fois, on est condamné à innover.
Le rattachement de la Wallonie à l’Allemagne, imaginé par Paul Magnette un soir de grande fatigue avant de se faire taper sur les doigts, c’était un avant-goût de ce qui nous attend. Certains ont déjà été plus loin en proposant le rattachement de la Belgique au Congo, comptant sur l’art de la palabre bantoue pour faire taire définitivement Bart De Wever et Joëlle Milquet. On a vu dans quel état le ministre des affaires étrangères Steven Vanackere est rentré de quelques jours seulement de séjour dans la villa du président Kabila.
Tiens ? C’est peut-être une idée ça : envoyer les négociateurs discuter dans l’arrière-salle d’un restaurant de Kinshasa. En leur interdisant de sortir tant qu’un accord n’est pas signé.
Vande Lanotte éliminé après l’échec de Jean-Luc Dehaene, le roi n’a plus guère de «vieux sages » au fond de son chapeau. On voit mal Guy Verhofstadt ou Herman van Rompuy, le poète bestseller, rejouer une fois de plus les secouristes. Et Steve Stevaert, parti juste à temps après quelques claquettes ? Il est trop occupé à monter une version cubaine du Pukkelpop avec la famille Castro. Reste alors à faire appel à des personnalités de la société civile. Justement les citoyens lassés ont exprimé leur ras-le-bol avec une maturité dont les hommes politiques « responsables » auraient bien fait de s’inspirer. Mais qui ?
Justine Henin est disponible mais sa santé lui interdit de jouer des coudes. Arno est aussi difficile à comprendre que Michel Daerden. Quant à Stromae, il n’a hélas plus une minute dans son agenda jusqu’en 2025. Une autre idée ?
Les Flamands ne connaissent pas les stars wallonnes. Et les vedettes mondialement connues en Flandre sont ignorées chez nous : le touche-à-tout de génie Erik Van Looy, l’ironique Geert Hoste ou la pulpeuse Maaike Cafmeyer. Erik who ? Maaike who ?
Des inconnus ou plutôt de belles inconnues, n’est-ce pas de cette nouvelle génération que viendra le sursaut comme on a vu artistes, intellectuels et étudiants se mobiliser récemment toutes langues confondues ?
Maaike Cafmeyer et Cécile de France à deux au 16 rue de la Loi, ça aurait de la gueule, non ?

www.berenboom.com

LE POUVOIR CORROMPT

Le pouvoir corrompt ; le pouvoir absolu corrompt absolument.
La célèbre formule attribuée à Winston Churchill est à l’ordre du jour. Pas seulement à propos de l’héroïque mouvement des citoyens tunisiens qui ont réussi à avoir la peau de leur président. En attendant, on l’espère, que la contagion gagne quelques autres dictateurs et monstres variés qui empoisonnent la planète.
Mais les politiciens ne sont pas seuls à être tentés d’abuser de leur autorité. Les juges aussi.
Regardez le comportement du juge d’instruction bruxellois Wim De Troy la semaine dernière.
En arrivant à la prison de Saint-Gilles pour interroger un détenu, monsieur De Troy regarde autour de lui. La rue est sinistre. Il faudrait être fou, se dit-il, pour abandonner sa belle voiture dans un quartier où résident tant de criminels au mètre carré. Imaginons que des détenus s’évadent justement quand il est dans le bâtiment et qu’ils piquent sa petite auto pour favoriser leur fuite? De quoi aura-t-il l’air ? La place de son auto est dans la cour de la prison, décide-t-il, seul endroit sûr de la région.
Malheureusement un bête règlement interdit de laisser pénétrer dans la prison tout autre véhicule que le fourgon cellulaire. Les raisons de ce règlement sont faciles à comprendre même quand on n’a pas fait d’études de droit. Il s’applique à tous. Mais pas au Grand Juge De Troy. Lui plane au-dessus des lois humaines. Et quand on lui résiste, il sort son petit sifflet. Devant la résistance du personnel, sa volonté de ne pas violer le règlement, il n’hésite pas à faire arrêter la directrice de la prison et plusieurs membres de son personnel. Allez ! Au pain sec et à l’eau !
Comme la police de la zone du sud de Bruxelles montre quelque réticence à obéir à ses ordres déments, le juge fait intervenir la police de l’aéroport. Le PJF Airport n’hésite pas, plus habitué à considérer que les ordres sont les ordres. L’obéissance aveugle aux ordres, on a vu dans le passé ce que ça a provoqué. Mais apparemment, les flics de Bruxelles-national ne lisent pas les livres d’histoire. Et n’ont eu aucun état d’âme à flanquer la directrice de la prison entre les sans papiers et quelques criminels internationaux, de quoi lui rafraîchir les idées et lui faire entre dans la tête que dans un pays où il n’y a pas de gouvernement, c’est le juge d’instruction qui est le chef.
Quand on y réfléchit, le juge De Troy a peut-être donné une impulsion extraordinaire à la suite de la carrière de cette directrice.
En Tunisie, le nouveau ministre de la Jeunesse Slim Amamou n’a-t-il pas été propulsé directement de la prison à la tête de son nouveau ministère ? Or en Belgique où on cherche désespérément des candidats pour former un nouveau gouvernement, il y a là un vivier dans lequel le roi n’a pas encore puisé.
L’attitude du juge De Troy pose plusieurs questions : ne devait-on pas lui retirer son permis de conduire ? Avant d’emmener la directrice et le personnel de la prison en cellule, les flics de Zaventem ont-ils songé à lui faire une prise de sang ? A appeler un psychiatre ?
Mais surtout, son comportement donne une arme inespérée aux avocats de l’église qui dénoncent le déroulement de l’opération Calice.
A l’époque, certains se sont étonnées de l’acharnement du juge De Troy qui avait été jusqu’à introduire des caméras dans le caveau des anciens cardinaux pour s’assurer qu’ils ne dissimulaient pas des preuves.
On s’était dit : voilà un juge consciencieux.
A la lumière des événements de la prison de Saint Gilles, on peut se demander aujourd’hui si cet homme n’est pas guetté par la folie. Le philosophe français Alain disait : « tout pouvoir sans contrôle rend fou ».
Ce n’est pas la première fois qu’on découvre que des juges d’instruction dont les actes ne sont pas soumis à l’appréciation d’un juge indépendant laissés se comportent comme des hommes politiques sans opposition. On se souvient des dérives du juge d’instruction français Fabrice Burgaud qui a mis en prison près de vingt personnes pendant trois ans pour des agressions sexuelles imaginaires dans le cadre de l’affaire d’Outreau. Ou du fiasco de l’affaire KB-Lux.
Les juridictions chargées de contrôler les juges d’instruction, débordées de dossiers, ne contrôlent plus rien du tout. Des juges abandonnés à eux-mêmes perdent le sens commun.
Puisque la NvA demande la régionalisation de la justice, les francophones seraient bien avisés de lui offrir le juge De Troy et de nommer la directrice de la prison de Saint-Gilles ministre de la Justice de Bruxelles-sud.

Alain Berenboom
Paru dans De Standaard 25 janvier

BRELAN

On a trop vite comparé le triumvirat qui préside les négociations menant à un non-gouvernement en Belgique au consulat romain d’où a émergé César.
Dans notre joyeuse équipe, qui est César, qui est Crassus, qui est Pompée ? Si le rôle de César sied à Elio, celui rôle de Pompée, revenu à Rome en super vedette après avoir remporté les guerres d’Orient, échoit logiquement à Bart De Wever. Sauf que César a donné à Pompée sa fille en mariage et pris sa femme comme maîtresse avant de le chasser de Rome. Toute coïncidence entre les deux récits est donc aléatoire.
A ce propos, on connaît la célèbre formule : « Alea jacta est ! » Si De Wever la prononce tous les soirs après avoir claqué la porte sur les doigts de ses deux compères, elle est attribuée à César, pas à Pompée, le grand vaincu de l’affaire. C’est même le seul point commun entre le petit chef flamand et le grand dictateur romain, lui qui disait aussi que de tous les peuples de la Gaule, les Belges sont les plus braves.
Tu entends, Bart ? Les Belges ! Ca fait mal, hein ?
Décidément, la comparaison avec les trois illustres Romains ne tient pas la route. César, Crassus et Pompée étaient aussi dissemblables que De Wever et Maingain alors que rien ne distingue Elio, Bart et Johan – à part le goût des gaufres. Il faut donc chercher le destin de nos trois chefs dans le poker plutôt que dans l’histoire. Le sort de la Belgique se joue aux dés. C’est réaliste, non ?
Au poker, le brelan est la réunion de trois cartes de même valeur, dit le petit Robert, ou le coup de dés qui fait apparaître trois faces semblables.
Trois faces semblables que seule la couleur différencie. « Nous ne voulons pas être le zwarte pit ! » (le valet noir) crient-ils à tour de rôle comme s’ils tentaient d’empêcher la vilaine carte de sortir. Mais c’est un leurre. Tous trois se tiennent par la barbichette car ils connaissent la valeur du valet noir : s’il apparaît, bras dessus bras dessous, avec le valet de cœur et le valet de carreau, bingo ! Ils emportent la mise !
La mise ? Quelle mise ? Il n’y a plus grand monde pour risquer sa fortune sur nos trois valets.
Et le roi ? Seul, face au brelan, il ne vaut rien. Sauf s’il parvient à constituer une grande suite. Mais quel valet osera lâcher le brelan pour la suite ?
La vérité est que le jeu n’amuse plus le citoyen, qui sait que c’est lui qui devra mettre la main à la poche tant que la partie continuera.
Il commence à être lassé de ces petits jeux. Il est vraiment temps d’abandonner le poker pour un jeu plus constructif. Le Lego peut-être ? Ou même le Monopoly. A qui la rue Neuve ? Avis aux amateurs ! Car, pour le Meir à Anvers, c’est rapé. Il y a déjà trop de joueurs dessus !

www.berenboom.com

PASSE DECOMPOSE

Au bout de la première décennie de ce vingt-et-unième siècle, on a envie de crier : non, merci ! Si c’est ça le nouveau siècle, gardez-le ! Et vivement le vingt-deuxième ! On se passera volontiers des nonante ans qui restent s’ils sont à l’image des dix premiers.
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, on nous avait promis que l’horreur c’était fi-ni. On allait avoir droit au progrès, aux droits de l’homme, à l’épanouissement de la race humaine. Comme on ne voyait rien venir, on nous a dit : attendez un moment, le temps de couper le cou des communistes. Mais, après la chute du Mur et la disparition de la Russie de Lénine et compagnie, on n’a toujours rien vu. Vint Internet. Cette fois, ça y est, nous a-t-on fait miroiter ! Internet nous offre une société mondialisée et transparente. Avec Face Book, tout le monde est ami-ami. Grâce à Google, on sait tout sur tout et son contraire. Et Wiki Leaks nous dévoile tous les coups tordus. Le citoyen veille et les méchants renvoyés dans le coin!
He bien, on a vu ! Entre terrorisme islamique, guerres d’Irak et d’Afghanistan, Moyen Orient en ébullition, financiers en déroute, crise économique, chômage, Afrique incapable de décoller et dictatures sans espoir en Chine, Tunisie et ailleurs, on a juste envie de se boucher les yeux et les oreilles. Et le bruit du monde est tel que crier ne sert plus à rien.
La démocratie n’a-t-elle pas fait des progrès ? Certes, on vote partout. Mais avec quels résultats ? En Côte d’Ivoire, il y a deux gouvernements légitimes. Et en Belgique, il n’y en a pas ! Et qui osera soutenir que la Russie est une démocratie ? Ou l’Egypte ? Pourtant, les citoyens s’y rendent aux urnes –ils ont bien du mérite ! Le Pakistan a la bombe atomique, l’Inde aussi et bientôt l’Iran… Est-ce le réchauffement climatique qui a chauffé le crâne de tous ces fous, toujours plus ivres de pouvoir ?
Seule consolation : la première décennie des siècles précédents n’a jamais été le baromètre des années à venir. Tout est donc encore possible.
Regardez les dix premières années du vingtième siècle, elles n’annonçaient que du bon : paix entre les grandes puissances, progrès techniques inouïs (avion, auto, électricité, disque, cinéma), avancées sociales prometteuses, révolutions dans tous les arts et enseignement pour tous. On a vu la suite : ce fut le siècle le plus cruel et le plus sanglant de toute l’histoire humaine.
Et le dix-neuvième ? Il avait commencé de manière épouvantable avec les guerres napoléoniennes qui ont embrasé toute l’Europe et tué des centaines de milliers de civils pris malgré eux dans la vraie première guerre mondiale. Mais la suite fut nettement moins sanglante. Même que tout ça a accouché de la Belgique, le petit que le monde nous envie.
Alors ? Alors, on danse ?

www.berenboom.com

SEIN NICOLAS

Et si saint Nicolas était une femme ? Sein Nicolas… Quel rêve… Et de plus, ils ou plutôt elles seraient deux…
Il y a des années que j’étudie la question. Comment ça, pas sérieux ? Croyez-vous que ce soit moins futile de chercher à savoir ce qui s’est passé dans les quelques micro-secondes qui ont précédé ou suivi le big bang il y a quelques milliards d’années ? Pourtant, le contribuable dépense des millions d’euros et de dollars à financer cette recherche. Eh bien, moi c’est Saint Nicolas. Et c’est moins cher.
Laissez-moi donc vous livrer quelques considérations à propos de mon hypothèse.
D’abord les objections.
La barbe, l’habit rouge, le grand saint est toujours représenté comme un vieil homme. Pourquoi ? Parce que les adorateurs du grand saint mangent d’imagination. Ils se sont contentés de copier le père Noël, héros des Français et dont le costume et l’allure sortent d’une publicité dessinée pour Coca-Cola. Une boisson qui en ces temps-là s’adressait essentiellement aux mecs de la famille.
Si le père Noël avait promotionné des machines à coudre, de la poudre à laver ou des crèmes adoucissantes, il aurait été une femme. Les Français auraient alors fêté la mère Noël avec le même enthousiasme que jadis madame Soleil et la mère Denis. Et nous, dans la foulée, vénéré Sein Nicolas depuis longtemps.
Autre objection. On me dit que ce sont les papas qui payent les cadeaux, pas les mamans. D’où l’image d’un généreux saint Nicolas mâle.
Quel affreux cliché ! La générosité des femmes ne se discute pas. Un exemple au hasard : qui trouvez-vous plus généreux Joëlle Milquet, ministre fédéral de l’emploi, Laurette Onkelinx, ministre fédéral de la santé ou Bart De Wever qui veut mettre la main sur les finances de l’état fédéral ? L’ami Bart en saint Nicolas ? Ce serait tragique : il garderait toutes les confiseries pour lui ! De plus, comment l’imaginer dans ce rôle alors qu’il proclame régulièrement jouer le Zwarte Piet de la politique belge, c’est-à-dire le père Fouettard. Or, comme le savent tous les enfants sages et leurs mamans, on ne peut être à la fois Fouettard et Nicolas.
Les déclarations de Bart De Wever ne sont pas seules à confirmer le caractère féminin du patron des enfants. Qui d’autre qu’une femme peut aussi souplement grimper le long des façades, sauter de toit en toit et s’agripper avec une telle légèreté aux corniches et aux paratonnerres ? Mary Poppins sur sa brosse, Musidora en longs collants noirs dans « Fantômas » comme Brigitte Auber dans « la Main au collet » d’Hitchcock ou toutes les Spider-Women l’ont démontré : l’univers des toits et des cheminées n’est pas fait pour les vieux birbes ! De là-haut, seule une femme nous contemple !
Bonne fête !

www.berenboom.com

AVENIR EN 3D

Il paraît que les enfants plébiscitent le cinéma sur ordinateur plutôt que sur grand écran, de préférence en téléchargeant à partir de sites pirates. A voir la qualité des images sur leurs écrans et la pub qui s’agite autour du programme, on comprend que c’est moins les péripéties du film et les cabrioles de leurs héros qui les attire que leur propre audace à jouer aux pirates et à violer les interdits. Gruger les titulaires de droit d’auteur, waw ! C’est la dernière aventure possible ici-bas.
Pour trouver une parade à cette nouvelle désaffection des salles, les producteurs ont imaginé de tout miser sur le 3-D. Comme personne n’a plus guère de mémoire et que pour beaucoup de spectateurs le cinéma a commencé avec Tarantino, ils n’ont eu aucun scrupule à présenter comme une révolution comparable à l’arrivée du parlant un procédé qui existait déjà dans les années cinquante. « Le crime était presque parfait » d’Hitchcock par exemple avait été tourné en 3–D avec lunettes et tout le tremblement en 1954 !
En tout cas, le succès est au rendez-vous au point que des films ont, en cours de production, été transformés vite fait mal fait pour y insérer quelques vagues effets en relief.
Si on a échappé à Jean-Claude Van Damme en trois dimensions, on se rattrapera dans les mois qui viennent avec une série de films dont les effets stéréoscopiques sont les principales sinon les seules qualités.
Du relief ! Voilà ce que veulent les spectateurs ! Même s’ils payent leur ticket plus cher et qu’en plus des popcorns, ils doivent acquérir des lunettes pour eux et les enfants. Lunettes dont l’usage en-dehors du cinéma est peu recommandé. Sauf aux conducteurs fantômes qui veulent rendre leur équipée à contre sens sur l’autoroute encore plus palpitante…
Le relief ? Voilà aussi ce que réclament les citoyens. Ce qui manque si cruellement à notre vie politique et à notre pays pour relancer son épopée. Le film qui se déroule sur nos écrans depuis trop de mois est raplapla.
Si la distribution a réussi à réunir les 3 D (De Wever, Di Rupo et (van)de Lanotte – d’accord je triche un peu), le scénario n’a pas encore décollé. A défaut des effets spéciaux qui rendent le monde meilleur. Voilà à quoi doit s’atteler d’urgence notre conciliateur-réalisateur pour éviter que la coproduction flamando-francophone ne se plante en rase campagne et ne se relève pas de ce nouvel avatar.

PS : le film de la semaine s’appelle « Quartier lointain » signé Sam Garbarski : il n’est pas en 3-D ; il va plus loin encore : il nous plonge dans la quatrième dimension ! Et c’est superbe, drôle et émouvant. Cerise sur le gâteau, c’est belge ! oui, belge !

www.berenboom.com

LE PRINCE DE TWITTER

Avec l’apparition de l’e-mail, je me suis dit : chouette, le grand retour de l’écrit ! J’ai rêvé à l’épanouissement grâce au web de millions de nouveaux Dostoïevski, de Kafka et de Tolstoï, libres de toute contrainte, défiant la censure, se passant de papier, de crayons et surtout d’éditeurs et s’adressant directement à leurs lecteurs. Et dans la foulée, à la réapparition de genres presque disparus : le feuilleton puisque le mail permet de fabriquer de nouveaux épisodes plus vite qu’on ne les écrit ou des romans épistolaires. Des Alexandre Dumas en herbe et des sémillantes dames de Sévigné d’aujourd’hui.
Mais, bientôt, MSM a pris le relais. Avec son dialogue permanent. Bon, pourquoi pas ? Oublions les nouveaux romanciers ! Et place à une nouvelle génération d’auteurs dramatiques, de dialoguistes, libérés des contraintes surannées du théâtre. L’absurde des conversations sur MSN annonçait de dignes enfants d’Ionesco et le glauque des propos des héritiers de Beckett.
Mais, las. Le babil sans fin a aussi fait long feu. Pour laisser la place aux gazouillis (tweets) et au règne de Twitter.
140 caractères, un peu moins de deux phrases à condition qu’elles ne soient pas de Marcel Proust.
Question longueur, on est passé des « Trois Mousquetaires » aux slogans des partis politiques belges sur les affiches électorales…
Et question style, quel défi ! Allez créer une œuvre immortelle en cent quarante caractères, pas une virgule de plus.
Raymond Devos, décidément visionnaire, l’avait relevé avec son mini-sketch « Se coucher tard… nuit ! »
Peut-on faire mieux ? Ce sera difficile.
« Il est terrible
Le petit bruit de l’œuf dur cassé sur un comptoir d’étain
Il est terrible ce bruit
Quand il remue dans la mémoire de l’homme qui a faim »
(Jacques Prévert, Paroles, Gallimard)
Trop long ! Twitter n’acceptera sa transmission que si on sucre l’homme qui a faim. Tout un symbole…
Twitter n’accoucherait-il même pas d’un poète ? Faudrait qu’il soit particulièrement laconique, zen. Comme si le nouvel instrument que le diable technologie nous a apporté ne servait que la gloire des créateurs d’haikus.
« Trois vagues déferlent / abordant ensemble au port / Le trio est rentré »
Herman Van Rompuy, le président-pouet-pouet belgo-européen, a gagné : moins de 80 caractères !
Son œuvre aussi brève que les points d’accords entre négociateurs flamands et francophones, aussi concise qu’une interview de Johan Vande Lanotte est écrite pour Twitter.
Van Rompuy, voilà donc le modèle du créateur de demain ?
Comme il a été l’exemple parfait (et regretté) du politicien qui nous manque tant aujourd’hui.
Ne disant rien ou si peu que tous peuvent croire qu’il leur a donné raison.

www.berenboom.com

UN VOILE SUR LES FACILITES

Nous avions été un peu vite en besogne en proclamant la semaine dernière la fin des projets multiculturels. A peine sèche l’encre du journal, les assises de l’interculturalité nous rappelaient que le sens du compromis demeure la potion magique qui fait le ciment de la Belgique, ou plutôt le waterzooi, plat d’autant plus réussi que les ingrédients qui le composent ne se marient pas.
Ainsi pour le voile. La subtile suggestion des sages est de l’interdire dans la moitié des classes et de l’autoriser dans les autres. Pour les jours de fête, il y aurait un régime flottant selon les opinions de chacun. Ainsi, mari, femme et enfants partiront en vacances chacun de leur côté, selon leurs convictions. Excellent remède contre les conflits familiaux, trop souvent exacerbés au soleil dans les espaces confinés de M. Neckerman. 
Le rapport de cette docte commission pourrait aider le conciliateur (c’est toujours ainsi qu’on l’appelle ?) pour régler tous les autres problèmes du pays.
Prenez le cas des signes religieux apparents, comme on dit en politiquement correct. Le régime des facilités, qui s’est révélé un si beau succès, pourrait servir d’exemple. L’idée serait de créer des communes à facilités interculturelles. Les B.H.V. du voile. Le voile autorisé à Molenbeek (sur demande renouvelée tous les trois ans à l’administration communale) serait interdit une fois passé le canal. Avec vestiaire à la station de métro Yser.
Les vacances pourraient aussi donner lieu à un arrangement politico-religieux. Serait jour de congé payé celui où les Wallons se rendent à la mer (mais seulement à la vlaamse kust, pas op ! attestatie à l’appui). De même pour les Flamands voyageant dans les Ardennes, avec certificat du patron du camping.
Belle idée aussi des assises de proposer une politique de quota pour les minorités.
Reste à les définir. Les Roms c’est facile, ils sont chassés de partout.
Mais les Flamands, une minorité ? En Wallonie, sans doute. Faudra-t-il alors prévoir des places réservées pour leurs motorhome ? Et l’obligation pour les télés locales de retransmettre De slimste mens ter wereld ? En échange, un quota de fauteuils accueillerait les Wallons sur les plages du Coq et de Saint-Idesbald. Et à Knokke, sur cinq emplacements réservés aux 4×4, une place de parking serait attribuée aux touristes munis de frigo-box.
Pour que tout roule, dans chaque gouvernement régional, un ministre issu de l’autre communauté assurera la défense des minorités. Pourquoi pas Bart De Wever en ministre de la minorité flamande au gouvernement wallon ? Cette fois, vous verrez, il prendra ses responsabilités (et pas seulement la défense des gaufres de Liège).

www.berenboom.com

CORNES DE GAZELLE

Il y a quelques jours, la chancelière allemande, Angela Merkel, a signé l’acte de décès du « Multikulti », le projet de « société multiculturelle ». Une société où chaque groupe vit (ou se replie sur) sa culture mais où personne ne s’intègre vraiment. Peut-on y voir l’influence d’un sondage selon lequel plus de la moitié des Allemands ont une « mauvaise opinion » des Musulmans ?
Nous n’avons pas de leçons d’amour ni d’accueil à donner à nos voisins. Et l’intégration est chez nous aussi difficile et le restera tant qu’on ne donnera pas aux écoles primaires les moyens et les outils nécessaires. Entre temps, le Vlaams Belang surfe depuis vingt ans sur ses promesses funestes et racoleuses d’une expulsion musclée des « étrangers ». Sur le même thème, Geert Wilders a séduit les Bataves dont il tient désormais le sort du gouvernement entre ses pinces.
Les Hollandais, jadis cités en exemple de tolérance, apparaissent aujourd’hui comme une citadelle de riches bourgeois assiégés, prêts à défendre leurs privilèges au prix de leur âme.
Les jeunes d’origine marocaine n’ont pas la tête ni les habits des paysans limbourgeois de la vingt-cinquième génération ? Ils crient fort dans le tram en s’acharnant à utiliser un slang mêlant néerlandais et arabe ? Ils s’accrochent à leur double nationalité alors que la Hollande leur a généreusement fait don du passeport orange ? Ils écoutent musique et radio marocaines ? D’accord mais, cela fait-il d’eux des Hollandais pas tout à fait halal ?
Ces questions et d’autres, tout aussi candides, sont celles que pose Fouad Laroui dans son formidable livre « Des Bédouins dans le polder » (éditions Zellige). Avec un humour qui n’est pas sans rappeler celui de Nabil Ben Yadir dans son joyeux film « Les Barons ». A Molenbeek et à Rotterdam, les interrogations et les méfiances sont les mêmes.
D’une plume d’observateur (faussement) tranquille, Laroui (qui vit depuis près d’un quart de siècle à A’dam) se demande comment s’intégrer tout en n’enfouissant pas les richesses de sa culture d’origine au fond d’un placard à travers une série de portraits et de scènes vécus ou imaginaires. Ce superbe écrivain (qui a signé plusieurs romans parus chez Julliard) n’hésite pas à brocarder les travers de ceux qui, comme lui, sont venus du Maroc s’installer dans les polders mais aussi à soutenir la présidente du parti socialiste qui, avant la chancelière démo-chrétienne, proposait de rompre avec l’idéologie multiculturaliste. Laroui, qui aime profondément ses Bédouins en a assez d’être le bon Arabe dans les débats télévisés. Il est tout simplement un citoyen hollandais, écrivant en français, nourri de sa culture mais aussi de celle de l’occident, un grand écrivain aux goûts variés et cosmopolites. Donnant un livre aussi délicieux que des cornes de gazelle !

www.berenboom.com