SAKURA OHANAMI

Promenez-vous ces jours-ci dans les rues de Boitsfort et levez les yeux ; les cerisiers en fleurs illuminent le ciel d’un rose improbable. Poétiques et légers, si loin des convulsions dans lesquelles nous sommes plongés depuis quelques mois. C’est beau mais éphémère comme un feu d’artifices.
Je ne sais pourquoi les cerisiers du Japon me font penser à un autre temps, plus innocent, moins violent, le temps de l’enfance idéale, si admirablement imaginé par Jaco Van Dormael dans Toto le Héros et Mister Nobody, en partie tournés justement dans la cité du Logis à Boitsfort.
Au Japon, l’éclosion des cerisiers est un moment important de l’année que les Japonais célébreront à la fin du mois. Pendant ces quelques jours de fête qu’on appelle la golden week, ils iront en famille, entre amis, se faire photographier dans les parcs, manger et boire du saké sous les cerisiers, les sakura. Cette tradition, Sakura ohanami signifie « la contemplation des fleurs de cerisiers ».
Par une étrange coïncidence, le premier jour de la golden week célèbre la naissance de l’empereur Hirohito (ou Showa), qui a entraîné son peuple dans la seconde guerre mondiale et n’a rendu les armes qu’après que les villes de Hiroshima et Nagasaki aient été écrasées sous les premières bombes atomiques américaines.
Le troisième jour de fête est appelé le « jour de la nature » ou « le jour vert ».
Comment ne pas faire le lien cette année entre ces jours de fête et les événements de Fukushima ? Soixante six ans après la première utilisation d’armes atomiques, une catastrophe nucléaire ravage sans doute définitivement un pays, le dernier qui aurait dû faire confiance à l’atome et tenter de domestiquer son souffle incompréhensible et terrifiant.
Et qui peut joyeusement, innocemment, célébrer la nature après ce qu’elle vient d’infliger à l’archipel, un tremblement de terre suivi d’un tsunami ?
Etrangement, l’enfer est venu en même temps de la nature et de la civilisation humaine.
Comme pour nous rappeler l’extraordinaire fragilité de notre existence et du doux mais fugace moment de plaisir d’une balade sous les cerisiers en fleurs.
Un coup de vent, quelques heures de pluies violentes suffisent les parures roses des branches. On pourra s’extasier du tapis coloré qui couvre le sol et dissimule ses défauts tel un rideau de paillettes. Mais au bout de quelques heures déjà, il aura disparu dans les égouts. Le béton réapparaîtra. Et dans toute la région ravagée par la catastrophe, le macadam déchiqueté, les bâtiments en ruines, les montagnes de boue et de déchets, les cadavres.
Et à quoi ressembleront les centrales de Fukushima sous un manteau de pétales de fleurs de cerisiers ? Au visage d’un clown triste qui n’a pas pris le temps de se démaquiller.

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ECHAFAUDAGES

Comme beaucoup de Bruxellois, je n’ai pas le souvenir d’avoir jamais contemplé le palais de justice sans échafaudages. Pourquoi ne pas les avoir démontés ? J’avais d’abord cru qu’un entrepreneur habile avait négocié un contrat assurant à ses enfants, à ses petits-enfants et à leurs descendants une concession de nettoyage à perpétuité. Eh bien, je me trompais ! Les mœurs de certaines municipalités wallonnes n’ont apparemment pas encore contaminé les autorités qui gèrent le temple de Thémis. Même si l’annonce par M. Demotte d’une rocambolesque et dérisoire Fédération Wallonie-Bruxelles fait craindre le pire pour l’avenir. Heureusement, les étiquettes ont une grande qualité : elles se décollent rapidement.
Les échafaudages du palais c’est le contraire : ils sont restés si longtemps accrochés à la façade qu’il est désormais impossible de les décoller de la pierre dans laquelle ils se sont encastrés tels des animaux préhistoriques prisonniers de leurs gangues.
Jadis, c’est le palais qui soutenait les échafaudages. Maintenant, c’est le contraire. Sans ses échafaudages, le bâtiment tomberait en poussière, paraît-il, aussi sûrement qu’une centrale atomique après le passage d’une catastrophe ou la forêt congolaise après le passage du prince Laurent.
Quel symbole, tout de même. On pensait ce temple démesuré construit pour l’éternité, comme les pyramides, Manneken Pis ou le Colisée. Or, il n’est qu’un château de sable, prêt à s’écrouler sous le choc d’une marée un peu forte. Symbole de la justice que certains politiciens s’efforcent de démantibuler en partageant ses restes entre Flandre et Wallonie. Comme si les coups reçus depuis dix ans ne suffisaient pas à la fragiliser.
Symbole aussi de la Belgique. Un coup de pattes, un peu trop de pression. Et, patatras ! il n’en restera rien.
On se consolera en pensant que nos voisins français n’ont pas encore songé à s’occuper de nos malheurs. Et que leur président ne s’est pas rendu compte que la population civile de notre pays est menacée par la lutte que mènent clans du nord contre clans du sud. Ouf !
Si le président Sarkozy s’avise que le gagnant des élections de l’année dernière, Bart De Wever, ne parvient pas à poser ses fesses victorieuses sur le trône et qu’il décide de lui ouvrir la porte du 16 rue de la loi à coup de canon comme il vient de le faire à Abidjan pour le président Ouatara, à quoi ressemblera Bruxelles ? A la ville ravagée par les armées de Louis XIV jadis !
A tout prendre, je préfère que nos institutions ne tiennent plus ou moins debout qu’avec un peu de Scotch et que nous ne recevions de la Côte d’Ivoire que des cargaisons de chocolat…

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EDITION SPECIALE

La semaine dernière, Le Soir a eu la bonne idée de publier une editie Vlaanderen. Dans la foulée, quelques jours plus tard, la Rossiyskaya Gazeta s’insérait à son tour dans votre quotidien favori avec une salade russe composée d’articles du journal moscovite.
On attend avec curiosité le prochain supplément. Une sélection d’articles de la principale gazette de Tripoli ? Un peu d’aide à la presse belge, Kadhafi nous doit bien ça vu l’ardoise de notre armée en Libye alors que le budget fédéral explose sous le poids des salaires imprévus des conciliateurs, médiateurs et autres informateurs que l’on paye depuis près d’un an, sans compter les frais de bouche de leurs interlocuteurs et les gaufres du plus gourmand d’entre eux.
La comparaison entre les deux suppléments, le flamand et le russe, ne manque pas d’intérêt et inspirera utilement les futurs rédacteurs tripolitains.
Dans son édition néerlandaise, Le Soir a largement réutilisé des articles publiés antérieurement en français, certains il y a trois ans, voire quatre. L’art de réutiliser les restes ? Pas du tout ; leur troublante actualité fait frémir : blocage politique, fermeté de l’alliance C.D.&V.- N-VA, BHV, ces articles auraient pu être écrits la veille. Effrayante constatation que le zoo politique belge s’est figé une fois pour toute il y a des années et que personne n’a réussi depuis à ouvrir la cage pour faire respirer un autre air aux animaux qui y sont enfermés.
La Russie d’Aujourd’hui au contraire a fait du passé table rase et abandonné l’Internationale. Ainsi, s’agissant de Tchernobyl, elle en parle comme de la disparition des dinosaures. Un type de centrale d’un autre âge enterré depuis si longtemps que tout le monde l’a oublié. Et d’annoncer fièrement un vaste projet de construction de nouvelles centrales nucléaires super sûres. La catastrophe japonaise ? Cela se passe ailleurs, à l’étranger, sur une autre planète. Jamais, une radiation nippone n’osera franchir la frontière russe.
Bref, à la différence du Soir Vlaanderen, La Russie d’Aujourd’hui n’annonce que de bonnes nouvelles : la milice moscovite a bien changé depuis l’ère soviétique. Si elle est toujours prête à arrêter de vieilles dames, elle n’intervient que si les mamouchkas ne portent pas de canne. Les flics sont devenus drôlement fragiles dans la patrie de Staline. En revanche, pas un mot dans ce numéro du BHV russe, la Tchétchénie. Ni des tensions entre l’état central et les républiques.
Seule note discordante, la Gazeta n’hésite pas à évoquer le différend entre le président Medvedev et son premier ministre, Vladimir Poutine, à propos de la Libye.
Faut-il y voir un coup de chapeau à la Belgique qui a eu la bonne idée, lors de la régionalisation, de cumuler les deux fonctions en nommant un seul ministre-président ?

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TRIPOLI POUR ÊTRE HONNETE

Sur le papier, les interventions décidées par l’ONU au Rwanda ou en ex-Yougoslavie étaient nécessaires, indispensables. Tout comme celle en Libye. Pourquoi alors ce manque d’enthousiasme, ces doutes ?
Je suis d’une génération qui n’a jamais adulé le rôle des militaires en-dehors de nos frontières. Faites l’amour ici plutôt que la guerre là-bas. La guerre des autres est une solution ultime, du désespoir. Alors, pourquoi mettre si peu d’enthousiasme et de moyens à sauver les peuples qui meurent de faim, abandonner les pays qu’on a tirés des griffes de leur bourreau ? On se demande aussi pourquoi certains peuples tyrannisés sont plus chouchoutés par nos excellences que d’autres. On s’étonne enfin des fluctuations de notre compteur Geiger vis-à-vis du premier Libyen. Tantôt célébré comme le représentant d’un arabisme laïc et moderne, tantôt honni pour ses exactions (dans nos pays), à nouveau copain dès qu’il se dit l’ennemi d’Al Qaida et qu’il bazarde une partie de son stock d’armes dégoûtantes, puis re-traité d’assassin et de chef terroriste.
Est-il tout à fait honnête son propre représentant auprès de la Ligue arabe qui s’avise soudain que son boss est de loin pire que Saddam Hussein ? « Je pense que Saddam Hussein avait un peu de bon sens, alors que cet homme n’a ni bon sens, ni sagesse », déclare M. al-Honi (qui mal y pense).
Autre raison d’être perplexe : les fruits amers des précédentes opérations de l’ONU.
Le génocide rwandais, les massacres de Srebrenica sont autant l’œuvre des tueurs que la responsabilité de la communauté internationale. Ce sont des soldats occidentaux censés protéger les Rwandais des génocidaires qui ont fait défaut. Ils ont donné à la population l’illusion de veiller sur elle avant de se défiler au pire moment. Ce sont des soldats hollandais qui ont regardé, les bras croisés, les brutes serbes massacrer les habitants de Srebrenica, qui eux aussi avaient fait confiance et étaient sortis de leur réduit, aveuglés par les engagements de l’ONU.
Qu’allons-nous promettre aux Libyens ? Qu’avons-nous prévu ? Rien sans doute. Dans leur for intérieur, les intervenants croisent les doigts pour que les citoyens libyens et l’armée renversent elles-mêmes le dictateur et nettoient les lieux. Mais si le scénario ne se déroule pas selon ce plan, que se passera-t-il ? Les précédentes aventures de la communauté internationale ne présagent rien de bon…

PS : à propos du Rwanda, je vous conseille la lecture d’un livre merveilleux, « Tu leur diras que tu es hutue » de Pauline Kayitare (éditions Versaille). Plus qu’un témoignage d’une rescapée du génocide, un vrai récit mêlant mort et vie, un portrait pénétrant d’une famille rwandaise avec le regard vif, frais, incroyablement optimiste d’une vraie conteuse.

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LE YIN ET LE YANG

Les premiers temps, les événements qui se déroulent au Japon ont paru effacer en horreur tous les autres drames qui ont déjà rythmé le début du siècle, l’effondrement des tours du W.T.C., le tsunami asiatique, le tremblement de terre d’Haïti. Un séisme gigantesque suivi d’un tsunami dévastateur puis d’une catastrophe nucléaire qui pourrait contaminer une partie de la planète, qui dit mieux ? A part une guerre nucléaire, même à Hollywood, on ne voit pas comment battre ce record. Mais peu à peu, alors que montait l’apocalypse, j’ai essayé de trouver les côtés positifs de ces événements. On dit qu’il y a toujours deux faces à chaque épisode de la vie – le yin et le yang. Le yang ici, c’est d’abord, le flux de connaissances que la catastrophe nucléaire japonaise nous a permis d’ingurgiter.
En quelques jours, des spécialistes de tous poils sont parvenus à m’apprendre sur le tas des notions que mes profs d’athénée n’ont jamais effleurées pendant des années (pour ne pas me faire peur ?) et mon vocabulaire s’est enrichi d’une centaine de mots nouveaux. Je sais tout de la différence entre fusion et fission. Je ne sais pas si ça me sauvera la vie à la prochaine catastrophe mais au moins, je ne passerai pas pour un péquenot dans les dîners en ville.
Il faut aussi éviter de dire aux Japonais qu’ils risquent d’être « irradiés » alors qu’ils seront « contaminés ». Dans l’un et l’autre cas, on meurt. Mais pas de la même façon, ce qui a l’air de faire beaucoup saliver les scientifiques.
J’ai aussi appris que l’on ne compte plus, comme je le faisais bêtement, en Curie. Fini, le Curie ! On évalue la teneur en éléments radioactifs (si on a le temps) en Becquerel, unité qu’il ne faut pas confondre avec le Becherel, lequel nous apprend à décliner convenablement en français. Remarquez, après une solide dose de Becquerel, on est aussi assuré de décliner définitivement…
Autre super yang du jour : l’énergie nucléaire est une énergie propre, répètent les spécialistes. A voir ses effets, il faut comprendre par là que les morts radioactifs ne laissent pas de traces désagréables pour les survivants. Ni sur la vie et les intérêts de ceux qui ont misé sur le tout nucléaire.
Aucune installation industrielle n’est plus sûre, ni plus surveillée qu’une centrale nucléaire, nous a-t-on encore asséné. Ah bon ? Qu’on m’explique alors pourquoi tous ces petits génies n’ont pas eu conscience en construisant leurs Lego sur des failles sismiques qu’une petite secousse risquait de faire s’écrouler leur château de sable.
« Il y a deux choses d’infini au monde, disait Einstein : l’univers et la bêtise humaine. » Il ajoutait aussitôt : « Mais pour l’univers, je n’en suis pas très sûr ».

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L’ENFANT ROI

A quoi ressemblait le petit Bart quand il était bébé ?
C’est la seule question qu’on a encore le droit de se poser à propos du président de la N-VA depuis que le conseil de l’ordre national des Médecins a accueilli sa plainte et condamné un médecin qui s’était permis d’exprimer une opinion sur le caractère trrrrès dominant du grrrand Bart – je veux dire sur le Bart qui joue à l’adulte, à l’homme de fer et même de fer à repasser puisqu’il a réussi mieux que ma femme à journée à ce que les négociations soient pliées…
Alors, bouche cousue si vous ne voulez pas vous retrouver condamné ! Et remontons le temps, à l’époque où parler d’un enfant roi ne valait pas une sanction.
Bartje devait être un bel enfant. Etendu dans son petit lit, le regard doux après avoir mangé une gaufre ou deux (ou trois), il attendait impatiemment que papa ou mama lui raconte une histoire. Alors ! ça vient ou quoi ? Ici et tout de suite ! D’accord, Bartje, dors, dors, mon petit frère. Slaap, kindje, slaap…
Oui. Bartje adorait écouter de belles histoires avant de fermer les yeux. Peau d’âne, Riquet à la houppe, le petit poucet, mon bébé ? Non, non ! Surtout pas. Les contes de Perrault sont des histoires de fransquillons ! D’une époque où c’est la France qui occupait Bruxelles et non pas moi ! Merci !
Alors, que veux-tu que je te raconte, Bartje ?
Une histoire de guerre ! De la deuxième guerre mondiale. C’était celle qu’il préférait. Pas comme Brassens qui aimait mieux celle de 14-18, celle où les pauvres soldats flamands se faisaient massacrer parce qu’ils ne comprenaient rien aux ordres de leurs officiers francophones. Tandis qu’en 1940,… Attention, danger, procès ! J’arrête là. Dors, dors, Bartje, mon petit frère. Slaap, kindje, slaap…
Alors que lui lisait sa maman ? Les aventures de Tintin, peut-être ? Ouille, non ! N’allez surtout pas prétendre que Bartje dévorait les aventures de Kuifje ! Tintin, écrit-il en septembre dernier, était un héros raciste et antisémite, le chouchou des Wallons derrière lequel ils se cachaient pour raconter partout qu’il n’y avait que des flamands pour collaborer avec les Allemands ! Tout doux, Bartje ! Tu dis des choses bien singulières ! Dors, dors, mon petit frère. Slaap, kindje, slaap…
Je veux mon histoire !
Mais, que suis-je encore autorisé à te raconter, mon président bien aimé, respecté, je veux dire mon fiston ? demandent découragés papa et mama.
Invente ! Tiens. Raconte-moi l’histoire d’un pays imaginaire, répond Bartje les yeux brillants en agitant ses tout petits poings. Peuplé uniquement de bébés tous à mon image et toujours d’accord avec moi.
Mais d’accord sur quoi ?
Que je suis le roi !
Mais tu es le roi, mon enfant. Dors, dors, Bartje, mon petit frère. Slaap, kindje, slaap…

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SOUS LA NAPPE, LA PLAGE

Neuf mois qu’ils accumulent sur la table tout ce qui leur passe par la tête ! Croulant sous ce bric-à-brac breughelien, qui s’étonnera qu’ils aient la nausée ?
Il serait peut-être temps qu’ils regardent ailleurs : sous la nappe, par exemple. Où ils découvriront quelques surprises s’ils veulent bien ouvrir les yeux.
Sous la nappe ? La plage.
Des dunes, où s’aiment des amoureux, où jouent des enfants, où des chiens chient, le regard coupable.
A la côte belge, remarquez, Wallons et Flamands se laissent flotter sans s’opposer. Marée haute, marée basse. C’est la Lune qui donne le la, pas De Wever.
La mer qui monte n’a jamais fait venir l’écume aux lèvres. Quand on reste vague, on revient toujours à l’essentiel…
Qui sait ? Peut-être qu’avec Wouter Beke, la nouvelle vague des politiciens va nous faire plonger sans danger dans les grandes profondeurs. Mais il faudra alors que cet homme se transforme en brise-lames. On peut rêver. C’est dans la tempête que se révèlent les bons marins. Mais qu’il n’oublie pas de garder une bouée à portée de mains plutôt que sur ses lunettes.
Un conseil au négociateur : quand on met certain coquillage contre l’oreille, si on écoute bien, on entend l’appel du large.
Garnaalkroketten, zeetong, wafels, paling in ‘t groen: c’est sous la nappe que les neufs partis peuvent découvrir les plats belges susceptibles de les réconcilier.
A ce propos : quand est-ce les neuf partis redeviendront des partis neufs ?
Sous la nappe, il y a aussi les pieds.
On a trop regardé les visages de nos discutailleurs, leurs bras, leurs doigts sans honneur, on les a trop vus faire du vent devant les caméras. Regardons plutôt leurs pieds, ça ne trompe pas.
Il y a ceux qui les mettent en éventail comme les vacanciers sur la plage. Ceux-là n’ont rien à perdre. Ils écoutent leurs voisins, un vague sourire aux lèvres, en se disant : cause toujours, mon lapin, et compte sur moi pour mettre du sable dans les engrenages si d’aventure ton château commence à prendre forme.
Il y a ceux qui gardent les pieds rentrés, qui ont peur de leur ombre même quand il n’y a pas de soleil. Ceux qui ne parviennent pas à quitter le parasol sous lequel ils sont réfugiés malgré l’écran total dont ils se sont enduits.
Il y a ceux qui ont enfilé subrepticement des pantoufles. Des malins qui aiment le confort ? Ou des pessimistes qui n’ont aucun espoir de quitter cette foutue table pour se rendre chez le roi et lui dire : les vacances, c’est fini ?
Avant de se remettre au travail, faudra qu’ils troquent leurs charentaises contre des bottes. Pour nettoyer la plage de toutes les crasses abandonnées là depuis des mois. Et puis creuser pour ramener à la surface le coffre au trésor dont nous avons vraiment besoin !

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GUEULE DE BOIS

En ces temps troublés, il est bon de se rappeler que la principale richesse de la Wallonie est sa forêt et non ses usines d’armement.
On ne peut donc que féliciter le ministre-président, Rudy Demotte, de pratiquer avec tant d’enthousiasme la langue de bois.
Ajoutons, pour ne pas faire inutilement de jaloux, que ses collègues de la majorité CDH et Ecolo ont eux aussi déployé des efforts louables pour promotionner de toutes leurs forces notre matière première verte dans tous les médias.
Hélas, quelques images intempestives venues de Libye et montrant des armes et des munitions belges arrosés de sang font un peu tache (dans le cas des armes utilisées sur un théâtre d’opérations douteuses, insistons pour parler d’armes « belges » et non « wallonnes »).
Mais, tant que l’enquête est en cours, il est scandaleux de stigmatiser les honnêtes travailleurs de Herstal.
D’ailleurs, plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer ces images. Certains soupçonnent des nationalistes flamands d’avoir produit ce clip abracadabrant tourné soi-disant sur l’aéroport de La Abraq mais fabriqué en réalité dans les studios de la VRT, l’organisme public ayant absolument besoin de se racheter un brevet de « flamanditude » face aux critiques de son ancien journaliste Siegfried Bracke.
D’après les mêmes sources, la réalisation des photos aurait été confiée à ces grands pros, déjà auteurs des faux reportages sur les premiers pas de Neil Armstrong sur la Lune en 1969 et de la destruction du Pentagone et des tours du WTC en 2001.
D’autres accusent des concurrents de la FN qui auraient diffusé ces photos pour soulever la réprobation de l’opinion publique afin d’éliminer l’entreprise wallonne et récupérer ses juteux marchés.
Car comme le disait en d’autres termes un syndicaliste liégeois : Nos armes tuent ? Ceux fabriquées par les Anglais, Français et Italiens aussi. Alors, pourquoi être les premiers à arrêter le massacre ? Messieurs les Anglais, tirez les premiers !
Face à cette escalade de critiques, le ministre président reste de bois. De cet excellent bois dont on fabrique les potences où finiront les révolutionnaires libyens si leur dictateur parvient à reprendre le contrôle de la situation.
Tant que nous vendons des armes, la forêt wallonne peut dormir sur ses deux oreilles. Les politiciens du Nord aussi, qui ont bien tort de dénoncer le commerce d’armement du sud.
Ont-ils songé aux conséquences de la fermeture de la FN ?
A ce que va coûter à la Flandre des dizaines de milliers de chômeurs wallons supplémentaires ?
Et les réfugiés wallons, découragés par la misère, où vont-ils les installer ? Redoutable menace : avec ces nouveaux arrivants, aux prochaines élections, le FDF pourrait devenir le premier parti de Flandre…

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BELGIUM : ONE POINT

Barack : Que lisez-vous Hillary ? Vous vous plongez dans les langues exotiques ?
Hillary : Le néerlandais pour les nuls. J’ai du mal…
Barack : Le néerlandais ? Dans quel pays du Moyen Orient parle-t-on ce sabir ?
Hillary : En Belgique, voyons ! Il paraît que c’est la langue des gens les plus intelligents du monde. Regardez à la télé « De slimste mens ter Wereld ». Donc je m’y mets.
Barack : OK. C’est un jeu ? Qu’est-ce qu’on gagne ?
Hillary : Premier prix : la direction d’un pays en plein micmac.
Barack : Ah ? C’est un politicien qui a décroché la palme?
Hillary : Non, un acteur comique.
Barack : Amaï ! Pas étonnant que les Belges n’aient pas encore de premier ministre ! Si la crise continue, envoyons-leur quelques députés irakiens comme consultants.
Hillary : Dire qu’en Egypte et en Tunisie, il n’a fallu que quelques jours pour changer de chefs d’état et de gouvernement.
Barack : Depuis que j’ai encouragé les foules arabes, je sens que j’ai la baraka. Si j’intervenais à la télé belge ?
Hillary : La télé belge ? Quelle télé belge ? Elles sont flamandes ou françaises et font tout pour s’ignorer quand elles n’accentuent pas le fossé entre leurs téléspectateurs. Parlez à la télé francophone, les Flamands défileront en criant US, go home ! Si vous choisissez la télé néerlandophone, ce sont les Wallons qui vont appeler l’armée française à la rescousse ! Un vrai casse-tête ce pays. En comparaison, le conflit israélo-palestinien est une sinécure ; on connaît le mode d’emploi. En Belgique, quand un joueur avance son pion, il en profite pour changer les règles du jeu. Ca craint !
Barack : Et où vont-ils comme ça ?
Hillary : Cahin-caha vers la partition du pays.
Barack (qui scrute la mappemonde du bureau ovale avec une loupe) : Il est pourtant si petit que je ne parviens pas à le retrouver sur la carte.
Hillary : Pas étonnant que le village des Schtroumfs ait été inventé par Peyo, un auteur belge. On a cru que c’était un univers de fantaisie. Mais ce Peyo était en dessous de la réalité : sur ce territoire minuscule ils veulent deux royaumes encore plus minuscules si ce scénario catastrophe se réalise, peut-être trois, voire quatre.
Barack (inquiet) : Et où ira l’Otan si le pays implose ?
Hillary : Laissez-moi réfléchir. Notre quartier général est situé à Bruxelles, une région à majorité francophone, enclavé en territoire flamand, qui pourrait devenir une ville-état, rattachée à Washington D.C. Vous me suivez ?
Barack : Alors, on déménage ? Podverdeke, Hillary ! Vous n’avez pas un dico bruxellois ? Si je dois me frotter à tous ces super-castars, il ne faut pas que j’ai l’air d’une klett ! Michèle ! Komme ke zien ! Fais la valise ! On s’installe à Bruxelles !

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CHAUD DEVANT

C’est le printemps !
Réchauffement climatique ou consolation divine d’une fin d’année particulièrement triste, glacée et figée ? Chacun appréciera mais quelle qu’en soit la cause, il n’y a pas de doute. La glace est en train de fondre…
Dans les rues arabes d’abord où des foules que l’on croyait soumises à des rages moyenâgeuses défile, hommes et femmes mêlés, en réclamant les valeurs de cet Occident tant honni, droit de vote, démocratie, liberté de la presse. Cette même foule qui manifestait il y a quelques mois pour réclamer la tête de caricaturistes dont l’art et la liberté d’opinion ne plaisaient pas.
Des foules sans chef, ivres de leur propre audace dont on découvre soudain le visage souriant, décidé, intelligent et mûr malgré des dizaines d’années à subir une presse et des télévisions au service unique du chef et de ses slogans. Quel échec des media et de la limite de ses pouvoirs !
En Italie aussi c’est le nettoyage de printemps. Avec un goût amer : il a fallu quelques frasques sexuelles grotesques pour plomber l’inoxydable chef de l’état dont les razzias sur l’appareil politique, médiatique et financier du pays n’avaient jamais ému les citoyens. Au contraire. Sa résistance aux lois et aux juges l’avait rendu encore plus populaire. Que Silvio Berlusconi supprime les droits de succession, s’empare de toutes les télés publiques et privées, distribue des postes de députés et de ministres à ses copines et copains, se fabrique des lois sur mesure pour s’assurer l’impunité, embrasse les papattes de Kadhafi, l’électeur était à ses pieds. Mais qu’il organise des soirées bonga bonga, ah non ! Pas ça ! Allez comprendre. Tout le pouvoir des media berlusconiens, champions de l’obscène, se serait-il effacé devant un vieux fond de pudibonderie ? Encore une belle claque pour le pouvoir des media !
Pendant ce temps, les bourses se remettent à siffloter, les syndicats à oser réclamer des augmentations de salaires. Rêvons un peu : et si les hommes politiques belges se laissaient gagner à leur tour par l’euphorie ambiante ? Ils ne peuvent tout de même pas être les derniers au monde à s’apercevoir que la température a drôlement monté depuis qu’ils se sont enfermés? Y aurait-il un problème de climatisation dans la salle ?
La manifestation du 23 janvier dans les rues de Bruxelles n’annonçait-elle pas le retour des hirondelles ? Comme en Tunisie ou en Egypte, comme en Italie, en tête de la rue bruxelloise, il n’y avait pas de chef. A l’ère de l’internet, où chaque citoyen se sent le maître de son destin et peut le crier à toute la planète, l’homme politique est en train de disparaître. Au fond ce dont rêvent les citoyens, c’est à un gouvernement sans dirigeants. A une grande assemblée libre permanente. Déjà, un parfum de mois de mai ?

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