EMBRASSSONS NOUS FOLLEVILLE !

   Enfin, la Saint Valentin ! Avec ce qui nous est tombé sur le coin de la notche depuis le début de l’année, alors qu’on croyait avoir déjà fait le plein de calamités en 2022, on tente de se convaincre que, dès la semaine prochaine, on va enfin recommencer à respirer. Le temps d’une journée en tout cas. 

    La fête des amoureux… Rêvons un peu et embrassons-nous, Folleville ! comme le proposait le génial Labiche. Qui, il est vrai, a aussi écrit La poudre aux yeux… 

    Mais où fêtera-t-on ce mystérieux saint qu’on ne saurait voir puisque le pape Paul VI l’a rayé du calendrier liturgique romain ? Sans doute pas en Turquie et en Syrie, accablées par les convulsions de la croûte terrestre. Saint Valentin n’est pas une fête musulmane. En Russie non plus, hélas. La Saint Valentin n’est pas une fête orthodoxe.  

  Côté belge alors ? Avec les élections qui s’approchent (un an en politique c’est à la fois un siècle et une seconde), on ne peut pas s’attendre à ce que couple flamand-wallon oublie tout et s’enlace. Hélas, l’amer est au programme des prochains mois. Et on ne va pas se marrer. D’autant que les revendications des uns et des autres sont vagues. Suffisamment pour susciter la tempête. Les partis extrémistes flamands se déchaînent, promettant l’apocalypse si on n’obéit pas à leurs diktats flottants. Mais, même si nos tanks n’ont pas été envoyés en Ukraine, rassurons-nous, ils ne sont pas en état d’envahir les plaines wallonnes. Même pas d’avancer jusqu’au prochain garage. 

  Méfions-nous aussi des signaux incompréhensibles. Ainsi de ces ballons d’apparence si sympathique envoyés par la Chine. Que signifiait ce délicat lâcher ? Une façon de clôturer les fêtes du nouvel an chinois ou le signe qu’ils participaient eux aussi à la joie des amoureux ? Comme ils n’y ont pas accroché de petit mot ni de bonbons, les Américains n’ont pas attendu le 14 février pour les couler au fond de l’Atlantique. L’amour vache… 

   Une preuve de plus qu’on ne se comprend plus quand on parle d’amour ?  Pour Poutine, ses armées ne font pas la guerre. Ils ramènent à la maison les cousins du sud tant aimés. 

  Le mot amour il est vrai a de multiples acceptions plutôt contradictoires. L’Amour est un fleuve qui sépare la Chine et la Russie et dont le tracé a servi de prétexte à une guerre entre les deux pays en 1969. 

  L’amour est aussi un poisson blanc nuisible, une bête moche, qui détruit la flore des lacs et des rivières et qu’il faut éliminer. 

   L’erreur est peut-être de limiter l’amour à un seul jour de l’année. Comme il y a une journée mondiale des câlins, des droits des femmes, du yoga, des lépreux, de l’épilepsie, du thon et même du rouge à lèvres. Décidons que désormais, l’amour c’est tous les jours. A bas la Saint Valentin ! 

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AN INNOCENT MAN

   L’autre jour, je suis retombé sur cette chanson de Billy Joël, An Innocent Man, qui doit dater des années quatre-vingt. 

Certaines personnes restent éloignées d’une porte/
s’ils ont une possibilité de l’ouvrir/
Ils entendent une voix dans l’entrée, au dehors/
Et espèrent qu’elle finira par s’éteindre.

  La nostalgie n’est pas recommandée par la faculté – ni par les politiciens. Mais une petite bouffée de temps en temps ne fait pas de mal. Surtout que l’innocence paraît s’être enlisée quelque part sur le chemin qui menait d’hier à aujourd’hui.

   Si on remonte à l’époque où cette chanson faisait fureur dans les juke-boxes (ah ! les juke-boxes !!), l’Union soviétique coulait comme un iceberg en pleine canicule. On pensait que l’effondrement du communisme allait créer un véritable appel d’air, que la nouvelle Russie rejoindrait l’Europe et que les Russes seraient désormais nos copains et plus nos camarades. An Innocent Man était tout prêt d’y croire. 

Surtout que peu de temps après, la Russie signait avec l’Ukraine un Traité d’amitié, de coopération et de partenariat qui reconnaissait l’inviolabilité des frontières et le respect de l’intégrité territoriale des deux pays. Lesquels s’interdisaient de s’envahir l’un l’autre et de se déclarer la guerre (le Traité a été dénoncé par l’Ukraine en 2019 suite aux annexions armées de 2014).

Autre illusion d’An Innocent Man. Un an et demi après la fin de la guerre froide, sont signés les accords d’Oslo. L’image a jauni de la poignée de main des dirigeants israélien et palestinien, I. Rabin et Y. Arafat, en présence du président Clinton. An Innocent Man était persuadé que la raison avait enfin triomphé au Moyen Orient. La paix, deux états. Toutes ces choses absurdes alors que trente ans plus tard, les dirigeants palestiniens ne représentent plus qu’eux-mêmes et qu’on refuse de croire que les nouveaux gouvernants israéliens représentent l’opinion des citoyens de l’état juif. Comment réagir devant pareil gâchis, sinon se mettre la tête dans le sable sur les bords de la mer morte ?

Vous voulez encore une bouffée du temps de Billy Joël ? Tiens, le Congo. Libéré enfin de la dictature de Mobutu, les Congolais allaient enfin jouir de l’indépendance et devenir des citoyens libres, dans un pays riche…  

   Depuis le début balbutiant de ce nouveau siècle, l’Innocent Man a la tête qui tourne. A la fin de sa chanson, Billy Joël dit quelque chose comme : 

 Certaines personnes espèrent en un remède miracle/
D’autres acceptent le monde tel qu’il est./
Mais je n’ai pas l’intention de me laisser abattre/
Parce que je suis un homme innocent./

Une conclusion suivie par quelques notes sobres de guitare alors que les autres instruments se sont tus. 

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AU FEU, LES POMPIERS !

         Chaque mois nous apporte de nouveaux romans formidables. Au hasard de mes dernières découvertes, « La cité des nuages et des oiseaux » de Anthony Doerr, un roman-monde, superbe, poétique, drôle. Et « Oh ! William ! » d’Elizabeth Strout. On a rarement écrit si fin sur le couple. Il ne s’y passe rien et on a l’impression de dévorer un thriller !  

     Nous gardons tous également quelques coups de cœur parfois des classiques dans la bibliothèque. Un coup d’œil sur leur couverture ramène le souvenir d’émotions profondes. Parfois, on s’y replonge pour oublier la colère qui gronde autour de nous et qui risque de nous submerger. Pour moi, notamment « Abattoir 5 » de Kurt Vonnegut, « Anna Karenine » de Tolstoï, « Les Âmes mortes » de Gogol, les romans de John Buchan ou « Le comte de Monte Cristo » d’Alexandre Dumas et tant d’autres. Une chronique n’y suffirait pas.  

       Rien n’est plus personnel que l’amour d’un livre. Combien de fois ai-je prêté avec enthousiasme des romans à des amis qui me les ont rendus dépités. Ainsi, j’ai un amour profond pour l’Ancien Testament que ne partagent pas plusieurs de mes relations. Mais je n’ai jamais réussi à lire plus de cinq pages du Coran. Allez savoir pourquoi. Alors que le « pitch » est le même et que plein de personnages de l’un sont à nouveau les héros de l’autre !

   Mais, ce n’est pas parce que « Le Rouge et le Noir » m’est tombé des mains que je vais le jeter au feu. Pas plus que les livres de Houellebecq. Alors, pourquoi aller brûler un exemplaire du Coran devant l’ambassade de Turquie comme l’a fait un manifestant qui protestait contre le régime de Recep T. Erdogan ? D’abord, en quoi le président turc est-il responsable que le Coran, en tout cas dans sa version suédoise, est illisible ? Il n’en est pas l’auteur – en tout cas d’après mes informations.  

    Il y a des tas de livres que je n’aime pas. Les brûler ne me viendrait pas à l’idée. Car s’ils ne me plaisent pas, je sais qu’ils feront le délice d’autres amateurs. Vous n’aimez pas le Coran ? Donnez-le ! Et n’en dégoûtez pas les autres ! 

Brûler un livre pour dénoncer l’autoritarisme d’un régime, c’est se montrer plus intolérant et fanatique que le despote contre lequel on proteste. C’est à désespérer de la liberté d’expression que de la traiter aussi mal. C’est justifier le discours de ceux qui veulent la grignoter, la discuter pour peu à peu la supprimer. 

Dont font partie, s’il faut en croire l’enquête publiée par votre quotidien favori sur le blues des Belges, une partie de nos compatriotes qui rêvent, paraît-il, du retour d’un p’tit Léon Degrelle et de la peine de mort. 

Faudrait peut-être leur mettre un bon bouquin entre les mains et attendre le retour du printemps avant de recommencer le sondage !     

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CLANDESTINE – ELLE ARRIVE EN FEVRIER

Qui est Iulia ?
Un beau matin de 2005, cette jeune Russe débarque dans le cabinet d’un avocat bruxellois, Me Cyrille Biederman, qui ne croit pas un mot de son histoire.

Elle serait russe, traquée par Poutine, échappée d’un centre de détention à Bruxelles et piégée dans un scandale politico-sexuel à Moscou.

CLANDESTINE est un roman d’espionnage dans la nouvelle Russie, belliqueuse et énigmatique. Mi-roman politique, mi-burlesque, mi-suspense, cette CLANDESTINE secoue, intrigue et fait rire.

En exclusivité, découvrez en le premier chapitre.

MAIS QUE DIABLE FAIT LA POLICE ?

   Non loin de la Colonne du Congrès aux pieds de laquelle repose le soldat inconnu, on peut visiter un autre cimetière, le commissariat de police de la rue Royale. Trois morts, la dernière, une dame interpelée en état d’ébriété et flanquée en cellule par la police d’Ixelles (plutôt qu’à l’hôpital) alors qu’elle avait été trouvée manifestement ivre (peut-être aussi victime d’autres produits) tenant des propos incohérents sur la voie publique. Sourour A. a connu le sort de deux autres détenus de ce commissariat devant lequel il faudrait aussi installer une flamme éternelle. Est-ce une coïncidence que la Colonne du Congrès soit l’œuvre de Joseph Poelaert, l’architecte du Palais de Justice, édifice dont l’état de dégradation avancée sinon la ruine annoncée, apparaît comme une image cruelle mais moins caricaturale qu’il n’y paraît de l’état de notre justice ? 

Autre coïncidence, la rédaction du Soir ne se trouve pas loin de là, sur la même artère. Or, le 18 janvier 2007, l’imposante sculpture représentant la Liberté de la Presse a été arrachée de la Colonne du Congrès et projetée en bas de son socle…

Sur le site du commissariat de police, se trouve un document (tout cela est parfaitement vrai) intitulé « (In)satisfait de nos services ? » suivi d’un formulaire de plainte. Suit un « formulaire de félicitations ». « Satisfait de nos services ? Vous pouvez l’exprimer ici… »

   Reste-t-il au fils de Madame Sourour A. un autre recours que de remplir ce protocole venu si à-propos ? Car, à notre connaissance, des deux autres décès récents et tout aussi inexplicables de personnes enfermées dans une cellule de ce commissariat, on ne connait aucune réaction des autorités, ni conclusions des enquêtes qui ont dû être menées. 

  On ajoutera que des caméras étaient placées dans la cellule. On peut donc savoir exactement ce qui s’y est passé. Mais on pouvait surtout le voir en temps réel pendant cette nuit tragique où Madame Sourour A. se serait donné la mort. La mort en direct. Si cette dame était dans l’état que l’on a décrit, on attendait des préposés à la surveillance qu’ils soient particulièrement attentifs, qu’ils interviennent immédiatement. Mais non. Regardaient-ils un autre programme sur leur écran ? Déjà lors d’un des précédents décès, il a fallu aux policiers 9 heures avant de découvrir le corps d’un homme lui aussi décédé dans la cellule maudite ! 

Nous qui nous flattons de vivre dans un état de droit, où les règles de la démocratie sont garanties, on suppose que la police est soumise à des prescriptions qui garantissent qu’elle protège les citoyens au lieu de les écraser et qu’elle n’abuse pas de ses pouvoirs. 

  Il y a quelque chose de pourri au Royaume… 

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J’IRAI CRACHER SUR VOS HECATOMBES

« Papa, je suis condamné à mort. Mais ne le dis pas à maman ». 

Ce sont les derniers mots écrits par un jeune Iranien, Mehdi Karami, avant d’être pendu le 7 janvier 2023. Karami fait partie de cette charrette de manifestants qui, ayant survécu aux tirs de la police après la mort de Mahsa Amini dans les geôles de la police des mœurs, ont été exécutés. Quelques autres attendent encore dans le couloir de la mort. On ne sait s’il faut d’abord saluer le courage de ces hommes et femmes qui remettent en cause l’étranglement de la liberté au risque de leur vie ou constater que les autorités iraniennes sont en train de perdre la tête. En décimant leur propre jeunesse. Mais la république islamique a le triste privilège depuis qu’elle a mis le voile sur le pays d’être devenue championne de la peine de mort dans le monde après la Chine.  

Tout occupés à négocier un nouvel accord sur le nucléaire, les Occidentaux assistent gênés et sans grande réaction à cette barbarie. J’irai cracher sur vos hécatombes ! Les Iraniens sont-ils d’ailleurs encore demandeurs de pareil traité alors qu’ils se sont empressés de mettre au point l’arme atomique à marches forcées depuis que le président Trump a déchiré le précédent traité, à la grande satisfaction d’une partie des dirigeants iraniens ? Pourquoi les Occidentaux sont-ils si mous ? Il faut reconnaître qu’il y a beaucoup d’intérêts économiques pour nos entreprises côté mollahs ce qui nous fait un peu baisser le ton. D’autant que nous avons déjà fort à faire avec tous les autres états qui violent allégrement les règles les plus élémentaires de la civilisation, y compris sur notre propre continent. S’il fallait remonter les bretelles de tous les régimes scandaleux, on n’aurait plus ni pétrole, ni gaz, ni métaux précieux et rares ! Rien que des mines de charbon abandonnées…

Pendant ce temps, un de nos compatriotes, travailleur humanitaire, Olivier Vandecasteele, a été condamné à 28 ans de prison et à 74 coups de fouet. 

Une fois de plus, on doit saluer le travail unanime des juges iraniens tous aux ordres du pouvoir qui font semblant d’avoir étudié le droit alors qu’ils n’ont suivi que des cours de boucherie.

La condamnation d’Olivier Vandecasteele est purement cynique puisqu’elle a pour objet de récupérer Assadollah Assadi, un agent soi-disant diplomatique iranien, condamné pour terrorisme (un projet d’attentat contre des opposants iraniens à Paris). Cet échange, qui sauvera une vie mais donnera raison aux preneurs d’otages, est pour l’instant bloqué par un recours contre le traité de transfèrement devant la cour constitutionnelle.     

Omar Khayyan a écrit : « Avant notre venue, rien ne manquait au monde. Après notre départ, rien ne lui manquera ». Le grand écrivain perse du 11ème siècle avait-il eu la prémonition de l’arrivée (et du départ) de la dictature des mollahs ? 

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VOEUX DE LA VEILLE

   On ne peut prévoir les choses qu’après qu’elles sont arrivées, disait Ionesco. Ce qui facilite la tâche des chroniqueurs. Personne ne leur reprochera dans quelques mois d’avoir raté les événements de 2023 pas plus qu’aucun sage n’avait annoncé le cyclone de la pandémie ni les dévastations d’Ukraine au début des trois dernières années ni, plus grave encore et plus inattendu, le passage d’Alexia Bertrand du MR à l’Open-VLD. Donc, ne comptez pas sur moi pour vous dévoiler les grands titres de votre quotidien favori des prochaines semaines. Les événements semblent toujours relever des délires de romanciers de science-fiction avant qu’ils ne se produisent. Parfois même après. 

Tenez, dans dès le début de cette ère, Le Soir annonçait que « La Belgique va tester les eaux usées des avions chinois » autrement dit, le ministère de la santé va envoyer des équipes à Zaventem gratter les toilettes des longs courriers venant de Chine. Plutôt que d’organiser un bête test covid de tous ceux qui débarquent. Ce spectacle semble à première vue aussi bouffon et déconcertant que la fouille humiliante des prévenus du procès des attentats de Bruxelles. Dans les deux cas, on ne vole pas très haut. Avec la conséquence prévisible que, comme nous l’a appris Buck Danny, quand on prend le risque de descendre à cette hauteur, on a toutes les chances de se planter…  

Peut-être l’erreur est de s’obstiner à répéter aveuglement ce rituel qui veut que le 31 décembre, on tourne la page et on recommence à zéro. Ce serait si bien d’effacer ce qu’on a mal fait en 22 et de le refaire dans le bon sens. Poutine signerait des deux mains à l’idée de reprendre l’invasion de l’Ukraine à zéro. Et Trump l’invasion du Capitole. Et Will Smith la cérémonie des Oscars. Et les Diables rouges… Non, eux referaient les mêmes bêtises. 

On aimerait bien aussi revenir en arrière pour empêcher Sempé, Sidney Poitier ou Arno et quelques autres de prendre la poudre d’escampette. 

Pour casser la routine, on peut choisir de démarrer l’agenda à une autre date, par exemple le jour de l’équinoxe d’automne comme dans le calendrier républicain soit le 1er vendémiaire (septembre) ou le mettre au 1 er jour de l’année du calendrier perse, chinois, zoroastrien, juif, égyptien ancien ou de s’aligner sur celui des habitants de Mars qui changent tous les jours, ce qui leur permet de faire bombance et célébrer le réveillon chaque soir, dès que les astronomes terriens sont endormis. 

Façon de revoir ce protocole figé qui oblige de souhaiter chaque réveillon ses bons vœux à minuit quand tout le monde est bourré. Ou de prendre de soi-disant nouvelles résolutions qu’aucun homme politique ne tiendra jamais même s’il est une femme. 

Mais, attention, je suis sincère quand je vous souhaite ici une belle année et vous fixe rendez-vous au 31 décembre 2023 ! 

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O TEMPORA, O MORES ! 

  L’échec de la Commission parlementaire sur le passé colonial de notre pays fait penser à celui des Diables rouges à la Coupe du Monde. Chacun pour soi. Les joueurs rechignant à jouer collectif pour se mettre seuls en valeur devant leurs fans. Et l’entraîneur s’intéressant davantage à la coupe de ses costumes qu’à celle du championnat de football. 

   Après avoir travaillé pendant de longs mois, décortiqué par le menu le système colonial, identifié ses principaux abus, ses dérives, la discrimination, le racisme endémique et l’appropriation des richesses du pays érigés en système et conclu que la Belgique affichait un passif incontestable (par rapport aux apports de la colonisation), les commissaires se sont quittés en prétendant que les conséquences de tous les pillages, massacres, humiliations ne pourront être tirées que par la prochaine génération. Demain, on présentera nos excuses, aujourd’hui, on n’a pas la tête à ça. Ou si vous êtes insistants, acceptez entretemps nos regrets.  

Voilà à quoi les parlementaires ont passé leur temps, à décortiquer de façon jésuitique les différences sémantiques entre regrets et excuses, au point de recouvrir d’un voile ou d’enfermer dans un placard si on préfère tous les constats faits depuis deux ans et demi, les détails de la documentation, les apports des experts, les échos de la mémoire pour empêcher qu’elle ne se referme comme la mâchoire d’un crocodile. 

Guy Verhofstadt, alors premier ministre, avait rétabli un peu la dignité de la Belgique en présentant ses excuses au Rwanda au nom du peuple belge en 2000. Le génocide s’était déroulé six ans plus tôt. Etrange qu’il soit plus difficile de reconnaître des exactions beaucoup plus anciennes.  

Puisque nos législateurs ont du mal à laisser échapper de leurs lèvres sèches le mot « excuse », n’auraient-ils pas pu alors faire preuve d’imagination en exprimant leur repentance, leur repentir, leur attrition, voire leur résipiscence ? 

Après avoir convoqué le ban et l’arrière-ban des experts de l’histoire du Congo, du Rwanda et du Burundi, qui ont unanimement souligné l’importe de ces excuses, notamment par rapport au racisme persistant, ils auraient pu appeler à l’aide quelques écrivains qui auraient pu les sortir de l’embarras dans lequel ils s’étaient enferrés. Evidemment, les auteurs auraient quelque raison de refuser leur assistance à des parlementaires qui ont décidé d’effacer le régime fiscal particulier des moins nantis d’entre eux et de nier leur statut pour quelques misérables deniers soi-disant utiles pour boucler le budget de l’état. 

« O tempora, o mores !
Senatus haec intellegit, consul videt ; hic tamen vivit. Vivit ?
 »

« Quelle époque, quelles mœurs !
Le sénat sait ces choses, le consul les a vues et pourtant il vit. Il vit ? » (Cicéron, Les Catilinaires). 

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QATARSIS

    Cela faisait des dizaines d’années que les parlementaires européens se grattaient la tête : comment diable intéresser les citoyens européens à leur assemblée ? L’élection directe des députés, l’extension des compétences, l’examen de passage des nouveaux commissaires devant l’assemblée, aucune de ces initiatives n’a retenu l’attention. Disons-le franchement : personne n’en a rien à faire de ce que disent, votent, pensent ou discutent les parlementaires européens. C’est brouillard permanent au-dessus du Caprice des dieux… 

A part quelques réflexions désabusées sur leurs salaires et leurs avantages, on ne savait pas très bien à quoi ils servaient et, à vrai dire, on s’en fichait. 

On comprend donc l’initiative audacieuse d’une poignée d’entre eux et de quelques ex pour secouer le cocotier. Résultat, depuis la découverte du qatar-gate à Bruxelles, ses animateurs sont devenus des stars mondiales. Mbappé, Messi, Modric, Boufal, toutes les icônes qui paradaient sur les terrains de Doha ont disparu des écrans. Remplacées par une vice-présidente du parlement au profil de femme fatal, Eva Kaili, son élégant compagnon, son pauvre papa, une poignée de députés et peut-être quelques autres comparses qui vont sortir des coulisses pour le final. 

Aucune agence de communication n’aurait réussi pareil coup ! On espère que les services du parlement européen récompenseront à leur juste valeur ces génies d’autant que, malgré leurs efforts, ils risquent des fins de mois difficiles car les poulagas ont fait main basse sur leur épargne. Jusqu’à ce que la justice belge efface ces horribles préventions et leur rendent leurs valises de billets avec les excuses du ministre de la Justice. 

Eva Kaili était un bon choix. Qui, mieux qu’une élue grecque, peut expliquer la qatarsis, c’est-à-dire la séparation du bien et du mal, une notion qui vient de Platon et Aristote. La catharsis permet la purge qui prépare le corps à l’élévation de l’âme et sa purification. Les flics belges n’y ont évidemment rien compris. L’explication est pourtant simple : pour purger leur âme des humeurs mauvaises nées de leur sentiment de culpabilité après avoir manipulé les dirigeants de l’UEFA pour décrocher la Coupe du Monde de foot, fait exploser les normes environnementales en construisant leurs stades déments et ridiculisé les conventions internationales qui garantissent les conditions de travail, les autorités qataries ont eu besoin de purger leur âme. D’où l’appel à Madame Kaili qui a investi le prix payé pour cette catharsis dans la promotion du parlement dont elle était vice-présidente. Et comment la remercie-t-on ? En la mettant en prison…

Triste sort de tous les bienfaiteurs de l’humanité en avance sur leur temps.     

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CA SENT LE SAPIN

   Sobriété nous susurre-t-on sur tous les tons. Fêter Noël aux bougies, ça a toujours été exquis et tendre. Mais cette joyeuse tradition suffira-t-elle à contenir les assauts furieux des fournisseurs d’énergie et autres commerçants qui jonglent avec les étiquettes ? Sans compter notre légère culpabilité chaque fois qu’on pousse au hasard sur un bouton, auto, ascenseur, micro-ondes, télé, tablettes, chargeurs. Ah oui, oublions le ski à Noël ou les plages scintillantes de l’océan Indien, qui, on veut bien le croire, ne sont pas pour rien dans la disparition de milliers d’espèces. 

Jadis, on se promenait dans les rues les nuits de décembre et on comptait sur nos doigts les sapins illuminés à travers les fenêtres. Tous ces sapins étaient à nous, ce qui dispensait nos parents d’en acheter un. 

On peut aussi éviter facilement l’achat de cadeaux, qui de toute façon ne plaisent que quelques jours, parfois quelques heures, sinon quelques minutes. Une idée, réemballer ceux des fêtes précédentes qui traînent dans l’appartement et que les enfants ont oubliés depuis longtemps. En les déballant, ils seront aussi émerveillés que devant des neufs. D’autant que Saint Nicolas a déjà frappé fort…

Dans l’art d’accommoder les restes, on peut aussi réutiliser d’autres merveilles oubliées. Tenez, les pères Fouettard par exemple que les Saint Nicolas ont dû licencier, histoire de ne pas heurter les sensibilités. Il y a bien trois ans qu’ils sont chômeurs. Donc bientôt à la rue s’il faut en croire le nouveau président du CD&V (l’esprit de Noël new wave des sociaux-chrétiens flamands). Où ils iront rejoindre ces milliers de demandeurs d’asile qui errent dans les villes belges, illuminées, joyeuses et accueillantes. 

Manifestement, les autorités testent sur eux la survie sans chauffage, sans toit et sans électricité. 

Dans l’art d’accommoder les restes, il y a également tous ces anciens ministres, ces sénateurs suspendus dans le vide depuis que la haute assemblée a quasi-disparu, les greffiers et ex-députés wallons (qui distribuent les cadeaux en veux-tu en voilà), tous ces hommes et femmes politiques qui après un petit tour sous les spots sont retournés dans l’ombre. Voilà autant de cadeaux pas très chers et qui peuvent impressionner ceux à qui on les offre. Pour ta Noël, mon chéri, je t’offre l’ancienne ministre des Transports. Elle pourra t’aider à remettre sur rail ton vieux train électrique. 

Reste enfin quelques diables rouges qui, un peu rafistolés, peuvent encore servir à condition de ne pas les faire courir trop vite dans le froid.

Heureusement qu’avec l’approche des élections, il y a de plus en plus d’électricité dans l’air et que celle-là est gratuite !  

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