Ce n’est pas pour me vanter mais je ne suis pas bricoleur. Quand mon téléphone est en panne, je suis tout juste capable de l’enlever de la prise et de l’apporter à la boutique Belgacom la plus proche. Et là…
La dame qui me reçoit ressemble plutôt à une vendeuse de bijoux de fantaisie de la galerie de la Toison d’Or qu’à la responsable du service après-vente d’un service public. Service public ? A peine a-t-elle entendu mes doléances et contemplé, sans y toucher, mon pauvre appareil poussiéreux qu’elle me lâche, avec une moue dégoûtée et un regard glaçant : « Monsieur, je suis une commerciale, pas une technicienne ! »
Ah bon ? Dans la boutique Belgacom, un abonné Belgacom ayant acheté un appareil Belgacom ne peut trouver une oreille complaisante, même pas compatissante ?
« Non, Monsieur, réplique la virago accrochée à son comptoir en verre transparent comme Tom Boonen à son vélo. Vous ne vous êtes pas rendu compte que nous vivons dans une société de consommation ? (Là, bravo ! Elle a réussi à me juger d’un seul coup d’œil) Votre appareil ne marche plus ? Hé bien, faites comme tout le monde. Jetez-le et achetez-en un autre. »
Et de se détourner de cet abonné, dinosaure d’une autre époque, à la recherche d’un client, un vrai, prêt à acheter un MP 3, à souscrire une ligne ADSL et à souscrire en prime un abonnement à Belgacom TV, la vitrine culturelle du service public.
Je regarde autour de moi. Y a-t-il des caméras cachés ? Est-ce un gag provoc pour la télé ? Belgacom essaye-t-elle de tester le degré de résistance de sa clientèle (les pros du marketing sont prêts à tout) ? Ou suis-je entré par mégarde dans une boutique d’un concurrent ? Non, partout le logo triomphant de l’ex-service public.
« Bon, fis-je d’une petite voix résignée, puisque vous m’y invitez si gentiment, je vous abandonne mon fidèle téléphone et j’en achète un autre. Montrez-moi donc les derniers modèles. »
M’étais-je irrémédiablement perdu à ses yeux de « commerciale » moderne ? Au lieu de se jeter sur le pigeon que j’étais devenu, la dame, désignant un présentoir d’une vingtaine d’appareils, me dit avec un soupir d’agacement : « Ils sont tous là, monsieur. Vous n’avez qu’à choisir ». Et d’ajouter perfidement, après m’avoir radiographié : « Le moins cher, c’est la quatrième.» Comment avait-elle deviné ?
« Le quatrième ? balbutiai-je, essayant encore contre vents et marées de ressembler à un client potentiel. En partant de la gauche ou de la droite ? »
Cette histoire (vraie) s’est arrêtée ici. Elle illustre parfaitement à quoi ressemble un service public qui essaye de singer une entreprise privée…
Alain Berenboom
Paru dans LE SOIR
PS : il existe (ailleurs que dans le quartier de l’ULB) des vendeurs Belgacom délicieux et efficaces. C’est à eux que ce billet est dédié.