Pris d’une envie de rangement (je ne suis pas toujours un homme dérangé), j’ai vidé mon armoire de tous les habits d’été que j’ai entassés sur le lit avant de fouiller la cave à la recherche d’une valise. En ouvrant une malle récupérée chez mes parents, je suis tombé sur un morceau de journal qui en garnissait le fond. Quelques pages d’un quotidien daté du 18 juillet 1952. Du papier jauni un peu cassant que j’ai dévoré toute la soirée, assis sur la malle. Sur une même page, le résultat de l’étape du tour de France («Echec de la tentative de Robic de détrôner Stan Ockers de la deuxième place dans l’ascension du Puy-de-Dôme »), l’actualité internationale, les faits divers et diverses informations classées sous le titre « Dans le pays », avec en vedette le congrès des instituteurs qui réclame de meilleures pensions.
Des infos renvoyant l’écho lointain de la violence qui nous déboussole ces temps-ci (Crise en Iran, tension en Corée, un candidat républicain conservateur à la présidence des Etats-Unis, manœuvres des sociétés pétrolières) mêlées à des nouvelles romanesques.
En Iran, le premier ministre, le docteur Mossadeq est remplacé par Ahmed Chavam. L’attorney général des Etats-Unis charge le grand jury fédéral d’enquêter sur un cartel international de l’essence qu’auraient formé sept des plus grandes compagnies pétrolières mondiales. Avenue Louise, vers 17 heures, deux cyclistes se sont accrochés. Et cette perle : « A Tourcoing, monsieur Jules Ducoulombier a signalé le vol de deux costumes pendus à une patère dans le couloir de sa maison, dont la porte était restée ouverte à cause de la chaleur ».
Ces titres en pagaille : « Rumeurs d’armistice en Corée », « Aux Pays-Bas, les antirévolutionnaires créent des difficultés », « Controverse en Angleterre à propos d’autos britanniques montées dans des usines belges », « Une baraque foraine détruite par le feu à Jehay-Bodegnée », « Au passage d’un pont, un jeune homme juché sur un camion a la tête à demi arrachée ». Page suivante, les sorties cinéma de la semaine : « Le droit de tuer » avec une photo de Walter Pidgeon en avocat meurtrier, « La levée des Tomahawks »
(« Toi, tu es Indien, donc tu es mon ennemi./ – Non, je défends l’indépendance de ma race, répond le bel oiseau à plumes multicolores. Heureusement, il y a les galopades des chevaux qui valent, à elles seules le déplacement » conclut le critique cinématographique).
Le dollar vaut 53 francs belges, le mark bloqué, 7, 50 FB et le franc français 13,50 FB. Le docteur Bombard a atteint Ibiza sur son radeau pneumatique « L’Hérétique. »
Ce n’est qu’en remontant dormir que je suis tombé sur le tas de vêtements oubliés sur le lit. Le rangement, ce sera pour une autre année. L’été aussi.
Alain Berenboom
www.berenboom.com