Né à Bruxelles d’un père venu d’une petite ville de la région de Varsovie en Pologne et d’une mère née à Vilnius (à l’époque russe), Alain Berenboom est devenu un peu par le hasard du désordre de l’Europe du XX ème siècle un écrivain belge de langue française.
Sa culture et ses origines cosmopolites expliquent sans doute que son œuvre romanesque promène le lecteur sur tous les continents, de préférence là où les choses sont en train de se défaire ou d’exploser. Pourtant, ses héros ne sont pas des aventuriers. En réalité, ils n’ont pas les moyens de leurs aspirations. On retrouve ainsi dans l’œuvre de Berenboom les traits dominants de l’art belge : un humour teinté d’auto-dérision, un mélange de panache et de modestie, le tout mâtiné d’une touche d’absurde.
Ecrivain renommé dans son pays (et récompensé des plus prestigieux prix littéraires, dont le Prix Rossel, le prix du roman de l’Académie de Langue et Littérature, le prix de la SCAM, la Société des Gens de Lettres), il mène en parallèle une carrière d’avocat renommé en droit d’auteur et a été professeur à l’université de Bruxelles.
Il est aussi chroniqueur dans le principal quotidien belge « Le Soir ».
Alain Berenboom a commencé sa carrière de romancier en 1990.
Satires politiques burlesques
Ses quatre premiers romans (La Position du missionnaire roux, La Table de Riz, Le Pique-nique des Hollandaises et la Jérusalem captive) sont des récits contemporains picaresques, moqueurs et satiriques.
La Position du missionnaire roux (Le Cri, 1990, Bruxelles, Ramsay, 1991, Paris ; en poche chez J’ai Lu et Espace Nord, 2015) se déroule en Afrique, où un cadre de Nestlé se retrouve malgré lui victime d’un détournement d’avion. Ce récit qui pourrait être d’aventure est en fait une charge contre les multinationales mais aussi contre le charity business. Comme l’écrivait Bertrand de Saint-Vincent, « Dans un huis-clos hilarant, Berenboom règle ses comptes à l’humanité et à ceux qui en débordent. Tout y passe, les bons sentiments, l’idéalisme gauchiste, l’hypocrisie des entreprises philanthropiques (…) C’est un tir nourri comme à la foire, (il) casse la baraque. C’est Tom Sharpe en visite chez les humanistes ; on en sort plié en deux et vaguement inquiet sur la nature humaine ». « C’est du Jean Ziegler revu par Groucho (et Marx !) (…) Remarquablement construit, ce roman à suspens emprunte au cinéma ses plans de coupe, sa fluidité. « (Sophie Creuz,l’Echo).
La Table de riz (1992, co-édition Le Cri & Ramsay) se passe en Chine juste après la mort de Mao. A travers l’histoire d’une étudiante en cinéma, Berenboom dresse le portrait d’une néo-dictature communiste. Fascinée par le cinéma américain, dont on peut enfin reparler (mais pas le voir) depuis la mort de Mao, elle espère retrouver les splendeurs du cinéma chinois de l’avant-guerre où travaillait son père. Portrait d’une jeunesse prise en étau entre la mort du père cruel de la révolution culturelle et l’arrivée sans espoir de ses successeurs.
« Avec une maîtrise assurée, qui révèle toute la fantaisie de son écriture, Alain Berenboom orchestre le choc Chine-Occident à travers le cinéma. (…) Mais voilà que la Chine lève le nez à l’instant où son héroïne, elle, courbe l’échine » (M. Peeters, L’Instant).
C’est justement la fin du communisme, cette fois, en Europe centrale qui sert de cadre au Pique-Nique des Hollandaises (Le Cri, 1993, réed. en poche, Espace Nord, 2015), portrait du déferlement du capitalisme sauvage sur la Pologne d’après la chute du Mur. Un diplomate belge tente de passer la frontière hollandaise avec un cadavre venu d’Auschwitz (la ville, pas le camp, précise-t-il). Un homme d’affaires hollandais vient à Varsovie pour racheter le site d’Auschwitz dont il devine les juteux profits qu’il peut en tirer.
« Voilà qu’avec ce « Pique-Nique, il nous livre sa vision sarcastique et déchirée d’une Histoire qui, après la tragédie, repasse les plats sous forme de farce (…) avec une maîtrise confondante. (…) Traiter en comédie burlesque une obscure histoire de transfert de cadavre déterré à Auschwitz a, au-delà de l’insolence, de quoi provoquer. (…) Parce qu’il réussit à créer d’étranges sentiments mélangés de trouble, de honte, de grotesque, parce qu’il ne se berce d’aucune illusion et débusque la vénalité, la bêtise et la lubricité partout où elles sévissent, Berenboom donne là un livre grave et important, même s’il est émaillé de gags, construit avec la rigueur hilarante d’une slapstick comedy » (J. De Decker, Le Soir).
« On plonge dans un univers absurde et drôle qui déroute et séduit tout de go. Cet écrivain, avocat international a publié récemment un Traité de Maastricht qui fait autorité. Mais, dans ce polar, il oublie les règles européennes pour nous offrir un festival de fantaisie surréaliste. Un voyage moins diplomatique que rocambolesque entre la Baltique et la mer du Nord. » (Lire)
Dans La Jérusalem captive (1997, Verticales), l’histoire est éclatée en deux époques : le premier récit, pseudo-historique, relate le voyage fantaisiste de la première croisade menée par Godefroi de Bouillon sur la suggestion de son aide-bourreau juif, Bertrand-Marie. Le second, les errements dix siècles plus tard d’un historien ukrainien réfugié en Belgique avec le précieux manuscrit de la croisade, ballotté entre la bureaucratie de la commission européenne et les complots menés contre lui par ses collègues au sein de la faculté d’histoire qui l’a accueilli.
« Précipitez-vous sur l’excellentissime quatrième roman d’Alain Berenboom (…), roman bouillonnant, (…) faux roman historique doublé d’un vrai polar mystique qui rappelle, sous des rebondissements captivants, l’importance de la mémoire ». (C.V., Lire)
L’Académie de Langue et de Littérature française de Belgique qui a donné à Berenboom son prix du roman écrit à son propos :
« Dès la parution de La position du missionnaire roux, un écrivain s’imposait, avec son ton, son point de vue, ses inquiétudes, son style, sa langue. Un humour qui est toujours une philosophie, une lecture du réel, dont les références sont les plus éminentes, de Swift à Allen, de Saroyan à Dino Risi. (…) D’une cohérence évidente, son travail témoigne sous une apparence légère et ironique d’une réflexion constante sur la justice, la démocratie, la solidarité. Et des indignations que peuvent susciter les manquements à l’égard de ces valeurs. »
Jacques De Decker qualifie Berenboom de « déboulonneur d’idoles intellectuelles » (Le Soir) et le Dictionnaire des Belges parle du « talent original de cet observateur fantasque et lucide de la réalité planétaire contemporaine ».
Mais c’est l’humour avant tout qui définit le mieux son style, l’humour sous toutes ses formes, « de l’ironie féroce ou douce-amère au burlesque le plus délirant. Il fait feu « contre tous les conforts idéologiques » (D. Meurant). L’humour juif ? Oui, mais plutôt l’humour burlesque et dévastateur des cinéastes (Groucho Marx, Jerry Lewis et Woody Allen) que l’interrogation métaphysique des romanciers new-yorkais.
« Il était temps que la littérature française retrouve avec lui cette tradition « d’auteurs à la fois brillants, iconoclastes et incisifs qui jettent un peu d’huile dans le feu pâle sur lequel mijote – comme une soupe déjà éventée – le roman de papa » (D. Walther, Dernières Nouvelles d’Alsace).
Fantastique et nostalgie
Avec « Le Lion noir » (2000, Flammarion), Berenboom change de cap : pour la première fois, son livre se situe dans son pays natal (Anvers), c’est un roman grave qui renoue avec une autre tradition du roman belge, le courant fantastique. Le roman commence comme un polar noir, avec le meurtre du personnage principal, un consultant audio-visuel. Dans une ambiance angoissante, l’auteur décrit Anvers gagnée par l’extrême droite à travers les errances d’une jeune Française venue dans la métropole pour un colloque. Son roman le plus sombre, où son goût pour le fantastique (et pour l’œuvre de Jean Ray) s’est substitué à son style habituellement sarcastique et humoristique.
Son roman suivant, Le Goût amer de l’Amérique (2006, Bernard Pascuito), est un récit qui restitue le rêve américain des années cinquante.
« A travers la figure de James Stewart qui dans « Sueurs froides » en incarna aussi les vertiges » (J. De Decker, Le Soir). Le héros (ou plutôt l’anti-héros) du livre est un jeune homme, Georges, qui vit de petits boulots. Il s’interroge sur le décalage entre l’Amérique rêvée dont lui parle son grand-père et l’image haineuse que lui en donne son meilleur ami Ahmed, comment l’image de l’Amérique s’est à ce point dégradée (nous sommes sous la présidence GW Bush). C’est pourquoi il se lance dans l’écriture d’une bio-filmographie de James Stewart, l’acteur mythique de Hitchcock mais aussi des cinéastes hollywoodiens sociaux et libéraux et notamment de Capra. Un portrait sur le grand écart entre deux époques et la difficulté de la transmission des valeurs d’une génération à l’autre. « Son Amérique, écrit-il à propos de James Stewart, était morte avec John Wayne, John Ford, Anthony Mann et Frank Capra. L’Amérique innocente et culpabilisée, pleine de foi dans la justice et la démocratie (…). « Difficile de croire qu’il n’y ait pas du Berenboom autant que du George dans cette amertume. Mais s’il s’agit bien d’un roman d’aujourd’hui, riche en humour et en rebondissements, avec des personnages pittoresques et touchants, c’est aussi un roman d’amour digne du The End qu’affichent les fins de westerns dans une lumière radieusement biblique » (G. Cotton,Le Vif-L’Express).
« Un roman drôle et décalé qui réussit à approcher la légèreté des comédies de Capra et de Lubitsch sans verser dans la mélancolie d’un âge d’or révolu » (La Marseillaise).
On retrouve son appétit cosmopolite, son humour mêlé à la nostalgie dans « Messie malgré tout » (Genèse, 2011), un récit éclaté sous forme de dix haltes du Messie (celui de l’Ancien Testament) dans dix villes ou lieux de la planète. A chacune de ses visites (à Odessa, Buenos Aires, Bruxelles, Bonn, Venise, Jérusalem, etc), le messie se rend compte qu’il n’est plus attendu et que son message sur la paix universelle n’a plus de sens.
La Belgique policière
Alain Berenboom était « revenu » en Belgique dans « Le Lion noir » mais la métropole flamande dans ce roman paraissait aussi exotique et mystérieuse que l’Afrique, la Chine ou la Pologne de ses premiers romans. En revanche, avec la série policière qu’il entame en 2008, c’est la Belgique de l’immédiate après-guerre qu’il va parcourir dans les traces d’un jeune détective privé, Michel Van Loo.
Façon de relire l’histoire de Belgique de l’après-guerre sous le prétexte d’une enquête policière.
La première enquête de Michel Van Loo, Périls en ce Royaume (2007, éd. Bernard Pascuito, édition revue en 2012, éd. Genèse, en poche dans la collection Poche belge) renoue avec l’humour mordant. Sous couvert d’une enquête policière, l’auteur dresse un portrait passionnant et piquant de la Belgique de la Libération (le roman se passe en 1947), avec plus d’un clin d’œil aux grands écrivains de polars de l’époque, Raymond Chandler, Charles Williams ou Léo Malet. Mais son humour et sa dérision le rapprochent aussi d’auteurs modernes, et singulièrement de Westlake. L’intrigue se situe dans l’atmosphère électrique de l’après-guerre en Belgique : règlements de comptes entre anciens collaborateurs de l’occupant et patriotes revenus d’Angleterre, tensions entre Wallons et Flamands autour du maintien d’un roi et bagarres au sein des milieux de gauche entre staliniens et anti-staliniens.
Tout l’univers qui va se développer dans les enquêtes suivantes se met en place : Michel Van Loo est un détective pas très futé (malgré une grande consommation de gueuze grenadine) mais heureusement, il est entouré d’une bande d’amis, sa fiancée, Anne qui travaille dans le salon de coiffure en dessous de son bureau, son patron, le communiste italien Federico, ancien partisan et ses copains, les frères Motta, syndicalistes de choc ainsi que le « sage » de la bande, le pharmacien Hubert, un juif immigré de Pologne et rescapé de la guerre.
« Une intrigue bien menée, parfaitement construite. Rarement fiction aura réussi, l’air de rien, à rendre aussi clairement la complexité belge » écrit Pierre Assouline. « On prend un plaisir sans mélange à suivre ces enquêtes croisées d’une bizarrerie certaine, les épisodes se suivant à la façon des poupées gigognes dans une atmosphère des plus entraînantes » (A. Eibel, Valeurs actuelles).
« Nostalgique et drôle, ce roman qui explore le passé de la Belgique tendrait à démontrer que la crise apparue en 2007 menaçant le pays de scission entre Flamands et francophones a débuté il y a soixante ans » (Claude Mesplède). « C’est un polar merveilleux » (Gérard Collard, LCI).
Dans Le Roi du Congo, Michel Van Loo part pour le Congo belge en 1948. Il est chargé par la Sûreté d’enquêter sur un banal cambriolage qui se révèle, tel une poupée russe, dissimuler plusieurs autres intrigues : le réveil des mouvements de libération dans la colonie belge (et de leur chef, le mystérieux Roi du Congo) et le trafic d’uranium auquel se livrent Russes et Américains depuis la fabrication de la première bombe atomique. Autour de Michel Van Loo, s’agitent des personnages savoureux, tels trois petits pygmées, baptisés pour l’occasion Pim, Pam, Poum, son éternelle fiancée, la coiffeuse Anne, et une redoutable espionne asiatique.
« Loin des clichés, « Le Roi du Congo », ce serait un peu « Coups de feu sur Broadway » de Woody Allen revisité par le Joseph Conrad du « Cœur des Ténèbres » (Thomas Gunzig, Elle).
« Dans un roman s’amusant des codes du genre, il embarque le lecteur et son détective privé bruxellois à l’envergure modeste dans le Congo d’après-guerre. (…) Entre cocos et crocos, de la Grande forêt aux mille dangers jusqu’aux rives du Tanganyika, en passant par les mines d’uranium du Katanga, ce roman lorgne du côté d’OSS 117 avec une pincée de Tintin. Formidable ! » (Jean-Christophe Buisson, Figaro Magazine)
Ce roman a reçu le prix Bernheim, le prix du roman de l’Académie de Langue et de littérature française de Belgique en 2010 (qui récompensait pour la première fois un roman policier !)
Dans sa troisième enquête, La Recette du Pigeon à l’Italienne » (2012, Genèse), Michel Van Loo s’enfonce dans la province belge, dans la région de Liège, celle des mines et des hauts-fourneaux. Nous sommes en 1949. La mort d’un syndicaliste près de Liège puis d’un pigeon voyageur appartenant à un chef maffieux vont obliger Van Loo à quitter la capitale pour se plonger dans le monde mystérieux des charbonnages. Consulté par un colombophile italien, qui est aussi un entrepreneur pas très net chargé d’importer de la main d’œuvre italienne en Belgique, il va découvrir le monde dur et boueux dans lequel vivent et travaillent les immigrés italiens pendant que se déroule le mythique mano a mano du tour d’Italie entre Coppi et Bartali.
« Cette Recette est un régal. Berenboom n’a pas son pareil pour dépeindre la truculence, l’humour, l’ironie de ses personnages. » (Jean-Claude Van Troyen, Le Soir).
« Sa fresque sociale est bouleversante mais grâce à un jeu subtil de pirouettes (…) pas question de larmoyer. Berenboom avec son ironie mordante et son humour décapant y veille » (Christine Laurent, Le Vif-L’Express).
« Le rapport entre Van Loo et Anne rappelle le fameux couple formé par Nick et Nora Charles dans les films de la série « Thin Man » (inspirés de L’Introuvable de Dashiell Hammett) mêlant remarques acidulées, second degré et ballet amoureux, le tout fortement pince sans rire. Par contre l’ironie mordante qui fait souvent mouche avec une touche occasionnelle d’humour noir sont d’une autre essence (…) Un roman policier nettement au-dessus de la moyenne actuelle » (E. Borgers, Polar noir).
« La plume allègre de l’écrivain dégoupille joyeusement les noirceurs de ce monde avec une bonhomie qui n’ôte rien à la hardiesse du propos. (…) L’espièglerie à la Thyl Uylenspiegel d’Alain Berenboom lève des lièvres peu ragoûtants dans un roman qui avance masqué, passionnant autant que saisissant » (Sophie Creuz, L’Echo).
Van Loo revient en 2015 dans une enquête qui se déroule en 1953, entre la Belgique et le tout jeune état d’Israël, « La Fortune Gutmeyer ». Mais auparavant, il publie un récit, Monsieur Optimiste.
On retrouve encore Michel Van Loo dans L’Espion perd la Boule, une enquête qui pointe son nez du côté du roman d’espionnage pendant le chantier de l’Expo 58.
Puis dans Van Loo disparaît qui joue avec le roman fantastique où le détective va être aspiré dans le monde des fantômes quelque part dans un château dans la campagne wallonne, faisant ressurgir d’autres fantômes, ceux de la seconde guerre mondiale et des collaborateurs des nazis qui avaient sévi dans la région.
Monsieur Optimiste
Ce beau récit biographique retrace la vie de ses parents après leur immigration en Belgique, comment ils ont abandonné leur famille et leur pays natal pour s’installer dans le pays d’accueil et peu à peu se « belgiciser » en fabriquant le narrateur, qui devait être la copie d’un Belge rêvé. Ce récit paru en 2013 (Genèse) a obtenu le plus prestigieux prix littéraire belge, le Prix Rossel. Il a été adapté au théâtre par Christine Delmotte en 2015 avec un grand succès.
Comment raconter la vie de son père et de sa mère ? En rangeant les archives de ses parents retrouvées après leur mort, le narrateur découvre que leur vie a été beaucoup plus complexe et aventureuse qu’il ne le croyait et qu’elle explique son propre destin. Des documents retrouvés, des archives de la Sûreté de l’état et des lettres, lui permettent de reconstituer à travers une multitude d’anecdotes émouvantes et drôles, la vie de ses parents, immigrés dans une Belgique des années trente, en proie aux tentations du communisme et du fascisme puis sous l’occupation nazie, ainsi que de raconter la chronique de la famille, restée en Pologne. A travers ces « petites » histoires, c’est la grande histoire du vingtième siècle qui se dégage en filigranes et par petites touches. Et surtout le mode d’emploi de la fabrication par deux immigrés d’un vrai petit Belge, le narrateur, plus « belge que nature ».
« Ravi, le lecteur découvre ce que fut la vie rocambolesque de ces parents tranquilles. Il y a le faux ami, vrai nazi, l’aïeul épicier dans un village polonais enneigé, une grand-mère et mère courage, intrépide et pionnière, une kyrielle d’épisodes hauts en couleurs et en émotion. (…) Tout est juste, magnifiquement campé avec une pudeur pleine d’humour et de tendresse pour des personnages réels devenus de fiction. » (Sophie Creuz,L’Echo).
« Magnifique et émouvante enquête d’Alain Berenboom sur sa famille où le père du détective Van Loo aborde le sujet qui l’obsède vraiment » (Guy Duplat, Le Soir).
« Alain Berenboom a réussi un joli tour de force : parler d’un drame inouï avec humour et profondeur. (..) Le style est épatant et même décapant pour ressusciter, à partir de documents familiaux épars, le quotidien de personnalités ordinaires indécrottablement tournées vers l’avenir qui ne pourra être que radieux… On s’en voudra de déflorer les ressorts d’une intrigue qui tient le lecteur en haleine dès les premières lignes (il est vrai qu’on a affaire à un auteur de polars chevronné) pour en souligner l’originalité et l’humanité profondes. » (Bernard Delcord, Marianne).
Ecrivain cosmopolite par ses origines, Berenboom ne parvient pas à rester en place : il a promené ses personnages et ses histoires sur toute la planète. Il est aussi écrivain sans frontières de genre. Les Français qui ont besoin d’étiqueter les livres s’y perdent. Selon les critiques, plusieurs de ses romans sont rangés tantôt comme romans, parfois comme policiers ou encore comme romans d’aventures… Ses romans les plus tragiques sont aussi les plus drôles (comme le Pique Nique), les plus légers se teintent de mélancolie (comme Le Goût amer). Et ses romans étiquetés « polars » (la série Van Loo) sont aussi des plongées documentées dans le passé oublié de la Belgique, ses non-dits, ses vérités occultées (comme le pire visage du colonialisme belge au Congo ou les conditions scandaleuses de vie et de travail des immigrés dans l’immédiate après-guerre).
Les aventures imaginaires de monsieur Optimiste
Preuve de son art de brouiller les frontières… et les pistes. Monsieur Optimiste, qui se présente comme un récit véridique de la vie de ses parents est écrit comme un roman et ses personnages ressemblent singulièrement aux héros de ses autres livres. D’ailleurs, sa quatrième enquête de Michel Van Loo, « La Fortune Gutmeyer » (Genèse, 2015) est une synthèse de cet univers flou où on ne distingue plus imaginaire et réalité. Il fait cogner le principal personnage de Monsieur Optimiste, le père de l’écrivain, et l’univers du détective Michel Van Loo puisque tous deux embarquent bras dessus bras dessous vers Israël, mêlant ainsi l’intrigue imaginaire et les véritables rêves de Monsieur Optimiste.
Nous sommes en 1953. Michel Van Loo est consulté par la femme d’un diplomate français, la provocante Irène de Terrenoir. Son père, un notable juif de Prague a disparu dans les camps nazis mais il a laissé un compte bancaire en Suisse. Or, celui-ci vient d’être mystérieusement vidé par un escroc qui se présente avec les papiers du disparu. Deux cadavres plus tard, Michel Van Loo est arrêté par la police belge, parvient à lui échapper et part en Israël, avec son ami Hubert, le pharmacien (largement inspiré du père de l’auteur) à la recherche de l’escroc. Mais est-ce un escroc ? Ou le père de sa cliente ? A Jérusalem, Michel Van Loo va devoir affronter des rabbins moins orthodoxes qu’il n’y paraît et des terroristes moins palestiniens qu’on imagine. Tout en parcourant un pays tout jeune, peuplé d’immigrés venus de tous les coins de la terre, y compris des camps de la mort.
« Un imbroglio aux rebondissements aussi cocasses qu’inattendus qui permet à Berenboom de distiller ses conceptions subtiles sur l’Etat d’Israël et les cultures juive et belge qui lui collent à la peau. Le tout nappé d’un humour imprégné de dérision. Fort, très fort « (Christine Laurent, Le Vif-L’Express).
« Le roman d’Alain Berenboom ouvre des portes délicates sur des réalités méconnues. A côté de tant d’horreurs subies par les Juifs, il y eut, dans la communauté, quelques traîtres, des collaborateurs des nazis attirés par l’argent. (…) Berenboom en profite pour nous montrer toutes les nuances de la création de l’Etat d’Israël, depuis l’enthousiasme pionnier et l’espoir d’une terre enfin sûre, jusqu’à l’oubli des palestiniens. L’enquête s’avère très compliquée mais toujours alerte et drôle grâce à l’imagination débordante d’Alain Berenboom. » (Guy Duplat, La Libre Belgique).
« Derrière le polar allègre, derrière l’intrigue pleine d’inattendus rebondissements, derrière le sourire et l’humour du détective et… de l’auteur de La fortune Gutmeyer, il est une étude très poussée de la diaspora juive, une description très précise de l’Etat d’Israël au temps des kibboutz et une évocation si féroce de certains noirs comportements humains que le lecteur lui-même en sort comme chaviré. Mais n’est-ce pas là tout l’art d’un grand écrivain ? » (France Bastia, La Revue Générale).
En route vers le monde contemporain
Après cette série de romans qui plongent le lecteur dans la nostalgie d’un monde disparu, Alain Berenboom revient au roman contemporain avec son nouveau roman Hong-Kong Blues.
Cette fois, le narrateur est un écrivain français qui vit de Lille. En panne d’inspiration il est envoyé par son éditeur en Orient pour écrire un Carnet de Voyages. Arrivé à Hong-Kong pour quelques jours, Marcus Deschanel se retrouve coincé dans l’île. Il est soupçonné par la police d’être mêlé à la mort de Violette Liang, une jeune manucure assassinée dans une discothèque. Commence alors un étrange périple en huis-clos dans les îles de l’ex-colonie britannique. Il remet en question sa vie de couple à Lille et sa carrière d’écrivain. Tout en plongeant dans la situation complexe de Hong-Kong, province de l’empire communiste et en même temps vitrine d’un paradis ultra-libéral.
En compagnie d’une policière chinoise, il découvre alors le vrai visage de Hong-Kong, dont l’image de paradis fiscal et financier se lézarde peu à peu tandis que résonne la révolution des parapluies.
« On retrouve ici ce qui a fait d’Alain Berenboom en neuf romans une valeur sûre -comme on dit- des lettres belges, l’autodérision, omniprésente depuis 1990, et La Position du Missionnaire roux, le goût du polar dévoyé comme dans Le Lion noir ou ses romans sériels autour du détective Michel Van Loo et une fascination certaine pour l’Empire du Milieu déjà exprimée, entre autres dans La Table de riz. Et si cet étonnant Hong Kong Blues n’est pas aussi autobiographique que son Monsieur Optimiste, il y a d’évidence beaucoup de Berenboom dans ce Deschanel à la dérive sur fond de révolution des parapluies, y compris de jouissives mises en abyme littéraires, avec lesquelles s’amuse beaucoup ce spécialiste du droit d’auteur. Et ses lecteurs aussi. (O. Van Vaerenbergh, Le Vif-L’Express).
« Roman gigogne, malicieusement construit, « Hong Kong Blues » est aussi un livre sur l’écriture elle-même et ses mensonges. » (G. Duplat, La Libre Belgique).
Le Rêve de Harry (2019, éd. Genèse) est davantage un roman nostalgique, une histoire tournée vers un passé révolu et regretté, même si l’histoire se déroule de nos jours.
Le narrateur est un agent immobilier, dont la vie, la quarantaine bien entamée, et l’agence battent de l’aile. Bercé par le cinéma hollywoodien dans sa jeunesse et écrasé par l’exemple de son oncle, Harry, un businessman de haut vol, selon la légende familiale, qui a vendu des films à Berlin et en Chine dans les années trente, exploité des cinémas à Bruxelles dans les années cinquante et vendu des meubles à Montevideo ensuite. Deux événements vont le sortir de sa torpeur, la rencontre avec une jeune femme, Camille. Et une opération immobilière inattendue, la vente d’un grand cinéma abandonné, le paquebot de son enfance, le mythique cinéma Crystal Palace.
« On retrouve dans Le rêve de Harry les caractéristiques de tous ses livres : des antihéros, une enquête qui tient en haleine, le souvenir des drames subis par les juifs, des personnages secondaires joliment croqués, la nostalgie du Bruxelles d’antan. Le tout écrit avec une ironie aussi gentille qu’impitoyable » (G. Duplat, La Libre Belgique).
C’est plus que jamais notre époque qu’explore le nouveau roman d’Alain Berenboom, Clandestine (éditions Genèse, 2023), qui nous plonge dans la Russie de Poutine et ses rapports avec l’Occident.
Mars 2005. Une réfugiée russe, Iulia, est enfermée dans un centre fermé dès qu’elle débarque à Bruxelles. Elle réussit à s’en échapper et frappe à la porte d’un avocat, Cyrille Biederman pour s’opposer à un rapatriement en Russie. Elle craint en effet la vengeance de Vladimir Poutine, dont elle a été, à son insu, la complice d’un scandale politico-sexuel. Entretemps, Me Biederman la loge chez sa mère, une vieille juive Russe qui perd un peu la tête.
A travers le portrait de Iulia, le roman retrace la fin de l’URSS, le climat délétère des années Eltsine et les débuts ambigus de Poutine.