TENUE DE SOIREE

Depuis deux ans que je l’attendais. Enfin, le revoilà, ce grand moment d’émotion et de plaisir, d’intelligence et de civilisation : la soirée électorale.
De civilisation ? oui. Car, dans une soirée électorale, on ne s’insulte pas, on ne se dispute pas, on se respecte. Philippe Moureaux est prié de remballer ses démons s’il veut passer devant les caméras; il lui est même interdit d’insulter ses propres troupes. Didier Reynders fréquente soudain les infréquentables. Les ecolos la jouent pepsodent avec qui leur fait des mamours. Et Joëlle Milquet insiste qu’on la maquille avec le sourire du Joker pour éviter que la caméra ne saisisse à son insu le moment où elle lira les résultats.
Pour un soir, on est co-pains !
Tout le monde est heu-reux !
Ils ont tous gagné !
Celui qui n’est pas le premier parti de Wallonie est néanmoins le premier si l’on ajoute à ses résultats ceux qu’il aurait eus dans le cas où.. et si on avait comptabilisé…
Celui qui est premier est triomphant : ne lui avait-on pas promis l’apocalypse ? Bien sûr, ses résultats sont en chute libre par rapport aux précédentes élections régionales et européennes. Mais qui compte ainsi ? Pour une comparaison sérieuse, il faut faire la moyenne entre les dernières élections fédérales, les élections communales et l’âge moyen de la population. Ce qui permet de conclure que le parti a sérieusement augmenté son taux de pénétration.
Bien sûr, pour gâcher la fête de nos stars, la télé nous sort ses spécialistes, des coupeurs de cheveux en quatre, qui relèvent qu’à cause de la séparation de la commune de Jehay-Bodegnée en deux entités, rattachées respectivement à Amay et à Verlaine, arrondissement de Huy, province de Liège, dix bureaux dépouillés sur soixante, les sondages à la sortie des urnes indiquent l’effondrement de … Tout le monde s’en moque de vos analyses. Ce qu’on veut, c’est du sang ! Joëlle foudroyant Didjé qui vient d’assassiner Elio, sous le regard bon enfant de Jean-mi. Au lieu de quoi, que nous offrent les radios et les télés ? Leurs visages souriants, leurs remerciements à leurs cher-z électeurs qui nous ont apporté leurs…, leur triomphe modeste. Et leurs déclarations, prononcées d’une voix mécanique, comme si la machine déjà les lâchait.
« Alors, président, comme vous l’aviez promis, pas d’impôts ?
– Je ne parle pas avec des slogans. Moi, j’agis. Nous aurons un comportement responsable.
« Pendant la campagne, vous avez jeté des exclusives contre certains partis. Toujours d’actualité ce soir ?
– Nous devons rester humbles devant l’ampleur de la tâche qui nous attend. En période de crise, on sauve d’abord les meubles, pas les présidents de parti.
Vivement la suite, avec les fédérales. Je m’en lèche déjà les babines !

Alain Berenboom
www.berenboom.com