Quand un homme politique n’a rien à dire, c’est facile à deviner : il salue. Observez-le : à la sortie du palais royal, en descendant de l’avion, après une réunion, fonçant vers sa voiture, visitant les SDF, les malades, les travailleurs licenciés, il agite la main comme une star, les lèvres cousues. Dispensé, par ce geste, de s’expliquer devant micros et caméras.
Pendant la crise, c’est fou ce que les politiciens ont salué. Plus ils voyaient Yves Leterme, plus ils agitaient la main ! Les muscles des poignets des négociateurs doivent être dans un drôle d’état !
L’accouchement pénible du gouvernement Verhofstadteke et sa vie limitée annoncent de nouvelles tensions. Le moment où apparaîtra la zizanie se verra à la mise en scène des mains. Regardez bien. Si nos élus, au lieu de se précipiter vers les journalistes, passent rapidement au large en agitant fiévreusement leurs paluches, c’est le signe que ça va mal.
Drôle de signe quand on y songe. D’habitude, le salut est un geste d’ouverture vers le rêve, l’absolu, un nouvel univers : « Salut aux coureurs d’aventures ! » le beau roman de John Buchan. « Salut, les copains ! », l’émission d’Europe n°1, symbole d’un changement d’époque. Ou l’adieu à un grand destin : Salut, l’artiste ! Ou : Ave César, ceux qui vont mourir te saluent !
Rien de tel dans le salut du politicien coincé. Sommé de s’expliquer devant ceux qui les ont élus, il affiche le regard égaré et le sourire crispé de celui qui n’a même plus le courage d’agiter la langue de bois. A l’époque de l’image, il croit que le geste remplace le mot. Que l’homme civilisé n’a plus besoin de contenu. Tout est dans l’imaginaire que son geste va faire naître. S’adressant aux citoyens par dessus la tête des journalistes (ah ! la démocratie directe), il suggère de lui faire confiance, il apaise, il tient les choses en mains au sens propre du mot. La parole est inutile, déformée même par les media, source de confusion. Leurs mains le démontrent : eux, ils travaillent.
Le président Sarkozy, maître de cette technique, donne l’exemple. Peu importe ce que font ou que disent Rachida Dati ou Rama Yade; leur présence est le message. Rama Yade peut fustiger le guide de la révolution libyenne. Tant qu’elle parade à la gauche de Sarkozy et Dati à droite, leurs messages sont inaudibles, inutiles. Carla Bruni vient renforcer cette garde rapprochée et ce pouvoir de l’image. Taisez-vous Elkabbach ! disait jadis G. Marchais. On ajoutera aujourd’hui : Regardez !
Restera aux citoyens une parade, bien belge, celle de répliquer aux hommes politiques : Salut en de kost !
Alain Berenboom
www.berenboom.com