« Sous les pavés, la plage ! »
Cinquante ans plus tard, ce slogan n’a plus de sens : inutile de chercher, les amis. Sous les pavés, il n’y a plus de plage !
Aujourd’hui, on chante : Sur la plage, le béton !
En un siècle, la côte belge a perdu la moitié de ses dunes. Les châteaux de sable ont été remplacés par les résidences secondaires, les immeubles en time-sharing et les buildings de prestige avec vue imprenable mais déjà prise six mois plus tard.
N’accablez pas les promoteurs. Dans un siècle, ils couleront à leur tour. Dans les eaux et pas dans le béton. Lorsque les changements climatiques auront nettoyé le bord de mer, les promoteurs et leurs amis politiques n’auront plus que leurs yeux pour pleurer la disparition des dunes, qui auraient pu être le seul rempart contre la montée des flots.
D’accord, on a l’impression que les dunes ne servent à rien. Une grande surface vide, une étendue de sable dans lesquels ne poussent que des oyats – qu’on appelait le roseau des sables.
Voilà bien une vision de comptable ou de politicien !
Les dunes sont des labyrinthes enchantés pour enfants aventureux, des cachettes pour les amoureux, des refuges pour solitaires, des paravents naturels où personne ne viendra vous déranger. Car c’est difficile d’avancer à travers les dunes. Le sol se dérobe lentement sous les pas, les chemins montent, descendent avant de disparaître et de vous laisser en plan. Voilà qui vous met à l’abri des importuns. A chacun sa dune ! A chacun son trou !
Enfin, un abri loin du raffut du monde où le temps s’est arrêté. Un coin modeste, oublié, un endroit qui n’intéresse personne : ni Trump, ni les Iraniens, ni les Israéliens. Poutine ne vas pas tenter de s’approprier un bout du Westhoek en prétendant que c’est là qu’est née l’âme russe, Kim Yong-un ne va pas y perdre un de ses précieux missiles, Assad ne va pas y planquer son arsenal chimique. Il ne le retrouverait jamais et bonne chance s’il essaye de demander son chemin en un autre sabir que le patois local.
Errer dans les montagnes de sable est réservé aux rêveurs. Comme le capitaine Haddock ou les Dupondt qui découvraient le charme des mirages en vagabondant dans le désert.
C’est peut-être une idée ça : emmener dans les dunes de La Panne ou de Wenduine quelques chefs d’état qui se piquent de détenir la vérité et d’être capable de l’imposer à leurs voisins, les y perdre et leur laisser retrouver la route. A force d’errer, la langue pendante, accompagnés par le cri des mouettes, ils auront peut-être enfin l’illumination qui permettra de repartir sur le chemin des utopies. Ou alors, ils disparaîtront définitivement, avalés par le sable et recouverts par les oyats. Une perte pour l’humanité ?
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