Le vrai défaut de Yves Leterme, c’est la gestion catastrophique de son agenda. Tout le reste on peut lui pardonner, ses tentatives pathétiques pour paraître sérieux, sa dépendance à l’égard de son sinistre hypnotiseur, le sar Rabindranath De Wever, son côté élève brouillon, doubleur malheureux, j’essaye de toutes mes forces mais j’y arrive pas. Mais l’incapacité à tenir son agenda, ça, ça ne pardonne pas. Un exemple au hasard : le vote en commission de la scission de l’arrondissement électoral de Bruxelles-Hache-Vilvorde.
Alors qu’ils n’ont rien d’autre à faire et que c’est pas demain la veille qu’un nouveau gouvernement leur donnera du boulot, comment reprocher aux députés flamands de se réunir dans une salle bien chauffée, de rigoler un peu et de lever le bras pour ne pas s’endormir ? Si Yves Leterme avait eu un peu de jugeote, il aurait fait trancher la question en juillet et le tour était joué. Le tour de France, je veux dire. Tous les jours, les députés se seraient retrouvés devant leur écran télé à suivre les exploits de Tom Boonen au lieu de flemmarder et de voter n’importe quoi. Car le vrai problème des parlementaires, leur profonde frustration, c’est l’ennui. Ces braves gens s’emmerdent et ils sont jaloux de voir Leterme, son hypnotiseur et leurs copains faire bombance. Tout le monde n’a pas la chance de passer ses nuits avec madame Milquet – si M. Nothomb était encore le patron du PSC, aurait-on voté la scission ? Pas sûr !
Bref, il fallait détourner l’attention de ces braves gens, leur donner l’occasion de paraître eux aussi comme des héros devant les caméras. Leur proposer un safari sauvetage type monsieur et ex-madame Sarkozy. Et ils auraient laissé monsieur Leterme jouer. Les prétextes ne manquaient pas : un voyage au Tchad pour ramener le brave pilote belge, un aller-retour à Rangoon pour rapatrier Madame Aung San Suu Kyi, une expédition au Pôle Nord pour ramener quelques ours blancs au zoo d’Anvers afin de leur éviter les coups de soleil. N’importe quel hochet qui les sorte de leur triste anonymat. Allez ! Il est temps de sonner la fin de la récréation et de faire travailler ces messieurs-dames. Ils ne demandent que ça !
Alain Berenboom
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PS : pour comprendre le vrai déchirement d’un pays, lisez l’un des plus beaux romans de la rentrée, « Les belles choses que porte le ciel » de Dinaw Mengestu (Albin Michel), récit d’un Ethiopien échappé de la guerre civile qui a mis son pays en morceaux. Fils d’un avocat massacré par les rebelles, devenu petit épicier à Washington, il raconte avec la verve joyeusement désespérée du conteur le sort terrible d’un déraciné. Superbe façon de rappeler qu’on ne joue pas impunément avec le feu.