Mieux vaut être pauvre …

chronique
Il fait bon être pauvre ces temps-ci. En voyant les somptueuses images du film de Pascale Ferran, quel mâle n’a eu une pensée envieuse pour le pauvre garde-chasse de madame Chatterley ? Un pauvre comblé par les émois de sa superbe patronne – une pauvre petite fille riche qui aime les bois, l’eau pure, et les hommes, les vrais.
A propos d’écologie et de nature, d’autres pauvres ont aussi été à l’honneur au congrès du P.S. ce week-end : les automobilistes pauvres. Annonce inattendue du président, le parti s’opposera désormais au projet de taxe frappant les véhicules polluants. Les voitures sales, a-t-il expliqué sans rire, sont le propre des pauvres. Pas question que les vilains capitalistes de l’industrie automobile se fassent des sous en vendant aux moins nantis des voitures moins polluantes avec la complicité sournoise du ministre des Finances ! Qu’on leur laisse leur tas de ferraille ! Pour un peu, M. Di Rupo aurait expliqué qu’agir ainsi est un acte culturel : les vieilles bagnoles devraient être inscrites au patrimoine de l’humanité avec toutes les grandes figures du patrimoine wallon, le carnaval de Binche, les habitations sociales de Charleroi et le sénateur Onkelinkx.
Comme Henri Simons, frais transfuge d’Ecolo, était dans la salle, le président du P.S.s’est empressé de souligner que son combat en faveur du CO2 des pauvres n’ébranlait en rien sa volonté de combattre la pollution par tous les moyens. Ainsi, le circuit de Francorchamps offrira des auto-collants gratuits vantant les mérites des énergies renouvelables aux bolides qui s’aligneront au prochain grand prix. Le texte des auto-collants risquant d’être difficile à déchiffrer vu la vitesse des véhicules, Henri Simons a annoncé qu’il offrira gratuitement aux spectateurs sa superbe collection de lunettes aux montures vertes. Ainsi, il ne sera plus dit que les pauvres n’ont que leurs yeux pour pleurer.
Vis-à-vis des Flamands, la stratégie de M. Di Rupo est hasardeuse. Avec le plan Marshall, il s’était donné l’image d’un homme politique encourageant les jeunes entrepreneurs dynamiques, les industries performantes, les winners enrichis de demain. Un programme qui avait tout pour plaire à l’élite du Nord. Mais espérer devenir premier ministre après avoir fait campagne sur le thème « laissez aux pauvres de Wallonie le droit de rester pauvres », ce sera difficile. Beaucoup plus difficile. Restera en cas d’échec à se consoler en revoyant « La Traversée de Paris » (le beau film que Claude Autant-Lara avait tiré d’une nouvelle de Marcel Aymé) pour cette scène célèbre où Jean Gabin clame : « Salauds de pauvres ! »

Alain Berenboom
www.berenboom.com